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LES AVENTURES D'ARSÈNE LUPIN

DANS LE PAYS DE CAUX


"Le pays de Caux ! Toute ma vie est là,
c’est-à-dire toute l’histoire contemporaine!"

(Arsène Lupin, dans La Barre-y-va)



BIOGRAPHIE DE MAURICE LEBLANC

Maurice Leblanc est né en 1864 à Rouen, 2 rue Fontenelle. Son père, un bourgeois enrichi dans le commerce du charbon, lui donna une éducation stricte et rigoureuse. Il fréquenta la pension Patry (sur l’actuel boulevard de la Marne) et le lycée Corneille ("Nous étions tous vêtus d'un uniforme noir à boutons d'or, et façonnés d'après une méthode qui ne pouvait s'adapter à chacun de nous sans meurtrir la plupart dans ses aptitudes.", écrit-il dans L'Enthousiasme). En 1873, sa famille s’installa au 4 rue Baillage.

Maurice était très attaché à Rouen et à sa région, en particulier à Jumièges, où son oncle avait une propriété qui servait de maison de vacances pour la famille, ou à Étretat, où ses parents louaient une de ces villas qui, depuis le milieu du siècle, s'étaient édifiées sur les collines du Grand et du Petit-Val. Maurice se souviendra de ses jeux d'enfant dans les vieilles"caloges", des barques de pêche hors d'usage converties en cabanes. "A Etretat, tout au bout du jardin ténébreux où le petit garçon que j'étais ne se risquait pas sans quelque émoi, il y avait une vieille caloge à la retraite, blessée à mort, avec un toit de chaume déplumé que rapiéçaient des lambeaux de carton. Personne ne se promenait jusque là. Ce fut mon royaume. J'y lisais des livres d'aventure et je rêvais d'être pirate." (Vieille caloge)

Maurice Leblanc aurait dû faire carrière à la fabrique de cardes Miroude-Pichard. Mais comme, à l’usine, il se retirait dans le grenier pour écrire, ses parents acceptèrent qu’il parte à Paris, officiellement pour faire son droit.

Puis Maurice Leblanc se maria avec Marie Lalanne, ce qui lui permit, entre 1889 et 1895, d'aller régulièrement à Étretat. En effet la famille de son épouse avait dans la valleuse de Vaucottes, une grande villa où le jeune couple put passer les mois d’été.

A Étretat habitait alors le célèbre Maupassant, dont le jeune Maurice se voulait le "disciple". Dans l'été 1890, il osa sonner à la porte de la Guillette, sur la route de Criquetot-l'Esneval. Mais Maupassant — qui séjournait alors à Étretat pour la dernière fois — était déjà atteint par le mal qui devait l'emporter trois ans plus tard. De cette rencontre, Maurice ne se rappellera que les jérémiades du "maître" contre l'usine à gaz d'Étretat dont le bruit l'exaspérait malgré les portes capitonnées de sa villa. Il dédia "au maître Guy de Maupassant" le recueil de contes Des couples, qui parut en novembre 1890.

La "saison" d'Étretat, mondaine et brillante, voyait le Tout-Paris des lettres et des arts défiler sur les terrasses du casino. L'été 1892, Maurice y fit la connaissance de deux écrivains qui deviendront de célèbres académiciens, Maurice Donnay, avec qui il écrivit la comédie Lysistrata, et Marcel Prévost, qui passait l'été dans la villa La Chonchette, enfouie dans la verdure du chemin des Fondrets. Marcel Prévost, observant les jolies baigneuses, prenait des notes pour son prochain roman, les Demi-Vierges, qui lui vaudra la célébrité, tandis que Maurice Leblanc mettait le point final à son roman Une femme, qui a pour cadre Rouen.

C'est Marcel Prévost qui présenta Maurice Leblanc à Victor Desfossés, le richissime directeur de la Cote Desfossés. Celui-ci possédait à Étretat, dans le chemin des Haules, la grande villa les Terrasses (dont on voit toujours les escaliers monumentaux). Il était président du conseil d'administration du Gil Blas, un journal littéraire alors très réputé, auquel les plus grands (Émile Zola, Villiers de L'Isle-Adam, Maupassant…) ont collaboré. Maurice, ayant fait lire à Desfossés le manuscrit d'Une femme, se trouva engagé comme chroniqueur.

Son divorce, en 1895, priva Maurice Leblanc de sa villa de Vaucottes. Avec sa seconde épouse Marguerite, il passa les mois d'été au château de Gueures, non loin de Dieppe, jusqu'en 1910. Il écrivait alors des nouvelles et des romans, bien décidé à être le "romancier de la vie délicate des âmes". Mais le destin en décida autrement.

En 1905, Pierre Laffitte, qui lançait alors le magazine Je sais tout, lui demanda d'essayer de créer un personnage sur le modèle de Arthur J. Raffles, le héros de Ernest William Hornung. Ce journaliste anglais, qui avait épousé en 1893 la soeur d'Arthur Conan Doyle, avait créé, en 1898, le personnage d'un aventurier, Raffles, tout à l’opposé du Sherlock Holmes de son beau-frère. Entre 1899 et 1905, Hornung avait écrit vingt-six nouvelles où apparaissait cet Arthur J. Raffles. Il en fit d'abord un gentleman sportif fréquentant la bonne société, mais évoluant vers le cambriolage et étant démasqué pendant une croisière. Ensuite Raffles s'engagera comme volontaire dans la guerre des Boers, où il trouvera la rédemption en mourant après avoir démasqué un espion ennemi.

C’est ainsi que Leblanc inventa Arsène Lupin, lui aussi gentleman, cambrioleur et patriote, dont il écrivit les premières aventures au château de Gueures. Bientôt, pour répondre aux demandes de ses lecteurs, il dut se consacrer presque entièrement à son personnage, ce qui le déconsidéra à ses propres yeux et aux yeux de certains notables de la littérature.

De 1911 à 1914, Leblanc passa la belle saison au château de Tancarville qui avait été loué par son beau-frère Bernard Prat. C'est là qu'il rédigea le Bouchon de cristal, l'une des plus célèbres aventures de son gentleman-cambrioleur. C'est à ce moment que sa soeur, l'actrice Georgette Leblanc, après sa rupture avec Maeterlinck, acquit le Phare de Tancarville pour y vivre avec son amie américaine Margaret Anderson.

Ni Gueures ni Tancarville n'étaient loin d'Étretat. Aussi Maurice Leblanc venait-il y rendre visite à ses amis : son éditeur Pierre Lafitte (l'un des fondateurs, en 1906, du golf-club d'Étretat), le compositeur Henry Février ou le romancier Henri Duvernois.

C'est le décor des falaises qui lui inspira son fameux roman l'Aiguille creuse, qui parut en feuilleton dans le magazine Je sais tout à partir de novembre 1908… Ce roman fit beaucoup pour le succès touristique des falaises d'Étretat. Une anecdote : en septembre 1911, alors que la Joconde de Vinci venait d'être volée au Louvre, un journaliste d'Excelsior crut bon d'interroger Leblanc pour savoir si le tableau du musée était bien l'original (on se souvient que, dans l'aiguille d'Étretat, Arsène Lupin montre à Isidore Beautrelet l'original du tableau, affirmant que le Louvre n'en possède qu'une copie).

A Paris, Maurice Leblanc vivait dans le XVIe arrondissement  (à l’angle de la rue de l’Assomption et du boulevard de Montmorency). Mais, en 1915, il loua à Étretat une villa, Le Sphinx, qui appartenait à l'éditeur Eugène Fasquelle. A cette époque, la plupart des hôtels d'Étretat étaient transformés en hôpitaux et recevaient des blessés évacués du front; en leur rendant visite, Maurice Leblanc s'amusait de les voir plongés dans les aventures d'Arsène Lupin, qui étaient largement diffusées, depuis juillet 1914, dans les collections illustrées des éditions Lafitte.

La guerre finie, en 1919, Maurice Leblanc achèta le Sphinx, qu'il rebaptisa le Clos-Lupin, et fit réaménager la villa par l'architecte Mauge (à qui l'on doit, à Étretat, les halles de la place du marché et les maisons en "vieux normand" de la rue René-Coty).  C'est, au coeur de la ville, une belle maison datant d'environ 1850, avec deux étages aux toits pentus, agrémentée d'un balcon en bois dans le plus pur style Cauchois. On y voit toujours quelques-unes des statues romantiques semées à profusion dans le jardin, et les pergolas sous lesquelles le romancier, assis sur une chaise longue, aimait à réfléchir à ses prochains livres.

Il y a passé chaque été, pendant plus de vingt ans, jusqu'en 1939, avec sa femme Marguerite et son fils Claude, auquel il écrit en septembre 1931: "J'aime tant mon cher pays. Ce pays, par les beaux jours de septembre, me donne des sensations incomparables."

Si l'Étretat des années vingt et trente avait été détrôné par Deauville comme "plage à la mode", il était encore fréquenté par de nombreux artistes et écrivains. Les terrasses du casino — réservées aux abonnés — réunissaient à partir de onze heures "la potinière": on y voyait le "père" d'Arsène Lupin — les épaules couvertes d'un ample châle écossais et coiffé du chapeau à larges bords qui fit partie de sa légende — discuter avec ses amis familiers d'Étretat. L'un de ses meilleurs compagnons était Georges Bourdon, qui passait l'été dans la villa Folle-Brise, dont les vérandas jouissaient d'une vue superbe sur la porte d'aval et l'aiguille. Ce Georges Bourdon, romancier et grand reporter au Figaro, fut à Étretat l'un des fondateurs, en 1924, des "Vieux Galets", association qui regroupait les familles fidèles d'Étretat. Maurice et son épouse Marguerite furent de toutes les fêtes alors organisées au casino; de petites pièces composées tout exprès par Leblanc y étaient représentées.

Les "anciens" d'Étretat qui avaient connu Maurice Leblanc dans ses dernières années le décrivaient comme un personnage un peu bizarre, emmitouflé de foulards immenses, toujours perdu dans ses rêveries, semblant "se faire peur avec ses livres". C'est que l'écrivain avait fini par croire à la réalité de cet Arsène Lupin auquel il avait donné la vie…

Maurice Leblanc mourut le jeudi 6 novembre 1941, d’une congestion pulmonaire, à l’hôpital Saint-Jean de Perpignan, où sa famille et lui avaient trouvé refuge devant l’occupant allemand. Il y fut inhumé le 8 novembre. Son corps sera transporté en octobre 1947 au cimetière du Sud-Montparnasse, à Paris.

 


UN BEL ÉLOGE DU PAYS D'ARSÈNE LUPIN, PAR JULIEN GRACQ

Je n'y peux rien. Je lui chercherais en vain des répondants plus nobles: comme la Touraine est balzacienne et le Boischaut marqué par Nohant, la Normandie d'Etretat, de Saint-Valery-en-Caux et de Dieppe reste pour moi, quand je la visite, le pays d'Arsène Lupin, le pays où les "coupé" 1910 font la course avec les rapides et où sur les routes le frénétique collégien Isidore Beautrelet dévalant sur sa bicyclette tourne autour de l'Aiguille-Creuse comme la flèche de la boussole autour du pôle. Dans les échancrures de la falaise, toutes les petites stations balnéaires d'ailleurs sont "d'époque", et faites pour encourager je ne sais quelle archéologie de la villégiature: à Etretat, au Tréport, la construction des villas de galets et de briques — avec leurs frises de céramique, avec leurs balcons de fer forgé tordus en lianes comme les embouchures du premier métro — s'est arrêtée net en 1914.
Le Cotentin mis à part, c'est là la seule région de la Normandie qui me charme : j'aime l'intimité de ses routes petites et tortueuses entre les fossés de hêtres dont les racines noueuses crèvent le talus, ses pelouses jusqu'à la lèvre des falaises rasées comme des links de golf, la creuse et close vallée de la Scie, l'allée d'arbres à la fois champêtre et si noble du manoir d'Ango, la jungle fraîche qui tapisse la coulée de Vastérival. Sa mine à la fois cossue et vieillotte de côte morte — ou tout au moins démodée — le livre d'or pour elle s'ouvre avec Offenbach et l'impressionnisme, et se referme avec Nadja, écrite au manoir d'Ango, et le Traité du style, écrit au même moment à Pourville. On s'est découragé de venir brunir sous ces feuillées fraîches où la verdure n'a jamais le temps de sécher entre deux averses; les belles promeneuses aux longues jupes qui hantent encore pour l'imagination ses cavées vertes et les coulées de craie gluantes de ses valleuses n'y ont jamais quitté l'ombrelle que pour le parapluie. (Lettrines
, Pléiade, 2, 327)

 


ROMANS SE DÉROULANT DANS LE PAYS DE CAUX

La carrière de Lupin commence en 1907 avec Arsène Lupin gentleman cambrioleur et s'achève en 1935 avec La Cagliostro se venge. Plusieurs récits des exploits de Lupin ont pour cadre le pays de Caux.

— Arsène Lupin en prison, nouvelle publiée dans "Arsène Lupin gentleman cambrioleur" (1905). Bien qu'incarcéré à la prison de la Santé, Lupin parvient à s'emparer d'une bonne partie de la collection Cahorn enfermée dans un château près du Trait, dans la zone de Malaquis.

— Herlock Sholmès arrive trop tard, nouvelle publiée dans "Arsène Lupin gentleman cambrioleur" (1906). Lupin découvre le moyen d'accéder aux richesses conservées dans le château de Thibermesnil, près de Dieppe.

— L'Aiguille creuse (1909). Lupin, qui a installé son repaire normand dans l'Aiguille d'Étretat, doit finalement l'abandonner, car son secret a été découvert par un jeune lycéen, Isidore Beautrelet.

— Thérèse et Germaine, nouvelle publiée dans "Les Huit coups de l'horloge" (1923). A Etretat, Lupin, qui se fait appeller prince Rénine, permet à Thérèse d'Imbreval, meurtrière de son mari infidèle, d'échapper à la Justice.

— La comtesse de Cagliostro (1924). La comtesse puis Arsène Lupin parviennent à s'emparer du trésor des abbayes du pays de Caux, dissimulé depuis des siècles près du Mesnil-sous-Jumièges.

— La Barre-y-va (1930). Lupin comprend pourquoi, à certaines dates, on découvre de l'or dans la rivière l'Aurelle, près de Lillebonne, ce qui lui permet de s'emparer de trois jarres pleines d'or mise à l'abri dans un "tumulus" par un proconsul romain.

Ainsi donc, quatre "trésors" du Caux de Caux ont été découverts par Arsène Lupin: le dépôt d'or d'un proconsul de Lillebonne, les pierreries des sept abbayes du pays de Caux, le trésor des rois de France et la collection Cahorn.

 

 


ARSENE LUPIN EN PRISON

Le petit château féodal de Malaquis est situé sur une île rocheuse de la Seine entre Jumièges et Saint-Wandrille. "Il n’est point de touriste digne de ce nom qui ne connaisse les bords de la Seine et qui n’ait remarqué, en allant des ruines de Jumièges aux ruines de Saint-Wandrille, l’étrange petit château féodal du Malaquis, si fièrement campé sur sa roche en pleine rivière. L’arche d’un pont le relie à la route. la base de ses tourelles sombres se confond avec le granit qui le supporte, bloc énorme détaché d’on ne sait quelle montagne et jeté là par quelque formidable convulsion. Tout autour, l’eau calme du grand fleuve joue parmi les roseaux, et des bergeronnettes tremblent sur la crête humide des cailloux." Ce château appartenait au baron Nathan Cahorn, qui y abritait sa riche collection d’œuvres d’art.

Un vendredi de septembre, le baron reçut une lettre signée de Lupin, pourtant incarcéré à la prison de la Santé. Lupin demandait que lui fussent expédiées en gare de Batignolles les plus belles œuvres de la collection (deux Rubens, un Watteau…), faute de quoi il les déménagerait lui-même dans la nuit du 27 au 28 septembre. Le baron, affolé, demanda l’aide du procureur de la République de Rouen, qui lui répondit que, Lupin étant en prison, il n’y avait rien à craindre.

C’est alors que, dans le Réveil de Caudebec (journal auquel le baron était abonné), un entrefilet signala la présence en cette ville de l’inspecteur Ganimard, venu pêcher y à la ligne. Le baron alla à la rencontre de ce "Ganimard", qui était en fait un complice de Lupin, et, contre une bonne somme, obtint de lui qu’il viendrait passer la nuit du 27 au 28 au Malaquis avec deux hommes.

Au matin, les objets précieux avaient disparu, le faux Ganimard et ses deux acolytes, imprudemment introduits dans la place par le baron lui-même, n’ayant eu qu’à les faire passer dans une chaloupe par une fenêtre donnant sur la Seine.

Le baron accepta de ne pas parler du rôle de "Ganimard" dans ce vol, afin de pouvoir racheter les objets. Ce qui fut fait : tout lui fut rendu en échange de cent mille francs, qui allèrent dans la poche de Lupin. C’est ce que Lupin explique au vrai Ganimard, lorsque celui-ci vint le visiter dans sa cellule.

REALIA

Au Trait, la zone de Malaquis ("Malis Aquis") est une ancienne zone marécageuse devenue zone industrielle. Il n'y a jamais eu de château féodal construit à cet endroit sur une île de la Seine.


HERLOCK SHOLMES ARRIVE TROP TARD

Le château de Thibermesnil est à quelques kms au sud-est de Dieppe. Ce château a appartenu à l’arrière-petit-neveu du conventionnel Leribourg, qui le vendit au banquier Georges Devanne. Celui-ci a rassemblé dans la tour Guillaume une riche collection d’objets d’art.

Cette tour Guillaume, circulaire, est environnée d’eau et reliée au château par un seul point. De cette tour part un souterrain qui aboutit, à l’extérieur, à côté d’une chapelle où est le tombeau du duc Rollon. Une Chronique de Thibermesnil, que complète un autre ouvrage déposé à la Bibliothèque Nationale, donne un croquis imprécis qui ne permet pas de localiser exactement le souterrain.

C'est un mécanisme à secret qui permet d'entrer dans le souterrain et d'en sortir. Mais le souvenir en a été perdu, ainsi que le code permettant de l'actionner. L’abbé Gélis, spécialiste de l’histoire de Thibermesnil, a seulement connaissance de deux éléments pouvant mettre sur la voie du code, mais que personne ne sait exploiter:
— alors qu’en septembre 1589 Henri IV passait une nuit au château, c’est par ce souterrain qu’on lui amena la belle Louise de Tancarville ; et  son ministre Sully conserva le souvenir d’une formule mnémotechnique : «La hache tournoie dans l’air qui frémit, mais l’aile s’ouvre, et l’on va jusqu’à Dieu.»
— en 1784, Louis XVI, en séjour à Thibermesnil, se fit expliquer le mécanisme d’accès au souterrain et nota, pour s’en souvenir, les chiffres 2-6-12.

Arsène Lupin réussit à dérober les deux exemplaires de la Chronique de Thibermesnil. Puis il se fit inviter au château sous l’identité d’Horace Velmont, alors que le propriétaire, sentant que ses richesses artistiques étaient menacées, avait sollicité l’aide de Herlock Sholmes.

En voyant au fronton de la bibliothèque, situées au bas de la tour Guillaume, des lettres en relief qui formaient le mot "Thibermesnil", Lupin ne tarda pas à comprendre quel était le code d’accès : il suffisait de faire tourner la deuxième lettre (H - hache), de faire glisser la sixième lettre (R - air) et de tirer sur la douzième lettre (L - aile).

Ainsi il put, de nuit, s’introduire dans la tour et déménager une grande partie des richesses. Mais, surpris par une jeune fille, Miss Nelly, qui le connaissait comme Arsène Lupin, il eut honte d’être vu comme un vulgaire cambrioleur et il s’engagea à tout restituer le lendemain, ce qu’il fit, en conservant toutefois un rubis monté en bague.

C’est alors seulement qu’arriva Herlock Sholmes, qui découvrit facilement comment Lupin avait pu entrer dans le souterrain.

REALIA

Il y avait les ruines d’un château de Thibermesnil près de Yerville, dans la région d’Yvetot.

Dans la banlieue sud-est de Dieppe, les bâtiments du château de Thibermont sont du XVIIe s. ; il y a des caves voûtées et un colombier circulaire. Ils sont occupés par le monastère Sainte-Marie des Augustines de la Miséricorde de Jésus.

Thibermont


L'AIGUILLE CREUSE

Étretat sert de cadre à la première oeuvre de Maurice Leblanc publiée, "Le Sauvetage", conte paru dans la Revue illustrée de mars 1890. Il sert de cadre également à la pièce Un quart d'heure avec Arsène Lupin: on y reconnaît les cabines de la plage, la falaise, sa chapelle des marins, son casino…

Le trésor des rois de France

"L’Aiguille creuse" est un secret cité dans les Commentaires de César, dans le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911), un secret que Jeanne d’Arc livra à Charles VII et que les rois de France se transmirent ensuite sans exception. Il s’agit de l’Aiguille d’Étretat, à l’intérieur de laquelle était déposé le "trésor des rois de France".

Quand il eut pris connaissance du secret, Louis XIII résuma le code d’accès à l’Aiguille sous forme d’un petit texte où il supprima les consonnes et remplaça les voyelles par des chiffres.

Sous le règne de Louis XIV, le secret faillit devenir public. En effet, en 1679, un jeune homme chercha à diffuser à la Cour un petit volume intitulé Le Mystère de l’Aiguille creuse, toute la vérité dénoncée pour la première fois. Le roi fit sur-le-champ brûler tous les exemplaires (il n’en conserva qu’un, qui fut ensuite transmis à Louis XV).  L’auteur de l’opuscule fut arrêté et enfermé jusqu’à sa mort dans l’île Sainte-Marguerite : c’est lui qu’on appella le "Masque de fer".

L’année suivante, par précaution et pour égarer d’éventuels curieux, Louis XIV fit contruire au bord de la Creuse un château dit "de l’Aiguille" [aujourd’hui Puyguillon].

Mais, M. de Larbeyrie, capitaine des gardes de Louis XIV, enfreignant l’ordre royal, avait pu soustraire un exemplaire. Il laissa même dans ses papiers un résumé manuscrit des premières pages, mais sans révéler le code d’accès. Ce code lui avait permis d’entrer lui-même dans l’Aiguille et de prendre quelques diamants (que des voleurs lui reprirent d'ailleurs après l’avoir assassiné). Apprenant cela, le roi, inquiet, exila en province le fils de ce Larbeyrie et sa fille, devenue par son mariage marquise de Vélines.

A la Révolution,  Louis XVI, avant de monter sur l’échafaud, brûla le document qu’il avait reçu de Louis XV, mais confia à un officier (un descendant du capitaine des gardes de Louis XIV) un petit rectangle de papier sur lequel il avait noté le code d’accès à l’Aiguille tel que l’avait résumé Louis XIII. L’officier confia le papier à Marie-Antoinette qui, avant de mourir elle-même,  le dissimula dans la reliure de son livre d’heures, lequel, récupéré par sa femme de chambre, fut transmis au comte de Fersen… puis se retrouva bien plus tard dans une vitrine du musée Carnavalet.

L’officier de Louis XVI, devenu le citoyen Larbrie, fit de nombreuses recherches à partir des notes de son arrière-grand-père et les résuma dans une brochure publiée en 1815, qui passa inaperçue. Cette brochure, qu’Arsène Lupin découvrit par hasard, lui permit de s’emparer du document caché dans le livre d’heures et de découvrir le secret de l’Aiguille d’Etretat, dont il fit son repaire, avec lignes téléphoniques spéciales vers Paris et londres.

 

ILS ONT TOUS CONNU LE SECRET DE L'AIGUILLE

Charles VII Louis XI Charles VIII Louis XII François Ier Henri II François II
Charles VII Louis XI Charles VIII Louis XII François Ier Henri II François II
Charles IX Henri III Henri IV Louis XIII Louis XIV Louis XV Louis XVI
Charkes IX Henri III Henri IV Louis XIII Louis XIV Louis XV Louis XVI

 

Une imprudence de Lupin met en danger le secret de l'Aiguille

Dans les premières années du XXe siècle, Lupin avait un logement à Paris, rue Marbeuf, sous le nom de Etienne de Vaudreix. Il entra en rapport avec un certain Harlington, secrétaire d’un milliardaire américain, Cooley, qui voulait rafler, en Europe, tout ce qu’il pourrait trouver comme objets d’art. Lupin, en échange de 500.000 francs, signala qu’il pourrait lui procurer quatre tableaux de Rubens qui se trouvaient dans le château d’Ambrumésy, près d’une ancienne abbaye, à Ouville-la-Rivière, dont le propriétaire était le comte de Gesvres.

Lupin commença par entrer en négociations avec le secrétaire du comte, Jean Daval, sachant qu'il avait besoin d’argent pour une femme de Dieppe. Daval s’engagea à lui faire obtenir les tableaux, et même aussi les sculptures gothiques ornant la Chapelle-Dieu de l’ancienne abbaye. Il suffirait de remplacer les originaux par des copies.

Jean Daval présenta donc au comte de Gesvers un artiste, Charpenais, qui se disait désireux de faire des copies des Rubens. Le comte accepta et Charpenais profita de ses séjours au château pour prendre des croquis ou des moulages des sculptures de la chapelle.

Quand les copies des tableaux et des statues furent achevées, les sculptures de la chapelle furent peu à peu détachées et discrètement remplacées par des copies. Au cours de ce travail, Lupin découvrit, sous l’autel de la chapelle, l’accès à une crypte ignorée de tous, mais signalée dans les anciennes archives de Varengeville. En cinq voyages, les originaux des sculptures furent transportés par Yerville, Yvetot jusqu’à Caudebec, d’où un charretier (Vatinel, qui habitait à Louvetot, au nord de Caudebec) les conduisait à La Mailleraye (en amont de Caudebec), où ils étaient chargés sur une péniche.

Restait à prendre les tableaux, qui se trouvaient dans le château d'Ambrumésy où le comte vivait avec sa fille Suzanne et sa nièce Raymonde de Saint-Véran.

Une nuit, Jean Daval introduisit Lupin et deux complices dans ce château. Ils roulèrent les quatre Rubens et accrochèrent les copies de Charpenais à leur place. Mais l’alerte fut donnée et, dans la confusion qui s’ensuit, Daval fut tué par le comte de Gesvres. Puis, apercevant dans la nuit les hommes qui emportaient les tableaux, Raymonde de Saint-Véran tira en leur direction et blessa grièvement Arsène Lupin.

Celui-ci, en tombant perdit sa casquette et surtout le document rédigé par Louis XVI qui donnait le code d’accès à l’Aiguille Creuse. On trouva ce document sur le sol, mais on ne put déchiffrer que les mots "demoiselles" et "aiguille creuse"…

Les amours de Lupin et de Raymonde de Saint-Véran

La nuit du vol, sans être vue de personne, Raymonde s’était précipitée vers l’homme qu’elle avait blessé. Lupin ayant juré qu'il n'était pas responsable de la mort du secrétaire, la jeune fille, regrettant son geste et prise de pitié, pansa sa blessure et l’aida à entrer dans la Chapelle-Dieu ; ainsi Lupin put se glisser dans la crypte qu’il était le seul à connaître. Désormais, Raymonde était la complice d'Arsène Lupin.

Le lendemain, lorsqu’un homme s’introduisit dans le domaine en prenant la place du chauffeur du juge, qui s’occupait de l’affaire du vol et du meurtre, Raymonde devina que c’était un complice de Lupin : elle lui dit que son "patron" devait être opéré d’urgence ;  elle l’aida à remplacer la casquette compromettante qu’avait perdue Lupin par une semblable achetée à Dieppe; enfin, pour détourner les soupçons, elle lui fit écrire un mot de menace : "Malheur à la demoiselle si elle a tué le patron". Alors l’homme partit à bicyclette par la forêt d’Arques, s’arrêta à Saint-Nicolas-d’Aliermont d’où il envoya une dépêche pour demander qu’on envoie d’urgence un médecin à Ambrumésy.

A Paris, dès qu'ils eurent reçu la dépêche, trois hommes contraignirent le docteur Delattre à venir avec eux dans la crypte pour soigner Lupin. Leur voyage, par Pontoise, Gournay, Forges et la nationale 14 dura quatre heures. Puis le docteur fut ramené à sa clinique, après avoir juré de ne rien dire, sinon, pour égarer les recherches, qu’il avait soigné un blessé dans une "chambre d’auberge". Pour sa peine, il reçut 10000 francs.

Alors, pendant quarante jours, à l’insu de tous, Raymonde apporta dans la crypte des vivres et des médicaments qu’elle achetait chez le pharmacien d’Ouville.

Mais Raymonde de Saint-Véran était jolie et Lupin séduisant : ils s’éprirent l’un de l’autre. Quand il fut guéri, Lupin put sortir de sa cachette; il s’enfuit avec Raymonde, laissant une écharpe tachée de sang pour faire croire qu’elle avait été enlevée et assassinée.

Comme il voulut faire croire aussi à sa propre mort, Lupin se procura à Envermeu les cadavres d’un couple d’Américains : le cadavre de l’homme fut habillé d’une chemise portant les initiales EV (Etienne de Vaudreix) et installé dans la crypte de telle sorte que, quand on le découvrit, une pierre tomba et lui écrasa le visage. Au bras du cadavre de la femme américaine, rendu lui aussi méconnaissable, on mit une gourmette d’or semblable à celle portée par Raymonde et on le jeta sur les rochers de la côte de Dieppe

Lupin se heurte à la perspicacité d’Isidore Beautrelet.

Depuis le premier jour, Lupin avait été gêné par les investigations d’Isidore Beautrelet, élève de rhétorique à Janson, auteur d’une brochure où il exposait toutes les ruses et les méthodes de Lupin.

Après avoir débrouillé en partie l’affaire, Isidore retourna dans son lycée. Puis, revenu à Ambrumésy, en dépit de menaces proférées par les complices de Lupin, il découvrit l’accès à la crypte et, dans celle-ci le cadavre de l'Américain en décomposition. En même temps, des pêcheurs découvrirent sur les rochers de Dieppe le cadavre méconnaissable d’une femme portant une gourmette. Beautrelet ne fut pas dupe de cette mise en scène. Après toutes ces angoisses, le comte de Gesvres alla s’installer avec sa fille aux environs de Nice.

Mais Lupin continuait à agir et, sachant qu’ils allaient s’intéresser à cette affaire, il fit enlever Ganimard et Herlock Sholmès et les embarqua pour une croisière autour de l’Afrique. Pour récupérer le document crypté trouvé près de la chapelle, Brédoux, le greffier du juge, en réalité complice de Lupin, blessa grièvement Beautrelet, qui, sous la menace, dut se défaire du document.

Beautrelet, une fois guéri, craignant que Lupin s’en prenne à son vieux père, mit celui-ci à l’abri dans l’arsenal de Cherbourg, chez un employé du nom de Froberval et se rendit à un rendez-vous que lui avait donné Arsène Lupin au cours duquel il lui demanda de ne pas révéler la vérité. Comme, malgré cela, Beautrelet résuma dans la presse tout ce qu’il avait découvert, Lupin fit enlever le père Beautrelet en se servant d’une photographie d’Isidore prise à son insu par Bréchoux.

Enquêtant sur cet enlèvement, Beautrelet apprit de la bouche de la fille de Froberval que les ravisseurs devaient téléphoner à Lupin à Châteauroux. Il s’y rendit en hâte, sûr que son père était dans cette région, du côté de La Châtre, d’Argenton… Mais ses recherches restaient vaines. Heureusement, son père, enfermé dans un château, put jeter par-dessus le mur une lettre qui, postée à Cuzion et ramassée par un vieux rémouleur, le père Charel, parvint à Beautrelet. Cela lui permit de découvrir, près de Crozant, précisément à Fresselines le château de l’Aiguille [Puyguilhon] dans le département de la Creuse : c'était donc cela l'"Aiguille Creuse"!

Pour plaire à Raymonde, Lupin veut en finir avec l’Aiguille et devenir honnête homme

Alors Lupin décida d'épouser Raymonde sous le nom respectable de Valméras. Pour réaliser ce projet, il se servit de Beautrelet.

D'abord, ayant pris l’identité d’un vieux notaire, il apprit à Beautrelet que le château de l’Aiguille était occupé par un certain baron Anfredi (en qui Beautrelet reconnut facilement Arsène Lupin). Se faisant passer pour le propriétaire du château, sous le nom de Louis Valméras, Lupin accepta d'accompagner Beautrelet et de lui faciliter l’entrée. Ainsi Beautrelet put faire sortir son père et Mlle de Saint-Véran, qui feignit d’avoir été enfermée malgré elle.

Toujours sous le nom de Valméras, Lupin accompagna Mlle de Saint-Véran à Nice chez le comte de Gesvres et ils se marièrent.

Ganimard et Sholmès revinrent de leur croisière forcée en Afrique et Lupin les relâcha à Paris, près de la préfecture de police. Alors, pour fêter ce qu’on croyait une défaite de Lupin, un grand banquet fut organisé, dont Beautrelet fut le héros. M. de Gesvres et Valméras étaient même venus de Nice pour y assister. Mais la fête fut gâchée par un article de presse : Massiban, membre de l’Institut, révélait que le château de la Creuse n’était qu’un leurre conçu par Louis XIV et que Beautrelet n’avait rien trouvé, alors que Lupin, bien évidemment, connaissait, lui, le secret de l’Aiguille.

Reprenant ses recherches, Beautrelet inséra dans les journaux plusieurs annonces précisant qu’il recherchait soit un livre intitulé Le Traité de l’Aiguille, soit des renseignements sur la famille de Larbeyrie. Massiban lui répondit, suggérant que l’opuscule dérobé par Larbeyrie pouvait bien se trouver près de Rennes, dans un château où le baron de Vélines vivait avec sa fille Gabrielle et son petit-fils. Beautrelet et Massiban convinrent donc de se retrouver à Vélines. Là, Gabrielle, ayant fouillé dans la bibliothèque suite à la requête de Massiban, avait effectivement trouvé un petit livre intitulé le Mystère de l’Aiguille Creuse, l’ouvrage condamné au feu par Louis XIV. Sans trop en comprendre l'importance, elle le parcourut, découvrant ainsi tout le secret de l’Aiguille.

C’est alors que Lupin intercepta Massiban prit son identité et son allure, et attendit Beautrelet au château. Le livre leur fut présenté sans difficulté, mais Lupin-Massiban eut le temps d’en arracher les deux pages essentielles avant que Beautrelet puisse en prendre connaissance. Puis, pour empêcher la femme de révéler ce qu'elle avait lu, il lui laissa entendre que, si elle parlait, la vie de son fils serait menacée… Alors Beautrelet comprit que Massiban n’était autre que Lupin. Celui-ci, de nouveau victorieux, le ramena en voiture à Paris…

Lupin, par jeu, laisse Beautrelet découvrir lui-même le secret

Beautrelet était persuadé qu’il avait en main tous les éléments pour résoudre l’énigme. Il comprit d’abord que tout tournait autour du pays de Caux, qu’il alla donc explorer en se fiant au hasard et en interrogeant les habitants. Près de Honfleur, il rencontra même Herlock Sholmes, déguisé en maquignon normand, lui aussi en quête du repaire de Lupin.

C’est ainsi qu’Isidore se trouva près du fort de Fréfossé où, soudain, il remarqua deux lettres DF gravées dans le sol, comme sur le document. Et un vieux paysan lui appris qu’il était à Étretat, près de la "chambre des Demoiselles" ; alors, en s’avançant vers le bord de la falaise, Beautrelet vit une immense Aiguille; il comprit qu'il avait trouvé le siège de la puissance des rois de France et le repaire de Lupin !

wiki-Nortmannus

L'entrée de la Chambre des Demoiselles

Le document crypté prit alors sens : "En aval d’Etretat - la chambre des Demoiselles - sous le fort de Fréfossé - Aiguille creuse".
Restait à utiliser le code d’accès:
- D = se placer dans la chambre des Demoiselles
- DF = mettre les pieds sur DF
- rectangle 19 F † = mettre une ficelle dans l’angle bas gauche de la fenêtre ; laisser pendre 19 toises (37 mètres) sur le mur de Fréfossé et repérer une petite croix (en la manoeuvrant, on déclenche l’ouverture).

Connaissant désormais le moyen d’accéder à l’Aiguille, Beautrelet informa le chef de la Sûreté et resta aux aguets. La nuit, il vit des hommes qui sortaient de l’Aiguille portant des fardeaux assez volumineux : Lupin, sûr que Beautrelet réussirait à entrer, congédiait ses hommes avec leur part de butin.

Ganimard arriva, annonçant que l’Aiguille, du côté de la mer, était bloquée par une douzaine de barques et un torpilleur. Avec Beautrelet, il entra dans le souterrain. Ils se heurtèrent à deux portes, dont l’ouverture se faisait grâce à une ligne du code. Puis ils suivirent un tunnel qui passait sous la mer. Beautrelet continua seul, monta de pièce en pièce? Il rencontra Lupin, qui avait repris la physionomie de Valméras, puis Raymonde de Saint-Véran.

On entendit alors les hommes de Ganimard qui brisaient une à une les portes d’accès. Sans se départir de son calme, Lupin conduisit Beautrelet pour une visite de l’Aiguille, montant peu peu jusqu’au plus belle pièce du trésor, dans le cône terminal, et montrant tout ce qu’il sacrifiait pour les beaux yeux de Raymonde de Saint-Véran.

Quand Ganimard surgit, Lupin put entraîner Beautrelet dans un escalier qui descendait vers la mer. Ils empruntèrent un canot sous-marin qui leur permit d’échapper au torpilleur et de gagner Port-Lupin, une petite crique près de Biville-sur-Mer, entre Dieppe et Le Tréport. Là Lupin avait acheté la ferme de la Neuvillette, où il avait l’intention de vivre en hobereau respectable avec sa "mère" et sa femme.

Coup de théâtre final

Mais, pendant que Beautrelet s’occupait de l’Aiguille creuse,  Sholmes avait réussi à localiser Victoire, la vieille nourrice de Lupin (qu'il faisait passer pour sa mère). Ses hommes s’en emparèrent. Pour la libérer, Lupin affronta courageusement le détective anglais. Au cours d'un échange de coups de feu, Raymonde fut tuée.

Alors, fou de douleur, Lupin s’en alla avec Victoire, emportant le corps de Raymonde…


COMMENT ISIDORE BEAUTRELET DÉCOUVRIT LE MYSTÈRE DE L'AIGUILLE

Le treizième jour une lueur se fit en son cerveau, et très vite, avec la rapidité déconcertante de ces idées qui se développent en nous comme des plantes miraculeuses, la vérité surgit, s'épanouit, se fortifia. […]
Rouen… Dieppe… Le Havre… Le triangle cauchois […] Un éclair illumina l'esprit de Beautrelet. Cet espace de terrain, cette contrée des hauts plateaux qui vont des falaises de la Seine aux falaises de la Manche, c'était toujours, presque toujours là, le champ même des opérations où évoluait Lupin.
Depuis dix ans, c'était précisément cette région qu'il mettait en coupe réglée, comme s'il avait eu son repaire au centre même du pays où se rattachait le plus étroitement la légende de l'Aiguille creuse.
L'affaire du baron de Cahorn ? Sur les bords de la Seine, entre Rouen et Le Havre. L'affaire de Tibermesnil? À l'autre extrémité du plateau, entre Rouen et Dieppe. Les cambriolages de Gruchet, de Montigny, de Crasville? En plein pays de Caux. Où Lupin se rendait-il quand il fut attaqué et ligoté dans son compartiment par Pierre Onfrey, l'assassin de la rue La Fontaine ? À Rouen. Où Herlock Sholmès, prisonnier de Lupin, fut-il embarqué ? Près du Havre.
Et tout le drame actuel, quel en fut le théâtre ? Ambrumésy, sur la route du Havre à Dieppe.
Rouen, Dieppe, Le Havre, toujours le triangle cauchois. […]
Beautrelet partit en campagne.
Il partit avec une réelle émotion, en songeant à ce même voyage que Lupin avait effectué, à ces mêmes espoirs dont il avait dû palpiter quand il s'en allait ainsi à la découverte du formidable secret qui devait l'armer d'une telle puissance. Ses efforts à lui, Beautrelet, auraient-ils le même résultat victorieux ?
Il quitta Rouen de bonne heure, à pied, la figure très maquillée, et son sac au bout d'un bâton, sur le dos, comme un apprenti qui fait son tour de France.
Il alla droit à Duclair où il déjeuna. Au sortir de ce bourg, il suivit la Seine et ne la quitta pour ainsi dire plus. Son instinct, renforcé, d'ailleurs, par bien des présomptions, le ramenait toujours aux rives sinueuses du beau fleuve. Le château de Cahorn cambriolé, c'est par la Seine que filent les collections. La Chapelle-Dieu enlevée, c'est vers la Seine que sont convoyées les vieilles pierres sculptées. Il imaginait comme une flottille de péniches faisant le service régulier de Rouen au Havre et drainant les œuvres d'art et les richesses d'une contrée pour les expédier de là vers le pays des milliardaires.
«Je brûle!… Je brûle!…» murmurait le jeune homme, tout pantelant sous les coups de la vérité qui le heurtait par grands chocs successifs. […]
Avec une patience admirable, il allait de la Seine à la mer, et de la mer à la Seine […].
Il étudia, il scruta Montivilliers, Saint-Romain, Octeville et Goneville, et Criquetot.
Il frappait le soir chez les paysans et leur demandait le gîte. Après dîner, on fumait ensemble et l'on devisait. Et il leur faisait raconter des histoires qu'ils se racontaient aux longues veillées d'hiver.
Et toujours cette question sournoise : "Et l'Aiguille ? La légende de l'Aiguille creuse… Vous ne la savez pas ?
— Ma foi, non ... je ne vois pas ça…
— Cherchez bien… un conte de vieille bonne femme… quelque chose où il s'agit d'une aiguille… Une aiguille enchantée peut-être… que sais-je ?"
Rien. Aucune légende, aucun souvenir. Et le lendemain, il repartait avec allégresse.
Un jour il passa par le joli village de Saint-Jouin qui domine la mer, et descendit parmi le chaos de rocs qui s’est éboulé de la falaise.
Puis il remonta sur le plateau et s'en alla vers la valleuse de Bruneval, vers le cap d'Antifer, vers la petite crique de Belle-Plage. Il marchait gaiement et légèrement, un peu las, mais si heureux de vivre! si heureux même qu'il oubliait Lupin et le mystère de l'Aiguille creuse […].
L'horizon s'empourprait de tous les feux du soleil disparu, et de longs nuages embrasés, immobiles dans le ciel, formaient des paysages magnifiques, des lagunes irréelles, des plaines en flammes, des forêts d'or, des lacs de sang, toute une fantasmagorie ardente et paisible.
L'azur du ciel s'assombrit. Vénus rayonnait d'un éclat merveilleux, puis des étoiles s'allumèrent, timides encore.
Et Beautrelet, soudain, ferma les yeux et serra convulsivement contre son front ses bras repliés. Là-bas — oh ! il pensa en mourir de joie, tellement l'émotion fut cruelle qui étreignit son cœur —, là-bas presque en haut de l'Aiguille d'Étretat, en dessous de la pointe extrême autour de laquelle voltigeaient des mouettes, un peu de fumée qui suintait d'une crevasse, ainsi que d'une cheminée invisible, un peu de fumée montait en lentes spirales dans l'air calme du crépuscule…


REALIA

Le roman commence près de Dieppe, au château d'Ambrumésy qui est une ancienne demeure abbatiale. Il comprend un corps de logis surmonté d'un pinacle à horloge et deux ailes avec perrons à balustrade de pierre. L'abbaye elle-même a été très mutilée à la Révolution; il en reste des colonnes tronquées, des ogives incomplètes, les restes d'un cloître et la Chapelle-Dieu, "une des merveilles du style gothique normand". En réalité, le village, à 10 km au sud-ouest de Dieppe, s'appelle Ambrumesnil, dans la vallée de la Saâne, entre Ouville-la-Rivière et Offranville; on y voit les restes d'un vieux château (habité au début du XXe siècle par le comte de Clercy).

Lupin a projeté de prendre sa retraite dans la ferme de Neuvillette, entre Dieppe et Le Tréport. Cadoudal, Pichegru et d'autres royalistes, ayant débarqué le 21 août 1803 dans la gorge de Parfonval, près de Biville-sur-Mer, se firent hisser avec des cordes jusqu'en haut de la falaise et se cachèrent dans la ferme de Neuvillette.

Le château de l'Aiguille, près de Fresselines, dominant la Creuse, aurait été construit en 1680 par Louis XIV pour égarer les curieux qui chercheraient le secret de l'Aiguille. Son vieux toit est surmonté de clochetons "très fins disposés en corbeilles autour d'une flèche plus aiguë et plus haute". En réalité, il s'agit du château de Puyguillon près de Fresselines (il a été peint par Claude Monet).

L'Aiguille d'Étretat, près de la porte d'Aval, est, pour Lupin, un "refuge invisible, prodigieux, fantastique" d'où il tire une "puissance surhumaine". C'est "un roc énorme, haut de plus de quatre-vingts mètres, obélisque colossal, d'aplomb sur sa large base de granit (!) que l'on aperçoit au ras de l'eau, et s'effilant ensuite jusqu'au sommet, ainsi que la dent gigantesque d'un monstre marin". En réalité, l'Aiguille n'a que 70 mètres de haut.

La Chambres des Demoiselles est une grotte creusée dans le rocher, ainsi appelée en souvenir de trois jeunes filles jetées du haut de la falaise par un seigneur d'Étretat qu'elles avaient éconduit.


THÉRÈSE ET GERMAINE

La nouvelle "Thérèse et Germaine" (dans Les huit coups de l'horloge) commence ainsi: "Cette arrière-saison fut si douce que, le 2 octobre au matin, plusieurs familles attardées dans leurs villas d'Étretat étaient descendues au bord de la mer. On eût dit, entre les falaises et les nuages de l'horizon, un lac de montagne assoupi au creux des roches qui l'emprisonnent, s'il n'y avait eu dans l'air ce quelque chose de léger et, dans le ciel, ces couleurs pâles, tendres et indéfinies, qui donnent à certains jours de ce pays un charme si particulier."

 

Le drame va se dérouler sur la plage d'Étretat, dont le décor est dressé : les falaises au loin, dont celle des Trois-Mathildes, la terrasse du casino (future "terrasse Maurice-Leblanc"), l'escalier qui descend à la plage de galets sur laquelle sont installées quelques cabines de propriétaires; devant ces cabines, des messieurs qui jouent au bridge pendant que les dames causent en travaillant à des ouvrages de broderie et que les enfants, les jambes nues, jouent dans l'eau.

Lupin, sous le nom de "prince Rénine", va être mêlé incidemment à un drame conjugal mettant en jeu deux couples: Thérèse d'Imbreval et son mari Jacques d'Imbreval, Germaine Astaing et son frère Frédéric. Germaine Astaing, maîtresse de M. d'Imbreval, a persuadé celui-ci de supprimer sa femme en la poussant du haut de la falaise des Trois-Mathildes. Mais, Thérèse d'Imbreval, qui connaissait leur projet et qui était résignée à mourir, profite d'une occasion pour poignarder son mari. Celui-ci, pour épargner sa femme, a le courage de cacher sa blessure et d'aller mourir dans une cabine de la plage. Alors Lupin intervient pour aider Thérèse d'Imbreval à échapper à la Justice, chassant Germaine Astaing après s'être donné les moyens de l'empêcher de nuire.

REALIA

Les Trois-Mathilde est un lieu-dit (aujourd'hui propriété privée) en haut du chemin de Saint-Clair. Il fait référence à trois pieuses princesses normandes auxquelles on doit la construction de l'église Notre-Dame d'Étretat: Mathilde de Flandre, femme de Guillaume le Conquérant, Mathilde d'Écosse (1079-1118) épouse d'Henri Ier roi d'Angleterre et Mathilde veuve de l'empereur d'Allemagne Henri V et épouse de Geoffroy d'Anjou.


LA COMTESSE DE CAGLIOSTRO

Le trésor des monastères dans le pays de Caux au XVe siècle

A la fin du Moyen Age, tous les monastères de France constituaient un trésor commun, qui était géré par les sept abbayes du pays de Caux.

Fécamp Valmont
Montivilliers Gruchet-le-Valasse
Saint-Wandrille Jumièges

LES SEPT ABBAYES

DU PAYS DE CAUX

Saint-Georges  

wiki-Gordito1869 (Fécalp), Velvet (Valmont-Montivilliers), Urban (Gruchet), Paterm (Wandrille), Golhen (Jumièges), TerraPulchra (Georges)

Chacune de ces sept abbayes possédait une bague gravée à son nom et ornée d’une fausse pierre d’une couleur particulière. Un chandelier à sept branches symbolisait cette entreprise commune, chacune des branches étant ornée d’une pierre correspondant à la couleur des bagues. Les richesses récoltées étaient converties en pierres précieuses conservées dans une roche de granit creuse dominant la Seine près du manoir du Mesnil-sous-Jumièges.

L’hiver 1450, ce château du Mesnil abrita Agnès Sorel, maîtresse de Charles VII, lequel se trouvait alors à Rouen. Elle était enceinte et venait souvent en promenade jusqu’à la pierre, que les gens de Jumièges appelèrent dès lors "la pierre de la Reine".

Pour permettre de localiser le trésor, les moines avaient imaginé une formule secrète : "Ad Lapidem Currebat Olim Regina" (vers la pierre courait jadis la reine). Il fallait comprendre que les initiales de ces cinq mots formaient le mot ALCOR, nom d’une étoile proche d’une des sept étoiles de la Grande Ourse ; il fallait aussi prendre conscience que, sur la carte, les sept abbayes du pays de Caux dont le nom était gravé sur les bagues formaient une figure approximativement semblable à celle formée par les étoiles de la Grande Ourse.

L’équivalent terrestre de l’emplacement occupé dans le ciel par l’étoile Alcor était donc l’emplacement de la pierre du trésor : le Mesnil, près de l’abbaye de Jumièges. Et la formule latine complétait cette indication en désignant plus précisément la pierre d’Agnès Sorel ou "pierre de la Reine".

Le secret du trésor des monastères entre 1790 et 1883

A l’approche de la Révolution, le gardien du trésor (constitué alors de plus de dix mille pierres) était le frère Nicolas, trésorier de l’abbaye de Fécamp. Par précaution, il enferma les sept bagues et bon nombre de pierreries dans un coffret en bois des Iles sous le couvercle duquel il fit graver la formule secrète ; et il enfouit ce coffret au pied de la pierre de la Reine.

A la veille d’être exécuté par les révolutionnaires, en 1792, il confia le secret du trésor à une jeune garçon de douze ans, le chevalier des Aubes, fils du propriétaire du château de Gueures (près de Dieppe).

Il lui demanda de placer, chaque dimanche de Pâques, le chandelier sur l’autel de l’église de Gueures et de transmettre le secret du trésor des monastères à un homme vêtu de noir qui se tiendrait d’abord près du bénitier, puis viendrait près du chandelier à sept branches. Pendant près de 80 ans, le chevalier des Aubes attendit, mais cet homme noir n’est jamais venu.

En 1870, à la veille de l’invasion prussienne, ce chevalier des Aubes (alors âgé de 90 ans), inquiet de la tournure des événements, révéla le secret au cardinal de Bonnechose, archevêque de Rouen, qui, surpris par un orage, s'était arrêté au château de Gueures.

Mgr de Bonnechose (1800-1883), cardinal depuis 1853,
archevêque de Rouen depuis 1858, sénateur.

Il lui confia le coffret contenant les sept bagues et les pierres précieuses. Le cardinal crut prudent de faire passer le coffret en Angleterre et il le confia à un homme de confiance, le sieur Jaubert, qui quitta Rouen dans une voiture.

Mais deux hobereaux de la région, le baron Godefroy d’Étigues et le comte de Bennetot, afin de quitter Rouen, avaient loué les service d’un camionneur, Rousselin. Arrivés dans la forêt de Rouvray (à 10 km de Rouen) et s’étant trouvés sans cheval, ils arrêtèrent la voiture de Jaubert et le tuèrent. Ils eurent la surprise de découvrir les pierres précieuses, dont ils s'emparèrent. Pour acheter le silence de Rousselin, ils lui donnèrent le coffret de bois ainsi que les sept bagues, qui étaient sans grande valeur.

Peu après, Rousselin mourut et Godefroy d’Étigues installa sa veuve et sa fille Brigitte dans une maison de Lillebonne, car il voulait garder un oeil sur elles. Clarisse, la fille de Godefroy d’Étigues, venait parfois jouer chez la veuve Rousselin, soit dans cette maison de Lillebonne, soit, tout près, au phare de Tancarville, où la mère Rousselin venait chaque jeudi pour faire le ménage.

Le coffret avait été remisé et oublié dans le grenier de la maison de Lillebonne. Quand Brigitte Rousselin le trouva par hasard, comme elle avait décidé d’aller faire du théâtre à Paris, elle prit les sept bagues et en retira les pierres pour les mettre sur un bandeau destiné à orner sa tête.

Quand il apprit la perte du coffret, le chevalier des Aubes, mourant, révéla au cardinal que la formule désignant l’emplacement du trésor était gravée à l’intérieur et que lui-même avait caché le chandelier de cuivre dans son jardin de Gueures.

Le temps passant, le cardinal finit par douter de l’intérêt de cette affaire. Il décida de n’en plus parler, résumant toutefois ce qu’il en savait dans un mémoire qu’il cacha dans un livre de sa bibliothèque.

Beaumagnan et ses complices

A la mort du cardinal de Bonnechose, en 1883, sa bibliothèque fut vendue. L’acquéreur, l’avocat parisien Beaumagnan, un ambitieux qui occupait un poste important dans la Compagnie de Jésus, trouva le mémoire qui parlait de cette affaire de trésor. Alors il constitua une équipe d’une douzaine de hobereaux en vue de résoudre l’énigme du chandelier à sept branches et de trouver le trésor des monastères. En 1894, ce groupe était composé, outre Beaumagnan, des deux assassins de Jaubert, du baron Godefroy d’Étigues (à l’est d’Étretat) et du comte Oscar de Bennetot (16 km au sud-est de Fécamp, près de Fauville-en-Caux). Ils avaient comme complices :
— le marquis de Rolleville (6 km au nord de Montivilliers),
— Mathieu de la Vaupalière (6 km au nord de Croisset),
— Roux d’Estiers,
— Auppegard (au sud-ouest de Dieppe, près de Gueures),
— le prince d’Arcole (qui a rencontré la mère de la Cagliostro deux fois en 1870)
— le comte de Brie,
— d’Ormont,
— Denis Saint-Hébert,
— Georges d’Isneauval (Isneauville, près de Rouen).

Mais les douze complices allaient se trouver en concurrence avec une aventurière, la comtesse de Cagliostro, elle aussi en quête du secret.

La comtesse de Cagliostro

Au XVIIIe siècle, l’aventurier italien  Joseph Balsamo (1743-1795) — qui se faisait appeler comte Pellegrini ou comte de Cagiostro — se prétendait thaumaturge et possesseur d’une eau de jouvence. A l’âge de 45 ans, ce Cagliostro fut, à Fontainebleau, l’amant d'une femme de 25 ans, Joséphine Tasher de la Pagerie de Beauharnais (déjà mère de deux enfants et future épouse de Napoléon Bonarparte).

De leur union était née, à Palerme en 1788, une fille, Joséphine Pellegrini-Balsamo qui fut proche de la cour de Napoléon II et de l’impératrice Eugénie et qui, comme espionne, fut mêlée à quelques grands événements du XIXe siècle avant d’être expulsée en Italie et de finir misérablement. Elle avait trouvé dans un livre un papier de la main de Cagliostro sur lequel étaient mentionnées quatre énigmes, qu’il se proposait d’élucider lorqu’il fut expulsé de France : In robore fortuna, La dalle des rois de Bohème, La fortune des rois de France, Le chandelier à sept branches. Un miroir portait également mention de ces quatre énigmes.

[L'énigme "In robore fortuna" a été élucidée dans Dorothée danseuse de corde; "La dalle des rois de Bohème" dans L'Ile aux trente cercueils; "La fortune des rois de France" dans L'Aiguille creuse.]

Cette Joséphine Balsamo eut une fille, seconde comtesse de Cagliostro, qui se faisait appeler dame Pellegrini et qui ressemblait beaucoup à sa mère, laquelle ressemblait à la Vierge de Bernardino Luini (cela lui permettait de faire croire qu’elle était sa mère qui, bien que née à la fin du XVIIIe siècle, aurait eu un secret pour préserver sa jeunesse !). Aventurière elle aussi, elle vivait de vols et d’escroqueries diverses dans la région de Rouen et de Dieppe.

Ayant eu connaissance des recherches entreprises par l’avocat Beaumagnan, elle décida de résoudre pour elle-même l’énigme du chandelier à sept branches. Sous le nom de Joséphine Pellegrini-Balsamo et usant de son pouvoir de séduction, elle se servit de Saint-Hébert, de Georges d’Isneauval et de Beaumagnan pour se faire communiquer tout ce qu’ils avaient trouvé comme indices. Puis elle assassina d’Isneauval et Saint-Hébert, et tenta sans succès d’empoisonner Beaumagnan, bien décidée à mener à bien son entreprise avec ses complices Léonard et Dominique.

Inquiets, les conjurés réussirent à attirer cette Joséphine Balsamo en gare de Fécamp (en publiant une fausse information sur un chandelier à sept branches) et à l’amener de force au château du baron d’Étigues, bien décidés à la noyer près de l’aiguille de Belval, sur la côte de Bénouville.

Arsène Lupin (alias Raoul d'Andrésy)

Fils d’Henriette d’Andrésy et de Théophraste Lupin, professeur de gymnastique et petit escroc, Arsène avait vingt ans quand, sous le nom de Raoul d’Andrésy, il demanda la main de la fille du baron d’Étigues, Clarisse (âgée, elle, de 18 ans). Mais il fut repoussé par le père, alors qu’il voyait en secret la jeune fille dans sa chambre et qu’il l’avait mise enceinte.

Lupin se trouva par hasard au château au moment où les conjurés prenaient leurs dispositions pour mettre à mort la belle comtesse, Ils descendirent la comtesse jusqu'à la mer par l'Escalier du Curé et la mirent dans une barque dont la coque était percée. Lupin intervint et put sauver la jeune femme, laissant croire à ses assassins qu'ils avaient réussi leur coup.

Mais, profitant du sommeil de son sauveur, Joséphine s’enfuit, lui laissant sa photographie. Lupin devint alors amoureux de cette femme, au point de négliger la jeune Clarisse, qui en fut désespérée. Et c’est ainsi qu'il se trouva engagé dans l’affaire du "chandelier à sept branches".

Lupin et la comtesse agissent de concert

Pour aider ses amis dans leur entreprise, le marquis de Rolleville acheta le domaine de Gueures, dans lequel il savait que le chevalier des Aubes avait caché le chandelier à sept branches. Avec cinq de ses associés (le baron d’Étigues, Oscar de Bennetot, d’Ormont, Rolleville et Roux d’Estiers), il se rendit au château et fit commencer des fouilles.

Mais Lupin les avait suivis et, déguisé, avait commencé à explorer le domaine. Quand les ouvriers commencèrent à démolir un certain mur, Lupin décida d’agir. Il se fit reconnaître du baron, affirmant qu’il pouvait les aider dans leurs recherches et… il les enferma tous dans une cave, ce qui lui donna le temps d’attaquer à la pioche un des piliers du mur (dont il avait remarqué qu’il était plus récent que les autres) et de s’emparer d’une branche du chandelier.

Aussitôt poursuivi par les cinq complices, Raoul d’Andrésy eut la surprise d'être sauvé par Joséphine Balsamo qui, venue de Dieppe en berline avec Léonard, s’était introduite elle aussi dans le parc de Gueures. Sans hésiter, Raoul remit la branche du chandelier à Joséphine.

Par Luneray et Doudeville, ils gagnèrent l’auberge de la mère Vasseur, sur la route d’Yvetot, où Joséphine avait déposé ses malles. Mais là ils se heurtèrent à la police, qui recherchait cette dame Pellegrini, accusée de vols et d’escroqueries diverses. Grâce à une ruse de Raoul d’Andrésy (qui se déguisa en femme), Joséphine put s’échapper vers Yvetot, se diriger vers Caudebec et s’arrêter au bord de la Seine, non loin de l’abbaye de Saint-Wandrille, où sa péniche, la Nonchalante,  l’attendait.

En fait la comtesse avait découvert que Raoul d’Andrésy n’était autre qu’Arsène Lupin, voleur comme elle-même. Pendant un mois, il restèrent dans cette péniche, très confortablement aménagée. Ils faisaient des promenades sur les boucles de la Seine: forêt de Brotonne (en aval de Caudebec), ruines de Jumièges (en amont de Caudebec), abbaye de Saint-Georges-de-Boscherville (à Saint-Martin-de-Boscherville, en amont de Duclair), collines de la Bouille (en aval de Rouen), Rouen, Pont-de-l’Arche (entre Vernon et Rouen). Joséphine continuait à écumer la région, entassant dans la péniche des objets volés (dentelles, chasuble, tapisserie…). Bientôt Lupin participa avec  elle et sa bande de complices au pillage de la région (Mantes, Pontoise, Saint-Germain, et même Paris).

La découverte des sept anneaux

L’affaire du chandelier rebondit lorsque Beaumagnan et Bennetot d’une part, Lupin et la comtesse d’autre part découvrirent que Brigitte Rousselin, qui jouait à Paris au Théâtre des Variétés, portait un bandeau orné de sept fausses pierres, de gros cabochons colorés.

Beaumagnan les devança en lui achetant les anneaux. Le lendemain, Léonard l’attaqua chez elle pour lui prendre les pierres. Lupin put la délivrer à temps; mais, faisant croire à la comtesse que Brigitte avait été tuée par Léonard, il l’obligea à avouer tout ce qu’elle savait de l'affaire.

Lupin alla ensuite trouver Beaumagnan chez lui, rue de Vaugirard, où il se trouvait avec deux complices, Godefroy d’Etigues et Oscar de Bennetot. Usant d’un chantage, il put se faire montrer les anneaux sur lesquels il lut le nom des sept abbayes : "Fécamp, Saint-Wandrille, Jumièges, Valmont, Cruchet-le-Valasse, Montvilliers, Saint-Georges-de-Boscherville".

Comme il eut l’imprudence de donner cette information à la comtesse, celle-ci le fit enfermer, sous narcotique, dans une maison de la rue Caumartin, avant de le faire transporter à bord de la Nonchalante, ancrée devant la Côte des Deux-Amants.

A la recherche de la formule du coffret

Joséphine Balsamo alla aussitôt par le train à Lillebonne afin de rencontrer, avec Léonard, la veuve Rousselin, dans l'intention de lui prendre le coffret. Mais il se trouva que, la veille, Clarisse d'Étigues était venue voir son amie ; étant tombée par hasard sur le coffret, elle l’avait emporté à la Haie d’Etigues (c'est parce ce que le baron avait pris ce coffret à sa fille que Beaumagnan découvrit son secret et l’obligea à lui obéir). Comme la veuve Rousselin refusait de révéler le nom de Clarisse, Joséphine la fit enfermer dans un ancien four à chaux près de Caudebec, à la lisière de la forêt de Maulévrier, Léonard devant se charger de la faire parler.

Un jour que Léonard avait particulièrement brutalisé la veuve Rousselin, les cris de cette femme attirèrent l’attention de deux gendarmes et il fallut la mettre de force dans la berline pour la transporter dans un lieu plus sûr, une grotte près de Duclair. Au cours de sa fuite, la comtesse s’évanouit et Léonard la ramena à la péniche, où elle dut rester cachée quelque temps. Lupin en profita pour parcourir le pays. Il finit par découvrir la grotte dans laquelle des complices de la comtesse, le père Corbut et ses deux fils, gardaient la veuve Rousselin.

Il guetta plusieurs jours et finit par voir arriver Joséphine et Léonard, qui avaient amarré la Nonchalante près de Duclair. Léonard entra dans la grotte pour tenter de faire parler la mère Rousselin en lui écrasant la main. C’est ainsi qu’elle révéla ce qu’elle savait du meurtre de Jaubert et du coffret; elle dit aussi qu’elle avait donné ce coffret à quelqu’un qu’elle devait rencontrer le jeudi suivant à trois heures "au vieux phare". Alors Lupin, muni de ces renseignements, réussit à sortir la veuve Rousselin de la grotte et à la confier aux religieuses de l’hospice de Duclair.

Désormais il avait compris que la comtesse était prête à tous les crimes… et il écrivit une lettre à Clarisse pour se faire pardonner. Mais cette lettre, timbrée de Lillebonne, fut interceptée par Godefroy d’Etigues, ce qui permit à Beaumagnan de le localiser.

Ses recherches dans la région permirent à Lupin de répérer l’endroit dont avait parlé la veuve Rousselin : un ancien phare désaffecté dans les bois ceignant le château de Tancarville.

Quand il pénétra dans le phare, Lupin fut agressé, ligoté et baillonné par Beaumagnan. Puis arriva la comtesse qui, elle aussi, avait trouvé le phare.

Lupin assista alors à une scène d’une violence inouïe entre Beaumagnan et Joséphine, qui apparut dans toute sa folle cruauté. Beaumagnan révéla à Joséphine que Clarisse d’Étigues était enceinte de Raoul et il lui montra la lettre envoyée de Lillebonne où il redisait son amour. Avec l’aide de Léonard, Joséphine put neutraliser Beaumagnan.

C’est alors qu’arriva Clarisse d’Étigues, que son père avait conduite chez une amie qui habitait tout près et qui croyait trouver au phare la veuve Rousselin. Alors que Léonard la tenait en joue avec son revolver, Joséphine apprit à Clarisse que son père était celui qui avait assassiné Jaubert, celui qui avait pris les pierreries et que ce meurtre était à l’origine de sa fortune. Elle lui révéla aussi que Raoul, son fiancé, était un voleur et un escroc, de son vrai nom Arsène Lupin.

Alors Lupin et la comtesse purent obtenir de Clarisse la formule du coffret "Ad lapidem currebat olim regina", formule que citait déjà le mémoire du cardinal de Bonnechose.

Comme la comtesse menaçait de tuer Clarisse, Lupin, pour la sauver, n'eut pas d'autre ressource que de livrer à Joséphine la solution de l’énigme, qu’il venait de comprendre : le trésor se trouvait au manoir de Mesnil-sous-Jumièges.

La course vers le trésor et la victoire de Joséphine

En possession de l’énigme, Joséphine assomma Lupin et partit en toute toute hâte, laissant Beaumagnan blessé et Lupin ligotés sous la garde de Léonard. Mais, la nuit, Clarisse vint les délivrer tous les deux, puis elle disparut. Ainsi Joséphine, Beaumagnan et Lupin connaissaient tous trois l’emplacement et étaient libres d'agir. Il s'agissait seulement d'arriver le premier.

Beaumagnan alla d’abord au château de Tancarville prendre d’Etigues et Bennetot pour filer vers le Mesnil-sous-Jumièges.

Lupin, lui, alla à Lillebonne récupérer sa bicyclette, passa à Caudebec (où il aperçut Joséphine dans la Nonchalante). En route il fut attaqué par Godefroy d’Etigues, Beaumagnan et Bennetot ; ils cassèrent sa bicyclette et filèrent dans une voiture à cheval, Lupin courant derrière.

En passant près de Jumièges, Lupin eut l’idée d’interroger le curé qui lui parla d’une "pierre d’Agnès Sorel", un amas de petites roches, la plus haute dominant la Seine d’un mètre ou deux, dans une prairie appartenant à un certain Simon Thuilard. Lupin crut que cela lui donnait l'avantage; mais, quand il arriva, il trouva la roche éventrée à la dynamite : Joséphine était arrivée la première ! De fait, quand il l'avait aperçue dans la Nonchalante, elle était déjà en possession du trésor.

Juste après Lupin, arrivèrent dans la prairie Godefroy d’Etigues, Beaumagnan et Bennetot. Ne pouvant supporter son échec, Beaumagnan se frappa mortellement ; il révéla à Lupin que Clarisse n’était pas pas fille du baron, mais, surtout, que Joséphine avait un bateau au Havre, le Ver-Luisant

La victoire de Lupin

Lupin, ne se tenant pas pour battu et comprenant que Joséphine aurait l’intention de filer par mer avec les pierreries, fila au Havre et se cacha au fond du Ver-Luisant. C’est ainsi qu’il vit Joséphine descendre dans la cale une valise d’osier ficelée et cachetée qui contenait les pierres du trésor. Alors, par une fissure de l’osier, Lupin put extraire les pierres, et les remplacer par des haricots et des lentilles.

Ensuite Joséphine se procura un yacht et y installa Léonard, sous le nom de prince Lavorneff. Le Ver-Luisant appareilla et vint à la rencontre du yacht en pleine mer. La comtesse y transféra la valise, avec l’intention de l’envoyer à Londres pour la mettre dans le coffre d’une banque.

Se doutant que la comtesse allait détruire le Ver-Luisant, Lupin mit en hâte une partie des pierreries dans un sac et sauta dans un canot, juste au moment où le bateau explosait. Il put rejoindre la côte au cap d’Antifer.

Ainsi toutes traces de l'affaire avaient disparu, le "prince Lavorneff" ayant pu témoigner que la comtesse avait péri dans l’explosion de son bateau.

La vengeance de la comtesse

Mais la comtesse, qui avait perdu toutes ses pierreries dans l’explosion, voulut se venger de Clarisse, dont elle était jalouse, et de Lupin, qu’elle aimait. Pour cela, elle commença par faire embaucher Dominique comme palefrenier à la Haie d’Etigues.

Lupin demanda à nouveau au baron la main de Clarisse (à laquelle il offrit un magnifique saphir). Puis, pour la protéger, il s'installa à la Haie d’Etigues dans un pavillon isolé. Pressentant que la comtesse voudrait se venger, il acheta la complicité de Dominique.

Alors Joséphine fit aborder son yacht près de l’escalier du Curé, décidée à enlever Lupin et à faire tuer Clarisse par Dominique. Mais elle échoua dans cette double entreprise, fut blessée et resta avec Léonard.

Lupin, lui, sous le nom de Raoul d’Andrésy, épousa Clarisse. Elle mit au monde une fille, qui ne vécut pas, puis, quelques années plus tard, un fils, qui lui coûta la vie.

Mais la comtesse poursuivit son œuvre de vengeance : elle coula en mer la barque de Godefroy d’Etigues et de Bennetot ; elle empoisonna Dominique et enleva le fils de Lupin et de Clarisse d’Étigues…


REALIA


Le domaine d’ÉTIGUES (la Haie d’Étigues) est situé à quelques kms à l’est d’Étretat, entre Bénouville et Vattetot (à Vattetot, une villa porte le nom de Marie-Louise, fille d'un premier mariage de Maurice Leblanc, lequel vint séjourner tout près, à Vaucottes).
De là on  aperçoit "parmi des plaines tout ensoleillées de colza, à droite, la ligne blanche des hautes falaises jusqu’à Fécamp ; à gauche la baie d’Étretat, la porte d’Aval et la pointe de l’énorme Aiguille". Les gens du château vont "massacrer" les guillemots sur la Roche aux Guillemots, sur la côte près d’Étretat.


L’ESCALIER DU CURÉ a été "taillé jadis en pleine falaise sur l’initiative d’un curé de Bénouville pour que les gens du pays puissent descendre directement jusqu’à la plage ; le jour, des orifices pratiqués dans la craie l’éclairent et ouvrent des vues magnifiques sur la mer dont les flots viennent battre les rochers".
En juillet 2001 un spectaculaire effondrement d’un pan de falaise de 70 m a détruit cet escalier, construit en 1883 par le curé qui voulait ainsi occuper les chômeurs et les indigents de la commune. Il comptait 283 marches et offrait de superbes points de vue grâce à des "fenêtres" ouvertes sur la mer. Il était utilisé jusqu'au milieu des années 60 par les habitants de Bénouville pour aller "à la rocaille" (la pêche à pied). L'endroit était réputé pour ses moulières s'étendant sur plusieurs kilomètres jusqu'à un rocher très fin émergeant de l'eau, l'aiguille de Belval.


GUEURES (12 km au sud-ouest de Dieppe), est un château que Leblanc connaissait bien pour y avoir fait des séjours l’été entre 1900 et 1910 (le château était loué par sa sœur Jehanne). A l’arrière du "manoir délabré", une esplanade dominant le parc était bordée d’un mur à balustrade sur lequel douze piliers de brique servaient de socle à d’anciens vases de pierre. Un escalier extérieur descend dans des caves voûtées. On voit dans le parc une pièce d’eau et un potager dominé par l’église. Un prolongement du cimetière dans le parc, entouré de grilles, servait de lieu de sépulture aux châtelains.


LE CHÂTEAU DE TANCARVILLE - Ce château a été loué à partir de 1911 par Fernand Prat, beau-frère de Maurice Leblanc, qui y vint souvent voir sa sœur Jehanne. Beaumagnan, Bennetot et d'Etigues sont invités à passer quelques jours au château.

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LE PHARE DE TANCARVILLE. - Le phare de Tancarville a été, à partir de 1927, la demeure estivale de Georgette Leblanc, la sœur de Maurice, qui y écrivit ses Souvenirs. "Des chemins rayonnent d’un carrefour central et l’un d’eux mène par des gorges et des pentes brusques vers un promontoire abrupt où se dresse, à moitié visible, le phare abandonné". "Une seule grande pièce composait le rez-de-chaussée".

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MESNIL-SOUS-JUMIÈGES - Manoir de la Vigne du XIIIe siècle avec un souterrain allant vers l’abbaye.

wiki-Urban

Agnès Sorel, maîtresse officielle du roi Charles VII, le poussa à reconquérir la Normandie occupée par les Anglais. Alors qu'elle était enceinte d’un quatrième enfant, elle entreprit, en plein hiver, d'aller retrouver le roi à Rouen où il commandait son armée, peut-être pour le prévenir d'un nouveau complot ourdi par le dauphin, le futur Louis XI. Elle s’installa au Mesnil où, le 3 février 1450, elle accoucha d’un garçon qui devait mourir à l'âge de six mois.
Le 9 février elle fut soudainement prise d'un "flux de ventre" et mourut en quelques heures. Elle eut le temps de léguer ses biens à la collégiale de Loches, à l'abbaye de Jumièges (où est déposé son cœur), aux membres de sa famille et au roi (à qui elle légua ses bijoux).
Sa mort fut si rapide qu’on pensa tout d’abord à un empoisonnement (une autopsie de son cadavre a révélé en 2005 que son tube digestif était infesté d'ascaris et qu'elle avait absorbé du mercure, peut-être pour s'en débarrasser). De ce meutre on a accusé Jacques Cœur, le dauphin futur Louis XI, sa cousine germaine, Antoinette de Maignelais, qui, trois mois après la mort d'Agnès, prenait sa place dans le lit du roi, enfin son médecin, Robert Poitevin, qui toucha une partie de l'héritage. Le roi fit faire pour sa favorite deux magnifiques tombeaux de marbre, l’un à Jumièges pour son coeur, l’autre à Loches.

En plaçant près de Jumièges le trésor de pierreries caché par les trésoriers des sept abbayes, Leblanc avait-il pensé à l’étymologie du toponyme Jumièges ?  Le Carmen de fundatione, ruina et restauratione inclyti monasterii Gemmeticensis, poème du XVIe siècle, fait venir le nom latin de Jumièges, Gemmeticensis, de gemma (la pierre précieuse).

Pour satisfaire les touristes curieux, une "pierre de la Reine" (bien que dynamitée, dans le roman, par la comtesse de Cagliostro) a été installée près du parking devant l’abbaye de Jumièges.


LA BARRE-Y-VA

A quelques kms à l’ouest de Lillebonne, entre Saint-Jean-de-Folleville et Radicatel, Maurice Leblanc a aménagé un petit espace dans lequel il a pu situer son intrigue.

Le domaine de la Barre-y-va forme un rectangle, très allongé, d'environ cinq hectares, que divise inégalement la rivière de l'Aurelle. Celle-ci prend sa source en dehors des murs et traverse le parc en suivant toute sa longueur. A droite, le terrain est assez plat. Il y a d'abord un petit jardin de curé, dans son désordre de plantes vivaces et multicolores, puis le manoir, puis de belles pelouses à l'anglaise. A gauche, un pavillon de chasse abandonné se dresse à l'entrée d'un terrain onduleux qui devient peu à peu plus sauvage et se hérisse de rochers couverts de sapins. Le mur encercle toute la propriété, sur laquelle on peut, de certains points plus élevés des collines avoisinantes, jeter des regards indiscrets. Au centre de la rivière, une île se relie aux deux rives par les arches d'un pont de bois dont presque tous les madriers sont pourris, au point qu'il est dangereux de la franchir. Dans cette île achève de tomber en ruine un ancien pigeonnier en forme de tour. (chap. III)

Lorsque, aux marées d’équinoxe, la "barre" ou mascaret remonte la Seine jusqu’au delà de Caudebec, le cours de l'Aurelle s’inverse. Alors l'eau pénètre dans un "tumulus" dit La Butte-aux-Romains. Dans ce tumulus, un Proconsul de Juliobona a  enfermé quatre jarres remplies de paillettes d’or et n’est jamais venu les reprendre. Or, plusieurs siècles après, une des jarres s’est brisée. Aussi, lorsque la rivière pénètre dans le tumulus, entraîne-t-elle des paillettes d’or ; d’où son nom d’Aurelle. Les propriétaires du domaine avaient certes trouvé un moyen pour récupérer un peu de l'or de l'Aurelle. Mais Arsène Lupin fut seul capable de comprendre les raisons du phénomène, ce qui lui permit de récupérer tour l’or du Proconsul.


REALIA

En allant de Caudebec à Villequier, on passe au pied des deux chapelles de Barre-y-va. L'appellation du lieu s’explique par le fait que la barre (le mascaret) atteignait le pied de la falaise avant les travaux d'endiguement de la Seine.

wiki-Paubry78

Le lieu-dit Radicatel existe sur la route de Lillebonne à Tancarville. Le reste est imaginaire.

 


 

LA ROUTE DES ABBAYES EN COMPAGNIE D’ARSÈNE LUPIN
de Saint-Martin-de-Boscherville au phare de Tancarville

 

Les abbayes

Au noble pays de Caux
Y a quatre abbayes royaux,
Six prieurés conventuaux
Et six barons de grand arroy,
Quatre comtes, trois ducs, un roi.
(*)

(*) Ce roi, c’est le fameux roi d’Yvetot. Entre 1076 et 1098, la seigneurie d’Yvetot reçut des franchises particulières et le seigneur d'Yvetot prit le titre de prince. C'est alors que se forma le mythe d'une érection en royaume par Clotaire Ier en 539. Le “roi d'Yvetot” prétendit alors à la souveraineté, mais ne put faire reconnaître celle-ci par le roi de France. On le mit en chanson : "Il était un roi d’Yvetot / Peu connu dans l’histoire / Se levant tard, se couchant tôt / Dormant fort bien sans gloire / Et couronné par Jeanneton / D’un simple bonnet de coton…"

La route parcourt l’alignement des abbayes du pays de Caux (Saint-Georges-de Boscherville - Jumièges - Saint-Wandrille - Gruchet-le-Valasse - Montvilliers) qui, avec, au nord, Fécamp et Valmont, forment, selon Maurice Leblanc dans La Comtesse de Cagliostro, le dessin de la Grande Ourse.

Les « trésors » d’Arsène Lupin

En pays de Caux sont les quatre "trésors" qui ont excité la convoitise d’Arsène Lupin, la créature romanesque de Maurice Leblanc : le trésor des Abbayes (près de Jumièges), la collection Cahorn (au Trait, dans la zone de Malaquis), l’or du Proconsul (à Radicatel, près de Lillebonne), le trésor des rois de France (à Étretat, dans l’Aiguille).

 


Première étape
L’ABBAYE SAINT-GEORGES-DE-BOSCHERVILLE

Cette abbaye bénédictine a été fondée par Guillaume de Tancarville en 1114 sur l’emplacement d’une collégiale bâtie une soixantaine d’années plus tôt par son père Raoul, grand chambellan de Guillaume le Bâtard.

On y voit l’église Saint-Georges du XIe-XIIe siècle, sa chapelle des chambellans de Tancarville de la fin du XIIIe s. et son domaine abbatial.

Dans La Comtesse de Cagliostro, c’est l’un des buts de promenade de Lupin et de Joséphine Balsamo.

A 10 km au sud, sur l'autre rive de la Seine, est le village de La Bouille, où naquit Hector Malot.


Deuxième étape
LE MANOIR DES VIGNES AU MESNIL-SOUS-JUMIÈGES

C'est au manoir des Vignes, des XIIIe-XVe siècles que, en 1450, mourut Agnès Sorel, la favorite de Charles VII.

C'est là que Maurice Leblanc situe la "pierre de la Reine" dans laquelle les sept abbayes du pays de Caux avaient dissimulé leur trésor.

Il imagine qu les trésoriers des abbayes avaient imaginé un code pour en situer l’emplacement. C’était la phrase Ad Lapidem Currebat Olim Regina. Arsène Lupin comprit que les premières lettres des cinq mots latins formaient le mot Alcor, qui est le nom d’une étoile tout près d’une des sept étoiles de la Grande Ourse, alors que les sept abbayes du pays de Caux sont disposées sur la carte comme les sept étoiles de cette constellation. Le trésor devait donc se trouver à l’endroit qui, dans le pays de Caux, se trouve, par rapport aux abbayes, dans la position d’Alcor. Il s’agit du Mesnil-sous-Jumièges. Et le trésor se trouve précisément là où se trouve la pierre (lapidem) vers laquelle, selon la tradition, Agnès Sorel (Regina) accourait lorsqu'un navire était signalé sur la Seine…

 


Troisième étape
L’ABBAYE DE JUMIÈGES

L’abbaye de Jumièges a été fondée au milieu du VIIe siècle par Philibert. La légende raconte que deux des fils de Clovis se révoltèrent alors que leur père était allé en pèlerinage en Terre sainte, confiant la régence à son épouse Bathilde. Au retour du roi, Bathilde proposa de les punir en les “énervant”, c'est-à-dire en leur faisant couper les tendons des pieds ou des genoux. Ainsi mutilés, les deux garçons ne pouvaient rien faire d’autre que d’entrer en religion. Bathilde décida de les confier au hasard et les mit tous deux sur un radeau à la dérive sur la Seine. De Paris, le radeau descendit jusqu’à Jumièges, où ils furent recueillis par saint Philibert qui fonda une abbaye là où le radeau avait abordé. Ce que Ronsard raconte ainsi (Franciade, IV, v. 1427) :

Leur mère adonc, ah ! mère sans merci
Fera bouillir leurs jambes, et ainsi
Tous méhaignés les doit jeter en Seine.
Sans guide iront où le fleuve les mène
A l’abandon des vagues et des vents.

Pour accréditer cette légende, on a présenté deux gisants comme le "tombeau des Énervés" (actuellement dans le musée lapidaire de Jumièges).

Luminais, Les Énervés de Jumièges

Simone de Beauvoir, dans La Force de l'Age (p. 234), parle ce ce tableau qu'elle a vue au musée alors qu'elle était professeur à Rouen : "Je tombai en arrêt devant un tableau dont j'avais vu, enfant, une reproduction sur la couverture du Petit Français illustré et qui m'avait fait grande impression: les Énervés de Jumièges. J'avais été troublée par le paradoxe du mot énervé, pris d'ailleurs dans un sens impropre puisqu'on avait en fait tranché les tendons des deux moribonds. Ils gisaient côte à côte sur une barque plate, leur inertie imitait la béatitude alors que, torturés par la soif et la faim, ils glissaient au fil de l'au vers une fin affreuse. Peu m'importait que la peinture fût détestable; je suis restée longtemps sensible à la calme horreur qu'elle évoquait."

A l'époque romantique, les ruines de Jumièges ont été un thème pour les poètes, avec l'histoire des "énervés", le séjour de Charles VII et la mort d'Agnès Sorel. On peut citer en exemple une romance, LES RUINES DE JUMIÈGES, publiée dans le Bulletin de l'Académie ébroïcienne de 1837 (p. 114):

Égarés sous ces voûtes sombres,
O Jumièges! nos tristes yeux
Ont cru voir d'héroïques ombres
Peupler tes murs silencieux.
Oh! qui nous redira l'histoire
De tes prêtres, de tes guerriers?
Qui chantera l'amour, la gloire,
Les dames et les chevaliers ?

Là dorment dans la nuit profonde
Deux jeunes princes mutilés.
Ici, loin des regards du monde,
D'autres mystères sont voilés.
Agnès inspirait la victoire
Et nous pouvons, en ce séjour,
Avec Charles rêver la gloire,
Avec Agnès rêver l'amour!

Vieille tour, pieux sanctuaire,
Noirs tombeaux, antiques lambris,
J'ai vu de sa pâle lumière
La lune éclairer vos débris.
Sur l'if, ami des funérailles,
L'oiseau des nuits, chantre de deuil,
A frappé l'écho des murailles
Et troublé la paix du cercueil.

Jumièges, la terre attentive
Semble ouïr tes gémissements.
Comme toi, Niobé plaintive
Pleurait ses malheureux enfants.
Mère souffrante et désolée,
Dans ton sein nous venons offrir
Une fleur à leur mausolée,
Une larme à leur souvenir.

Maurice Leblanc a passé ses vacances de lycéen près de l’abbaye, chez son oncle Achille Grandchamp (une plaque sur la façade en briques du bureau de poste rappelle que ses séjours à Jumièges lui inspirèrent La comtesse de Cagliostro).

Dans sa nouvelle La fortune de M. Fouque (recueil Des Couples, p. 55) il raconte une promenade à Jumièges : "Vers la fin de l'été, le cercle de l'Union organisa une partie de campagne aux ruines de Jumièges. On commença la visite par la salle des gardes, le cloître, l'église Saint-Pierre, les souterrains, le tombeau d'Agnès Sorel. Puis le déjeuner eut lieu sur l'herbe de la grande nef, entre les muraiulles séculaires aux fresques jaunes et bleues, où s'accrochent çà et là les lierres et les ronces."

On visite, à Jumièges, l'église Saint-Pierre, l'église abbatiale Notre-Dame (consacrée en 1067), la salle capitulaire du XIIe, le logis abbatial du XVIIe.



Sur la rive opposée, c'est la FORÊT DE BROTONNE et le village de Heurteauville. Leblanc y a situé l'action de sa nouvelle Le film révélateur (dans Les huit coups de l'horloge).

Lupin, sous le nom de Serge Rénine, est inquiet pour le sort de l'actrice de cinéma Rose-Andrée. Il se demande si elle n'a pas été victime d'un certain Dalbrèque, un homme au physique redoutable, qui jouait dans le même film qu'elle, La Princesse heureuse. Ce film avait été tourné à la lisière de la forêt de Brotonne ("les hautes futaies de Brotonne, antique et vaste forêt toute pleine de souvenirs romains et de vestiges du Moyen Age"), dans une grotte proche du Chêne-à-la cuve ("un chêne célèbre à dix lieues à la ronde dont les branches, en s’évasant, formaient une large cuve") et dans une chaumière sur la commune de Heurteauville, le Clos-Joli.
C'est là que Lupin retrouve le jeune femme. Mais c'est pour assister à une scène très violente entre elle et Valbrèque. Mais, au moment où il allait intervenir pour la libérer, il comprend qu'ils sont en train de répéter une scène pour un futur film et qu'en réalité Rose-Andrée, amoureuse de Valbrèque, s'est réfugiée avec lui dans cette chaumière pour filer le parfait amour.

Le "chêne à la cuve", en face de Jumièges, est formé de quatre troncs divergents, issus d'une même souche, formant une cuve naturelle.

Dans le parc de La Barre-y-va Leblanc cite un "chêne à la cuve": "Le long serpent bleu de la rivière passait sous l’esplanade d’entrée, se redressait, touchait presque à l’angle du manoir, s’évasait un peu à l’endroit de l’île, puis, brusquement, virait entre les roches et la Butte-aux-Romains. Les pelouses étaient dessinées, et de même le contour du manoir et celui du pavillon de chasse. Le mur à contre forts limitait le domaine. Un point rouge marquait le pigeonnier. Des croix fixaient l’emplacement de certains arbres, signalés d’ailleurs par leurs noms : … le Chêne à la cuve, le Hêtre rouge, l’Orme royal." (La Mère Vauchel)


Quatrième étape
LA ZONE DU MALAQUIS, AU TRAIT

Ce qu’on appelle aujourd’hui la "zone d’activité du Malaquis" était autrefois une zone marécageuse, appelée "les Eaux-Mauvaises" [Mal(is)aquis].

Dans sa nouvelle Arsène Lupin en prison, Maurice Leblanc y a situé, dans une île rocheuse de la Seine, le château de Malaquis, où le baron Cahorn enfermait sa riche collection d’œuvres d’art. Bien sûr Arsène Lupin a pu voler une grande partie de cette collection, puis la revendre au baron, tout cela sans sortir de la prison de la Santé où il était provisoirement incarcéré.

"Il n’est point de touriste digne de ce nom qui ne connaisse les bords de la Seine et qui n’ait remarqué, en allant des ruines de Jumièges aux ruines de Saint-Wandrille, l’étrange petit château féodal du Malaquis, si fièrement campé sur sa roche en pleine rivière. L’arche d’un pont le relie à la route. la base de ses tourelles sombres se confond avec le granit* qui le supporte, bloc énorme détaché d’on ne sait quelle montagne et jeté là par quelque formidable convulsion. Tout autour, l’eau calme du grand fleuve joue parmi les roseaux, et des bergeronnettes tremblent sur la crête humide des cailloux." (Arsène Lupin en prison)

* Leblanc avait des connaisances géologiques approximatives : il parle aussi de la base en granit de l’Aiguille d’Étretat.


Cinquième étape
L’ABBAYE DE SAINT-WANDRILLE

Au VIIe siècle, Wandrille, comte au palais du roi Dagobert, décida avec son épouse de se consacrer à Dieu, cela contre la volonté du roi. Il se fit ordonner prêtre à Rouen et, en 649, fonda un monastère dans le vallon de la Fontenelle. Au Xe siècle, quelques moines relevèrent les ruines de cette abbaye qui avait été envahie par les Normands.

Les ruines de l’abbatiale sont des XIIIe-XIVe siècles; le cloître est du XIVe siècle, avec un lavabo mi-gothique, mi-Renaissance.

La soeur de Maurice Leblanc, Georgette, y séjourna plusieurs années pendant l'été avec Maurice Maeterlinck.

En 1924, dans La Comtesse de Cagliostro, Raoul d’Andrésy et Joséphine Balsamo, en haut de la côte qui descend à Caudebec, tournent à gauche parmi les collines boisées qui dominent la vallée de Saint-Wandrille, longent les ruines, suivent le cours d’eau et arrivent à la Seine.


Sixième étape
CAUDEBEC

Ancienne capitale du pays de Caux, Caudebec a perdu ses vieux quartiers en 1940, tout comme il a perdu le mascaret vers 1960 à cause de l’aménagement de l’estuaire.

En 1932, quand Edouard Herriot publiait La Porte océane, il montrait en Caudebec une ville livrée aux peintres anglais : "Vingt peintres et plus, installés dans les rues de la Boucherie ou de la Cordonnerie, essaient de traduire, avec toutes les ressources de l’impressionnisme, une ville célèbre jadis par son port actif, ses bons esprits et ses feutres gris à plume verte. […] L’ample nappe des forêts, émaillée de sinople, quelque jardins de roses encadrent cette aimable ville où la rivière s’appelle la Sainte-Gertrude, où le cabaretier débite sa drogue sous un plafond Renaissance, où sainte Anne, en costume Louis XIII, protège le travail du charpentier ; où, le long de la ruellette, la vendeuse d’herbes était obligée de tenir, tout le jour, sa chandelle allumée. L’étonnante fortune du Havre a ruiné la charmante petite cité et l’a dépeuplée, sauf lorsque, sur la place du Marché, s’installent, venus par le bac avec leurs animaux et leurs légumes, les petits paysans méfiants et âpres du pays cauchois."

Maurice Leblanc a décrit Caudebec dans sa nouvelle La Fortune de monsieur Fouque (1890, recueil Des Couples). La ville est cités dans La Comtesse de Cagliostro, dans Arsène Lupin en prison, dans La Dame blonde, dans L’Aiguille creuse).


Septième étape
LILLEBONNE

Le camp romain de Juliobona s’est développé au point de mériter un grand théâtre-amphithéâtre (aux Ier-IIe s.).

Cette ville romaine est devenue un grand port sur le golfe de la Bolbec, aujourd’hui colmaté.

C’est du château de Lillebonne (rebâtie aux XIIe-XIIIe s.) que Guillaume le Conquérant a rassemblé ses barons avant la conquête de l’Angleterre.

Lillebonne est souvent citée dans les romans de Leblanc (La Barre-y-va, La Comtesse de Cagliostro, La Dame blonde). Le théâtre antique a été reconstitué par l’archéologue André de Savery, alias Arsène Lupin (voir Le dernier amour d’Arsène Lupin).


Huitième étape
RADICATEL, près de Lillebonne

En allant de Caudebec à Villequier, on passe au pied des deux chapelles de Barre-y-va.

L'appellation du lieu s’explique par le fait que le mascaret (c'est-à-dire la barre) atteignait le pied de la falaise avant les travaux d'endiguement de la Seine. Ce sont des marins rescapés d'une tempête qui édifièrent en 1216 la première chapelle, modifiée postérieurement. Une seconde chapelle fut construite en 1837. C’est un lieu de pèlerinage.

Partant de ce toponyme, Maurice Leblanc a imaginé en 1930 toute une intrigue dans son roman intitulé La Barre-y-va. C'est à quelques kms à l’ouest de Lillebonne, entre Saint-Jean-de-Folleville et Radicatel, qu'il a aménagé un espace dans lequel se déroule le roman.

Il a imaginé que le mascaret libérait, à chaque marée d'équinoxe, des parcelles de l'or qui était entreposé depuis l'époque romaine dans un "tumulus" tout proche d'une petite rivière affluent de la Seine, or dont, bien sûr, Arsène Lupin put se rendre maître.

En suivant la route qui va de Lillebonne à Tancarville, on laisse à droite le lieu-dit Radicatel, qui est cité dans le roman.


Neuvième étape
LE CHÂTEAU DE TANCARVILLE

Le château a été fondé sur un promontoire de craie dominant la Seine, au milieu du Xe siècle, par le seigneur Tancrède (Tancredi villa > Tancarville).

Au siècle suivant, Guillaume le Conquérant accorda des privilèges à Raoul de Tancarville, son précepteur et son chambellan, fondateur, vers 1050, de l’abbaye de Saint-George-de-Boscherville.

Les principaux restes du château sont du XIIIe siècle.

Un second château a été construit sur la terrasse de 1710 à 1717 par Louis de la Tour d’Auvergne, comte d’Évreux.

Au XIXe siècle, le poète Pierre-Antoine Lebrun y séjourna.


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