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NOTRE

HISTOIRE


La section orléanaise Guillaume-Budé

C’est dans une petite commune du Loiret, précisément dans la cour de l’école de Tavers, que — le 28 juin 1953 — naquit l’idée de fonder à Orléans une section locale. On y célébrait ce jour-là le centenaire de Jules Lemaître et, à cette occasion, un professeur de Première supérieure au lycée d’Orléans, Jacques Boudet — avait fait une communication sur Jules Lemaître et l’Antiquité. Parmi les auditeurs se trouvait le nouveau directeur régional de la Régie Renault, M. Germain Martin ; celui-ci prit contact avec le conférencier et exprima son étonnement que les Orléanais n’aient pas encore fondé de section locale "Guillaume-Budé" ; lui-même, qui venait de Nantes, y avait fondé une section et en avait assumé la présidence. Ce projet de transposer à Orléans ce qui s’était fait à Nantes séduisit et devait prendre corps dix-huit mois plus tard.

Jacques Boudet avait réussi à intéresser au projet quelques professeurs du principal lycée de la ville, le lycée Pothier, qui constituèrent avec lui le premier noyau : M. Gaulon, qui avait été secrétaire de la section de Nantes ; M. Francis Pruner, tout nouveau docteur ès lettres ; et aussi "les trois Michel", Michel Adam, Michel Grau et Michel Raimond. On avait également recruté l’archiprêtre de la cathédrale, Mgr Pierre-Marie Brun, docteur en théologie orientale. Le journal local, La République du Centre, par l’intermédiaire de son rédacteur en chef Roger Secrétain, avait décidé de soutenir l’entreprise et un journaliste, Jack Chargelègue, reçut mission de rendre compte des premiers pas de la section.

La première conférence a été donnée le 23 novembre 1954 dans la salle que la municipalité d’Orléans avait fait installer dans le vieil hôtel d’Hardouineau, annexe de la mairie. Le président Germain Martin ouvrit la séance ; Jacques Boudet, vice-président, argumenta en faveur de la création d’une section orléanaise ; et M. Gaulon, fort de son expérience nantaise, expliqua comment "fonctionnait" une section Budé. Ensuite Michel Adam donna ce qui devait être la première d’une longue suite de conférences, en parlant de Pascal et son Dieu, la nuit du 23 novembre 1654.

La presse locale annonce la fondation d'une section orléanaise de l'Association Guillaume-Budé

Pour les conférences suivantes, les professeurs de lettres du lycée Pothier se mirent à l’ouvrage : Michel Grau parla de Giraudoux, Francis Pruner du théâtre d’Antoine, Michel Raimond de la crise du roman et Jacques Boudet du culte de la terre dans la Grèce antique. La consécration officielle et parisienne n’avait pas tardé à venir : le 8 mars 1955, Jean Malye vint saluer les membres de la toute nouvelle section et en profita pour leur parler de son sujet favori, la Grèce et l’Irlande.

La Sorbonne, pendant cinq ans, envoya ses membres les plus éminents : Fernand Robert, Pierre Boyancé, Robert Flacelière, Jacques Heurgon, Pierre-Georges Castex, Pierre Grimal, Pierre Moreau vinrent d’autant plus facilement qu’Orléans n’est pas loin de Paris et qu’il pouvaient regagner la capitale par le train du soir.

Pourtant les sept premières années ne furent pas faciles. On crut même un moment que la jeune association n’allait pas survivre. La saison 1961-1962 avorta : on ne fit, cette année-là, qu’une courte promenade dans le Valois. Puis Michel Adam et Michel Raimond — accaparés par d’autres tâches — quittèrent l’association. En 1962, avec l’arrivée d’un professeur de Lettres du lycée Benjamin-Franklin, M. André Lingois — qui prit tout à la fois les fonctions de secrétaire et de trésorier — un nouveau souffle vint ranimer l’association orléanaise.


Parmi ceux qui l'ont fait naître et se développer, on peut citer:
– Michel Adam, professeur de lettres, qui en fut le premier secrétaire
– Jacques Boudet, professeur de lettres, qui en fut longtemps vice-président
– Pierre-Marie Brun, archiprêtre, qui en fut vice-président
Georges Dalgues, directeur d'école, qui en fut secrétaire
– Michel Raimond, professeur de lettres, qui en fut le premier trésorier


Quatre PRÉSIDENTS se sont succédé à la tête de l’association orléanaise. Après M. Germain Martin, directeur régional de la Régie Renault, président-fondateur, M. Lionel Marmin, secrétaire-général de la mairie d’Orléans, assuma la présidence de 1965 à 1988, ce qui lui valut de recevoir, en 1992, des mains du président Jacques Bompaire, la médaille de l’Association. En 1989, M. Alain Malissard, alors maître de conférences de langue et littérature latines, prit la barre et, pendant vingt-cinq années, il donna un nouveau souffle à l'association. Entre 2015 et 2022, c'est M. Bertrand Hauchecorne, professeur agrégé de mathématiques, qui a dirigé la section orléanaise. En 2022, il a été remplacé à la présidence par Catherine Malissard.

Germain Martin
(1954-1965)

Lionel Marmin
(1965-1989)

Alain Malissard
(1989-2014)
Bertrand Hauchecorne
(2015-2022)
Catherine Malissard
(2022- …)

Pour ses conférences, l’association "Budé" orléanaise a été hébergée dans quatre SALLES successives :
– les dix premières années, jusqu’en 1964, dans la salle Hardouineau, contiguë à l’hôtel Groslot ;
– pendant une vingtaine d’années ensuite, dans la salle de conférences du centre Charles-Péguy ;
– pendant cinq ans, entre 1987 et 1992, dans la salle de conférences de la Caisse d’Épargne, rue d’Escures ;
– enfin, depuis de nombreuses années, dans l’auditorium du musée des Beaux-Arts.


Beaucoup de professeurs certes y ont pris la parole, mais aussi des conférenciers plus "médiatiques" comme Régine Pernoud, Pierre-Aimé Touchard, Jacques Lacarrière, Michel Tournier, Max Gallo, Sylvie Giono, Vassilis Alexakis, Jean-Yves Empereur, Yves Bonnefoy, André Kaspi, Michel Déon, Elisabeth Badinter, Yannick Haenel...

La conférence de février 2019 était notre 400e conférence depuis 1954.


Outre les conférences, parmi les ACTIVITÉS ANNEXES organisées par l'association, on peut citer :
– entre 1955 et 1977, des promenades d'une demi-journée dans Orléans, à la découverte du passé de la ville;
– depuis 1991, des sorties d'une journée à Paris avec la visite d'une exposition et une représentation théâtrale;
– depuis 1955, des excursions littéraires d'une à trois journées dans un large périmètre autour d'Orléans;
– entre 1990 et 2010, des voyages culturels d'une semaine ou plus, principalement autour de la Méditerranée.
– depuis 2018, des « ateliers » consacrés à l'initiation au grec, au latin, à l'étymologie, également à l'Antiquité et à la Littérature.


Le BUREAU ACTUEL

– présidente : Catherine MALISSARD
– vice-président(e)s : Pierre-Alain CALTOT - Nicole LAVAL-TURPIN - Jean NIVET
– trésorière : Véronique SERVAIS
– trésorière adjointe : Colette SPENLÉ-CALMON
– secrétaire : Hadrien COURTEMANCHE
– secrétaire-adjointe : Christine RUET
– chargé de la communication : Jean-François BRADU
– chargée de la diffusion : Madeleine SERRES


Article 12 des statuts de l'Association nationale concernant les sections locales :

L'Association peut créer parmi ses membres des Sections aussi bien en France que dans les pays étrangers où elle jugera utile de manifester son activité. Les Sections sont créées par délibérations du Conseil d'administration approuvées par l'Assemblée générale et notifiées au Préfet de la Seine dans le délai de huitaine. Les Sections élisent un bureau composé d'un membre par dix sociétaires. Le Président est nommé par le Conseil d'administration de l'Association sur présentation de la Section. Les présidents des Sections font de droit parti du Conseil d'administration, hors membre. Ils y ont voix consultative. Les Sections jouissent de leur autonomie financière; elles restent passibles de leurs propres obligations et de leurs engagements personnels. Elles sont chargées d'assurer le recouvrement des cotisations. Elles sont autorisées à en retenir le dixième pour se couvrir de leurs frais généraux. Aucune publication ne pourra être faite par une ou plusieurs Sections sans l'approbation du Conseil d'administration.


À ORLÉANS, PEU APRÈS L'ANNÉE 1508,
S'EST CONSTITUÉE UNE PREMIÈRE ASSOCIATION D'HUMANISTES
ADMIRATEURS DE GUILLAUME BUDÉ

nos grands ancêtres…

Les juristes qui enseignaient au début du XVIe siècle dans l'Université d'Orléans avaient comme base essentielle de leurs études le Digeste ou les Pandectes, une vaste compilation de textes judiriques voulue au VIe siècle par l'empereur Justinien. Leur méthode, fondée exclusivement sur le commentaire de textes ou le commentaire de commentaires, était une pure spéculation intellectuelle sans regard direct sur le réel. Les ouvrages sur lesquels ils se fondaient étaient les compilations de deux professeurs italiens, Accursius (XIIIe s.) et Bartolus (XIVe s.).

C'est alors que, en 1508, parurent les Annotationes in libros Pandectarum de Guillaume Budé. Cet ouvrage se présentait comme une critique philologique et historique du Digeste, avec la volonté de mettre en rapport les lois avec les réalités du monde antique, ce qui impliquait un recours à l'étude des auteurs anciens, des auteurs grecs en particulier.

Titre de l'ouvrage, dédié au chancelier de France Jean de Ganay,
dont le frère, Germain de Ganay, sera évêque d'Orléans entre 1514 et 1520

Ce Guillaume Budé n'était pas un inconnu à Orléans. Il avait quinze ans, en 1483, lorsqu'il était venu y acquérir quelques rudiments de pratique juridique, aussitôt découragé par un enseignement vicié par le dogmatisme scolastique, de plus donné dans un latin incorrect et barbare. Il dira avoir perdu trois ans de sa vie au contact de "toutes les petites chapelles de cette ville d'écolâtres" (omnia conventicula huius urbis scholasticorum). C'est par lui-même que Budé avait acquis ensuite la culture nécessaire, commençant l'étude du grec en 1494 avec l'aide d'un Grec installé à Paris, puis traduisant en latin, de 1502 à 1505, plusieurs traités de Plutarque.

Les deux premiers "budistes" orléanais, véritables "pères fondateurs", ont été sans doute le professeur Jean Pyrrhus D'ANGLEBERME et le maître Nicolas BÉRAULD : ils admiraient Guillaume Budé et essayaient de travailler selon son esprit et ses méthodes.
Pyrrhus D'ANGLEBERME était né rue de la Bretonnerie d'un père médecin ; il avait fait ses études de droit à Orléans et y avait obtenu le titre de docteur (doctor legum) en 1505. Il avait épousé ensuite la fille d'un notaire et habitait rue de la Roche-au-Comte (rue du Pommier). Il enseignait le droit comme docteur-régent dans le bâtiment des Grandes-Écoles, rue de l'Université.
Nicolas BÉRAULD avait été son condisciple à l'Université ; il était licencié en droit et, comme ludimagister, il enseignait les lettres dans un collège, une "tutelle". Mais il assura aussi à l'Université, en 1511, un cours public de droit romain sur un texte des Pandectes, De origine juris, avec de nombreux recours à Tite-Live, Salluste, Aulu-Gelle ou Plutarque, tout à fait dans l'esprit de Budé qui, d'ailleurs, lui écrivit une lettre pour le féliciter.

Ils constituèrent une Association humaniste avec quelques Orléanais parmi lesquels on peut citer :
– un maître d'école (ludimagister) : Jean LODÉ et son sous-maître Jean JULIEN,
– des universitaires : Jean BRUNEAU, professeur de droit canon, Arnoul RUZÉ, docteur in utroque jure, scolastique et chancelier de l'Université (le scolastique était une sorte de "délégué" de l'évêque du diocèse, préposé aux affaires scolaires)
– des hommes d'Église : Charles BRACHET, chantre de Saint-Aignan, Jacques LUCAS, doyen de Sainte-Croix, et même l'évêque Christophe de BRILHAC, qui était licencié en droit.
L'objectif de ces premiers "budistes", s'inspirant de l'exemple de Guillaume Budé, était double : dépoussiérer les études juridiques (jurisprudentiam in veteri nitore restituere) et acquérir une bonne connaissance des œuvres des auteurs de l'Antiquité.

La première entreprise de Pyrrhus d'Angleberme fut d'organiser des "ateliers" d'initiation au grec ancien. Pour cela il fit appel au professeur italien Jérôme Aléandre qui souhaitait s'éloigner de Paris à cause d'une épidémie de peste. Pendant sept mois, dans les années 1510-1511, il y eut une vingtaine d'inscrits qui payaient deux écus par mois pour l'atelier de premier niveau et huit écus pour un atelier qui proposait des leçons presque particulières.

Les "élèves" de ces "ateliers" ne tardèrent pas à mettre à profit les connaisances acquises en s'exerçant sur la publication de textes d'auteurs grecs : Charles Brachet publia en 1513 trois Dialogues de Lucien, Jean Lodé une édition gréco-latine d'un traité de Plutarque, les Préceptes de mariage (1513); Pyrrhus d'Angleberme se contenta de publier un texte latin, les Florides d'Apulée (1518).

Poème sur la célébrité de l'Académie d'Orléans

Que notre Genabum soit appellée désormais Gallogrèce.
Le portique d'Athènes lui-même est venu jusqu'à nous.
Ici les enfants apprennent à chantonner la déclinaison de ton arton
et chaque femme se récite son verbe tuptô.
Quant aux arts libéraux, Orléans bienheureuse l'emporte sur le Latium
et on la dit la mère nourricière des lois.

Dernière page de Militia Francorum regum pro re Christiana, 1518.

Si on en croit ce poème de Pyrrhus d'Angeberme, cinq ou six années ont suffi pour que l'humanisme fasse des progrès spectaculaires à Orléans, au point que cette ville méritait d'être appelée la "cité des lettres" (litterarum civitas), puisqu'on y entendait, dit-il, les enfants balbutier leurs déclinaisons grecques et les femmes leurs conjugaisons, et cela sous les auspices du grand Guillaume Budé, "la gloire de la France" (Budaeus, Gallorum gloria) !


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