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BONDAROY
LE CHÂTEAU DE JEAN DE LA TAILLE
wiki - FlyAkwa - 2009
C'est dans les premières années du XIVe siècle que Philippe le Bel donna à un Jean de la Taille, grand maître des Eaux-et-Forêts, la petite forteresse de Bondaroy, près de Pithiviers. Cette forteresse a été détruite pendant la guerre de Cent Ans et reconstruite vers 1450 par Martin de La Taille (1408-1488) puis par Étienne de La Taille.
Sorti pendant un temps de la famille, il est repris en 1553 par Louis de La Taille. Son héritier, Jean de La Taille (1533-1608), a fait rehausser le châtelet d'entrée et construire les deux bâtiments qui le flanquent ainsi que les deux petites tours carrées. Ce "château" n'était en réalité qu'une grosse ferme qui pouvait, en cas de besoin, être transformée en petite forteresse.
En 1617 Lancelot de La Taille, fils de Jean, vend le domaine qui aura plusieurs propriétaires, parmi lesquels on peut citer:
– la famille du Hamel (seigneur de Denainvilliers), dont Angélique du Hamel, dame de Bondaroy (1705-1760),
–
famille Fougeroux de Blaveau vers 1730, dont le botaniste Auguste Denis Fougeroux de Bondaroy (1732-1789),
– la famille du Hamel de Fougeroux après 1890.
Lors d'un incendie au XIXe siècle, les bâtiments de la façade ouest ont été conservés (le châtelet, les tours carrées). On leur a ajouté plusieurs bâtiment et granges, mais cette ferme va être peu à peu laissée à l'abandon.
C'est un lointain descendant de la famille La Taille, Roland de La Taille, qui, en 1977, a racheté le domaine aux descendants d'Angélique Du Hamel, dans le but de le restaurer en grande partie.
il reste aujourd'hui une tourelle du XIIIe siècle, la façade ouest avec ses bâtiments du XVIe siècle, et un ensemble de bâtiments et de granges de la fin du XIXe et du début XXe.
JEAN DE LA TAILLE DE BONDAROY
(né vers 1533/1536 et mort vers 1614)
IN UTRUMQUE PARATUS |
L'enfance de Jean de La Taille se déroula à Bondaroy, dans une ambiance rustique qu'il devait évoquer plus tard dans ses vers :
Quel plaisir est-ce aux champs, où semble que le jour
Soit plus clair et plus beau et moins court qu'à la Cour,
De jouir du printemps, de voir faire aux tourt'relles
Et leurs nids, et leurs chants et leurs amours fidèles,
D'ouïr du rossignol la fredonnante voix,
Le chant d'autres oiseaux qui caquettent aux bois,
Le chant de la bergère et son amour rustique,
Voir des mouches à miel la gente république,
Voir le vert et l'azur et des bois et des eaux,
Voir d'automne et d'été mûrir les fruits nouveaux,
Les blés et les raisins, de voir en son ménage
Le bétail retourner au soir du pâturage.
Jeune, on m'apprit, avec les lettres, la manière
De manier chevaux, de leur donner carrière,
D'escrimer, voltiger, de chanter et baller,
De courir bien en lice et, proprement parler,
De faire de qui est propre à tout gentilhomme.
Vers 1550, il l'envoya à Paris au collège de Boncourt, où il passa six années, ayant suivi le cours de Marc Antoine Muret. Puis il vint à Orléans pour suivre les cours de droit d'Anne du Bourg. Mais, très vite, le droit le rebuta et il lui préféra “les Muses”, qu’il trouvait “mieux peignées et de meilleure grâce”. Vers 1557, il décida donc de retourner à Paris et d'emmener avec lui ses deux frères, Jacques et Pascal.
À Paris, il se lance dans l'écriture poétique, composant plusieurs poésies de circonstance sur Condé, sur Henri II, François II, Charles IX, Marie Stuart. Mais surtout il se met, avec son frère Jacques, à l'écriture théâtrale. Jacques écrivit cinq tragédies et une comédie. Jean, lui, écrit deux tragédies et deux comédies:
– Saül le Furieux, précédé de quelques pages sur L'Art de la Tragédie,
– La Famine ou les Gabéonites,
– Les Corrivaus (comédie d'après Boccace),
– Le Négromant, traduit de l'Arioste.
Ce n'est qu'en 1572-1574 que Jean de La Taille publia ses œuvres, ainsi que celles de son frère qui était mort depuis dix ans.
Mais Jean de La Taille est aussi l'auteur d'un très grand nombre de poésies dans la veine pétrarquiste, telle cette évocation de sa belle et chaste cousine, Rose de La Taille:
Elle ne défend à aucun
Ni la vue, ni son parfum.
Mais si, de façon indiscrète,
On la voulait prendre ou toucher,
C'est lors que sa pointure aigrette
Montre qu'on n'en doit approcher.
J'aime, sur toute fleur déclose,
A chanter l'honneur de la rose.
Humour encore quand il s’amuse à faire son propre éloge dans un sonnet :
Ceux qui ont pu, Bondaroy te connaître
Ne sauraient trop t’avoir en bonne estime.
Tu as l’esprit aux sciences adextre,
Qui en savoir est presque un abîme.
Dieu t’a vraiment gentihomme fait naître.
Tu écris bien, soit en prose ou en rime,
Tandis tu as, en main lieu, fait paraître
De ta vertu maint effet magnanime.
Le ciel t’a fait en tes mœurs débonnaire,
Voire humble à tous et pour en toi se faire
Emerveiller t’a fait naître ici-bas.
Cestui-là n’a point d’yeux ni d’oreilles,
Ni point d’esprit qui de toi ne fait cas,
Ou qui en toi du Ciel ne s’émerveille.
D'autres poèmes révèlent un homme sensible. C'est avec une véritable émotion, par exemple, qu'il fait parler une jeune fille que son père a enfermée dans un couvent contre son gré. Et il paraît également très ému lorsqu'il évoque la mort de sa sœur Angélique :
Faut-il qu'un corps si parfait et si beau
Soit en sa fleur l'ornement d'un tombeau ?
Enfin Jean de La Taille n'est pas inhabile non plus dans la satire. Voici quelques vers sur les femmes de la Cour:
O combien sont aujourd'hui de grands dames
Qui quelquefois, dessous le corps vêtu
De broderie et non point de vertu,
Sous l'or, la soie et sous la couverture
D'une beauté cachent mainte laidure…
Ces autres vers contre un prélat inutile :
Jouer, chasser, n'appréhender nul mal,
Avoir d'écus une somme bien grande,
Entretenir la musique et le bal,
Etre gaillard, tenir table friande,
N'avoir souci que de boire à longs traits,
Vivre longtemps sans procès ni querelle
Et caresser la garce au tétin frais:
Voilà l'état de ta vie mortelle.
Enfin quelques vers peu aimables contre l'Infante d'Espagne, écrits au moment où, après la mort de Henri III, certains songeaient à faire de la monarchie française une monarchie élective qui reviendrait à la fille de Philippe II qui pourrait épouser, par exemple, le duc de Guise :
Si vous avez au cul la rage,
Retournez dans votre village,
Car les Ligueurs vous ont déçue,
Vous promettant être pourvue
Forçant la raison et les lois
De la couronne des François.
Pourquoi ne croyez en paroles
Pleines de promesses frivoles,
Car quand d'Etampes les sablons
Auriez transformés en doublons,
Rien n'y feriez, j'en jure Dieu.
Pourquoi cherchez quelque autre lieu.
Retournez en votre village,
Si vous avez au cul la rage.
Ces vers se trouvent dans un texte de la Satyre Ménippée intitulé "Les Singeries de la Ligue", signé des seules initiales I.D.L. (son attribution à Jean de La Taille n'est pas certaine).
Jean de La Taille avait une devise, qu'il avait empruntée au vers 61 du chant II de l'Enéide : "In utrumque paratus" ("prêt pour l'un comme pour l'autre"); on interprète cela comme une allusion à sa double vocation littéraire et militaire.
Car Jean de La Taille fut aussi un soldat, d'abord, en 1562-1563, dans le camp catholique sous les ordres du roi contre le prince de Condé, puis, en 1568-1570, dans le camp protestant. Cette conversion sur laquelle il y aurait à dire est liée sans doute à une conversion de toute la famille: on a retrouvé une minute d'un notaire de Pithiviers dans laquelle son père, en 1570, déclare au bailli d'Orléans son intention de faire célébrer le culte réformé à Bondaroy.
Cette année 1570, Jean de La Taille est sur les champs de bataille; à Arnay-le-Duc, le 25 juin, il est même blessé d'un coup de lance au visage, alors qu'il est tout près de Henri de Navarre (voir le sonnet À Dieu).
Cette vie militaire ne lui plut guère, car il n'avait rien d'un fanatique. Toutefois, on peut rattacher à cet aspect de sa vie des œuvres que l'on dirait aujourd'hui "engagées", et qui montrent ses hésitations dans le domaine politique :
– Remontrance pour le Roi à tous ses sujets afin de les incliner à la paix (1562), qui est très proche des textes que Ronsard publia entre 1558 et 1563 sur le même thème ;
– Le Prince nécessaire (1570, mais publié seulement au XIXe siècle) qui est une suite de conseils au monarque dans les domaines politique, religieux, militaire, le "prince nécessaire" étant Henri IV, que Jean de La Taille appelle de tous ses vœux;
– Histoire abrégée des singeries de la Ligue (1595), un petit opuscule, qui sera par la suite souvent imprimé à la fin des nombreuses rééditions de la Satyre Ménippée.
– Le Courtisan retiré, où il exprime sa défiance envers l'entourage du pouvoir.
Jean de La Taille avait épousé Charlotte du Moulin en 1575. Elle lui donna trois enfants, Jean (mort en bas âge), Lancelot et Isabelle (qui mourut après ses fiancailles avec le baron de Saint-Georges).
Quand il eut quitté l'armée, Jean de La Taille se retira dans ses terres de Bondaroy. Il se présente alors comme un "courtisan retiré", c'est-à-dire comme un homme déçu et désabusé :
Je ne sais qui je suis, sinon qu'un insensé,
Qui ai le doux repos de ma maison laissé,
Liberté et grands biens, pour toujours la Cour suivre,
En être esclave et pauvre, et pour vraiment ne vivre.
On remarquera que Jean de La Taille se plaint de sa pauvreté. Il semble en effet que sa présence à la Cour et dans les camps aux armées, que peut-être aussi la publication de ses œuvres, aient quelque peu ruiné sa fortune (c'est certainement faute d'argent qu'il n'a pas publié l'œuvre à laquelle il tenait tant, son Prince nécessaire). Toutefois il prit cela avec un certain humour, puisque, dans son poème Le combat de Fortune et de Pauvreté il imagine que la Fortune, pour le consoler, lui énumère tous les malheurs auxquels il a échappé dans sa vie : il aurait pu être un vilain, il est né gentilhomme; il aurait pu être Normand et fol, il est beauceron et sage; et surtout une grande disgrâce lui a été épargnée puisqu'il est né homme et non pas femme!
Pendant sa retraite, Jean de La Taille s'intéressa à l'astrologie et à la divination; de là est né un petit ouvrage La Géomance abrégée (adaptation de Cattaneo). Il rédigea aussi un Blason des pierres précieuses, qu'il dédia à Marie de Clèves en 1574.
Sa vieillesse fut attristée par un drame familial : son fils Lancelot tua en duel le baron Saint-Georges, le fiancé de sa sœur, et celle-ci devait mourir peu après. A cette occasion, Jean de La Taille écrivit un Discours notable des duels (1606) dans lequel il propose de remplacer les duels interdits depuis Henri II par des combats en champ clos.
Jean de La Taille mourut vers 1612. Son fils Lancelot ne tarda pas à vendre le domaine familial, en 1617.
Le domaine qui aura ensuite plusieurs propriétaires, parmi lesquels on peut citer:
– la famille du Hamel (seigneur de Denainvilliers), dont Angélique du Hamel, dame de Bondaroy (1705-1760),
–
famille Fougeroux de Blaveau vers 1730, dont le botaniste Auguste Denis Fougeroux de Bondaroy (1732-1789),
– la famille du Hamel de Fougeroux après 1890.
Lors d'un incendie au XIXe siècle, les bâtiments de la façade ouest ont été conservés (avec le châtelet, les tours carrées). On leur a ajouté ensuite plusieurs bâtiment et granges pour en faire une ferme, mais celle-ci, mais celle-ci va être peu à peu laissée à l'abandon.
C'est un lointain descendant de la famille La Taille, Roland de La Taille, qui, en 1977, a racheté le manoir aux descendants d'Angélique Du Hamel, dans le but de le restaurer en grande partie.
il reste aujourd'hui une tourelle du XIIIe siècle, la façade ouest avec ses bâtiments du XVIe siècle, et un ensemble de bâtiments et de granges de la fin du XIXe et du début XXe.