<== Retour


TROIS CHÂTEAUX DU PÉRIGORD

AVEC PIERRE DE BOURDEILLES

SEIGNEUR DE BRANTÔME


 

LES SIRES DE BOURDEILLES

Le Périgord avait de longue date ses états particuliers ou provinciaux ; c’était le sénéchal qui les convoquait en vertu de lettres patentes ; le comte et plus tard le gouverneur y occupaient le premier rang ; les quatre barons du Périgord (Bourdeilles, Beynac, Biron et Mareuil), qui avaient le privilège de porter le nouvel évêque de Périgueux à son entrée dans la ville, prenaient place après l’ordre du clergé; les maires et consuls marchaient à la tête du tiers-état. Les quatre barons étaient si jaloux de leur rang que, sur les chartes, ils apposaient leurs signature en cercle.

La demeure des sires de Bourdeilles était perchée sur les rochers dominant la Dronne. Le château, conquis par les Anglais pendant la guerre de Cent ans, avait été repris en 1377 par le duc d’Anjou et le connétable Bertrand Du Guesclin. Il est dominé par un haut donjon octogonal. Autour du plateau, une puissante enceinte a été reconstruite au XVe-XVIe s. ; on y accédait par une porte à pont-levis.


PIERRE DE BOURDEILLES

Brantôme portrait 1
Brantôme portrait 2

 

Brantôme buste

 

Pierre de Bourdeilles est né vers 1540. Il était le fils d’Anne de Vivonne, dame d’honneur de la reine de Navarre, la sœur de François Ier. Son père, "un homme scabreux, haut à la main et mauvais garçon", avait servi en Italie sous les ordres du chevalier Bayard. Il passa son enfance à la cour de Navarre, puis fut étudiant à Paris et à Poitiers. Pour honorer les services de son frère puiné, Jean, tombé à Hesdin en 1553, Henri II lui donna en commende l'abbaye de Brantôme, dont il devait porter le nom.

Dès 1557, il parcourut l'Italie. A Portofino, il eut les yeux brûlés par une arquebusade : une belle dame le guérit en faisant couler sur ses yeux "du lait de ses blancs et beaux tétins". Il suivit François de Guise, Grand Prieur de France, en Italie (en 1559) puis en Ecosse (en 1561) pour y accompagner Marie Stuart.

Ensuite il se battit contre les huguenots à Blois, à Bourges, à Rouen, à Dreux (1562); contre les Turcs en Afrique. On le voit ensuite à Malte, à Venise, à Saint-Denis…

Vers l'âge de trente ans, la "rage" de ce "bragard" (noceur) s'accroît en compagnie des belles demoiselles de l'escadron volant de la reine (Mlle Isabelle de Limeuil, Rose de Montal, de Rouet, de Clermont, de la Guyonnière, de Fontpertuis…). Il se pique de poésie pétrarquiste, choisissant pour sa Laure cette Marguerite fille, soeur et femme de rois, à laquelle il adresse plusieurs sonnets. S'adressant à Ronsard il écrit :

Tout ce que j'ay de bon, tout ce qu'en moy je prise
C'est d'estre comme toy, sans fraude et sans faintise,
D'estre bon compagnon, d'estre à la bonne foy,
Et d'estre, mon Ronsard, demy sourd comme toy.

Il reconnaît avoir eu bon nombre de maîtresses, à la condition qu'elles aient au moins vingt ans :

Maisonfleur, je ne puis aimer une pucelle
Qui, foiblette, ne peut encor le joug porter,
Et, farouche, ne veut le taureau supporter
Quand quelques fois il veut s'esbaudir avec elle.

J'aime bien celle-là qu'après sa fleur nouvelle,
Sur l'âge de vint ans, est preste de dompter
Et se laisse aisément à son amy monter,
Sans ployer au fardeau ny sans estre rebelle.

Maisonfleur, dites-moy, qui a telles amours
Ne peut-il pas finir heureusement ses jours ?
L'autre n'est point Amour que d'une estrange sorte.
 
Voilà pourquoy je veux retirer mon amour
D'un raisin qui est vert, en attendant qu'un jour,
Possible plus meury l'Automne me l'apporte.

En octobre 1569, il est à Brantôme et y accueille l'amiral de Coligny, qui vient d'être battu à Moncontour par le duc d'Anjou. Sont là aussi Guillaume le Taciturne prince d’Orange et son frère le comte Ludovic de Nassau. Il peut obtenir que l’abbaye soit protégée (mais, en compensation, 260 paysans ont été massacrés dans une salle basse du château de la Chapelle-Faucher, à 10 kms à l’est).

En 1573, il est au siège de La Rochelle avec Montluc et Philippe Strozzi.

Pourtant, en dépit de toutes ces campagnes, Brantôme restait simple gentilhomme ordinaire de la chambre d'Henri III, alors qu'il voyait bon nombre de ses compagnons "avancés comme potirons et fort agrandis". Bien plus, en 1583, Henri III lui refusa la survivance de la charge de sénéchal du Périgord pour le jeune fils de son frère aîné qui vient de mourir.

Furieux, il quitte la Cour avec éclat, jette dans la Seine la clef dorée de la chambre du roi qu'il gardait à sa ceinture, songe à se donner aux Guise, à passer au service du roi d'Espagne…

Mais, vers 1584, une mauvaise chute de cheval lui brisa les reins et l'obliga à rester à Bourdeilles, dans la compagnie de sa belle-soeur Jacquette de Montberon, dame de Bourdeilles, veuve de son frère André. Celle-ci, vers 1560, avait fait construire un "château-neuf" dans l'enceinte du vieux château de Bourdeilles. Elle avait apporté en dot, en 1558, sa seigneurie de Matha (en Charente-Maritime) ; c'est dans ce château qu'en 1588 elle refusa de livrer au prince de Condé ses gens qui y étaient réfugiés.

Brantôme aima cette belle-soeur et il aurait voulu l'épouser, mais leur parenté le condamnait à l'être qu'un amant respectueux:

Hélas! faut-il, Ronsard, qu'un langoureux amant
Pour estre ainsy parent n'ayme point sa parente.
Qui a mis le premier ceste loy si meschante,
Puisque Dieu n'en a fact exprès commandement ?

De même le temps effaça son amour pour la reine Margot. Un jour il alla, au fond de l’Auvergne, revoir cette Marguerite de Valois, alors en résidence surveillée dans le château d’Usson pour avoir prit le parti de la Ligue. La femme resplendissante était devenue une coquette fardée qui se savait pas vieillir. Ils parlèrent littérature et n’eurent aucune envie de se revoir.

Condamné à l'inaction, Brantôme se réfugia dans l'écriture de ses souvenirs de sa vie de courtisan, tout au regret de l'escadron fringant des filles d'honneur de la reine, des longs bavardages dans la chambre de Marguerite de Valois. Pour se dédommager, il raconte d'abord les Vies des dames, accumulant les anecdotes scandaleuses. Puis viennent les Vies des grands capitaines, contemporains de Louis XII, voire de Charles VIII et de Louis XI, des biographies certes peu sûres, mais très vivantes et très amusantes.

Alors Brantôme eut envie d’avoir son propre château, avec donjon, chapelle, girouettes et armoiries, comme ses cousins et amis des alentours. Mais il ne voulut pas une de ces demeures élégantes comme celle que Jacquette de Montbron avait bâtie à côté du vieux donjon de Bourdeilles. Il choisit sa terre de Richemont, fort austère en elle-même, sur laquelle il fit élever une gentilhommière comportant deux grands corps de bâtiment soudés, en retour d’équerre, à une grosse tour carrée. C'était une demeure en accord avec cet homme devenu misanthrope parce qu'il avait dû quitter le monde et misogyne parce qu'il avait dû renoncer aux femmes. Dans la chapelle au rez-de-chaussée de la tour, il aménagea une chapelle dont les murs intérieurs étaient peints d’une bande noire semée de têtes de mort, avec les blasons de Bourdeilles et de Vivonne ; l’antique pierre d’autel était de marbre noir.

Il mit ses manuscrits bien en ordre, avec mission à ses héritiers de les faire imprimer "en belle et grande lettre, et grand volume, pour mieux paraître".

Il mourut le 5 juillet 1614 et fut enterré dans la chapelle de Richemont. Sur sa tombe on disposa son armure, le bouclier couvert de velours noir que le prince de Condé lui avait donné au siège de La Rochelle et l’épée argentée qu’il tenait du duc de Guise. Une plaque porte la longue épitaphe qu’il avait rédigée lui-même:

Passant, si tu es curieux de savoir qui gît en cette chapelle
c'est le corps de Messire Pierre de Bourdeilles en son vivant Chevalier,
gentilhomme ordinaire de la chambre des rois Charles IX et Henri III,
chambellan de Monsieur le duc d'Alençon, leur frère, et pensionnaire
desdits rois de la somme de deux mille livres par an. Seigneur et
baron de Richemont de Saint-Crespin, la Chapelle-Montmoreau et
conseigneur usufructuaire de Brantôme. Issu du côté paternel
de la très noble et antique race de Bourdeilles, renommée dès le temps
de Charlemagne, comme les histoires anciennes et vieux romans tant
français, italiens qu'espagnols et titres vieux et antiques monuments
de la maison le témoignent de père en fils jusques à aujourd'hui. Et
du côté maternel de cette grande et illustre race de Vivonne et de
Bretagne. Il fit son premier apprentissage aux armées sous ce grand
capitaine Monsieur François de Lorraine, duc de Guise, et eut sous
sa charge deux compagnies de gens de pied et ne dégénéra en rien de
la vertu de ses ancêtres, mais se trouva en plusieurs guerres et
combat hasardeux tant en France qu'en pays étrangers : même
le roi de Portugal dom Sébastien honorant sa valeur au retour de
la conquête de la ville de Belis et son Pignon en Barbarie le fit
chevalier de son Ordre appelé l'Habito de Christo. Et nonobstant
toutes ces grandeurs il n'a jamais eu de repos et contentement en ce
monde, aussi une âme généreuse n'en pourrait avoir que dans le Ciel.
Il décéda le cinquième Juillet
l'an mil six cent quatorze
Priez Dieu pour lui.


Les oeuvres de Brantôme :

Les Vies des grands capitaines étrangers
Les Vie des grands capitaines français
Discours sur les couronnels de l'infanterie de France
Discours sur les duels
Discours sur les Rodomontades
Rodomontades espagnoles
Serments et jurements espagnols
Monsieur de La Noue
Discours d'aucunes retraites de guerre
Recueil des Dames
Des Dames galantes
Opuscules et pièces diverses
Poésies


 

Brantôme carte

Tfrois châteaux : Brantôme - Bourdeilles - Richemont


L'ANCIENNE ABBAYE DE BRANTÔME

Brantôme église halle

L’église du XVe a été transformée en halle. ["Icy dessous gist un pauvre homme / Qui vesquit toujours mal en poinct / C’estoit le curé de Brantôme / Qui disoit la messe en pourpoinct" (d’Aubigné)]

*

Brantôme abbaye

wiki-Monster1000

De l'ancienne abbaye, il reste l'église et son clocher roman. Les bâtiments conventuels ont été remplacés, au XVIIIe siècle, par une longue bâtisse un peu froide.

*

Brantôme porte des Réformés

wiki-Père Igor-2009

La porte des Réformés était l’entrée orientale de l’abbaye.

*

wiki-Père Igor-2008

Le pavillon Renaissance de la porte Saint-Roch (avec gracieuses fenêtres et canonnières) a été élevé par l’abbé Pierre de Mareuil sous François Ier. Un pont coudé du XVIe s. permet d'accéder à l'ancien jardin de l'abbaye (avec trois abris-reposoirs dus à Pierre de Mareuil).


LE CHÂTEAU DE BOURDEILLES

Le château des comtes (fin du XIIIe s.) occupe toute la terrasse ouest. Il se compose d'un logis seigneurial avec un donjon octogonal et précédé d'une cour entourée de hautes murailles fortifiées. Géraud de Maulmont a entrepris sa construction vers 1280. Il est haut de 35 m., avec des murs épais de 2,50 m., et est surmonté d'une terrasse.

Le château Renaissance (fin du XVIe s.) a été construit par Jacquette de Montbron de 1588 jusqu'à sa mort en 1598. Elle s'était inspirée de normes architecturales italiennes qu'elle avait lues dans les livres de Sebastiano Serlio.

Bourdeilles 1
Bourdeilles 2
wikiwand wikiwand
Bourdeilles pont
Bourdeilles 3
wiki-Albanst-2007 wikiwand

wiki-Père Igor


LE CHÂTEAU DE RICHEMONT

Le château est situé sur les hauteurs de la commune de Saint-Crépin-de-Richemont (Dordogne). Il a été construit entre 1564 et 1610 par Pierre de Bourdeille, qui y est mort le 5 juillet 1614 (il a été inhumé dans la chapelle). Deux ailes en équerre se rejoignent sur une tour à base carrée (destinée à donner une allure médiévale à l'ensemble). L'aile la plus ancienne (achevée vers 1581) était une aile d'habitation, avec de bas plafonds et des pièces plus sombres. L'aile la plus récente (achevée vers 1610) était plutôt une aile de réception, car les plafonds sont plus hauts, les pièces sont plus spacieuses et les fenêtres sont pourvues de meneaux. Une terrasse a été ajoutée au XVIIe s. et les fenêtres du salon ont été agrandies au XIXe siècle.

Richemont 1
Richemont 2
wiki-Rudolf Pohl-2010 Wiki-Pere Igor-2011

 

Richemont 3

wiki-Traumuine-2011


<== Retour