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HENRI LAVEDAN

MAMM'ZELLE VERTU SUIVI D'AUTRES CONTES
1902

Résumés


 

MAM'ZELLE VERTU
Octavie Crépussin avait épousé Théophile Chotton, qu'elle tyrannisait. Ils avaient pour domestique Victoire Sauzade (surnommée Mam'zelle Vertu) que sa paronne exploitait honteusement. Elle avait même, égoïstement, fait obstacle au projet de Victoire d'épouser un sergent de ville, Cadence. Or un jour, Théophile, se sentant vieillir, révéla à sa bonne qu'il était le père d'une petite fille, Mathilde, dont la mère était morte et qu'il allait chaque semaine voir en cachette chez la dame qui l'élevait. Victoire fut très heureuse de s'occuper de cette fillette, qu'après la mort de Théophile elle traita comme si elle était son enfant. Bien plus, profitant du fait que sa maîtresse dut rester alitée pendant assez longtemps, elle prit Mathilde avec elle et la cacha dans sa mansarde. Lorsque Octavie s'en aperçut, elle eut comme première réaction de la chasser. Pourtant, conseillée par son oncle Crépussin, elle décida de la garder par un calcul sordide : quand Victoire serait morte, elle pourrait faire de Mathilde sa bonne, sans la payer. Et pourtant c'est à cette femme odieuse que les Académies décernèrent leur prix de Vertu de mille francs, présentant Octavie Chotton comme la victime d'une servante sournoise et ingrate dont, par charité, elle avait accepté d'élever la fille…

QUI ?
Dans une île italienne, près de Naples, le comte Jeppi était parti faire une longue promenade lorsqu'il fut surpris par un terrible tremblement de terre. Il se précipita alors vers la villa dans laquelle était restée sa femme. Il trouva le village dévasté et sa maison écroulée. Fouillant avec l'énergie du désespoir dans les ruines, il atteignit le corps de sa femme morte. Mais il s'aperçut que celle-ci tenait dans ses bras le corps d'un jeune homme à demi-nu, très évidemment son amant, qui était venu la retrouver pendant l'absence de son mari. Malgré de longues recherches, il ne put jamais connaître l'identité de celui avec lequel sa femme le trompait.

MONSIEUR PAPILLON
Urbain Papillon était suisse dans une modeste paroisse de Paris. Très consciencieux, il considérait l'église dans laquelle il officiait comme la sienne. En mars 1871, les Communards contraignirent le curé à fermer l'édifice et à aller se cacher. Alors Papillon ne quitta plus son église, redoutant l'arrivée de gardes-nationaux. En mai, apprenant l'arrivée imminente des Versaillais, il se mit en grande tenue avec épée, canne et hallebarde, pour les accueillir. Mais ce sont des insurgés, rendus furieux par la mort de Gustave Flourens, qui envahirent l'église et le bousculèrent. On retrouva son cadavre, en culotte courte et en habit à la française, sur les marches du maître-autel.

LE COSTUME
M. Motrin du Pochelles avait toujours rêvé de se monter en public sous un déguisement et l'occasion lui fut offerte lors d'une fête. Il hésita beaucoup dans le choix d'un costume : choisirait-il un personnage historique, un personnage de la comédie italienne, un marié de village, un tourlourou, un pêcheur napolitain… ?  Agacée, sa femme lui proposa le costume dans lequel son père, consul du Portugal, avait été exposé après sa mort et qu'elle avait récupéré avant sa mise en bière. C'est dans cette tenue, avec épée et chapeau à plumes, que Motrin du Pochelles participa à la fête. Mais personne ne le remarqua particulièrement, ce qui ne manqua pas d'étonner les deux époux.

LE CRIME DE SAINT-CLOUD
À la foire de Saint-Cloud, un hercule présentait un numéro pendant lequel il lançait en l'air une fillette de neuf ou dix ans. Soudain on vit un spectateur, un vieux monsieur, se précipiter sur lui et le tuer avec un sabre qu'il avait arraché à un fantassin assis devant lui dans le public. L'assassin était le comte Saint-Michel, honorablement connu. Lors de son procès il expliqua son geste. Dix-huit ans plus tôt, des saltimbanques lui avaient enlevé sa fille unique. Lorsqu'il eut perdu tout espoir de la retrouver, il se mit à parcourir toutes les foires, pour voir des enfants que l'on exhibait. Mais, à Saint-Cloud, il n'avait pas supporté que l'hercule, à la fin de son numéro, demande à la fillette de lui faire un baiser. C'est pourquoi, expliqua-t-il,  il avait été poussé, presque malgré lui, à le frapper. Le jury, convaincu, décida de l'acquitter.

L'ARMOIRE
M. Marescot avait perdu la femme qu'il aimait après seulement six ans de mariage. Puis, après quatorze années de veuvage, il avait décidé de se remarier. Le jour même de la noce, alors que, chez lui, il se préparait pour la cérémonie, il passa par hasard devant une armoire dans laquelle étaient enfermés des souvenir de sa première épouse : un petit sachet qu'elle avait brodé, des pantoufles, des chemises, des jupons, des mouchoirs. En retrouvant ces objets, il revécut ses années de bonheur et renonça à son second mariage… alors toute la noce l'attendait à la mairie.

LE MAUVAIS SERGENT
Le sergent Ullmann faisait sa ronde près du Bois de Boulogne lorsqu'il intervint contre un homme en blouse qui venait d'attaquer et de blesser mortellement un jeune monsieur élégant pour le voler. Il conduisait au poste de police le coupable dûment ligotté, lorsqu'il reconnut que c'était son fils Jean, qui, autrefois, avait quitté ses parents pour aller vivre sa vie. Emu au souvenir de l'enfant qu'il avait été et redoutant le scandale, il délia ses mains et le laissa s'enfuir.

L'AUMONIER
A Nantes, la jeune Mme Gripon était malheureuse. Elle savait que son mari, un capitaine, passait beaucoup de son temps chez sa maîtresse, Paula Moulette. Elle avoua à l'abbé Durandal que ce qui la rendait malheureuse c'était surtout de ne pas avoir d'enfant. Alors l'abbé alla avec elle rencontrer cette Paula, qui tenait un magasin de modes. Il réussit à l'attendrir en parlant du désir de Mme Gripon d'avoir un enfant : Paula Moulette accepta de partir loin de Nantes, à Tarbes. Et Mme Gripon fut bientôt enceinte.

L'ACCIDENT
Séparée judiciairement de son mari, Mme de Morancey n'avait le droit de voir son fils, Georges, un enfant de dix ans, que le 5 de chaque mois. Ce jour-là, l'enfant, choyé et adoré par sa mère, avait demandé à aller voir les boutiques sur le boulevard. Elle le laissait aller et venir à la guise, lorqu'elle entendit un grand cri : Georges venait d'être renversé par une victoria. On le ramena chez son père sur une civière. Mme de Morancey, se sentant coupable, n'osa pas entrer, mais attendit devant l'hôtel, jusqu'à ce que le concierge vienne lui apprendre la mort de son enfant, en précisant que le comte de Morancey acceptait qu'elle entre pour rester près du corps. Mais elle refusa et partit en disant : « À quoi bon ? »

UN HOMME PEUREUX
Octave Michaud avait perdu sa femme et ses deux enfants. Très riche, il habitait dans un spendide hôtel sur les Champs-Élysées ; mais il prenait modestement ses repas dans un restaurant à prix fixe boulevard Saint-Michel. C'est qu'il était, depuis son enfance, torturé jour et nuit par l'idée qu'il lui faudrait mourir. Pendant cinquante ans, cette peur de la mort l'empêcha de vivre. Pourtant, lorsqu'il rendit le dernier soupir, son vieux serviteur l'entendit murmurer : « Ce n'est que cela ! »

FLEUR D'ORANGER
Trompant son époux pour la première fois, Mme Serval avait rendez-vous dans un hôtel meublé avec son jeune amant Gustave. Arrivée la première, elle eut le temps d'inspecter la chambre, plutôt lugubre par cette journée de pluie, avec le seau de toilette, le lit couvert d'un édredon rouge et, sur la cheminée, une couronne de fleurs d'oranger jaunie, qui lui rappela celle de son mariage, trois ans plus tôt. Puis Gustave arriva, les vêtements trempés. Il prit ce prétexte pour ôter sa redingote et ses bottines. Très gênée, mais le voyant en manches de chemise, elle commença à se déshabiller. Alors, pour jouer, Gustave voulu lui mettre sur la tête la couronne de fleurs d'oranger. Elle le prit très mal : elle le giffla, se rhabilla et sortit. Il n'eut plus qu'à payer la chambre à la petite bonne qui, un peu étonnée, lui dit : « Il ne fallait vraiment pas vous donner la peine de refaire le lit ! »

LA PANTHÈRE
Pendant la messe, dans un hospice accueillant des vieillards qui, tous, étaient cruellement marqués par l'âge, on remarquait une vieille femme, flageolante et vermoulue, aux jambes décharnées et vacillantes, pensionnaire de l'hospice depuis dix années. En fait, c'était Caroline Berger, qu'on appelait autrefois dans le monde Caro la Panthère. Lorsqu'elle était une grande rousse magnifique, elle menait grande vie, gagnant et perdant des millions, multipliant les amants, consacrant sa vie à la prostitution et à la débauche. Et c'est elle qui terminait sa vie parmi les petites sœurs des pauvres… L'une d'entre elles intercèdera-t-elle pour lui obtenir le pardon lorsqu'elle se présentera à l'entrée du Paradis ?

SULTAN
Dans un château de Vendée, Mme Durennes avait un gros chien, Sultan, qui lui était très attaché et qui la suivait partout. Curieusement, alors que cet animal faisait bon accueil à tout le monde, il se montrait en toute occasion agressif à l'égard de M. de Morignac, un hôte de M. Durennes. Un matin même, on apprit qu'il l'avait mordu et que, par prudence, on avait dû l'attacher. Mais, quelques heures après, de Morignac montra tous les symptômes de la rage et, dans son délire furieux, il révéla qu'il était l'amant de Mme Durennes, ce qui avait rendu Sultan jaloux. Morignac mourut, le chien fut abattu. Durennes vendit son château, mais garda sa femme infidèle, « pour le monde ».

LA MAIN
Un homme, qui, quinze ans plus tôt, avait perdu la femme qu'il aimait, avait gardé un moulage en marbre de sa main. Une nuit, il fit un horrible cauchemar. Ayant appris que sa femme le trompait, au cours d'une promenade en forêt, il la tua d'un coup de poignard  et lui coupa sa main droite. Abandonnant le cadavre, il rentra chez lui et jeta la main sur une table. Mais la main se mit à bouger, à se déplacer dans toute la chambre, alors qu'il tentait en vain de l'attraper. Finalement elle s'abattit sur sa tête et les cinq doigts le serrèrent à la gorge. Le hurlement qu'il poussa mit fit à ce qui n'était qu'un cauchemar. Réveillé, il vit que, sur la table de chevet, la main de marbre était toujours là, immobile.

À SAINT-CYR
À Saint-Cyr, deux anciens, André de Pressac et Jules Claudin, étaient très liés. Le premier était le fils d'un capitaine tué en 1870 à Gravelotte, le second fils d'un paysan, Claudin. Un jour, à l'École, à propos d'une banale question de politique, de Pressac avait soufleté son ami. La règle de l'École, dans ce cas, les obligeait à se battre en duel et Jules Claudin, accidentellement, fut mortellement blessé. Sachant qu'il allait mourir, il fit un aveu à son ami. Il lui dit qu'il était en réalité un enfant que le capitaine de Pressac avait eu d'une fermière et dont, blessé à Gravelotte et mourant, il avait révélé l'existence à un soldat qui s'appelait Claudin. Ce Claudin l'avait élevé comme son fils, jusqu'à le faire entrer à Saint-Cyr. André et Jules étaient donc frères, mais de mères différentes. Avant de mourir André fit promettre à son frère d'aller embrasser le vieux père Claudin.

L'OPALE.
Le baron de P** ne prenait pour maîtresses que des femmes de trente ans, mariées. La dernière, Gabrielle, épouse d'un capitaine d'état-major, se donnait à lui tous les samedis, alors que son mari était retenu à la Place jusqu'au dimanche matin. Mais, un samedi à la nuit, le capitaine les surprit et, dans une obscurité totale, réussit à saisir le baron. Celui-ci l'assomma d'un coup de poing en plein visage et put s'enfuir. Rentré chez lui, il s'aperçut qu'il avait perdu l'opale qui ornait sa bague : la pierre avait dû se briser et finir dans la bouche du mari trompé, qui fut tué dans l'algarade. On dit que l'opale porte malheur : ce fut vrai pour le capitaine ; mais elle tira le baron d'un mauvais pas.

LE MÉCANICIEN
Le mécanicien d'une locomotive sur la ligne Paris-Nantes avait comme chauffeur un jeune homme roux, surnommé la Carotte, marié à une jolie blanchisseuse, Jeanne. Il était très jaloux, au point qu'un jour, alors qu'ils étaient tous deux sur leur locomotive lancée à pleine vitesse, il accusa son mécanicien de « marcher avec Jeanne » et il l'attaqua violemment, pris d'une attaque de fièvre chaude. Pour éviter une collision avec un autre train à l'arrêt sur la voie, le mécanicien dut  jeter son chauffeur hors de la locomotive. Ce rime lui valut de passer en cour d'assises, où il fut acquitté.

MIE DE PAIN
Un grand garçon, affamé, traînait dans les rues de Paris, n'osant pas ramasser un gâteau qu'un enfant de riches venait de jeter dans le caniveau. Puis il entra dans le musée du Louvre, où une jeune fille dessinait la statue dite Diane à la biche. Il remarqua qu'elle avait près d'elle un gros pain rassis, dont elle utilisait la mie pour gommer son dessin. Au moment de la fermeture du musée, il réussit à s'emparer du pain et à le cacher sous sa veste. Il revint le lendemain, se tint comme la veille derrière la jeune fille ; mais, en s'emparant du pain qu'elle avait à côté d'elle, il fit tomber un tabouret. La jeune fille fit semblant de ne s'apercevoir de rien. Il comprit et fut plein de reconnaissance lorsqu'il constata que le pain, ce jour-là, était tendre.

RACHEL
Le marquis de Silvesta, déguisé en Polichinelle, sortait d'un bal costumé sur les Champs-Élysées, lorsqu'il fut abordé par une jeune fille qui lui demanda l'adresse d'un bureau de police. Il l'y accompagna et put assister à l'entretien qu'elle eut avec le commissaire. Elle s'appelait Rachel Hobstein et vivait seule avec sa mère. Depuis plusieurs mois, celle-ci recevait pusieurs fois par semaine, un vieil homme, un riche banquier qui s'occupait de ses affaires. Un soir, elle conduisit sa fille chez cet homme et la laissa seule. Alors le gaz s'éteignit ; le vieil homme, dans l'obscurité se saisit d'elle et la viola. Le matin il lui offrit deux bracelets et il la laissa partir. Rachel comprit que sa mère l'avait vendue pour de l'argent. Revenue chez elle, elle entra dans la chambre de sa mère et l'étrangla. C'est pour s'accuser de ce meurtre qu'elle avait voulu rencontrer un commissaire. Aux assises, elle fut acquittée.


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