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LE DEVOIR ET LA NATURE

drame


Personnages:

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M. DE LUZINCOURT, gouverneur de l'île
LAUREVAL FILS, colonel d'un régiment des colonies
LAUREVAL PÈRE, sous le nom d'EDMOND, 72 ans, ancien officier
Mme DE LOSANGES
ROSALIDE, belle-fille de Mme de Losanges

LA PIERRE, valet de Laureval fils
LA FLEUR, domestique de Mme de Losanges
CHARLES, domestique de M. de Luzincourt

 

En Amérique, la première épouse de M. de Losanges était morte en mettant au monde une fille. Et M. de Losanges ne tarda pas à se remarier, cette fois avec une veuve sans fortune qui avait déjà une fille, Sophie de Gercourt. Mais, peu après, il mourut. Son testament indiquait qu'il souhaitait que son bébé soit confié à Paris à son ami Laureval, avec cette précision que, si cette fille venait à mourir, c'est sa demi-sœur Sophie qui hériterait de ses biens.

Cela donna à Mme de Losanges l'idée de faire disparaître l'enfant. Elle confia donc la petite fille à un « homme d'affaires »; celui-ci l'emmena en France, puis il écrivit à Mme de Losanges qu'elle était morte. Pour plus de sûreté, il commença à lui faire prendre du poison; mais, alors qu'il avait été gravement blessé, au moment de mourir il fut pris de remords et envoya chercher l'ancien ami de M. de Losanges, M. de Laureval, qui libéra l'enfant du poison et l'éleva sous le nom de Rosalide.

Ce M. de Laureval avait un fils qui avait ruiné son père par ses excès, l'obligeant à vivre dans une extrême misère sous le nom d'Edmond. Seule le consolait de ses malheurs la présence de Rosalide, devenue une si agréable jeune fille que le fils Laureval en tomba amoureux. Mais celui-ci, pour échapper à ses créanciers, dut fuir en Amérique où, accueilli par Mme de Losanges, il avait réussi à faire fortune dans le commerce, puis à entrer dans l'armée où il put devenir colonel, avec l'appui du gouverneur de Luzincourt

Quand Mlle de Gercourt fut en âge de se marier, sa mère jeta son dévolu sur ce riche colonel Laureval, à qui elle fit signer un engagement d'épouser la demoiselle de Gercourt (présentement au couvent) ou, à défaut, de payer un dédit de 100.000 livres. Mais Laureval, regrettant ses erreurs de jeunesse, n'avait qu'une idée: retrouver son père et la jeune Rosalide, dont il ne savait pas ce qu'ils étaient devenus. Bien décidé à ne pas épousser la fille de Mme de Losanges, il préférait perdre les 100.000 écus qui lui auraient été versés au moment du mariage et payer le dédit prévu de 100.000 livres. Cette décision désolait Mme de Losanges qui renonçait difficilement à la fortune du colonel.

En France, Rosalide souhaita récupérer la fortune de son père dont sa belle-mère l'avait privée. Edmond et elle vinrent donc en Amérique, dans un île que les Français devaient défendre contre les Anglais. Dès leur arrivée, ils se réfugièrent dans une cabane, puis allèrent prendre un repas au bord de la mer; c'est alors qu'il virent un homme en détresse qui nageait jusqu'au rivage; sans savoir qu'il était anglais, ils le secoururent. Quand des gardes vinrent pour s'en emparer, l'homme réussit à s'enfuir et Edmond fut arrêté, accusé d'avoir favorisé les desseins d'un capitaine anglais qui voulait livrer l'île à l'ennemi (et la lettre d'explication que le capitaine anglais envoya ensuite à son général parlait clairement d'une récompense à attribuer au « vieillard Edmond »).

*

Quand la pièce commence, Rosalide, restée seule, vient plaider la cause d'Edmond. Mme de Losanges ne tarde pas à comprendre qu'elle est sa belle-fille, à la recherche la « femme odieuse » qui a causé son malheur. Et presque aussitôt Rosalide découvre que la dame qui l'a reçue est sa belle-mère. Lorsque Laureval arrive, il reconnaît celle qui a vue grandir chez son père et qu'il aime toujours; mais il apprend en même temps que son père, qu'il recherche depuis tant d'années, est justement cet « Edmond » qu'il doit juger et peut-être condamner à mort.

Prise de court, Mme de Losanges a demandé à Rosalide de ne rien révéler de leur secret. En fait, elle est partagée entre le remords de ce qu'elle a fait à Rosalide et son désir de conserver l'héritage pour sa propre fille. Mais l'ambition l'emporte : ne serait-il pas possible d'accuser Rosalide d'être la complice d'Edmond dans l'affaire du capitaine anglais ? Elle préfère mettre le doute dans l'esprit de la jeune fille en lui montrant l'engagement d'épouser Sophie de Gercourt qu'avait signé son amant. Malgré cela, Rosalide est décidée à se battre : elle menace sa belle-mère, si Laureval doit épouser Sophie, de faire éclater aux yeux du monde le scandale de sa conduite. Mme de Losanges paraît céder; mais Rosalide reste méfiante, à juste titre, car sa belle-mère ne parvient pas à se résoudre à sacrifier le bonheur de sa fille Sophie.

Edmond comparait alors devant le Conseil de guerre, qui est présidé par Laureval. Il assure qu'il est innocent du crime dont on l'accuse et demande qu'on laisse Rosalide en dehors de cette affaire. Il sait qu'il risque la mort.

Mme de Losanges a pris sa décison : elle veut forcer Rosalide à aller vivre dans une de ses propriétés où, assure-t-elle, elle ne manquera de rien. Attiré par les cris de la jeune fille, le gouverneur M. de Luzincourt l'interroge. Il apprend ainsi qu'elle est la fille de M. de Losanges, cette fille qu'on a voulu envoyer en France pour la faire disparaître et lui voler sa fortune. En honnête homme, il lui promet que justice lui sera rendue. Quand Rosalide montre le papiers officiels qui prouvent qu'elle est bien la fille de feu M. de Losanges, M. de Luzincourt fait la morale à Mme de Losanges : qu'elle rende sa fortune à Rosalide et celle-ci fera en sorte de cacher au monde la conduite scandaleuse de sa belle-mère. Finalement Mme de Losanges accepte et annonce qu'elle va se réfugier dans une « retraite profonde » pour y cacher sa douleur et son repentir. Comme Rosalide, généreuse, lui offre de garder pour elle la moitié de la fortune qui lui échoit, Mme de Losanges préfère que cet argent aille à sa fille Sophie. En revanche, Luzincourt repousse avec dignité l'offre qu'elle lui fait de faire libérer Edmond contre de l'argent.

Le procès a eu lieu et Laureval a dû condamner à mort "Edmond", son père. Mais il a le dessein de convaincre le geolier de le faire évader par un souterrain, pour qu'il puisse s'enfuir sur un navire suédois; lui-même, comme complice de l'évasion, serait incarcéré à la place de son père. D'abord réticent, l'honnête geolier accepte quand il apprend que le condamné est le père de Laureval. Edmond , sorti de sa cellule, découvre que celui qui l'a jugé est son fils, ma cause de tous ses malheurs. Lauveval le supplie de lui pardonner; mais Edmond refuse son pardon à ce fils qui vient de le condamner à mort. Alors Laureval rappelle tout ce qu'il a fait pour retrouver son père et pour lui rendre la fortune dont il l'avait privé. Attendri, "Edmond" pardonne; mais, comme il refuse de partir sur le navire suédois, il faut l'entraîner de force.

Comme il l'avait prévu, Laureval, accusé d'avoir fait évader le prisonnier, a été arrêté et mis en prison. Pris de pitié, le geolier propose de le laisser s'évader, mais il refuse. Le gouverneur Luzincourt s'étonne du comportement du colonel, mais il comprend tout lorsque Laureval lui révèle que cet Edmond est son père. Aors il va essayer de plaider sa cause devant ses juges. Rosalinde vient à son tour soudoyer le geolier pour qu'il fasse évader Edmond et… c'est Laureval qu'elle trouve à sa place dans la cellule, un Laureval qui refuse de s'évader, alors que le geolier propose même de s'enfuir avec lui.

À ce moment, on entend la voix d'Edmond qui a été repris et que deux soldats traînent sans ménagement. Laureval essaie de s'interposer et les soldats le mettent en joue. Rosalide tombe à genoux pour le protéger. Edmond ayant crié que Laureval est son fils, l'officier prend pitié et lui fait grâce. Edmond allait être exécuté lorsqu'arrive M. de Luzincourt : on a arrêté le capitaine anglais et celui-ci a attesté qu'Edmond ne savait rien quand il lui a porté secours. Edmond est sauvé; son fils Laureval est sauvé et il retrouve sa jeune fiancée, qu'il va bien sûr épouser, se réconciliant même avec Mme de Losanges.

Et c'est Laureval qui tirera la morale : « Une mère peut être faible, un enfant peut s'égarer; mais, dans les belles âmes, le sentiment ne s'éteint jamais et, tôt ou tard, le Devoir et la Nature les rendent à la vertu ».


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