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LE CONSUL LUCIUS JUNIUS BRUTUS ASSISTE À L'EXÉCUTION DE SES DEUX FILS


En -509, Tarquin le Superbe régnait sur Rome depuis 25 ans lorsque Lucius Junius Brutus conduit contre lui un soulèvement armé. Le peuple vote alors l'abolition du pouvoir royal. Brutus quant à lui obtient le soutien des soldats de Tarquin. Les comices centuriates se réunissent et élisent pour consuls Brutus et Collatin (ce dernier sera ensuite remplacé par Publius Valerius Publicola). Mais une conspiration de sympathisants du roi déchu est découverte parmi les fils de certaines familles aristocratiques. Deux fils de Brutus, Titus et Tiberius, y sont impliqués. Les consuls arrêtent et emprisonnent les traîtres. Lors du jugement de ses deux fils, Brutus prononce, dans sa fonction officielle, la sentence condamnant ses fils et assiste à leur exécution.

Brutus condamnant ses fils à mort est un tableau de Lethière (1812, musée du Louvre). C'est une vaste toile de 7,62 m de long sur 4,36 m de large. La scène se passe au Forum. Brutus, ayant à sa droite Collatin, son collègue, est assis sur une estrade qui domine le lieu de l'exécution Brutus reste insensible aux supplications de ceux qui demandent la grâce. Derrière les consuls, les sénateurs sont rangés sur un double rang, devant un piédestal qui supporte la figure en bronze de la Louve. Au centre de la composition, deux licteurs emportent sur leurs épaules le cadavre de l'un des fils de Brutus, entièrement enveloppé dans une draperie, alors que le bourreau est déjà tourné vers l'autre fils, qui aura le même sort.

 

Esquisse de Guillon-Lethière, au MBAO Copie par François Bouchot, au MBAO (dépôt de Chartres)

 

Le tableau de Guillon-Lethière, 1812, au Louvre


TITE-LIVE, II, 5, 5-10

Direptis bonis regum damnati proditores sumptumque supplicium, conspectius eo, quod poenae capiendae ministerium patri de liberis consulatus inposuit, et, qui spectator erat amouendus, eum ipsum fortuna exactorem supplicii dedit.

Stabant deligati ad palum nobilissimi iuuenes; sed a ceteris, uelut ab ignotis capitibus, consulis liberi omnium in se auerterant oculos, miserebatque non poenae magis homines quam sceleris, quo poenam meriti essent: illos eo potissimum anno patriam liberatam, patrem liberatorem, consulatum ortum ex domo Iunia, patres, plebem, quidquid deorum hominumque Romanorum esset, induxisse in animum, ut superbo quondam regi, tum infesto exuli proderent.

Consules in sedem processere suam, missique lictores ad sumendum supplicium. Nudatos uirgis caedunt securique feriunt, cum inter omne tempus pater uultusque et os eius spectaculo esset eminente animo patrio inter publicae poenae ministerium.

Après le pillage des biens de la famille royale, on condamna les traîtres au supplice ; et ce supplice fut d'autant plus remarquable que le consulat imposa à un père l'obligation de faire donner la mort à ses propres enfants, et que le sort choisit précisément pour assister à l'exécution celui qui aurait dû être éloigné d'un pareil spectacle.

On voyait attachés au poteau des jeunes gens de la plus haute noblesse; mais les regards se détournaient de tous les autres, comme s'ils eussent été des êtres inconnus, pour se fixer uniquement sur les fils du consul ; et l'on déplorait peut-être moins leur supplice que le crime qui l'avait mérité. Comment concevoir que ces jeunes gens aient pu, dans cette même année, former le dessein de trahir la patrie à peine délivrée, leur père, son libérateur, le consulat qui a pris naissance dans leur famille, le sénat, le peuple, tous les dieux et tous les citoyens de Rome, pour les livrer à un scélérat qui, jadis tyran orgueilleux, ose maintenant les menacer du lieu de son exil ?

Les consuls viennent s'asseoir sur leurs chaises curules, et ordonnent aux licteurs de commencer l'exécution. Aussitôt ceux-ci dépouillent les coupables de leurs vêtements, les frappent de verges, et leur tranchent la tête. Pendant tout ce temps, les regards des spectateurs étaient fixés sur le père ; on observait le mouvement de ses traits, l'expression de son visage, et l'on put voir percer les sentiments paternels au milieu de l'accomplissement de la vengeance publique.


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