Atelier « ROME DANS TOUS SES ÉTATS » - octobre-novembre 2024
PRÉSENTATION, par Nicole Laval-Turpin
I. Rome entre géographie et étymologie
Ce qui frappe dans l'histoire du Latium, berceau de Rome, c'est l'origine lexicale des noms fondateurs, c'est leur rapport à la terre, à la géographie précisément, cet enracinement du Latin dans son sol. Autre caractéristique, ses rois mythiques viennent d'ailleurs, ce qui justifie peut-être ce fort besoin d'attachement terrien perçu dans maints écrits.
1. Saturne
On l'assimile souvent à son pendant grec Cronos, ainsi serait-il le fils cadet de la Terre, Tellus (cf. Gaïa en Grèce).
Détrôné, il se serait réfugié dans le Latium bien avant la fondation de Rome, rassemblant les hommes sauvages des lieux et leur donnant des lois. Ainsi gouvernés avec douceur, ils se civilisèrent. Et ce fut l'Âge d'or.
On aime rattacher l'origine de son nom au verbe « planter » , satus au participe passé, « ce qui est semé ou planté ». Le nom associé, sator, signifie « semeur » mais aussi « créateur, géniteur », ce qui fait de Saturne un père symbolique et donc fondateur.
2. Évandre
Ayant fui l'Arcadie, au cœur de la Grèce, pour un meurtre commis involontairement, ceci bien avant la chute de Troie, il fut accueilli par le petit-fils de Saturne Faunus qui lui offre une terre. Guidé par sa mère prophétesse, Évandre s'arrête sur un mont qu'il baptise Pallantée, en mémoire de Pallantium, sa patrie arcadienne. Ainsi fut nommé le futur Palatin.
Par son étymologie grecque, Évandre signifierait l'homme du bien (eu + andros). Et en effet, ce roi manifesta sa bonté lorsque devenu très vieux, il reproduisit pour Énée ce que Faunus avait fait pour lui, en accueillant le héros en errance, et lui offrant un lieu où fonder une nouvelle Troie.
3. Latinus
Il devint roi des Aborigènes, peuple mythique du Latium. Il était fils de Faunus, l'équivalent du dieu Pan, ce qui crée là encore un lien avec les forces telluriques et naturelles.
On peut penser que le nom de la région qui devint le berceau de Rome, Latium, a un lien avec celui de son habitant royal.
4. Italos
Encore un héros venu d'ailleurs : roi de l'actuelle Calabre (la Grande Grèce d'alors) il agrandit son territoire jusqu'à Paestum (région de Naples). Son peuple, les Italiotes, habitèrent tout naturellement ce qui devait devenir le nom de tout le pays.
5. Les deux emblèmes
Le fleuve Tibre, qui baigne Rome, tiendrait son nom du roi d'Albe, Tiberinus qui s'y serait noyé. Mais une autre origine semble plus probable : en effet le cours d'eau traverse essentiellement le territoire étrusque. Et son peuple l'appelait Rumon, au départ.
Et de Rumon à Roma, il n'y avait qu'un pas. Voilà ainsi un fleuve et une cité liés à jamais.
II. Rome espace de l'âge d'or
Au-delà de la légende, la rivalité des jumeaux Rémus et Romulus nous enseigne combien la religion, les lois sacrées, participèrent à la fondation romaine.
Lorsque Rémus franchit par dérision (et envie sans doute) le sillon que son frère trace dans la terre pour délimiter l'espace de sa future cité, il commet un sacrilège. En effet, pour les Anciens et leurs prêtres, il s'agissait par la charrue ou par un sceptre de fermer un espace désormais sacré, inviolable, un temple.
Ce mot « temple » ne signifiait à l'origine rien d'autre que « espace coupé », et non « édifice ». La racine indo-européenne Te/oM- désigne en effet « action de couper » (pensez à « a-tome », tome d'un livre, lobo-tomie, etc.). L'enceinte ainsi créée devenait un asylum, un refuge intouchable pour toute personne qui s'y réfugiait. Et cela dura bien au-delà de la légende. La mort de Rémus s'explique donc par des rites immémoriaux bien au-delà d'une querelle de fratrie.