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DE NOMBREUX PEINTRES ET DESSINATEURS DES XVIIe, XVIIIe, XIXe SIÈCLES

ONT ILLUSTRÉ DES SCÈNES DE L'ÉNÉIDE


Livre 01

v. 001-011. Sujet du poème (Enée, après la chute de Troie, sa patrie, vient à travers mille dangers, fonder Rome) et invocation à la muse. Les puissances célestes qui étaient entrées en conflit au sujet des Grecs et des Troyens continuent de faire sentir leurs rancunes et leur haine aux échappés du désastre.
v. 012-033. Une ville est sortie de terre, en face de l'Italie et des bouches du Tibre : Carthage. Junon qui la protège voudrait lui assurer la domination du monde.

01-012-a=Eustache Le Sueur (1616-1655), Venise Seminario Patriarcale

Junon au-dessus de Carthage.

Urbs antiqua fuit, Tyrii tenuere coloni,
Karthago, Italiam contra Tiberinaque longe
ostia, dives opum studiisque asperrima belli ;
quam Juno fertur terris magis omnibus unam
posthabita coluisse Samo; hic illius arma,
hic currus fuit; hoc regnum dea gentibus esse,
si qua fata sinant, jam tum tenditque fovetque.

v. 034-049. Junon, dont la haine pour les Troyens est invétérée, aperçoit une flotte qui vient de quitter la Sicile. C'est la flotte d'Enée. II a rassemblé autour de lui les derniers débris de l'antique royaume de Troie; et les destins l'ont choisi pour fonder en Italie un empire qui ruinera celui de Carthage.
v. 050-080. A la vue de ces matelots joyeux, les anciennes blessures d'amour-propre se réveillent dans le cœur de la déesse. Elle monte sur son char avec la jeune Déïopée et vole vers l'Éolie, où Eole retient les vents. Elle obtient, par sa prière impérieuse et ses promesses, qu'Éole lâche les vents sur la mer.

01-050=Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson (1767-1824), musée d'Orléans

Junon, voulant empêcher les Troyens d'aborder en Italie, va trouver Éole. Son char, entraîné par des paons, est conduit par la jeune vierge Déïopée, qu'elle se propose d'offrir au dieu des vents.

01-050-a=Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824),

Éole, à la demande de Junon, envoie ses vents contre la flotte troyenne. En remerciement, Junon lui offre Déïopée.

Haec ubi dicta, cavum conversa cuspide montem
impulis in latus: ac venti velut agmine facto,
Qua data porta ruunt et rerras turbine perflant.
Incubuere mari totumque a sedibus imis
una Eurusque Notusque ruunt creberque procellis
Africus et vastos volvunt ad litora fluctus.

01-050=Jean-Marie Delaperche (1771-1843), Musée des Beaux Arts d'Orléans

Sous le regard de Junon, Éole déchaîne des vents contre la flotte d'Énée.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-01

Obéissant à Junon, Éole libère les vents.

v. 081-123. S'ensuit une effroyable tempête. Enée apparaît, déplorant amèrement son sort et regrettant de ne pas être mort à Troie. Sous ses yeux coule le vaisseau d'un de ses compagnons; les autres sont dispersés. Les armes et les trésors de Troie flottent sur les vagues démontées.

01-081=Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824)

Les navires des Troyens sont pris dans une effroyable tempête.

Insequitur clamorque virum stridorque rudentum.
Extemplo Aeneae solvuntur frogore membra;
ingemit et duplices tendens ad sidera palmas
talia voce refert: "O terque quaterque beati
quis ante ora patrum Troiae sub moenibus altis
contigit oppetere!…"
Talia jactanti stridens Aquilone procella
velum adversa ferit fluctusque ad sidera tollit.

v. 124-156. Mais Neptune n'admet pas que, sans son ordre, on bouleverse son royaume et il n'a pas même besoin de formuler ses menaces pour que les vents, à toute vitesse, regagnent leurs cavernes. La tempête s'apaise et le soleil reparaît.

01-124=Jean-Marie Delaperche (1771-1843), Musée des Beaux Arts d'Orléans

Neptune intervient à temps pour apaiser la tempête,

01-124-b=Girodet-Trioson (1767-1824),

Neptune, venu sur son char tiré par des hippocampes, apaise la tempête.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835) (1781-1835)-02

Devant les navires des Troyens en grande difficulté, Neptune intime l'ordre aux vents de regagner leur caverne.

v. 157-179. Alors une partie de la flotte, aidée par le dieu, rejoint la côte de Lybie terre et sept navires trouvent un abri dans une anse accueillante où les Troyens épuisés reprennent vie.
v. 180-222. Les sept navires étant en sûreté sur le rivage, Énée et Achate partent explorer ces lieux inconnus; ils en profitent pour chasser; ils abattront sept cerfs, autant de qu'équipages à nourrir.

01-180=Filippo Falciatore (c.1718-1768), Séville, Casa Ducal de Medinaceli

Énée et Achate chassant.

Constitit hic arcumque manu celeresque sagittas
corripuit, fidus quae tela gerebat Achates,
ductoresque ipsos primum capita alia ferentes
cornibus arboreis sternit, tum vulgus et omnem
miscet agens telis nemora inter frondea turbam.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-04

Énée et Achate ont laissé la flotte à l'abri et sont entrés à l'intérieur des terres pour chasser.

v. 223-253. Vénus, auprès de Jupiter, se plaint des malheurs qui accablent les Troyens. Où sont passées les promesses d'un immense empire?
v. 254-296. Jupiter la rassure en dévoilant ce que sera le cours du destin. Après trois ans, puis trente, puis trois cents, Romulus fondera Rome pour un empire sans fin : Rome à son tour vaincra la Grèce et sous l'égide de César sera fermé le temple de la guerre.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-03

Vénus est venue faire part à son père Jupiter de ses inquiétudes concernant l'avenir de son fils Énée.

v. 297-304. Mercure est chargé de disposer favorablement Didon à l'égard des Troyens.
v. 305-334. Accompagné d'Achate, Enée va reconnaître cette terre inconnue. Il rencontre une jeune chasseresse étrangement belle. Elle lui apprend qu'ils sont tout près d'une ville récemment fondée et lui raconte l'histoire de la fondatrice.

01-305-a=Pierre de Cortone (1596-1669),1635, Musée du Louvre

Énée et Achate rencontrent Vénus qui a pris l'aparence d'une chasseresse.

Cui mater media sese tulit obvia silva
virginis os habitumque gerens et virginis arma
Spartanae, vel qualis equos Threissa fatigat
Harpalyce volucremque fuga praeveritur Eurum.

01-305-b=Giacinto Gimignani (1606-1681), coll. privée

Vénus apparaît devant Énée et Achate.

Namque umeris de more habilem suspenderat arcum
venetrix dederatque comam diffundere ventis,
nuda genu nodoque sinus collecta fluentis.

v. 335-359. ette fondatrice, c'est une Phénicienne, Didon. Son frère Pygmalion, roi de Tyr, a égorgé son mari Sychée pour s'emparer de ses trésors. Le crime était resté caché ; mais, une nuit, l'ombre du mort est apparue à la jeune femme, qui ne se savait pas veuve, et lui a conseillé la fuite.
v. 360-371. Elle est partie avec tous ceux que révoltait la tyrannie de Pygmalion ; et les farouches Libyens leur ont permis de construire une ville.
v. 372-409. Comme Enée se présente en malheureuse victime du destin, la chasseresse le rassure, lui prédit bon accueil et le retour de ses vaisseaux et de ses compagnons qu'il croyait perdus et se révèle en reprenant sa véritable apparence: c'est Vénus elle-même. Énée lui reproche son attitude à son égard; mais elle repart vers le ciel.

01-372=Girodet-Trioson (1767-1824), Montargis, musée Girodet

Vénus quitte Énée en emportant son arc.

Quid natum totiens, crudelis tu quoque, falsis
ludis imaginibus ? Cur dextrae jungere dextram
non datur ac veras audire et reddere voces?

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-05

Vénus quitte son fils après avoir repris sa véritable apparence.


v. 410-445. Rendus invisibles grâce à la déesse, les deux Troyens découvrent la grande ville qui se construit dans l'enthousiasme, avec ses quartiers, ses remparts, ses monuments, son port, son théâtre.
v. 446-449. Ils parviennent au centre de la cité où s'élève un temple consacré à Junon.
v. 450-493. Les murs en sont déjà décorés des principaux épisodes de la guerre de Troie : Achille traînant le cadavre d'Hector; Priam tendant au vainqueur ses mains désarmées. Enée se reconnaît lui-même dans la mêlée. Et il est aussi ému qu'Ulysse chez les Phéaciens, quand personne ne sait encore son nom et que l'aède chante ses malheurs.
v. 494-515. Pendant qu'il admire ces douloureuses images, Didon s'avance vers le temple, éclatante de beauté. Elle s'assied sur un trône et commence à rendre la justice. C'est alors qu'Enée voit approcher, poussés par la foule, ses compagnons dont la tempête l'avait séparé.
v. 516-560. Le plus âgé des Troyens, Ilionée, s'adresse à Didon et, avec éloquence, proteste contre l'accueil inhospitalier des indigènes et contre les torches dont on a menacé leurs vaisseaux. Que craint-on de vaincus comme ceux ? Ils sont Troyens. Ils avaient pour roi le grand Enée, un homme supérieur à tous par la piété et le courage. S'il est mort, qu'on leur permette de regagner en Sicile le royaume de leur compatriote Aceste.
v. 561-585. La reine s'excuse de la dure nécessité qui la force d'agir ainsi avec les étrangers. Mais ils peuvent se rassurer. On connaît les Troyens et leurs malheurs. Plût au ciel que leur chef Enée fût entré, lui aussi, au port de Carthage !
v. 586-630. Le nuage se dissipe. Avec Achate, Énée apparaît et se présente à Didon, qui l'accueille avec émotion.

Isaac Moillon (1614-1673), tissage dans les ateliers de la Marche (région d'Aubusson)

Énée et Achate apparaissent devant Didon.

01-586=Antoine Coypel (1661-1722), 1717, Louvre, dépôt au musée Fabre à Montpellier

Enée et Achate, sortant de leur nuage, apparaissent à Didon dans le Temple

Peint pour la Galerie d'Enée au Palais-Royal

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

Énée et Achate apparaissent devant Didon.

 

Didon avec faveur écoute Ilionée
Parlant pour les Troyens du naufrage sauvés.
Le nuage se crève et fait paraître Énée
Ravi de voir les siens à Carthage arrivés.

01-586-b=Nathaniel Dance-Holland (1735-1811), 1760, Londres, Tate Britain

Énée se présente devant Didon.

01-586-c=Girodet-Trioson (1767-1824)

Énée se présente devant la reine Didon.

v. 631- 656. On prépare un banquet somptueux ; on échange des cadeaux: Enée envoie chercher son fils Ascagne qui apportera des présents à la reine.
v. 657-710. Mais Vénus va substituer Cupidon au fils d'Enée, pour qu'il instille l'amour au cœur de la reine. Ascagne est endormi et transporté par Vénus sur le mont Ida. Alors Cupidon quitte ses ailes et son arc pour prendre l'apparence du jeune Ascagne. Il va pouvoir ainsi s'approcher de la reine.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-07

Vénus transporte Ascagne endormi vers le mont Ida.

 

At Venus Ascanio placidam per membra quietem
inrigat, et forum gremio dea tollit in altos
Idaliae lucos. (691-693)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-06

Vénus fait en sorte que Cupidon abandonne son arc et ses ailes et prenne l'apparence du jeune Ascagne.

01-711=Ludovico Stern (1709–1777), musée des Beaux-Arts de Brest

Cupidon-Ascagne invite Énée à s'approcher de Didon

01-711=Michel Corneille, Musée de Meaux

Énée présente à Didon celui qu'il croit son fils Ascagne,

01-657=Giambattista Tiepolo (1696-1770), fresque, Vicence, Villa Valmarana

Enée présente à Didon son fils Ascagne, qui est en réalité le dieu Amour.

Haec oculis, haec pectore toto
haeret et interdum gremio fovet inscia Dido
insidat quantus miserae deus.

v. 711-722. Didon reçoit des mains du faux Iule (c'est l'autre nom d'Ascagne) une robe d'Hélène, un collier de perles d'une fille de Priam. Elle ignore quel dieu puissant elle presse contre son sein: l'image de son époux Sychée pâlit dans sa mémoire. Quand elle l'embrasse, une nouvelle flamme se glisse jusqu'à son cœur si déshabitué de l'amour.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-08

Mise en présence d'Ascagne-Cupidon, Didon, veuve de Sychée, se sent à nouveau amoureuse.

Haec oculis, haec pectore toto
haeret et interdum gremio fovet inscia Dido
insidat quantus miserae deus.

v. 723-747. Les Troyens ont été invités à participer à un banquet dans une haute salle aux lambris revêtus d'or. Les convives, couchés sur des lits de pourpre, ont entendu chanter l'aède Iopas aux sons de sa lyre d'or. Et la reine, tour à tour enjouée et rêveuse, prolonge la fête.

01-711=François de Troy, 1704, château de Sceaux

Le Festin de Didon et Enée

Sous couleur d'un sujet mythologique, l'artiste a représenté en réalité la Cour de Sceaux du duc du Maine (Énée) et de la duchesse (Didon). Selon le Mercure de France : "Tous les personnages y sont dans la ressemblance la plus exacte, disposés et ajustés avec toute la grace, la décence et la convenance qu'exigeaient leurs rangs différents et leurs caractères."

v. 748-756. En fait, Didon n'écoutait pas l'aède, mais elle interrogeait son hôte sur Priam, sur Hector, sur Achille. Finalement, elle le prie de lui faire le récit de ses aventures.

Livre 02

v. 001-013. À la demande de Didon, Enée commence le récit de la chute de Troie.

Isaac Moillon (1614-1673), tissage dans les ateliers de la Marche (région d'Aubusson)


Énée raconte à Didon les malheurs de Troie.

"Immo age et a prima dic, hospes, origine nobis
insidias, inquit, Danaum casusque tuorum
erroresque tuos."
(753-755)

02-001=Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833), Musée des Beaux-Arts de Bordeaux (grande version au Louvre)

Enée raconte à Didon les malheurs de la ville de Troie.

Ascagne (en réalité Cupidon), dans les bras de Didon, lui ôte son anneau nuptial : la reine va cesser d'aimer son mari défunt pour reporter son amour sur le jeune Troyen.

Conticuere omnes intentique ora tenebant.
Inde toro pater Aeneas sic orsus ab alto:
"Infandum, regina, jubes renovare dolorem."

v. 013-039. Les Danaens, usés par la durée de la guerre, ont tenté d'en finir par une ruse: construire un cheval et y enfermer en secret des guerriers ; puis abandonner ce cheval sur le rivage, faire semblant de partir pour Mycènes, pour en réalité se cacher dans l'île proche de Ténédos. Les Troyens devraient faire entrer le cheval dans la ville.
v. 040-056. Le prêtre de Neptune Laocoon, méfiant, tente de raisonner les Troyens et jette sa lance sur le cheval qui gémit.
v. 057-198. Alors des bergers traînent devant Priam un jeune Grec, Sinon. Il raconte que Calchas, soudoyé par Ulysse, avait demandé qu'on l'immolât afin que la flotte obtînt un heureux voyage de retour, et qu'à la veille du sacrifice il s'était sauvé. Quant à ce cheval, les Grecs l'ont construit pour l'offrir à Minerve et réparer leur vol injurieux du Palladium. Mais ils espèrent que son énormité l'empêchera de franchir les portes de la ville, car ils savent que, s'il y pénétrait, Troie porterait la guerre jusque sous les murs de Pélops.
v. 199-227. De l'île de Ténédos, où la flotte des Grecs est allée s'embusquer, deux monstrueux serpents s'avancent sur les eaux calmes, abordent au rivage. Ils saisissent les fils de Laocoon et les étouffent avec Laocoon lui-même dans leurs replis écailleux.

02-199=Pieter Soutman (1580-1657), musée de Bordeaux

Laocoon et ses fils attaqués par deux serpents, .

Bis medium amplexi, bis collo squamea circum
terga dati superant capite et cervicibus altis.
Ipse simil manibus tendit divellere nodos
perfusus sanie vittas atroque veneno ,
clamores simul horrendos ad sidera tollit.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-09

Laocoon et ses deux fils attaqués par les serpents.

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

 

Laocoon et ses deux fils attaqués par des serpents

Laocoon, surpris à l'autel de Neptune
Par deux serpents entrés à nage dans le port ,
Voit périr ses enfants par la même infortune :
Le même noeud les tue et les joint à la mort.

02-199=Pierre Courteys (1520-c. 1600), c. 1560, Musée de Limoges

Le Laocoon

L'un des plus grands émaux jamais réalisés à la Renaissance (76 cm), commandé par Anne de Montmorency.

 

D'après une gravure du groupe en marbre découvert à Rome près des thermes de Trajan en 1506 (actuellement au musée Pio-Clementino du Vatican). Le bras droit du prêtre n'est pas représenté : il n'a été retrouvé qu'en 1905.

v. 228-249. Épouvantés devant l'apparente punition de Laocoonl, les Troyens décident de faire entrer le cheval en ville, malgré les présages et indices défavorables. Et le cheval, chargé d'ennemis, y entre aux chants des jeunes garçons et des jeunes filles.

02-228=Giovanni Domenico Tiepolo (1727-1804), c.1760, Londres National Galery

Les Troyens glissent des roues sous le cheval et le font entrer dans leur ville.

Inscription "Paladi votum" sur le flanc du cheval.

Accingunt omnes operi pedibusque rotarum
subjiciunt lapsus et stuppea vincula collo
intendunt; scandit fatalis machina muros
fera armis. Pueri circum innuptae puellae
sacra canunt funemque manu contingere gaudent;
illa subit mediaeque minans inlabitur urbi.

v. 250-267. La nuit est tombée. La flotte grecque est revenue. Le cheval vomit dans l'ombre sa charge de guerriers.
v. 268-297. Enée dort. Tout à coup il voit en rêve Hector souillé de poussière, sanglant, les pieds encore gonflés par les courroies d'Achille, et les yeux pleins de larmes; et il l'entend lui dire: "Troie s'écroule. Nous avons fait assez pour Priam et pour la patrie. Ilion te confie les objets de son culte et ses Pénates : cherche-leur de nouveaux remparts."

02-268=Jean-Marie Delaperche (1771-1843), Hector apparaît à Énée, musée des Beaux-Arts d'Orléans.

Tempus erat quo prima quies mortalibus aegris
incipit et dono divum gratissima serpit.
In somnis ecce ante oculos maestissimus Hector
visus adesse mihi largosque effundere fletus.

02-268-b=Girodet-Trioson (1767-1824)

L'ombre d'Hector apparaît à Énée pour le conviancre d'abandonner Troie.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-12

L'ombre d'Hector essaie de convaincre Énée d'abandonner Troie.

v. 298-369. Aux cris de la ville, Enée s'éveille et observe d'en haut l'incendie, puis il s'arme. Il rencontre Panthoüs et ses premiers compagnons, et les exhorte au combat.
v. 370-434. Androgée est tué par les Troyens, qu'il a pris pour des Grecs ; Corèbe, fiancé de Cassandre, fait de cette méprise une ruse de guerre, en proposant aux Troyens de revêtir des armes grecques. Leurs succès ponctuels se retournent contre eux, quand Corèbe et les Troyens veulent défendre Cassandre et se font attaquer par les leurs, autant que par les Grecs.
v. 434-525. Le palais de Priam est attaqué: une tour s'effondre, la porte est brisée par Pyrrhus déchaîné, la demeure royale est envahie, ses galeries enrichies d'or, ses cinquante chambres nuptiales, son autel ombragé d'un antique laurier où Hécube et ses filles sont blotties comme des colombes sous l'orage, bientôt rejointes par le vieux Priam.
v. 526-558. Pyrrhus tue Politès, fils de Priam, sous les yeux de ses parents, puis il perce de son épée Priam lui-même.

02-526=Jean-Baptiste Regnault (1754-1829), musée d'Amiens

La mort de Priam

 

"Nunc morere." Hoc dicens altaria ad ipsa trementem
traxit et in multo lapsantem sanguine nati,
Implicuitque comam laeva, dextraque coruscum
extulit ac lateri capulo tenus abdidit ensem.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-10

Devant Hécube et ses filles, Énée vient de tuer Politès et s'apprête à tuer le vieux Priam.

02-526=Jules-Joseph Lefebvre (1834-1912), ENSBA de Paris

La mort de Priam

 

02-526=Jules-Joseph Lefebvre (1834-1912), Musée des Beaux-Arts d'Orléans

La mort de Priam

 

le tableau définitif est à l'ENSBA

02-526=Alexandre Louis Leloir (1843-84), Musée de Guéret

La mort de Priam

v. 559-633. Plein d'horreur à cette vue et seul, Enée songe à sa propre famille; puis il veut châtier Hélène qu'il aperçoit soudain. Mais Vénus apparaît pour l'en empêcher, car ce sont en fait les dieux qui détruisent la ville ; et elle lui promet de l'accompagner toujours dans sa fuite.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-11

Vénus intervient pour empêcher Énée de tuer Hélène.

v. 634-678. Il n'y a plus qu'à fuir, comme l'a dit Hector. Mais Anchise, que Jupiter jadis a effleuré du vent de sa foudre pour s'être vanté d'avoir dormi dans les bras d'une déesse, l'infirme Anchise s'obstine dans sa résolution de rester à Troie et de ne pas survivre à sa patrie.
v. 679-706. En vain son fils le supplie et sa belle-fille Créuse remplit le palais de ses gémissements. Le vieillard ne cède qu'à la vue d'une langue de feu qui jaillit de la tête d'Iule, pendant qu'un coup de tonnerre éclate à sa gauche et qu'une étoile filante rase le faîte de sa demeure. Ces avertissements célestes le décident.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-13

Énée et Créuse essaient de convaincre Anchise de quitter Troie.

 

v. 707-715. Ils partent, Enée portant son père sur ses épaules et tenant Iule par la main. Sa femme les suit à une petite distance pour ne pas attirer l'attention. Rendez-vous est donné à leurs serviteurs et à leurs amis hors de la ville, près d'un temple de Cérès.

02-707=Antoine Coypel (1661-1722), Musée Fabre à Montpellier

Anchise se hisse sur le dos de son fils Énée

02-707=Federico Barocci (1528-1612), 1598, Rome Galerie Borghèse

Énée quitte Troie portant son père Anchise

 

Haec fatus latos umeros subjectaque colla
veste super fulvique insternor pelle leonis,
succedoque oneri; dextrae se parvos Iulus
implicuit sequiturque patrem non passibus aequis;
pone subit conjux.

Isaac Moillon (1614-1673), tissage dans les ateliers de la Marche (région d'Aubusson)

Énée, avec Ascagne, fuyant Troie en flammes en portant son père Anchise.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-14

Énée, son père et son fils quittent Troie en flammes, suivis par Créuse.

02-707=Charles Errard (1606-1689), Musée des Beaux-Arts de Dijon

Énée transportant Anchise

02-707=Carle Van Loo (1705-65), Musée des Beaux-Arts d'Angers

 

Enée sauve son père Anchise et son fils Ascagne de l'incendie de Troie (1729).

 

02-707=Jean Maublanc (1582-1642), Musée des Beaux-Arts de Besançon

Enée et Anchise fuyant Troie,

v. 716-770. Mais Énée s'aperçoit que Créuse ne le suit plus. Désespéré, Enée rentre dans Troie qui achève de brûler et où Ulysse veille à la garde du butin sous des portiques solitaires. Il ne craint pas d'appeler Créuse à haute voix dans les ténèbres.
v. 771-795. L'ombre de Créuse apparaît à Enée. La mère des dieux, Cybèle, l'a emportée parmi ses Nymphes. Elle ne devait pas accompagner son mari dans ses voyages. Mais elle lui prédit son arrivée en Hespérie, sur les bords du Tlbre, et son mariage avec une fille de roi.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-15

L'ombre de Créuse explique à Énée qu'elle ne l'accompagnera pas dans ses aventures.

 

"Quid tantum insano juvat indulgere dolori,
o dulcis conjunx ? Non haec sini numine divum
eveniunt; nec te comitem hinc portare Creusam
fas, aut ille sinit superi regnator Olympi."
(776-779)

v. 796-804. Au lever du jour, Enée rejoint sa petite troupe et s'enfonce dans les montagnes.

 

Livre 03

v. 001-012. Après la décision des dieux de renverser Troie, leurs augures incitent Enée et ses cornpagnons à construire une flotte et à partir. Dès que sa flotte est construite, Enée est allé chercher l'Hespérie et le Tibre en Thrace.
v. 013-068. En Thrace, l'intention d'Énée est de fonder une nouvelle ville à son nom. Alors qu'il commence par sacrifier un taureau blanc, Énée aperçoit un taillis de cornouiller et de myrte dont il a l'idée d'en garnir son autel. Mais alors qu'il en cueille à plusieurs reprises, du suc ensanglanté en jaillit et finit par souiller le sol. Il est alors pris d'effroi en entendant une voix venant d'outre-tombe. Il s'agit de l'ombre de Polydore, fils de Priam, qui surgit en priant Énée, son oncle, de respecter sa sépulture, de lui offrir des funérailles et de fuir cette région, lui apprenant qu'il été assassiné traitreusement par le roi Lycurgue
v. 069-120. Parvenus à Délos, ils interrogent le dieu qui leur répond de chercher la terre d'où leur race est partie : Anchise croit y voir la Crète.
v. 121-191. Départ pour la Crète et fondation de Pergamée. Mais la peste survient. Les Pénates apparaissent alors en songe à Enée pour l'inciter à partir vers l'Hespérie, d'où est issu Dardanus. Anchise reconnaît en ces contrées les prédictions de Cassandre.
v. 192-269. Tempête durant trois jours ; arrivée en mer Ionienne aux rives des Strophades, où les Troyens abattent des animaux. Céléno et les autres Harpyes, des oiseaux rapaces à visage de femme, souillent leur repas et terrifient les hommes, en leur annonçant qu'ils n'élèveront de ville en Italie qu'après avoir "mangé leurs tables".

03-192=François Périer (1594-1649), 1646, musée du Louvre

Enée et ses compagnons combattent les Harpyes

Rursum ex diverso caeli caecisque latebris
turba sonans praedam pedibus circumvolat uncis,
polluit ore dapes. Sociis tunc arma capessant
edico, et dira bellum cum gente gerendum. […]
Sed neque vim plumis ullam nec vulnera tergo
accipiunt.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-16

Dans les îles Strophades, les Troyens doivent lutter contre la Harpye Celeno qui vient souiller leurs repas.

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

Les Troyens aux prises avec les Harpyes

 

Des oiseaux inconnus, les gourmandes Harpies
Infectent de leur bec les mets délicieux.
On les bat, on les chasse: ils s'envolent aux cieux
Et retournent soudain sur les tables servies.

v. 270-293. Des Strophades ils passent non loin de Zacynthe ; ils évitent les écueils d'lthaque; ils aperçoivent les pics nébuleux de Leucate; et ils descendent sur le rivage d'Actium où ils célèbrent des jeux. Puis ils longent l'Epire et abordent à Buthrote.

v. 294-505. C'est près de cette ville qu'Enée rencontre Andromaque; au bord d'un faux Simoïs et devant un tombeau vide, elle offre des libations aux mânes d'Hector. Voyant soudain briller dans la pénombre d'un bois sacré les armes troyennes, Andromaque s'écrie "Où est Hector ?" et tombe évanouie. Elle est maintenant l'épouse d'un fils de Priam, Hélénus, qui, après l'assassinat de Pyrrhus par Oreste, s'est emparé du gouvernement des villes grecques. Hélénus, avec des larmes de joie, reçoit ses compatriotes. Comme il est un roi devin, inspiré d'Apollon, il fait à Enée de longues prédictions, sans pouvoir cependant lui dévoiler tout l'avenir. Les menaces des Harpies ne doivent pas inquiéter le héros; et quand il trouvera sur la rive d'un fleuve italien une laie blanche avec trente nouveau-nés, il aura atteint le siège de son futur empire. Adieux.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)- 17

À Buthrote, près du cénotaphe d'Hector, Andromaque s'évanouit à l'approche d'Énée.

Ut me compexit venientem et Troia circum
arma amens vidit, magnis exterrita monstris
deriguit visu in medio, calor ossa reliquit:
labitur et longo vix tandem tempore fatur.

v. 506-567. La flotte troyenne reprend la mer et suit l'itinéraire qu'Hélénus lui a tracé. Elle traverse le bras de mer qui sépare I'Epire de l'Italie, s'abrite quelques heures derrière le promontoire d'Iapygie et s'éloigne de ces côtes habitées par les Grecs. Elle double le golfe de Tarente.
v. 568-707. Elle relâche en Sicile, près de l'Etna, où elle recueille un pitoyable compagnon d'Ulysse, Achéménide, abandonné chez les Cyclopes, et d'où elle se sauve à l'apparition de Polyphème. Elle laisse derrière elle la baie de Mégare et le cap Pachynum. Enée découvre au loin les villes de Camarine et de Géla, la superbe Agrigente et les palmiers de Sélinonte, et il entre au port de Drépanum.
708-715. Là Anchise meurt. Ni Céléno ni Hélénus ni les autres oracles n'avaient préparé Enée à ce grand deuil. Ils ne lui avaient pas dit non plus qu'il connaîtrait Carthage.
v. 716-718. Final du récit à Didon.

Livre 04

001-089. Didon avoue à sa sœur Anna l'intérêt extraordinaire que lui inspire son hôte. Elle veut d'abord refuser cet amour au nom d'un idéal de fidélité à son premier mari; mais, sur les conseils réalistes de sa sœur, elle renonce à y faire obstacle et l'accueille sans retenue. Elle lui fait découvrir les beautés de sa ville, prête à le recevoir.

04-001=Claude Lorrain (1600-1682), 1675, Kunsthalle Hamburg

Didon fait découvrir Carthage à Énée

 

Nunc media Aeneam secum per moenia ducit
Sidoniasque ostentat opes urbemque paratam.
(74-75)

v. 090-128. Junon veut à tout prix écarter les Troyens de l'Italie: elle propose à Vénus de marier Didon à Enée ; Vénus accepte; elles conviennent des circonstances qui verront l'union du héros et de la reine.

04-090=Girodet-Trioson (1767-1824)

Junon et Vénus se mettent d'accord pour pousser Énée dans les bras de Didon.

…Non adversata petenti
adnuit atque dolis risit Cytherea repertis.
(127-128)


v. 129-172. Une partie de chasse est organisée par la reine. Mais, de par la volonté de Junon, un orage éclate : Didon se réfugie avec Enée dans une grotte solitaire et se donne à lui. Elle couvrira sa faute du nom de mariage.

04-129=Jean Raoux (1677-1734), Musée Fabre à Montpellier

 

Didon et Enée s'apprêtent à partir pour une chasse autour de Carthage.

04-129=Guillaume Guillon-Lethière (1760-1832), Musée du Louvre, en dépôt à Tourcoing 

Sous le regard de Junon, Énée et Didon se retrouvent seuls alors qu'un orage menace.

04-129=Pierre-Henri Valenciennes (1750-1819), 1792, Poitiers musée Sainte-Croix

L'orage vient d'éclater : Énée et Didon cherchent un abri.

Interea magno misceri mumure caelum
incipit, insequitur commixta grandine nimbus,
et Tyrii comites passim et Troiana juventus
Dardaniusque nepos Veneris diversa per agros
tecta metu petiere; ruunt de montibus amnes.

04-129-a=Jakob Philipp Hackert (1737-1807), 1804, Musée d'État de Basse-Saxe, Hanovre

Énée et Didon entrent dans une grotte pour se mettre à l'abri de la pluie.

04-129= Honoré Daumier (1808-1879)

Sous la pluie, Énée et Didon vont entrer dans la grotte.

 

Un brouillard protecteur obscurcissait les cieux;
et comme ils se trouvaient tous deux sans parapluie,
Dans une grotte sombre entrainant son amie,
Énée en ce beau jour vit couronner ses feux

Isaac Moillon (1614-1673), tissage dans les ateliers de la Marche (région d'Aubusson)


Enlacés, Didon et Énée entrent dans la grotte.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-18

Énée et Didon se sont réfugiés dans la grotte.

 

Specuncam Dido dux et Troianus eamdem
deveniunt. Prima et Tellus et pronuba Juno
dant signum
. (165-167)

04-129-b=Pierre Lacour (1745-1815), Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Énée et Didon vont faire l'amour dans la grotte.

 

 

v. 173-218. La Rumeur porte la nouvelle à Iarbas qui avait demandé Didon en mariage; il supplie son père Jupiter de venger l'insulte que lui a faite cette étrangère.
v. 219-295. Jupiter dépêche aussitôt Mercure à Enée. Celui-ci, vêtu comme un Tyrien et tout chamarré des présents de la reine, est occupé à présider aux embellissements de Carthage. Mercure lui fait honte de son inaction et l'incite à quitter Carthage; il lui rappelle sa mission et le trône d'Italie qui est dû à son fils. Enée, intantanément convaincu, décide de préparer secrètement sa flotte et sa fuite et d'attendre une occasion favorable pour avertir Didon.

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

Mercure presse Énée de quitter Didon et Carthage.

 

Énée, à qui le Ciel destine une autre terre,
Goûtait avec Didon les plaisirs de l'amour
Quand Mercure, envoyé par le dieu du Tonnerre,
Le presse de sa part de quitter ce séjour.


v. 296-392. Mais rien n'échappe à Didon : Énée doit lui annoncer qu'il doit partir. Alors Didon, hors d'elle-même, lui reproche sa dissimulation, son ingratitude, sa trahison, sa cruauté. Pourquoi veut-il la fuir, et comment, au mépris même de ses propres intérêts, peut-il l'abandonner quand elle a pour lui affronté la haine des princes libyens et la désaffection de ses sujets? Enée lui répond d'autant plus froidement et durement qu'il veut paraître moins ému. Alors sa fureur éclate ; elle le charge d'injures.

04-296=Francesco de Mura (1696-1782), Musée des Beaux-Arts de Brest

Énée annonce à Didon qu'il doit partir.

 

Sed nunc Italiam magnam Gryneus Apollo,
Italiam Lyciae jussere capessere sortes;
hic amor, haec patria est.
(345-347)

 

04-296=Guido Reni (1575-1642), Musée de Béziers

Les Adieux de Didon et Enée

v. 393-407. Mais, rentrée au palais, revenue de son emportement, prête à s'humilier au fond du cœur, elle a prié sa sœur d'aller implorer l'infidèle, d'obtenir de lui un délai, un pauvre délai qui lui permette de calmer son délire. Les Troyens font ouvertement leurs préparatifs sur le rivage.
v. 408- 473. Didon les voit, impuissante, Enée est demeuré inflexible. La malheureuse, harcelée de sinistres présages, entend la voix de Sychée qui l'appelle. Le hibou pousse son cri funèbre du haut des tours.
v. 474-552. Didon est décidée à mourir. Pour tromper sa sœur, elle feint qu'une sorcière lui a promis de la guérir si on élève un bûcher dans la cour du palais et si l'on y brûle tout ce qui lui reste d'Enée, surtout le lit conjugal qui l'a perdue.
v. 553-583. Mercure apparaît à Enée pendant son sommeil et lui ordonne de partir avant l'aurore. Précipitamment, les Troyens s'embarquent.

04-553=Giambattista Tiepolo (1696-1770), 1757, fresque de la Villa Valmarana, Vicence

Mercure apparaît à Énée endormi pour lui dire de quitter Carthage au plus vite.

 

Aeneas celsa in puppi jam certus eundi
carpebat somnos rebus jam rite paratis.
Huic se forma dei vultu redeuntis eodem
obtulit in somnis rursusque ita visa monere est,
omnia Mercurio similis, vocemque coloremque
et crines flavos et membra decora juventae.
"Nate dea, potes hoc sub casu ducere somnos?"

v. 584-662. Quand, à l'aurore, Didon aperçoit la flotte impitoyable gagnant la haute mer, elle a réuni sur un bûcher les objets qui lui restent d'Enée et, après d'ultimes paroles plus apaisées, elle va se donner un coup qui sera mortel.
v. 663-671. Mais avant de se tuer, elle a lancé des imprécations prophétiques qui se répercuteront dans la lointaine histoire. Puis elle prend place sur le bûcher et se frappe avec l'épée d'Énée.

04-663=École française, 1760, Musée des Beaux-Arts de Besançon

La mort de Didon

 

04-663=Joseph Stallaert (1825-1903), c.1872, Belgique, musées royaux des Beaux-Arts

La mort de Didon

Isaac Moillon (1614-1673), tissage dans les ateliers de la Marche (région d'Aubusson)


La mort de Didon.

04-663-b=Le Guerchin (1591-1666), 1630, Rome, Galerie Spada

La mort de Didon

Tandis que Cupidon s'envole, son œuvre étant accomplie, Didon qui s'est transpercée d'une épée s'effondre sur le bûcher qu'elle a fait préparer et où elle doit être brûlée. A gauche, sa sœur recueille ses dernières paroles. Au loin, on distingue le port de Carthage et les bateaux d'Énée, dont les voiles sont gonflées par le vent du départ.

v. 672-705. Anne, détrompée, accourt et assiste sa sœur à l'agonie. Comme Proserpine refuse la victime qui a devancé l'heure du sacrifice, Junon a pitié de Didon et envoie Iris couper sur la tête de la malheureuse les cheveux qui doivent la vouer à Orcus.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-19

Alors que Didon est mortellement blessée, Iris s'approche pour mettre fin à son agonie.

 

Ter sese attollens cubitoque adnixa levavit,
ter revoluta toro est oculisque errantibus alto
quaesivit caelo lucem ingemuitque reperta.
Tum Juno omnipotens longum miserata dolorem
difficilisque obitus Irim demisit Olympo
quae luctantem animam nexosque resolveret artus.
(690-695)

04-672=Antoine Coypel (1661-1722), 1716, musée Fabre, Montpellier

Iris vient abréger l'agonie de Didon.

04-672=Henry Fuseli (1741-1825), 1781, Centre d'art britannique de Yale

Iris met fin à l'agonie de Didon.

 

Ergo Iris croceis par caelum roscida pennis
mille trahens varios adverso sole colores
devolat et supra caput adstitit : "Hunc ego Diti
sacrum jussa fero teque isto corpore solvo."
Sic ait et dextra crinem secat: omnis et una
dilapsus calor atque in ventos vita recessit.
(700-705)

04-672=Sébastien Bourdon (1616-1671), Musée de Narbonne

Iris met fin à l'agonie de Didon

 

04-672=Simon Vouet (1590-1649), Musée des Beaux-Arts de Dole, 1642

Iris assiste Didon mourante.

 

Livre 05

v. 001-041. Tandis que la flotte troyenne s'éloigne de Carthage, l'âme d'Enée est occupée de sombres pressentiments. Une menace de tempête le ramène en Sicile où le roi Aceste, fils d'une Troyenne, l'accueille joyeusement.
v. 042-103. C'est l'anniversaire de la mort d'Anchise. Enée annonce des jeux en cet honneur. Il fait d'abord libations et sacrifices devant le mausolée, d'où sort, génie du lieu ou gardien du mort, en tout cas merveille rassurante, un serpent d'azur aux écailles mouchetées d'or, qui effleure les offrandes et rentre innocemment sous terre.

05-042=Girodet-Trioson (1767-1824)

Alors qu'Énée fait un sacrifice sur le tombeau d'Anchise, un serpent apparaît.

Dixerat haec, adytis cum lubricus anguis ab imis
septem ingens gyros, septena volumina traxit
amplexus placide tumulum lapsusque per aras,
caeruleae cui terga notae maculosus et auro
squamam incendebat fulgor.

v. 104-113. Les prix à gagner sont exposés à la foule.
v. 114-285. Première épreuve, une régate. Quatre bateaux sont en lice ; après une course très animée et des péripéties spectaculaires, le deuxième au départ l'emporte de justesse. Les capitaines sont récompensés.
v. 286-361. Epreuve de course à pied, frauduleusement gagnée par Euryale. Enée récompense généreusement tous les coureurs.
v. 362-484. Dans le combat des cestes, Entelle est le vainqueur contre un plus jeune plein d'arrogance, Darès. Entelle, d'un seul coup de poing, brise le crâne du taurillon qu'il a gagné.

05-362=Marc-Antoine Raimondi (c.1480-c.1530), d'après Raphaël

Entellus et Darès dans l'épreuve du combat de cestes.

 

Multa viri nequiquam inter se vulnera jactant,
multa cavo lateri ingeminant et pectore vastos
dant sonitus, erratque aures et tempora circum
crabra manus, duro crepitant sub vulnere malae.
(633-636)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-20

Après avoir vaincu Darès dans le combat de ceste, Entellus veut montrer sa force en assommant le taurillon qu'il a gagné.

 

Dixit, et adversi contra stetit ora juvenci
qui donum astabat pugnae, durosque reducta
libravit dextra media inter cornua caestus
arduus, effractosque inlisit in ossa cerebro:
sternitur exanimisque tremens procumbit humi bos.
(477-481)


v. 485-544. Le concours de tir à l'arc consiste à atteindre une colombe vivante attachée en haut d'un mât de navire; c'est une suite d'exploits qui se termine par un prodige. Enée l'interprètera comme un signe favorable.

05-485=Girodet-Trioson (1767-1824)

Épreuve de tir à l'arc.

La flèche de Mnesthée coupe la cordelette qui retenait la colombe, qui peut s'envoler. Alors Eurytion réussit à atteindre l'oiseau en plein vol.


v. 545-603. Les jeunes Troyens (dont les noms annoncent ceux des grandes familles romaines) offrent en spectacle un brillant carrousel dont l'appellation "jeux troyens" garantit l'antiquité.
v. 604-699. Le temps donné à la joie est fini. Junon envoie Iris semer le désordre chez les Troyennes à l'écart sur une plage, découragées. La déesse, déguisée en vieille femme, les pousse à la révolte: qu'elles s'installent en Sicile et, pour ne plus avoir à s'embarquer, qu'elles brûlent les vaisseaux ; ce qu'elles font avec les feux allumés autour du tombeau d'Anchise, emportées par un vent de folie. Découvrant ce malheur avec effroi, les Troyens sont impuissants à arrêter l'incendie. Mais Jupiter, entendant l'appel d'Enée, l'éteint par un orage.

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649.

 

Iris pousse les femmes Troyennes à incendier les navires.

 

Iris descend du Ciel et conseille à ces femmes
Par l'ordre de Junon de brûler les vaisseaux
Et de faire périr, par la fureur des flammes,
Une flotte échappée à la fureur des eaux.

05-604=Claude Lorrain (1605-1682), c.1643, Metropolitan Museum of Art

Excitées par Iris, les Troyennes tentent d'incendier les navires.

v. 700-718. Le Troyen est troublé: doit-il renoncer à l'Italie? Le vieux Nautès lui conseille de laisser en Sicile vieillards, hommes ou femmes, tous ceux qui sont las des aventures et des flots.
v. 719-745. Et, la nuit suivante, dans le mystère du sommeil qui relie les vivants aux morts, son père l'y exhorte et l'avertit qu'aussitôt débarqué en Italie, la Sibylle de Cumes lui ouvrira le gouffre de l'Averne et le conduira vers lui au séjour des ombres.
v. 746-761. Aceste consent à ce que les Troyens, restés en Sicile, fondent une cité qui portera son nom et dont Enée trace l'enceinte avec une charrue.
v. 762-778. Allégée des cœurs débiles, la troupe des exilés lève l'ancre, dans la tristesse générale.
v. 779-826. Vénus intervient auprès de Neptune pour qu'il accorde aux Troyens une belle traversée. Le dieu y consent, mais demande une tête. Puis il disparaît dans son cortège baroque.

05-779=Bénigne Gagneraux, 1779, Musée des Beaux-Arts de Dijon

Vénus vient prier Neptune d'être favorable à Énée.

 

05-779=François Perrier (1594-1649), Musée d'Épinal

Vénus prie Neptune d'être favorable à Énée.

At Venus interea Neptunum exercita curis
adloquitur talisque effundit pectore questus:
"Junonis gravis ira neque exsaturabile pectus
cogunt me,Neptune, preces descendere in omnes." […]
Tum Saturnius, haec domitor maris edit-dit alti:
"Fas omne est,Cytherea, meis te fidere regnis."
(779-800)

v. 827-861. Neptune se contentera d'une seule victime, le pilote Palinure, à qui le dieu du Sommeil veut sans doute faire expier ses longues veilles attentives. Ce dieu l'abuse de vaines images, et, au moment où il s'abandonne, tombe sur lui et le précipite dans les flots.
v. 862-871. Enée s'est aperçu de sa disparition et a pris sa place. La flotte s'approche de l'Italie, son vaisseau en tête et lui-même à la barre.

Livre 06

v. 001-041. Arrivée des navires troyens à Cumes. Pendant que la jeunesse troyenne prépare le campament, Enée part vers le temple d'Apollon et l'antre de la Sibylle, gardienne du bord de l'Averne. Achate le rejoint dans la contemplation des portes du temple. Mais la Sibylle les rappelle à l'ordre pour qu'ils fassent les sacrifices nécessaires.

v. 042-155. Au seuil de l'antre, la Sibylle entre en délire sous l'emprise d'Apollon, et les cent portes s'ouvrent; elle découvre à Enée les guerres à venir. Enée ne s'en étonne pas, mais il souhaite aller chez les morts pour revoir son père. Il le pourra à deux conditions: cueillir dans la forêt un rameau d'or et enterrer le cadavre sans sépulture d'un de ses compagnons .
v. 156-182. Ce cadavre, c'est celui du trompette Misène qui a été noyé par Triton parce que sa conque sonore défiait follement les dieux de la mer. On prépare donc les funérailles de Misène : les Troyens vont dans la foêt chercher le bois nécessaire à la crémation.
v. 183-263. Dans la forêt, des colombes montrent à Enée, sur un chêne, le rameau d'or qu'il rapporte à la Sibylle auprès du lac Averne. Une fois achevés les cérémonies en l'honneur de Misène et les sacrifices prescrits, la Sibylle, avertie par un tremblement de terre, va s'élancer dans le goufre ouvert, accompagnée d'Enée.

06-183=Joseph Mallord William Turner (1775-1851), c.1815, New Haven, Connecticut, États-Unis

Énée et la Sibylle tenant le rameau d'or au bord du lac Averne.

Correspond assez mal à la description de Virgile : "Il y avait une caverne profonde, monstrueuse, avec une ouverture démesurée, rocailleuse, protégée par un lac noir et les ténébres des bois, que pas un oiseau ne pouvait survoler de ses ailes, un tel souffle émanait des noires gorges." ((237 sq)

 

06-183-b=Joseph Mallord William Turner (1775-1851), Londres, Tate Gallery

 

La Sybille tenant le rameau d'or au bord du lac Averne, où se trouve l'entrée des Enfers.

La Sibylle tient une faucille et la branche coupée. Les Parques dansant en arrière-plan et un serpent au premier plan veulent évoquer les mystères des Enfers.

v. 264-294. Après avoir imploré des dieux la permission de dire ce que la ténèbre engloutit, Virgile montre Enée et la Sibylle qui parcourent les premiers passages de l'Orcus où habitent Deuils, Soucis, Maladies… et où se déploie l'arbre aux songes.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-21

Avant d'atteindre le Cocyte, Énée et la Sybille parcourent une allée peuplée de fantômes et de monstres.

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
perque domos Ditis vacuas et inania regna. […]
Vestibulum ante ipsum primisque in faucibus Orci
Luctus et ultrices posuere cubilia Curae,
pallentesque habitant Morbi tristisque Senectus,
et Metus et malesuada Fames ac turpis Egestas… (268 sq)

v. 295-383. Ils atteignent le Cocyte où les ombres des morts assiègent le funèbre passeur Charon. Parmi elles, ils reconnaissent Palinure qui n'a pas reçu de sépulture.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-22

Devant Énée étonné, Charon refuse de prendre dans sa barque les ombres de ceux dont le corps n'a pas été enseveli dans un tombeau et qui devront attendre cent années.

 

Stabant orantes primi transmittere cursum
tendebantque manus ripae ulterioris amore.
Navita sed tristis nunc hos nunc accipit illos,
ast alios longe summotos arcet harena.
(313-316)

   

v. 384-416. A la vue du rameau d'or, Charon accepte de les prendre dans sa barque après en avoir chassé les âmes qui l'occupaient. Ainsi passent-ils le marais du Styx et arrivent-ils près de Cerbère, le monstre à trois têtes

06-384-b=Giuseppe Maria Crespi dit Lo Spagnolo (1665-1747), c.1696, Vienne, Kunsthistorisches Museum.

À la vue du rameau d'or, Charon accepte de prendre Énée et la Sybille dans sa barque.

 

[Vates] aperit ramum qui veste latebat.
… Ille admirans venerabile donum
fatalis virgae longo post tempore visum
caeruleam advertit puppim ripaeque propinquat.
(406-410)

Ciro Ferri (1634-1689), Louvre, dép. Arts graphiques

Charon, poussant sa barque avec une perche, fait traverser Énée et la Sibylle.

 

Gemuit sub pondere cumba
sutilis et multam accepit rimosa paludem.
Tandem trans fluvium incolumis vatemque virumque
informi limo glaucaque exponit in ulva.
(413-416)


v. 417-425. La Sibylle ayant neutralisé Cerbère avec une boulette soporifique, ils peuvent débarquer et s'éloigner de la rive.

06-417=Girodet-Trioson (1767-1824)

Ayant traversé le Styx, Énée et la Sybille affrontent Cerbère.

 

Cerberus haec ingens latratu regna trifauci
personat adverso recubans immanis in antro.
cui vates horrere videns jam colla colubres
melle soporatam et medicatis frugibus offam
obijicit.
(417-421)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-23

Pour endormir Cerbère, la Sybille lui fait avaler un somnifère dans une galette au miel.

v. 426-439. Au delà du fleuve, les deux voyageurs traversent diverses régions. Il y a celle des enfants morts à leur naissance et qui pleurent ; celle des innocents injustement condamnés ; celle des suicidés qui envient maintenant la lumière où l'on souffre, où l'on peine, où l'on endure la pauvreté.
v. 440-476. Dans les Champs des Pleurs, Énée rencontre Didon; mais elle ne répond aux larmes et aux supplications de son ancien amant que par un farouche silence et des regards indignés.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-24

Dans les Champ des Pleurs, Énée retrouve Didon, mais elle refuse de l'entendre.

 

Illa solo fixos oculos aversa tenebat
nec magis incepto vultum sermone movetur
quam si dura silex aut stet Marpesia cautes. (469-471)

06-440=Honoré Daumier (1808-1879)

Énée rencontre Didon aux enfers

 

Horreur ! il aperçoit la femme qui l'adore,
Un poignard dans le cœur et les yeux pleins d'émoi
Qui d'un geste charmant que la pudeur décore,
Lui dit: Cher bien aimé, je me fiche de toi !


v. 477-547. Plus loin, c'est le séjour des hommes d'armes qui tombèrent sur le champ de bataille. Les soldats d'Agamemnon s'enfuient à la vue du héros et de ses armes étincelantes. Parmi ces ombres, Enée découvre Déiphobe, le troisième mari d'Hélène; il lui raconte comment Hélène, qu'il avait épousée, l'avait livré aux Grecs, la nuit du sac de Troie, et comment Ulysse l'Éolide et Ménélas l'avaient affreusement mutilé.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-27

Alors qu'il dormait, Déiphobe avait été livré aux Grecs par Hélène et avait été mutilé par Ulysse et Ménélas.

 

Inrumpunt thalamo, comes additur una
hortator scelerum Aeolides.
(528-529)

v. 548-627. Mais la Sibylle entraîne Énée. Ils laissent à gauche la vaste enceinte du Tartare où les grands criminels expient leurs crimes dans un fracas de gémissements, de coups de fouet et de chaînes. Comme aucune âme pure ne saurait y entrer, la Sibylle lui en évoque les occupants, en particulier le géant Tityos, dont un vautour ronge le foie et les entrailles. Autre supplice : on sert sous les yeux de la victime affamée des mets luxueux, mais l'aînée des Furies l'empêche d'y goûter.

06-548=Girodet-Trioson (1767-1824)

Dans le Tartare, le supplice de Tityos

 

Nec non et Tityon, Terrae omniparentis alumnum,
cernere erat, per tota novem cui jugera corpus
porrigitur, rostroque immanis vultur obunco

immortale jecur tondens fecundaque poenis
viscera rimaturque epulis habitatque sub alto
pectore,nec fibris requies datur ulla renatis.
(595-600)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-25

Parce qu'il avait fait violence à Latone, une des maîtresses de Jupiter, le géant Tityos a été condamné à avoir le foie éternellement rongé par un vautour.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-26

Autre supplice : dès que la victime veut goûter des mets succulents qu'on lui présente, l'aînée des Furies, Alecto, torche levée, lui interdit d'y toucher.

 

Lucent genialibus altis
aurea fulcra toris, epulaeque ante ora paratae
regifico luxu; Furiarum maxima juxta
accubat et manibus prohibet contingere mensas,
exsurgitque facem attollens atque intonat ore.
(603-607)

 

v. 628-636. Ils poursuivent leur chemin ; Enée se purifie avec de l'eau et fixe le rameau d'or au seuil de la porte espérée.
v. 637-665. Ils arrivent ainsi à l'Elysée, où ils apprennent de Musée comment rejoindre Anchise.
v. 666-678. Ils se trouvent dans une campagne baignée d'une lumière de pourpre, dans un monde qui a son soleil et ses étoiles. Des ombres heureuses s'exercent à la palestre ; d'autres luttent; d'autres font des chœurs et des chants. Ce sont les héros, les poètes, les grands hommes, les bienfaiteurs de l'humanité.
v. 679-751. Anchise contemplait à ce moment des âmes innombrables qui voltigeaient, comme des abeilles, autour des eaux du Léthé. Elles attendent la fin de leurs mille années d'épreuve pour retourner sur la terre, purifiées, dans des corps neufs.
v. 752-892. Et le vieux Troyen, heureux de revoir Enée, lui montre et lui nomme celles qui éterniseront son nom et le nom romain, depuis l'Albain Sylvius, le fils que lui donnera Lavinie, jusqu'au fils d'Octavie, la sœur d'Auguste, Marcellus.

06-752=Sebastiano Conca (1680-1764), c. 1738, Sarasota, The John and Mable Ringling Museum of Art, Floride

Énée, guidé par son père, découvre les Champs-Élysées : les uns s'exercent à la lutte, d'autres dansent ou disent des poèmes, d'autres mangent sur l'herbe en chantant…

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

 

Près du Léthé, Anchise montre à Énée ceux qui sont appelés à se succéder dans la Rome future.

 

Énée, après l'horreur des tourments et des flammes,
Contemple le séjour de la Félicité.
Là son père l'aborde et lui montre les âmes
Que le Ciel destinait à sa postérité.

v. 893-901. Reconduits par Anchise, Enée et la Sibylle sortent des Enfers par la porte d'ivoire, celle des songes. Le héros retrouve ses compagnons pour gagner avec eux le port de Caiète où ils s'arrêtent.

06-893=Girodet-Trioson (1767-1824)

Énée quitte les Enfers par la porte d'ivoire.

 

His ibi tum natum Anchises unaque Sybillam
prosequitur dictis portaque emittit eburna.
(897-898)

 

Livre 07

v. 001-036. Du port de Caiète, dont le nom vient de la nourrice d'Enée, qui lui a donné sa sépulture, les navires remontent vers le nord le long de la côte italienne : ils doublent le cap Circé et parviennent à l'embouchure du Tibre.
v. 037-045. Virgile invoque la muse Erato pour qu'elle lui explique l'antique Latium, alors qu'il va dire d'"horribles guerres".
v. 045-058. Il commence ainsi par la famille royale: Latinus, fils du dieu Faunus, puis sa fille Lavinia que Turnus voudrait avoir pour femme, soutenu en cela par l'épouse de Latinus, Amata.
v. 059-080. Puis il évoque le palais, construit autour d'un laurier consacré à Phébus et dont les habitants tirent leur nom de Laurentes, ainsi que des prodiges et présages annonçant la venue des Troyens : abeilles qui se suspendent en grappe à la cime d'un laurier sacré dans la cour intérieure du palais, nimbe de flamme autour de la tête de Lavinia.

07-059=Mirabello Cavalori (c.1515-c.1572), Florence Palazzo Vecchio

Pendant que Latinus allume le feu de l'autel, la flamme gagne la chevelure de la jeune Lavinia, embrase son bandeau royal et sa couronne.

Praeterea, castis adolet dum altaria taedis
et juxta genitorem adstat Lavinia virgo,
visa nefas longis comprendere crinibus ignem,
atque omnem ornatum flamma crepitante cremari
regalisque accensa comas, accensa coronam
insignem gemmis, tum fumida lumine fulvo
involui ac totis Vulcanum spargere tectis.
(71-77)


v. 081-106. Pour les comprendre, Latinus va consulter son père, le dieu prophétique Faunus, qui prédit au roi qu'un gendre lui viendra d'un pays étranger.
v. 107-147. Enée et ses compagnons reconnaissent, quant à eux, dans un mot d'Ascagne la fin de leurs épreuves : les Troyens apaisent leur faim sur la rive du Tibre et, les mets achevés, attaquent les gâteaux de froment sur lesquels ces mets reposaient ; ils mangent ainsi leurs "tables" et la prophétie de Céléno s'accomplit. Alors Énée prie tous les dieux et Jupiter tonne trois fois et déploie une nuée lumineuse : ils sont sûrs d'être arrivés là où sera fondée la ville promise.`

07-107=Girodet-Trioson (1767-1824)

Jupiter se manifeste aux Troyens qui, arrivés dans le Latium, viennent de "manger leurs tables".

Hic pater omnipotens ter caelo clarus ab alto
intonuit radiisque ardentem lucis et auro
ipse manu quatiens ostendit ad aethere nubem.
(141-143)

v. 148-285. Le lendemain, ils partent en reconnaissance sur cette terre, tandis qu'Enée commence à s'installer sur place, tout en envoyant des ambassadeurs à Latinus ; reçus au palais (le temple de Picus), ils découvrent les statues des ancêtres divins du roi et Ilionée répond au roi, qui a reconnu en eux des Dardanides et en Enée le gendre prévu par les oracles pour sa fille.

07-148=Jean-Baptiste Tiepolo (1696-1770), Copenhague, Statens Museum for Kunst

 

Latinus offre sa fille Lavinia à Énée, car il sait que les destins le réclament comme son gendre.

"Hunc illum poscere fata
et reor et, si quid veri mens augurat, opto."
(272-273)

v. 286-340. En apercevant les Troyens parvenus jusqu'au Tibre, Junon décide de se venger en suscitant la guerre entre Latins et Troyens. Pour cela elle fait sortir des Enfers la Furie Alecto.
v. 341-372. Aussitôt la Furie s'en prend à l'épouse de Latinus: Amata. Celle-ci tente d'abord de convaincre son époux en parlant en mère avec assez de tendresse.
v. 373-405. Mais une fois égarée par la fureur d'Alecto, Amata part, telle une ménade possédée par Bacchus, cacher sa fille dans les forêts, où elle est rejointe par d'autres mères; toutes, telles des Bacchantes, manifestent pour le mariage de Lavinia avec Turnus.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-28

A la tête de femmes brandissant des thyrses, Amata, un brandon de pin à la main, bouillante de rage et roulant des yeux sanglants, manifeste pour le mariage de sa fille avec Turnus.

Fama volat, furiisque accensas pectore matres
idem omnes simul ardor agit nova quaerere tecta ;
deseruere domos, ventis dant colla comasque,
ast aliae tremulis ululatibus aethera complent,
pampineasque gerunt incinctae pellibus hastas.
Ipsa inter medias flagrantem fervida pinum
sustinet ac natae Turnique canit hymenaeos,
sanguineam torquens acem.
(392-399)

v. 406-474. Puis la Furie, prenant l'apparence d'une vieille femme, prêtresse de Junon, se rend dans la demeure de Turnus. Il lui résiste d'abord; mais, usant de tout son pouvoir, elle lui inspire une profonde fureur : il appelle aux armes contre les Troyens.
v. 475-539. Elle réalise alors les conditions du premier accrochage en poussant Iule à chasser un cerf apprivoisé par Silvia, la fille de l'intendant du roi. Les paysans accourent aux cris de la jeune fille; les Troyens, de leur côté, se portent au secours d'Iule; un combat s'engage, le sang coule et les premières victimes tombent, dont le jeune Almon et le vieux Galesus.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-30

Iule a atteint d'une flèche le cerf apprivoisé qui était le compagnon de Silvia, la fille de l'intendant.

Saucius at quadrupes nota intra tecta refugit
successitque gemens stabulis questuque cruentus
atque imploranti similis tectum omne replebat.

07-475=Frans Wouters (Anvers, 1612-1659) : D'après une composition de Rubens dont l'esquisse est conservée au Philadelphia Museum of Art.

Les frères de Silvia attaquent Ascagne qui vient de blesser le cerf apprivoisé.

Silvia prima soror palmis percussa lacertos
auxilium vocat et duros conclamat agrestes.
Olli (pestis enim tacitis latet aspera silvis)
improvisi adsunt, hic torre armatus obusto,
stipitis hic gravidi nodis; quod cuique repertum
rimanti, telum ira facit.
(503-508)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-29

Une furieuse bataille s'engage entre la jeunesse troyenne et bergers et bûcherons.

Derexere acies. Non jam certamine agresti,
stipitibus duris agitur sudibusve praeustis,
sed ferro ancipiti decernunt atraque late
horrescit strictis seges ensibus aeraque fulgent
sole lacessita et lucem sub nubila jactant.
(523-527)

v. 540-571. Alecto, son œuvre achevée, regagne le monde infernal.
v. 572-622. Devant les corps du jeune Almon et du vieux Galésus, Turnus appelle au soulèvement; une foule belliqueuse fait le siège du pacifique Latinus pour lui demander qu'il déclare la guerre aux étrangers. Désespéré, le roi renonce à diriger les choses et s'enferme dans son palais. C'est alors Junon elle-même qui fait le geste rituel et ouvre les portes du temple de Janus.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-31

Devant les corps du jeune Almon et du vieux Galésus, Turnus appelle au soulèvement; et Latinus est impuissant à maintenir la paix.

…Ruit omnis in urbem
pastorum ex acie numerus caesosque reportant
Almonem puerum foedatique ora Galaesi
implorantque deos obtestanturque Latinum.
(573-576)

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

 

Junon fait briser la porte du temple de Janus, signe que la guerre est déclarée.

 

Latin arme la paix et refuse la guerre
Pour fermer son empire à des maux inconnus.
Junon, pour l'y porter, descend dessus sa terre
Et brise de sa main les portes de Janus.

v. 623-640. Toute l'Ausonie prend feu, s'arme et s'adonne fiévreusement aux préparatifs de la guerre.
v. 641-817. Invocation aux Muses et catalogue des forces indigènes : treize troupes avec leurs chefs sont présentées dans une liste qui progressivement prend la forme d'un défilé. Mézence, l'Etrusque, est le premier; la Volsque Camille la dernière. Turnus, le douzième, chef de la coalition, la précède.

Livre 08

v. 001-017. Préparatifs à la guerre. Les Latins envoient Venulus en ambassade à Diomède pour lui demander alliance contre les Troyens.
v. 018-085. Anxiété d'Enée. Pendant son sommeil, le dieu du Tibre lui apparaît en songe et lui conseille de remonter le cours de la rivière pour aller trouver l'Arcadien Evandre, établi à Pallantée, sur le site futur de Rome, et dont le peuple est continuellement en guerre avec les Latins. Il lui annonce qu'il a terminé son long voyage, prédit la fondation d'Albe.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-32

Le dieu du Tibre apparaît en songe à Énée: il va lui conseiller de remonter la rivière et d'aller rencontrer l'Arcadien Évandre, établi à Pallantée, dont le peuple est en guerre avec les Latins.

Nox erat, et terras animalia fessa per omnis
alituum pecudumque genus sopor altus habebat,
cum pater in ripa gelidique sub aetheris axe
Aeneas, tristi turbatus pectora bello
procubuit seramque dedit per membra quietem.
Huic deus ipse loci fluvio Tiberinus amoeno
populeas inter senior se attollere frondes
visus ; eum tenuis glauco velabat amictu
carbasus et crinis umbrosa tegebat harundo.
(26-34)

v. 086-101. Enée, à son réveil, invoque le dieu. Au moment du départ, il aperçoit une truie blanche entourée de ses petits, aussi blancs que leur mère. Il remonte le Tibre et arrive à Pallantée (futur mont Palatin).

08-086=Claude Gellée dit Le Lorrain (1600-1682), 1675, Cambridge, Anglesey Abbey.

Par le Tibre, les Troyens arrivent à Pallantée, guidés par Énée qui tient un rameau d'olivier,

Ocius advertunt proras urbique propinquant. […]
Tum pater Aeneas puppi sic fatur ab alta
paciferaeque manu ramum praetendit olivae.
(101+115-116)

 v. 102-183. Rencontre avec les Arcadiens. Réception des Troyens par Pallas, fils d'Evandre, puis par Evandre lui-même qui, ce jour-là, offrait un sacrifice à Hercule aux portes de la ville. Discours d'Enée. Réponse d'Evandre. Ils se reconnaissent des liens de parenté et les Troyens sont reçus avec empressement. Ils sont invités à partager le sacrifice fait en l'honneur d'Hercule.

08-102=Giacinto Gimignani (1606-1681)

Enée et les Troyens font alliance avec le roi Evandre.

 

Excepitque manu dextramque amplexus inhaesit.
Progressi subeunt luco fluviumque relinquunt. (124-125)

v. 184-267. Evandre raconte les faits qui justifient ce sacrifice  : un demi-monstre, Cacus, qui terrifiait la région, vola du bétail à Hercule qui gardait son propre troupeau (pour brouiller les pistes, il traînait les bêtes volées vers sa caverne en les tirant par la queue); Hercule avait réussi à le déloger et à l'assommer.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-37

Cacus traîne vers sa caverne un taureau qu'il a volé à Hercule.

 

At furiis Caci mens effera, nequid inausum
aut intractatum scelerisve dolive fuisset,
quattuor a stabulis praestanti corpore tauros
avertit, totidem forma superante juvencas ;
atque hos, nequa forent pedibus vestigia rectis,
cauda in speluncam tractos versisque viarum
indiciis raptos saxo occultabat opaco :
quaerenti nulla ad speluncam signa ferebant.
(205-212)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-33

Le géant Cacus a beau vomir une épaisse fumée par la bouche, Hercule l'étrangle et le massacre, avant de récupérer ses taureaux.

 

Hic Cacum in tenebris incendia vana vomentem
corripit in nodum complexus et angit inhaerens
elisos oculos et siccum sanguine guttur.
(259-261)

08-184=École nordique, fin XVIe s., marbre, Beaune

Hercule terrassant Cacus


v. 268-305. Les sacrifices en remerciements à Hercule. Les derniers rites du sacrifice s'accomplissent avec le concours de Potitius et des Saliens.
v. 306-369. Enée sur le site des sept collines. Evandre est son guide et lui expose la préhistoire de ce lieu où un jour s'élèvera Rome.
v. 370-453. Pendant ce temps, Vénus va trouver son époux Vulcain. Elle va le séduire pour obtenir de lui qu'il forge pour Enée des armes pour la guerre qui l'attend. La manœuvre réussit sans peine et Vulcain se rend en Vulcanie où les Cyclopes, ses ouvriers, se mettent aussitôt au travail.

08-370=Charles-Joseph Natoire (1700-1777), Musée Fabre, Montpellier

Vénus vient demander à Vulcain des armes pour son fils Enée.

08-370=Charles de La Fosse (1636-1716), vers 1690-1699, Musée d'Arts de Nantes

 

Vénus vient demander à Vulcain des armes pour Enée.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-34

Vénus enveloppe Vulcain de sa tiède et molle étreinte. Et le dieu, incapable de résister, lui promet qu'il va aller faire fabriquer les armes qu'elle demande pour Énée.

 

Dixerat et niveis hinc atque hinc diva lacertis
cunctantem amplexu molli fovet. Ille repente
accepit solitam flammam notusque medullas
intravit calor et labefacta per ossa cucurrit.
(387-390)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-35

Dans sa forge, Vulcain demande à Brontès, Stérepès et Pyracmon de laisser tous leurs travaux en cours pour fabriquer des armes, en particulier un énorme bouclier fait de sept lames superposées.

 

"Tollite cuncta, inquit, coeptosque auferte labores,
Aetnaei Cyclopes, et huc advertite mentem :
arma acri facienda viro. Nunc viribus usus,
nunc manibus rapidis, omni nunc arte magistra.
Praecipitate moras."
(439-443)

08-370=Girodet-Trioson (1767-1824)

 

Les Cyclopes se sont mis au travail

 

Gemit impositis incudibus antrum;
illi inter sese multa vi bracchia tollunt
in numerum, versantque tenaci forcipe massam.
(451-453)

 

08-370=Jean Jouvenet (1644-1717), 1699, Musée des Beaux-Arts de Dijon

 

Vénus, dans l'atelier de Vulcain, s'intéresse à la confection du casque et du bouclier.

 

08-370=Louis et Matthieu Le Nain, Musée des Beaux-Arts de Reims

 

Vénus, dans la forge de Vulcain, s'intéresse à la confection de l'armure.

08-370=Charles-Joseph Natoire (), (c. 1734-41), Autun, musée Rolin

Vénus dans la gorge de Vulcain assiste à la confection de l'armure.

08-370=Attr. à Lucas Auger (1685-1765), Musée de Chalon-sur-Saône

Vénus remercie Vulcain occupé à terminer un magnifique bouclier.

08-370=Attr. à Auger Lucas (1685-1765), 1720, Musée des Beaux-Arts d'Orléans

Vénus remercie Vulcain occupé à terminer un magnifique bouclier.

 

v. 454-519. A Pallantée, les héros s'éveillent. Evandre apprend à Enée que les Etrusques, qui se sont soulevés contre leur féroce roi Mézence, seraient disposés à se joindre à lui contre Turnus, qui soutient la cause de leur tyran. Il lui conseille de s'entendre avec leur chef Tarchon, et il lui donne comme compagnon son fils Pallas avec deux cents cavaliers.
v. 520-540. Encouragé par un prodige que lui envoie Vénus, Enée suit le conseil d'Evandre.
v. 541-584. Adieux pathétiques d'Evandre à Pallas. La troupe s'éloigne.

08-541=Girodet-Trioson (1767-1824)

Adieux d'Évandre à son fils Pallas

 

Tum pater Evandrus dextram complexus euntis
haeret inexpletus lacrimans.
(558-559)

v. 585-625. Le bataillon se dirigeant vers Céré, là où attendent les Etrusques sous la conduite de Tarchon, fait halte dans un bois. A Enée qui s'est un peu éloigné, Vénus apparaît, lui apportant les armes merveilleuses forgées par Vulcain, un équipement complet qui comprend un bouclier.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-36

Vénus apporte à son fils les armes fabriquées par Vulcain.

08-585=Nicolas-André Monsiau (1754-1837), Château de Maisons-Lafitte

Vénus apporte ses armes à Énée

08-585=Nicolas Poussin (1595-1665), 1639, Musée des Beaux-Arts de Rouen

Vénus montrant ses armes à Enée: épée, armure, casque et bouclier.

 

08-585-a=Pompeo Batoni (1708-1787), Liechtenstein Museum, Vienne

Vénus présente à Énée le bouclier forgé et décoré par Vulcain.

 

At Venus aetherios inter dea candida nimbos
dona ferens aderat ; natumque in valle reducta
ut procul egelido secretum flumine vidit,
talibus adfata est dictis seque obtulit ultro :
"En perfecta mei promissa coniugis arte
munera, ne mox aut Laurentis, nate, superbos
aut acrem dubites in proelia poscere Turnum."
Dixit et amplexus nati Cytherea petivit,
arma sub adversa posuit radiantia quercu.
(608-616)

08-585-b=Gérard de Lairesse (1641-1711), Anvers, Musée Mayer van den Bergh.

 

Vénus présente son bouclier à Énée.

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

 

Vénus commente les scènes qui figurent sur le bouclier de Vulcain.

 

Énée était rempli de soucis et d'alarmes
Quand une nue éclate; et, d'un air tout pompeux,
Vénus descend du Ciel qui lui donne des armes
Où l'on voyait gravés les faits de ses neveux.

08-585=Charles de La Fosse (1636-1716), musée des Beaux-Arts de Brest

Énée a pris possession des armes apportées par sa mère.

08-585=Louis de Sylvestre (1675-1760), Montargis

Grâce à Vénus, Énée est équipé pour la guerre.

v. 626-728. Description du bouclier d'Enée, qui illustre quelques étapes majeures de l'histoire future de Rome, depuis la louve allaitant les jumeaux jusqu'à la bataille d'Actium.
v. 729-731. Enée prend le bouclier et le porte à son épaule.

Livre 09

v. 001-068. Junon envoie Iris à la rencontre de Turnus; elle le presse de profiter de l'absence d'Énée et d'aller attaquer le camp des Troyens. Ceux-ci, refusant le combat, s'enferment dans leurs murs.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-38

Iris, envoyée par Junon, presse Turnus de profiter de l'absence d'Énée pour aller attaquer le camp des Troyens.

 

Irim de caelo misit Saturnia Iuno
audacem ad Turnum. Luco tum forte parentis
Pilumni Turnus sacrata ualle sedebat.
Ad quem sic roseo Thaumantias ore locuta est : […]
"Quid dubitas ? Nunc tempus equos, nunc poscere currus.
Rumpe moras omnes et turbata arripe castra."
Dixit et in caelum paribus se sustulit alis
ingentemque fuga secuit sub nubibus arcum.
(2-15)

v. 069-122. Impuissants, les Latins découvrent la flotte cachée dans une courbe du fleuve et veulent l'incendier. Mais Turnus ignorait qu'au moment où, à Troie, on commençait à construire ces navires, Cybèle avait obtenu de Jupiter que ces vaisseaux, construits avec les pins sacrés de l'Ida, pourraient, lorsqu'ils seraient menacés, devenir des divinités marines semblables aux Néréides. De fait la promesse de Jupiter à Cybèle se réalise et les navires se métamorphosent en nymphes marines.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-39

Cybèle avait obtenu de Jupiter que les vaisseaux, construits avec les pins sacrés de l'Ida, pourraient, lorsqu'ils seraient menacés, devenir des divinités marines.

 

"Nunc sollicitam timor anxius angit.
Solve metus atque hoc precibus sine posse parentem :
ne cursu quassatae ullo neu turbine venti
vincantur, prosit nostris in montibus ortas."
(89-92)

09-069=D'après Coypel

Alors que les Latins veulent incendier les navires de la flotte d'Énée, Cybèle les métamorphose en nymphes.

 

… Et sua quaeque
continuo puppes abrumpunt vincula ripis
delphinumque modo demersis aequora rostris
ima petunt. Hinc virgineae (mirabile monstrum)
quot prius aeratae steterant ad litora prorae
reddunt se totidem facies pontoque feruntur.
(117-122)

v. 123-175. Ce prodige n'arrête point Turnus ; il le tourne en risée et investit la ville des Troyens à la tombée du soir; il promet la vraie bataille pour le lendemain. Précautions prises par les assiégés. Turnus rassure ses troupes ; la nuit s'avance.
v. 176-223. Nisus et d'Euryale, deux

jeunes Troyens, proposent à Iule d'échapper à la surveillance des ennemis pour aller prévenir Enée. Nisus fait part de son projet à Euryale, qui exige de l'accompagner.
v. 224-302. Longs passages donnés à la parole avec les chefs troyens, Alétès et Ascagne, qui disent leur immense reconnaissance.
v. 303-350. Ils sortent et traversent le campement des Rutules, qui cuvent leur vin. Nisus, voyant les ennemis sans défense, commence le carnage, imité par Euryale.

09-303=Girodet-Trioson (1767-1824) (1767-1824)

Nisus et Euryale traversent le camp des Rutules en faisant un grand massacre d'ennemis.

Prior Hyrtacides sic ore locutus :
"Euryale, audendum dextra ; nunc ipsa vocat res.
Hac iter est. Tu, ne qua manus se attollere nobis
a tergo possit, custodi et consule longe ;
haec ego vasta dabo et lato te limite ducam."
Sic memorat vocemque premit ; simul ense superbum
Rhamnetem adgreditur, qui forte tapetibus altis
exstructus toto proflabat pectore somnum.
(319-326)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-40

Traversant, l'épée à la main, le camp où dorment les Rutules, qui ont trop bu, Nisus massacre Rhamnès ronflant sur un amoncellement de tapis.

v. 351-449. Puis les deux Troyens s'enfuient dans la forêt. Mais un reflet du casque d'Euryale (ravi à un ennemi) le révèle aux cavaliers latins qui, avec Volcens, rejoignaient les assiégés. Nisus parvient à leur échapper, mais Euryale est pris et tué. Nisus le venge en tuant Volcens et meurt sur le cadavre de son ami.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-41

Voyant que Volcens s'apprête à tuer Euryale, Nisus sort du bois. où il s'était caché. Mais ne pourra empêcher Volcens de tuer son ami. Alors il se précipitera sur Volcens et le tuera, avant d'être tué lui-même.

Saevit atrox Volcens nec teli conspicit usquam
auctorem nec quo se ardens inmittere possit.
"Tu tamen interea calido mihi sanguine poenas
persolves amborum", inquit. Simul ense recluso
ibat in Euryalum. Tum vero exterritus, amens
conclamat Nisus, nec se celare tenebris
amplius aut tantum potuit perferre dolorem.
(420-426)

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

Près du corps d'Euryale, Nisus attaque Volcens avant d'être tué lui-même

 

Euryale est tué par la main de Volcens.
Nise venge sa mort; et son amour fidèle
Contrainte de cèder à l'effort de trois cent
Se joint à son ami par une mort cruelle.

v. 450-472. Le lendemain, les têtes des jeunes gens sont exhibées sur des piques.
v. 473-502. Douleur de la mère d'Euryale, que Actor et Idée emportent dans sa demeure.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-42

La mère d'Euryale vient d'apprendre la mort de son fils.

 

Subitus miserae calor ossa reliquit
excussi manibus radii revolutaque pensa.
(475-476)

09-473=Girodet, Musée des Beaux-Arts d'Orléans

Désespoir de la mère d'Euryale

à gauche, la tête d'Euryale sur une pique
au milieu, Ascagne se voile le visage
à droite, Actor et Idée emportent la mère d'Euryale chez elle.

 

Illam incendentem luctus Idaeus et Actor
Ilionei monitu et multum lacrimantis Iuli
corripiunt interque manus sub tecta reponunt
. (500-502)

v. 503-520. Les Rutules donnent l'assaut et les combats reprennent par des opérations de siège. Les Volsques font en vain la tortue.
v. 521-568. Attaque d'une tour qui est incendiée et s'écroule, faisant beaucoup de victimes.
v. 569-589. Mêlée confuse et meurtrière.
v. 590-671. Premier exploit d'Ascagne, qui tue d'une flèche le jeune et insolent Numanus, beau-frère de Turnus. Apollon et les chefs Troyens l'éloignent du combat.
v. 672-690. Deux Troyens, Pandarus et Bitias, ouvrent la porte qu'ils gardent et défient les ennemis d'entrer dans leurs murs.
v. 691-721. Turnus l'apprend, se précipite, fait un carnage devant la porte, tue Bitias. Mars alors favorise les Latins.
v. 722 -755. Pandarus referme la porte, laissant dehors des compagnons, mais surtout enfermant Turnus qu'il n'a pas vu entrer: le Rutule tue Pandarus d'un coup d'épée.
v. 756 -777. Les Troyens sont en déroute. Mais la fureur du Rutule est telle qu'il ne pense pas à ouvrir la porte aux siens : c'eût été la mort définitive de la race troyenne.
v. 778-818. Enfin les assiégés réagissent; Mnesthée et Séreste rétablissent le combat. Junon n'a plus le droit d'aider son favori et peu à peu les forces abandonnent Turnus. Du rempart qui domine le Tibre il plonge dans le fleuve qui l'accueille et le rend à ses compagnons.

Livre 10

v. 001-117. Assemblée des dieux: Vénus et Junon s'opposent, mais Jupiter ne fera aucune différence entre Troyens et Rutules: il exige qu'on laisse agir les destins.

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

Dans l'assemblée des dieux, Vénus et Junon s'opposent.

 

Jupiter est assis sur son trône de gloire.
Il écoute des dieux les divers sentiments.
Il impose silence, il parle et fait serment:
Le Ciel tremble à sa voix et suspend la victoire.

v. 118-162. L'assaut des Rutules a recommencé avec le jour, et les Troyens faiblissent. Retour d'Enée : il a conclu son alliance avec Tarchon et revient à la tête d'une flotte où sont représentés tous les peuples tyrrhéniens et ligures.
v. 163 -214. Catalogue des Etrusques alliés d'Enée et de leurs navires.
v. 215-259. Des nymphes entourent le navire d'Enée : ce sont les pins de son ancienne flotte, que Cybèle a métamorphosés pour les sauver de l'incendie; elles incitent Enée à secourir rapidement le camp troyen et à prendre son invincible bouclier.
v. 260-307. Arrivée d'Enée et bonheur au camp troyen, surprise pour Turnus ; manœuvres de débarquement réussies pour tous les navires, sauf celui de Tarchon, qui se brise.
v. 308-361. Turnus installe son armée face aux Troyens mais c'est Énée qui part au combat le premier. Il a beau faire beaucoup de morts, lignes troyennes et latines tiennent bon.

10-308=Girodet, Musée des Beaux-Arts d'Orléans

Combat des Troyens contre les Rutules


v. 362-425. Pallas exhorte les Arcadiens à se battre et montre l'exemple: exploits de Pallas.
v. 426-438. Lausus réagit en égal de Pallas, sans duel toutefois, car tous deux rencontreront "un plus grand ennemi".
v. 439-509. Turnus, averti par sa sœur, la nymphe Juturne, du danger que court Lausus, le fils de Mézence, menacé par Pallas, vient à son secours ; il tue Pallas d'un coup de javelot qui traverse le bouclier et s'empare de son baudrier. Les compagnons de Pallas emportent son corps.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-43

Pallas, le fils d'Évandre, a été attaqué par Turnus, qui a lancé contre lui un javelot avec une telle force qu'il a traversé le bouclier et s'est enfoncé dans la poitrine. Alors les compagnons de Pallas emportent son corps, dépouillé par Turnus de son baudrier.

…At socii multo gemitu lacrimisque
impositum scuto referunt Pallanta frequentes.
O dolor atque decus magnum rediture parenti !
Haec te prima dies bello dedit, haec eadem aufert,
cum tamen ingentis Rutulorum linquis acervos.
(505-509)

v. 510-605. A l'annonce de la mort de Pallas, Enée fait un carnage; furieux, il massacre huit jeunes hommes, puis, sans pitié, il égorge Magus.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-44

Énée s'est attaqué à Magus. Celui-ci a essayé d'obtenir sa grâce en lui offrant ses richesses; mais Énée saisit de la main gauche le casque de Magus; malgré ses prières, il lui renversera la tête en arrière et lui plongera dans la gorge son épée jusqu'à la garde.

 

Sic fatus galeam laeva tenet atque reflexa
cervice orantis capulo tenus applicat ensem.
(535-536)

v. 606-632. Mais Junon obtient de Jupiter de soustraire Turnus à la mort.
v. 633-688. Ruse de Junon pour éloigner Turnus des combats: elle forme à partir d'un nuage une image d'Enée qui s'enfuit; désespoir de Turnus quand il comprend.
v. 689-761. Exploits de Mézence; les dieux voient l'égale vaillance des deux camps et plaignent leurs souffrances.
v. 762 -788. Enée blesse Mézence.
v. 789-832. Lausus s'interpose pour sauver son père : il y parvient, mais se fait tuer par Enée qui, pris de pitié, le rend aux siens.

10-789=Wenceslas Hollar (1607-1677)

Enée tue Lausus, le fils de Mézence

 

Validum namque exigit ensem
per medium Aeneas juvenem totumque recondit;
transiit et parmam mucro, levia arma, minacis,
et tunicam, molli mater quam neverat auro,
implevitque sinum sanguis.
(815-819)

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-45

Le roi Etrusque Mézence ayant été blessé par Énée, son fils Lausus s'est précipité à son secours et Énée lui a enfoncé son épée dans la poitrine. Ensuite, pris de pitié, il gourmande les compagnons du jeune homme qui ne savent que faire et il soulève lui-même le corps.

At vero ut vultum vidit morientis et ora,
ora modis Anchisiades pallentia miris,
ingemuit miserans graviter dextramque tetendit,
et mentem patriae subiit pietatis imago. […]
Increpat ultro cunctantes socios et terra sublevat ipsum,
sanguine turpantem comptos de more capillos.
(821-832)

10-789-b=Girodet-Trioson (1767-1824)

Énée rend à son père Mézence le corps de Lausus

 

Lausum socii exanimem super arma ferebant
flentes ingentem atque ingenti vulnere victum.
(841-842)


v. 833-872. Douleur de Mézence blessé à l'annonce de la mort de son fils et retour au combat du père pour venger son fils.
v. 873-908. Duel de Mézence et d'Enée: mort de Mézence.

Livre 11

v. 001-028. Enée dresse le trophée fait des armes de Mézence.
v. 029-099. Enée organise le retour du corps de Pallas à Evandre. Celui-ci se lamente sur le corps de son fils. Obsèques de Pallas.

11-029=Angelica Kauffmann (1765-1798), Ältere kunstgeschichtliche Sammlungen

 

Énée déplore la mort de Pallas, tué par Turnus.

11-029-b=Girodet-Trioson (1767-1824), c. 1792, The Metropolitan Museum, New York

Évandre se lamente sur le corps de Pallas.

 

At non Evandrum potis est vis ulla tenere,
sed venit in medio. Feretro Pallante reposto
procubuit super atque haeret lacrimans gemensque.
(148-150)

v. 100-138. Des Latins viennent demander une trêve pour enterrer les morts : Enée l'accepte; il voudrait même une trêve avec les vivants ; Drancès s'en fera le messager.
v. 139-181. Les Arcadiens apprennent la mort de Pallas et en voient le cortège funèbre; douleur d'Evandre, attendant d'Enée qu'il venge la mort de son fils par celle de Turnus.
v. 182-224. Funérailles des combattants tués, troyens et latins, pendant douze jours ; Drancès essaie d'y exciter les Latins contre Turnus.
v. 225-295. Retour de l'ambassade latine : Diomède refuse de se battre contre Énée. Latinus réunit son conseil pour le détail du rapport : il faut faire la paix avec Enée.
v. 296-301. Réactions diverses au message de Diomède, suivies de trois discours.
v. 302-335. Latinus d'abord propose de donner une terre aux Troyens reconnus comme alliés, ou de leur fournir de quoi aller chercher ailleurs d'autres territoires.
v. 336-375. Drancès rejette sur Turnus la responsabilité de la perte de la cité et de la terreur, propose le mariage de Lavinia avec Enée et affecte de supplier Turnus de ne pas confondre, par orgueil, son intérêt personnel avec celui de la cité.
v. 376-446. Turnus répond d'abord à Drancès, avec ironie ; puis il dit à Latinus qu'une défaite ponctuelle ne signifie pas la perte de la guerre, d'autant qu'il reste des forces, que lui-même a dévoué sa vie aux Latins et à "son beau-père" et qu'il combattra donc Énée. Aucune décision n'en résulte, tandis qu'Enée agit, en mettant ses forces en marche.
v. 447-485. Troubles à l'annonce de l'arrivée d'Énée; Turnus prend en main la riposte à l'extérieur et dans la ville, sous le regard des femmes et des enfants massés sur les remparts.
v. 486-531. Turnus rencontre Camille, reine des Volsques, et convient avec elle d'une double stratégie: dans la plaine, la cavalerie de Camille s'opposera à la cavalerie tyrrhénienne, dans un défilé sur la route des crêtes, lui-même tendra une embuscade à l'infanterie d'Énée.
v. 532-596. Diane raconte à Opis la surprenante histoire de Camille, lui annonce sa mort prématurée et lui ordonne de tuer son futur meurtrier;  elle lui remet une flèche de son carquois, qui vengera la mort de la jeune guerrière.
v. 597-647. Dans la plaine, combat de cavalerie entre les Latins et les Etrusques, alliés d'Enée.
v. 648-724. Exploits de Camille. Le fils d'Aunus l'ayant défiée, elle accepte de descendre de cheval; le cavalier en profite pour tenter de fuir, mais Camille réussit à rejoindre le cheval à la course et elle tue le jeune cavalier.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-46

Camille, la reine des Volsques, défiée par le fils d'Aunus, a accepté de descendre de cheval; le cavalier en a profité pour tenter de fuir, mais Camille a réussi à rejoindre le cheval à la course; elle lui fait front, le saisi par le bride. D'un coup de son épée, elle va tuer le jeune cavalier.

Haec fatur virgo et pernicibus ignea plantis
transit equum cursu frenisque adversa prehensis
congreditur poenasque inimico ex sanguine sumit.
(718-720)

v. 725-759· Poussé par Jupiter, Tarchon ranime la vaillance des Tyrrhéniens; il arrache Vénulus de sa monture et le tue.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-47

Tarchon, le chef des Étrusques et l'allié d'Énée, a réussi à arracher Venulus de sa monture. Alors, le tenant dans ses bras puissants, il l'emporte dans la plaine. Vénulus tente d'écarter la main qui l'a saisi à la gorge, mais cet effort sera vain.

Haec effatus equum in medios, moriturus et ipse
concitat et Venulo adversum se turbidus infert
dereptumque ab equo dextra complectitur hostem
et gremium ante suum multa vi concitus aufert.
Tollitur in caelum clamor, cunctique Latini
convertere oculos. Volat igneus aequore Tarchon
arma virumque ferens ; tum summa ipsius ab hasta
defringit ferrum et partis rimatur apertas,
qua vulnus letale ferat ; contra ille repugnans
sustinet a jugulo dextram et vim viribus exit.
(741-750)

v. 759-867. Arruns, après avoir guetté Camille, la tue alors qu'elle s'est laissée distraire et tenter par l'or de Chlorée. Obéissant à l'ordre de Diane, Opis lance la flèche qui tue Arruns.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-48

Arruns a profité d'une imprudence de Camille pour l'atteindre avec son javelot guidé par Apollon. Camille est mortellement blessée et ses compagnes l'entourent. Elle essaie d'arracher le trait avec sa main, mais la pointe de fer demeure enfoncée entre les côtes; et elle meurt dans les bras de sa compagne Acca. Arruns, bouleversé, s'enfuit et rejoint la foule des combattants.

Concurrunt trepidae comites dominamque ruentem
suscipiunt. Fugit ante omnes exterritus Arruns,
laetitia mixtoque metu, nec jam amplius hastae
credere nec telis occurrere virginis audet. […]
Illa manu moriens telum trahit, ossa sed inter
ferreus ad costas alto stat vulnere mucro :
labitur exsanguis, labuntur frigida leto
lumina, purpureus quondam color ora reliquit.
(805-819)

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

Camille vient d'être mortellement blessée par Arruns. Celui-ci tente de s'enfuir, mais, du haut du ciel, Opis le menace avec l'arc de Diane.

 

Arruns, lâche meurtrier de l'illustre Camille,
Fuyait le châtiment de sa témérité.
Opis, qui le voit fuir, rend sa fuite inutile
Et, par un trait mortel, punit sa lâcheté.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-49

Opis, avait reçu de Diane un arc et un carquois qu'elle devrait utiliser contre celui qui tuerait Camille. Dès qu'elle vit que celle-ci avait succombé, elle épia Arruns, tira une flèche du carquois de Diane, banda son arc, le fit ployer jusqu'à ce que les deux extrémités se rejoignent et que ses deux mains touchent l'une la pointe de fer et l'autre la corde ramenée contre son sein. Et la flèche s'enfonça profondément dans le corps d'Arruns qui expira presque aussitôt.

Aurata volucrem Threissa sagittam
deprompsit pharetra cornuque infensa tetendit
et duxit longe, donec curvata coireb-nt
inter se capita et manibusjam tangeret aequis,
laeva aciel ferri, dextra nervoque papillam.
(858-862)

v. 868- 895. Déroute des Volsques, poursuivis par les Troyens jusque dans la ville latine.
v. 896-905. Retour en urgence de Turnus, qui renonce à son embuscade dans les bois.
v. 906-915. Enée franchit les défilés désormais libres et suit Turnus de près. La nuit force les deux armées à camper sous les murs de la ville.

Livre 12

v. 001-080. Au palais de Latinus. Turnus, devant la tournure dangereuse des événements, se déclare prêt pour le combat singulier. Sagement, le roi tente de le ramener à la raison et de le dissuader d'affronter Enée; mais il ne fait que l'irriter d'avantage. La reine Amata, à son tour, le supplie de ne pas se risquer et ses paroles font rougir Lavinia : Turnus combattra.
v. 081-112. Il se prépare en s'équipant d'armes redoutables; Enée, qui souhaitait vivement cette solution, fait de même.
v. 113-133. Préparatifs pour le combat. Chacun veut en être spectateur.
v. 134-160. Junon informe Juturne, divinité des eaux, sœur de Turnus, que le combat est inégal et qu'elle ne veut pas le regarder. Elle lui confie le soin d'inventer un moyen de faire échouer ce qui se prépare.
v. 161-215. Les protagonistes s'avancent. Enée puis Latinus prononcent solennellement les paroles qui les engagent et fixent les termes du traité.
v. 216-282. L'apparence inquiétante de Turnus donne de l'appréhension aux Italiens. Alors Juturne, déguisée en l'un des leurs, se répand contre ce combat singulier. Elle montre au ciel un combat d'oiseaux dont le sens, limpide, est proclamé par l'augure Tolumnius; il appelle à la révolte et lance son javelot qui atteint la cible la plus sensible. Instantanément, c'est l'explosion.
v. 283-310. De l'épaisse mêlée se détachent quelques morts cruelles. Latinus s'enfuit, emportant ses dieux outragés.
v. 311-323. Enée, désarmé, demande instamment le retour au calme. Une flèche l'atteint. Il doit quitter, en rageant, le terrain.
v. 324-382. L'audace de Turnus est décuplée par le retrait de son rival. Il se livre à carnage particulièrement sanglant.
v. 383-440. Le médecin Iapyx essaie de soigner Enée, sans succès. L'ennemi approche. Alors Vénus intervient et guérit miraculeusement son fils qui regagne aussitôt le combat, après avoir donné à Ascagne une leçon de courage.

12-383=Jean-Charles-Nicaise Perrin (1754-1831), 1787, musée du Louvre

Vénus donne au médecin Iapyx la branche de dictame grâce à laquelle il va pouvoir retirer la flèche qui est entrée dans le corps d'Énée.

 

Hoc Venus obscuro faciem circumdata nimbo
detulit, hoc fusum labris splendentibus amnem
inficit occulte medicans, spergitque salubris
ambrosiae sucos et odoriferam panaceam.
(416-419)

v. 441-467. Sous sa conduite, les Troyens sèment à leur tour la terreur, mais Enée ne recherche que Turnus.
v. 468-499. Sous les traits de Métiscus, cocher de Turnus, Juturne éloigne d'Enée le char de son frère Turnus; la colère d'Enée s'en trouve déchaînée.
v. 500-553. Enée et Turnus, séparément, font un grand carnage.
v. 554-592. Vénus inspire à Enée d'attaquer la ville des Latins. Ses hommes s'y emploient et suscitent la discorde chez les Latins.
v. 593-613. L'affliction des Latins est accrue par l'annonce du suicide d'Amata: la reine s'est tuée, en croyant Turnus mort. Douleur de Lavinia et découragement de Latinus et de toute la ville.
v. 614-696. Turnus, après avoir reconnu sa sœur sous les traits de Metiscus, est instruit par Sacès de l'offensive d'Enée et des malheurs de la ville; il décide d'y retourner et d'affronter seul Enée.
v. 697-709. Enée rejoint Turnus : les deux camps contemplent les héros, stupeur de Latinus.
v. 710-790. Lors des premiers combats, l'épée de Turnus se brise. Tandis qu'Enée poursuit le Rutule qui s'enfuit, Faunus empêche le Troyen de reprendre sa lance et Juturne rend son épée à son frère.
v. 791-842. Jupiter et Junon s'accordent sur les conditions d'alliance des Ausoniens et des descendants de Teucer.
v. 843-886. Jupiter écarte Juturne des combats. Douleur de Juturne.
v. 887-952. Turnus essaie en vain de lancer une pierre énorme contre Enée, qui réussit au contraire à le blesser en lançant un trait contre lui. Il tue le Rutule, malgré ses prières, pour avoir reconnu sur lui le baudrier arraché à son ami Pallas.

12-887-a=Del Po Giacomo (1652-1725), c. 1700, Los Angeles County Museum

Sous le regard des dieux, c'est le combat ultime entre Énée et Turnus.

 

 

François Chauveau (1613-1676)
gravure pour Michel de Marolles, Les Oeuvres de Virgile traduites en prose, Paris, 1649

Turnus tente en vain de lancer une énorme pierre qui servait de borne à un champ.

 

Le généreux Troyen emporte le laurier.
Turne s'efforce en vain contre la Destinée.
Il tombe, il se relève; et sa tête obstinée
Succombe sous le faix du robuste guerrier.

Bartolomeo Pinelli (1781-1835)-50

Turnus, blessé à la cuisse, demande grâce. Énée est sur le point de l'épargner lorsqu'il reconnaît sur son adversaire le baudrier de Pallas. Alors, pour venger le fils d'Évandre, il va plonger son épée dans la poitrine du roi des Rutules.

 

Ille humilis supplexque oculos, dextramque precantem
protendens, "Equidem merui nec deprecor", inquit. […]
…Stetit acer in armis
Aeneas, volvens oculos, dextramque repressit ;
et jam jamque magis cunctantem flectere sermo
coeperat, infelix umero cum apparuit alto
balteus et notis fulserunt cingula bullis
Pallantis pueri…
(930-943)

 

 

12-887-b=Luca Giordano (1634-1705), Florence Palazzo Corsini

Énée plonge son épée dans la poitrine de Turnus.

 

Hoc dicens ferrum adverso sub pectore condit
fervidus; ast illi solvuntur frigore membra
vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras.
(950-952)

 

FIN


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