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TRAIT DE COURAGE DES SÉNATEURS ROMAINS APRÈS LA PRISE DE ROME PAR LES GAULOIS


MBAO-

Dessin de Delaperche (p. 285)

Delaperche a représenté un épisode de la prise de Rome par les Gaulois raconté par Tite-Live et Plutarque. Alors que Tite-Live indique que chaque sénateur est resté dans sa maison, Plutarque les regroupe dans un même lieu près de l'agora. C'est cette option qu'a choisie Delaperche.
Nous sommes en -390. Rome vient d'être prise par les Gaulois. La ville est en flammes, sauf la colline sacrée du Capitole (en haut à gauche), sauvée grâce aux oies du temple de Junon qui, par leurs cris, ont alerté la garnison. Des suppliants, au fond à droite, devant l'aigle superposé à la louve, soulignent le caractère dramatique du moment. Brennus, à cheval à gauche, incite les Gaulois (dont l'un qui tient une massue) à s'avancer vers les vieux magistrats. Ce sont les sénateurs romains, assis sur leur siège curule, avec les attributs de leur rang. Un Gaulois, intrigué par l'immobilité sereine des sénateurs, a tiré la barbe de l'un d'eux, Papirius. En réponse, celui-ci lui a donné, avec son bâton, un coup sur la tête qui l'a fait choir à la renverse.
C'est ce geste qu'a représenté Delaperche.
Mais le Gaulois, seulement blessé, va se relever et tuer le sénateur Papirius.

TITE-LIVE, Histoire romaine, V, 41 :

Romae interim satis iam omnibus, ut in tali re, ad tuendam arcem compositis, turba seniorum domos regressi aduentum hostium obstinato ad mortem animo exspectabant. Qui eorum curules gesserant magistratus, ut in fortunae pristinae honorumque aut uirtutis insignibus morerentur, quae augustissima uestis est tensas ducentibus triumphantibusue, ea uestiti medio aedium eburneis sellis sedere. Sunt qui M- Folio pontifice maximo praefante carmen deuouisse eos se pro patria Quiritibusque Romanis tradant. Galli et quia interposita nocte a contentione pugnae remiserant animos et quod nec in acie ancipiti usquam certauerant proelio nec tum impetu aut ui capiebant urbem, sine ira, sine ardore animorum ingressi postero die urbem patente Collina porta in forum perueniunt, circumferentes oculos ad templa deum arcemque solam belli speciem tenentem. Inde, modico relicto praesidio ne quis in dissipatos ex arce aut Capitolio impetus fieret, dilapsi ad praedam uacuis occursu hominum uiis, pars in proxima quaeque tectorum agmine ruunt, pars ultima, uelut ea demum intacta et referta praeda, petunt; inde rursus ipsa solitudine absterriti, ne qua fraus hostilis uagos exciperet, in forum ac propinqua foro loca conglobati redibant; ubi eos, plebis aedificiis obseratis, patentibus atriis principum, maior prope cunctatio tenebat aperta quam clausa inuadendi; adeo haud secus quam uenerabundi intuebantur in aedium uestibulis sedentes uiros, praeter ornatum habitumque humano augustiorem, maiestate etiam quam uoltus grauitasque oris prae se ferebat simillimos dis. Ad eos uelut simulacra uersi cum starent, M- Papirius, unus ex iis, dicitur Gallo barbam suam, ut tum omnibus promissa erat, permulcenti scipione eburneo in caput incusso iram mouisse, atque ab eo initium caedis ortum, ceteros in sedibus suis trucidatos;  post principium caedem nulli deinde mortalium parci, diripi tecta, exhaustis inici ignes. Cependant à Rome, toutes les précautions une fois prises, autant que possible, pour la défense de la citadelle, les vieillards, rentrés dans leurs maisons, attendaient, résignés à la mort, l'arrivée de l'ennemi; et ceux qui avaient rempli des magistratures curules, voulant mourir dans les insignes de leur fortune passée, de leurs honneurs et de leur courage, revêtirent la robe solennelle que portaient les chefs des cérémonies religieuses ou les triomphateurs, et se placèrent au milieu de leurs maisons, sur leurs sièges d'ivoire. Quelques-uns même rapportent que, par une formule que leur dicta le grand pontife Marcus Folius, ils se dévouèrent pour la patrie et pour les citoyens de Rome. Pour les Gaulois, comme l'intervalle d'une nuit avait calmé chez eux l'irritation du combat, que nulle part on ne leur avait disputé la victoire, et qu'alors ils ne prenaient point Rome d'assaut et par force, ils y entrèrent le lendemain sans colère, sans emportement, par la porte Colline, laissée ouverte, et arrivèrent au forum, promenant leurs regards sur les temples des dieux et la citadelle qui, seule, présentait quelque appareil de guerre. Puis, ayant laissé près de la forteresse un détachement peu nombreux pour veiller à ce qu'on ne fît point de sortie pendant leur dispersion, ils se répandent pour piller dans les rues où ils ne rencontrent personne : les uns se précipitent en foule dans les premières maisons, les autres courent vers les plus éloignées, les croyant encore intactes et remplies de butin. Mais bientôt, effrayés de cette solitude, craignant que l'ennemi ne leur tendit quelque piège pendant qu'ils erraient çà et là, ils revenaient par troupes au forum et dans les lieux environnants. Là, trouvant les maisons des plébéiens fermées avec soin, et les cours intérieures des maisons patriciennes tout ouvertes, ils hésitaient encore plus à mettre le pied dans celles-ci qu'à entrer de force dans les autres. Ils éprouvaient une sorte de respect religieux à l'aspect de ces nobles vieillards qui, assis sous le vestibule de leur maison, semblaient à leur costume et à leur attitude, où il y avait je ne sais quoi d'auguste qu'on ne trouve point chez des hommes, ainsi que par la gravité empreinte sur leur front et dans tous leurs traits, représenter la majesté des dieux. Les Barbares demeuraient debout à les contempler comme des statues ; mais l'un d'eux s'étant, dit-on, avisé de passer doucement la main sur la barbe de Marcus Papirius, qui, suivant l'usage du temps, la portait fort longue, celui-ci frappa de son bâton d'ivoire la tête du Gaulois, dont il excita le courroux. Ce fut par lui que commença le carnage; presque aussitôt tous les autres furent égorgés sur leurs chaises curules. Les sénateurs massacrés, on n'épargna plus rien de ce qui respirait; on pilla les maisons, et, après les avoir dévastées, on les incendia."

PLUTARQUE, Vie de Camille, 22

Brennus, étant maître de Rome, fit environner le Capitole par un corps de troupes, et conduisit le reste à la grande place. Là, à l'aspect de tous ces vieillards qui, assis avec leurs ornements, et dans un profond silence, restèrent immobiles à l'approche des ennemis, et qui, sans changer de visage ni de couleur, sans donner le moindre signe de crainte, se regardaient les uns les autres, tranquillement appuyés sur leurs bâtons, il fut saisi d'admiration. Un spectacle si extraordinaire frappa tellement les Gaulois, que, les regardant comme des êtres divins, ils n'osèrent pendant longtemps ni les approcher ni les toucher. Enfin l'un d'entre eux s'étant hasardé d'approcher de Manius Papirius, lui passa doucement la main sur la barbe, qui était fort longue. Papirius le frappa de son bâton sur la tête, et le blessa. Alors le Barbare tire son épée et le tue. Puis les Gaulois se jettent sur les autres, et les massacrent tous : ayant ensuite fait main basse sur ce qui s'offrit à eux, ils passèrent plusieurs jours à piller, à saccager la ville, et finirent par y mettre le feu et par la détruire.

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