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CYPARISSE EST ÉCRASÉ DE DOULEUR SUR LE CORPS DE SON CERF QU'IL A TUÉ PAR MÉGARDE


Dans l'île de Céos, le jeune Cyparissus avait domestiqué un cerf. Mais un jour, par mégarde, il le tua d'une flèche. Accablé, il demanda aux dieux de ne pas survivre à sa douleur. C'est pourquoi il fut métamorphosé en cyprès (cupressus).

Norblin de la GOURDAINE (1796-1884), Cyparisse mourant [sic] sur son cerf, 1827, huile sur toile

OVIDE, Métamorphoses, X, 106-142

Adfuit huic turbae metas imitata cupressus,
Nunc arbor, puer ante deo dilectus ab illo
Qui citharam nervis et nervis temperat arcum.
Namque sacer nymphis Carthaea tenentibus arva
Ingens cervus erat lateque patentibus altas
Ipse suo capiti praebebat cornibus umbras.
Cornua fulgebant auro demissaque in armos
Pendebant tereti gemmata monilia collo.
Bulla super frontem parvis argentea loris
Vincta movebatur parilique aetate; nitebant
Auribus e geminis circum cava tempora bacae;
Isque metu vacuus naturalique pavore
Deposito celebrare domos mulcendaque colla
Quamlibet ignotis manibus praebere solebat.
Sed tamen ante alios, Ceae pulcherrime gentis,
Gratus erat, Cyparisse, tibi; tu pabula cervum
Ad nova, tu liquidi ducebas fontis ad undam;
Tu modo texebas varios per cornua flores,
Nunc eques in tergo residens huc laetus et illuc
Mollia purpureis frenabas ora capistris.
Aestus erat mediusque dies solisque vapore
Concava litorei fervebant bracchia Cancri;
Fessus in herbosa posuit sua corpora terra
Cervus et arborea frigus ducebat ab umbra.
Hunc puer imprudens jaculo Cyparissus acuto
Fixit et, ut saevo morientem vulnere vidit,
Velle mori statuit. Quae non solacia Phoebus
Dixit et ut leviter pro materiaque doleret
Admonuit ! Gemit ille tamen munusque supremum
Hoc petit a superis, ut tempore lugeat omni.
Jamque, per immensos egesto sanguine fletus,
In viridem verti coeperunt membra colorem
Et modo qui nivea pendebant fronte capilli
Horrida caesaries fieri sumptoque rigore
Sidereum gracili spectare cacumine caelum.
Ingemuit tristisque deus : « Lugebere nobis
Lugebisque alios aderisque dolentibus » inquit.

Au milieu de cette forêt qu'on vit obéissant au charme des vers, parut aussi le cyprès, verdoyante pyramide, jadis jeune mortel cher au dieu dont la main sait également manier l'arc et la lyre. Dans les champs de Carthée errait un cerf fameux consacré aux Nymphes de ces contrées. Un bois spacieux et doré orne sa tête; un collier d'or pare son cou, flotte sur ses épaules; attachée par de légers tissus, une étoile d'argent s'agite et brille sur son front. À ses oreilles pendent deux perles éclatantes, égales en grosseur. Libre de toute crainte, affranchi de cette timidité aux cerfs si naturelle, il fréquente les toits qu'habitent les humains. Il présente volontiers son cou aux caresses d'une main inconnue. Mais qui l'aima plus que toi, jeune Cyparissus, le plus beau des mortels que l'île de Cos ait vu naître ? Tu le menais dans de frais et nouveaux pâturages; tu le désaltérais dans l'eau limpide des fontaines : tantôt tu parais son bois de guirlandes de fleurs; tantôt, sur son dos assis, avec un frein de pourpre, tu dirigeais ses élans, tu réglais sa course vagabonde. C'était vers le milieu du jour, lorsque le Cancer aux bras recourbés haletait sous la vapeur brûlante des airs. Couché sur le gazon, dans un bocage épais, le cerf goûtait le frais, le repos, et l'ombre. Cyparissus imprudemment le perce de son dard; et le voyant mourir de cette blessure fatale, il veut aussi mourir. Que ne lui dit pas le dieu du jour pour calmer ses regrets ! en vain il lui représente que son deuil est trop grand pour un malheur léger. Cyparissus gémit, et ne demande aux dieux, pour faveur dernière, que de ne jamais survivre à sa douleur. Cependant il s'épuise par l'excès de ses pleurs. De son sang les canaux se tarissent. Les couleurs de son teint flétri commencent à verdir. Ses cheveux, qui naguère ombrageaient l'albâtre de son front, se hérissent, s'allongent en pyramide, et s'élèvent dans les airs. Apollon soupire : "Tu seras toujours, dit-il, l'objet de mes regrets. Tu seras chez les mortels le symbole du deuil et l'arbre des tombeaux".

Pour comparaison :

– Statue d'Anselme FLMEN (1647-1717), Cyparisse caressant son cerf (1687), allée royale du parc de Versailles

Cyparissus, peinture de Jacopo VIGNALI (1592-1664), Musée des Beaux-Arts de Strasbourg


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