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CORIOLAN

 

SA MÈRE ET SA FEMME VIENNENT DANS LE CAMP DES VOLSQUES POUR SUPPLIER CORIOLAN

Condamné à l'exil par le peuple romain qui n'admit pas sa politique ologarchique, le général Caius Marcus Coriolan se réfugia chez les Volsques. Poussé par le désir de se venger, il les incita à entrer en guerre contre les Romains et prit lui-même le commandement d'une armée. Le Sénat l'ayant en vain supplié de ne pas porter les armes contre sa patrie, sa mère, Véturie, et sa femme Volumnie vinrent implorer sa clémence. Coriolan, convaincu par leurs prières, ordonna à ses troupes de se retirer.

MBAO-

Louis GALLOCHE (1670-1761), Coriolan dans le camp des Volsques, 1747

PLUTARQUE, Vie de Coriolan, 34
Ἐκ τούτου τά τε παιδία καὶ τὴν Οὐεργιλίαν ἀναστήσασα, μετὰ τῶν ἄλλων γυναικῶν ἐβάδιζεν εἰς τὸ στρατόπεδον τῶν Οὐολούσκων. Ἡ δ' ὄψις αὐτῶν τό τ' οἰκτρὸν καὶ τοῖς πολεμίοις ἐνεποίησεν αἰδῶ καὶ σιωπήν. Ἐδίκαζε δ' ὁ Μάρκιος, ἐπὶ βήματος καθεζόμενος μετὰ τῶν ἡγεμονικῶν. Ὡς οὖν εἶδε προσιούσας τὰς γυναῖκας, ἐθαύμασεν· ἐπιγνοὺς δὲ τὴν μητέρα πρώτην βαδίζουσαν, ἐβούλετο μὲν ἐμμένειν τοῖς ἀτρέπτοις ἐκείνοις καὶ ἀπαραιτήτοις λογισμοῖς, γενόμενος δὲ τοῦ πάθους ἐλάττων καὶ συνταραχθεὶς πρὸς τὴν ὄψιν, οὐκ ἔτλη καθεζομένῳ προσελθεῖν, ἀλλὰ καταβὰς θᾶττον ἢ βάδην καὶ ἀπαντήσας, πρώτην μὲν ἠσπάσατο τὴν μητέρα καὶ πλεῖστον χρόνον, εἶτα δὲ τὴν γυναῖκα καὶ τὰ τέκνα, μήτε δακρύων ἔτι μήτε τοῦ φιλοφρονεῖσθαι φειδόμενος, ἀλλ' ὥσπερ ὑπὸ ῥεύματος φέρεσθαι τοῦ πάθους ἑαυτὸν ἐνδεδωκώς. Ἐπεὶ δὲ τούτων ἄδην εἶχε καὶ τὴν μητέρα βουλομένην ἤδη λόγων ἄρχειν ᾔσθετο, τοὺς τῶν Οὐολούσκων προβούλους παραστησάμενος, ἤκουσε τῆς Οὐολουμνίας. En finissant ces mots, elle prend ses petits-fils, fait lever Virgilie, et se rend avec les autres femmes au camp des Volsques, qui, saisis de respect à leur vue et touchés de compassion, se tinrent dans le plus profond silence. Coriolan était assis sur son tribunal, environné de tous ses officiers. La vue de ces femmes le surprit d'abord; mais, lorsqu'il eut reconnu sa femme qui marchait à leur tête, il voulut soutenir son caractère d'obstination et d'inflexibilité : bientôt, vaincu par sa tendresse, et n'étant plus maître de son émotion, il n'a pas le, courage de l'attendre sur son tribunal; il descend avec précipitation, s'élance au-devant d'elle, se jette à son cou, la tient longtemps embrassée : pressant ensuite tour à tour sur son sein sa mère et ses enfants, il leur prodigue les plus tendres caresses, les couvre de ses larmes et s'abandonne au sentiment de la nature comme à un torrent qu'il ne saurait contenir. Quand il eut, pour ainsi dire, rassasié sa tendresse, et qu'il vit que sa mère voulait parler, il se fit entourer par les officiers voisques et écouta Volumnie.

 

TITE-LIVE, Histoire romaine, II, 40
Tum matronae ad Veturiam, matrem Coriolani, Volumniamque uxorem frequentes coeunt. Id publicum consilium an muliebris timor fuerit, parum conuenit; peruicere certe, ut et Veturia, magno natu mulier, et Volumnia duos paruos ex Marcio ferens filios secum in castra hostium irent, et, quoniam armis uiri defendere urbem non possent, mulieres precibus lacrimisque defenderent. Vbi ad castra uentum est nuntiatumque Coriolano est adesse ingens mulierum agmen, primo, ut qui nec publica maiestate in legatis nec in sacerdotibus tanta offusa oculis animoque religione motus esset, multo obstinatior aduersus lacrimas muliebres erat. Dein familiarium quidam, qui insignem maestitia inter ceteras cognouerat Veturiam inter nurum nepotesque stantem, "nisi me frustrantur" inquit, "oculi, mater tibi coniunxque et liberi adsunt". Coriolanus prope ut amens consternatus ab sede sua cum ferret matri obuiae conplexum, mulier in iram ex precibus uersa "sine, priusquam conplexum accipio, sciam" inquit, "ad hostem an ad filium uenerim, captiua materne in castris tuis sim. In hoc me longa uita et infelix senecta traxit, ut exulem te, deinde hostem uiderem ? Potuisti populari hanc terram, quae te genuit atque aluit ? Non tibi quamuis infesto animo et minaci (perueneras) ingredienti fines ira cecidit ? Non, cum in conspectu Roma fuit, succurrit : Intra illa moenia domus ac penates mei sunt, mater, coniunx liberique ? Ergo ego nisi peperissem, Roma non oppugnaretur; nisi filium haberem, libera in libera patria mortua essem. Sed ego nihil iam pati nec tibi turpius nec mihi miserius possum nec, ut sim miserrima, diu futura sum; de his uideris, quos, si pergis, aut inmatura mors aut longa seruitus manet". Vxor deinde ac liberi amplexi, fletusque ab omni turba mulierum ortus et conploratio sui patriaeque fregere tandem uirum. Conplexus inde suos dimittit; ipse retro ab urbe castra mouit. Abductis deinde legionibus ex agro Romano inuidia rei oppressum perisse tradunt alii alio leto. Alors, les dames romaines se rendent en foule auprès de Véturie, mère de Coriolan, et de Volumnie sa femme. Cette démarche fut-elle le résultat d'une délibération publique, ou l'effet d'une crainte naturelle à ce sexe ? je ne saurais le décider. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elles obtinrent que Véturie, malgré son grand âge, et Volumnie, portant dans ses bras deux fils qu'elle avait eus de Marcius, viendraient avec elles dans le camp des ennemis, et que, femmes, elles défendissent, par les larmes et les prières, cette ville que les hommes ne pouvaient défendre par les armes. Dès qu'elles furent arrivées devant le camp, et qu'on eut annoncé à Coriolan qu'une troupe nombreuse de femmes se présente; lui que, ni la majesté de la république, dans la personne de ses ambassadeurs, ni l'appareil touchant et sacré de la religion, dans la personne de ses prêtres, n'avait pu émouvoir, se promettait d'être plus insensible encore à des larmes féminines. Mais, quelqu'un de sa suite ayant reconnu, dans la foule, Véturie, remarquable par l'excès de sa douleur, debout au milieu de sa bru et de ses petits-enfants, vint lui dire : « Si mes yeux ne me trompent, ta mère, ta femme et tes enfants sont ici. » Coriolan, éperdu et comme hors de lui-même, s'élance de son siège, et court au-devant de sa mère pour l'embrasser; mais elle, passant tout à coup des prières à l'indignation : « Arrête, lui dit-elle, avant de recevoir tes embrassements, que je sache si je viens auprès d'un ennemi ou d'un fils; et si dans ton camp je suis ta captive ou ta mère ? N'ai-je donc tant vécu, ne suis-je parvenue à cette déplorable vieillesse, que pour te voir exilé, puis armé contre ta patrie ? As-tu bien pu ravager cette terre qui t'a donné le jour, et qui t'a nourri ? Malgré ton ressentiment et tes menaces, ton courroux, en franchissant nos frontières, ne s'est pas apaisé à la vue de Rome; tu ne t'es pas dit : derrière ces murailles sont ma maison, mes pénates, ma mère, ma femme et mes enfants ? Ainsi donc, si je n'avais point été mère, Rome ne serait point assiégée; si je n'avais point de fils, je mourrais libre dans une patrie libre. Pour moi, désormais, je n'ai plus rien à craindre qui ne soit plus honteux pour toi, que malheureux pour ta mère, et quelque malheureuse que je sois, je ne le serai pas longtemps. Mais, ces enfants, songe à eux : si tu persistes, une mort prématurée les attend ou une longue servitude. » À ces mots, l'épouse et les enfants de Coriolan l'embrassent; les larmes que versent toutes ces femmes, leurs gémissements sur leur sort et sur celui de la patrie, brisent enfin ce cœur inflexible; après avoir serré sa famille dans ses bras, il la congédie, et va camper à une plus grande distance de Rome; ensuite, il fit sortir les légions du territoire romain, et périt, dit-on, victime de la haine qu'il venait d'encourir.

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