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ETIENNE DOLET DANS LA LITTÉRATURE POPULAIRE


 

Au XIXe siècle, le personnage d'Étienne Dolet a été utilisé  dans des romans ou des pièces de théâtre que leur auteur voulait mettre en rapport avec des faits contemporains.
C'est une époque où les républicains, jetés en prison ou exilés, sont honnis de la monarchie, où des agitateurs lancent des mouvements de grève, où la liberté de la presse est menacée par le pouvoir politique et par l'encyclique Mirari vos, où les anticléricaux oeuvrent pour obtenir la séparation des Églises et de l'État et pour mettre fin à la domination de la morale catholique.
Or Etienne Dolet avait été « lâché » par François Ier, avait soutenu les ouvriers imprimeurs dans leurs conflits avec les maîtres-imprimeurs, avait diffusé des livres prohibés, en particulier des traductions de l'Ancien Testament et des Évangiles, afin de permettre à tous de réfléchir, en toute liberté, sur les fondements de la religion.
Des rapports entre les deux époques pouvaient donc être facilement établis.



Félix PYAT et Auguste Luchet, Ango, drame en cinq actes, Paris, Ambroise Dupont, 1835.

L'auteur déclare avoir voulu attaquer la royauté dans la personne de François Ier. Au début de son drame il met en scène Marot, qui prétend manger gras le vendredi, Calvin, qui accuse le pape d'interdire la messe en français, et Dolet qui s'oppose aux ordonnances royales qui veulent supprimer l'imprimerie. Ils seront tous condamnés, Dolet à être brûlé vif.

Dolet imprimeur est présenté comme un danger pour la religion et donc pour la monarchie, qui ne tient que par elle. C'est ce que dit le lieutenant-criminel aux juges :
"Oui, Messeigneurs, c'est un grand complot que les ennemis de la religion et de la monarchie ont tramé, je ne dis pas seulement en France, mais dans l'Europe entière… C'est un complot comme on n'en a jamais vu, un complot-géant qui se ramifie universellement, incessamment qui étend ses mille et mille bras du nord au midi, de l'est à l'occident, qui menace toutes nos institutions à la fois… Oui, l'anarchie est à son comble, l'horizon politique et religieux se rembrunit horriblement… il n'y a plus de frein pour ces hommes pervers qui ne rêvent que de bouleversement, que désordre, que rébellion. Le respect pour les choses les plus saintes, pour les prêtres, les nobles et même les rois s'affaiblit de jour en jour, grâce aux perfides doctrines que des novateurs insolents répandent  parmi le peuple, avec cette invention infernale qu'on appelle imprimerie… Juges, c'est à vous qu'il est donné de mettre une digue à un tel débordement… Vous tenez tous les fils de ce complot-labyrinthe, vous les trancherez de manière à ce qu'ils ne puissent jamais se renouer… Déjà la presse est prohibée à tout jamais dans l'étendue du royaume ; mais ce n'est rien d'avoir anéanti l'instrument si vous laissez subsister la tête et les bras qui  le faisaient mouvoir… Guerre à mort, donc, aux écrivains et aux imprimeurs, à ces deux espèces de démons que l'enfer a soufflées sur la France  pour plonger le vaisseau de l'Etat dans l'abîme des révolutions."



Fabre D'OLIVET, Un médecin d'autrefois [Paracelse], 1838

Dans un chapitre du tome II (« La place Maubert »), le médecin Paracelse intervient pour aider Dolet à mourir.

Paracelse et Dolet sont présentés comme des représentants de cette libération des esprits qui caractérise cette époque :

« Au commencement du seizième siècle, une fièvre de réforme et d'indépendance soufflait sur la vieille Europe. Car telle est la marche de l'esprit humain : il n'avance que par bonds et par secousses. Après un long sommeil, il se réveille et fait un pas de géant pour se rendormir ensuite. Alors c'était un moment de crise : tous les esprits s'agitaient, toutes les têtes travaillaient. Les liens du despotisme philosophique et monacal, qui avaient jusque-là bridé le monde, étaient vieux et se relâchaient ; chacun y portait la main pour les briser. »

« Quelques années auparavant, Luther, à la tête des étudiants de Wittemberg, avait brûlé, en grande pompe, les bulles infaillibles du pontife de Rome et le code du droit canonique; Copernic avait bouleversé le système erroné du monde, que la superstition appuyait sur les livres des Hébreux; en même temps Ramus avait levé contre Aristote l'étendard de la rébellion qu'il devait arroser de son sang. Ainsi, partout à la fois, dans la religion, dans les sciences, dans la morale, le despotisme de l'autorité était ébranlé ou renversé ; la raison reprenait son empire le règne de l'indépendance et de la réforme allait commencer. » (t. II, p. 21)

En 1859, le tableau de Léon Bailly Étienne Dolet conduit au supplice semble avoir été inspiré par ce chapitre de Fabre d'Olivet.

"La place Maubert", texte intégral du chapitre.



Joseph BOULMIER, Estienne Dolet, l'imprimeur, ou la France au XVIème siècle, précédé d'une Notice complète sur Dolet par Joseph Boulmier, Senlis, imprimerie de Charles Duriez, 1853.

Selon "La Doloire, Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet", n°6, janvier 2005, cet ouvrage se trouvait dans la bibliothèque de la Société fraternelle des Protes des imprimeries typographiques de Paris (procès-verbal de l'assemblée générale de cette Société du 2 octobre 1853).
En 1857, Joseph Boulmier publiera une biographie d'Etienne Dolet.

Dolet, à la tête de jeunes gens, représente le parti du mouvement en guerre contre le parti de la résistance, représenté par le général Ignace de Loyola et sa compagnie de Jésus. En 1545, ces conspirateurs décident de prendre le Louvre d'assaut. Mais ils se heurtent à la fois aux bourgeois partisans d'Ignace de Loyola et aux troupes du roi. Celes-ci sont  commandées par un étudiant qui a découvert qu'il était le Dauphin de François Ier et qui veut rester fidèle à son père. Voilà Dolet en prison. Mais le Dauphin n'a pas oublié son ancien ami Dolet : il lui obtient la grâce du roi  et un brevet de maître imprimeur. Dolet s'installe à Lyon et épouse la fille de Sébastien Gryphe… qui est , en réalité, une fille qu'Ignace de Loyola  avait eue d'un mariage qui avait mal fini, puisqu'il avait jeté dehors la mère et la fille. Le moine était jaloux de l'état heureux de Dolet et il  rêvait à des moyens de vengeance. Alors, le Dauphin de France étant mort subitement, Ignace de Loyola accusa Dolet d'être l'auteur de cette mort ; il le fit arrêter à Lyon, transférer à Paris, juger et condamner à mort. 
La gouvernante de Dolet vint se jeter aux pieds de François Ier, qui refusa d'abord toute grâce. Mais, grâce à un anneau qu'il lui avait donné et un portrait d'elle qu'il avait fait réaliser par Léonard de Vinci,  le Roi reconnut qu'elle était Jehanne Cureau, une maîtresse qu'il avait autefois aimée à Orléans. Ainsi donc Etienne Dolet était son fils : "Mon fils ! …Grand Dieu ! C'est mon fils… Mais il va mourir…courez, courez donc vite…". Mais c'était trop tard : sur la place Maubert, le bourreau avait déjà rempli son office. 



Jules LERMINA, Le Martyre d'Étienne Dolet, roman historique, publié en feuilleton en 1904 dans le journal L'Action [puis en feuilleton en 1930 dans le journal Le Populaire, puis en volume en 2017 par l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Étienne Dolet, 446 pages.]

En 1531, à Vallouise, alors que l'Église, multiplie les massacres contre les hérétiques vaudois, Dolet est amené à sauver une jeune fille, Louise Giraud, menacée par un odieux personnage, Compaing.
Deux ans plus tard, Dolet est étudiant à Toulouse, une ville conquise par l'Inquisition. Il devient alors un des familiers de deux dames, Marguerite et Éléonore, suscitant la jalousie de leurs maris, auxquels il parvient à échapper. Inscrit dans une liste de personnes à arrêter, Dolet est sauvé par les deux dames, mais son ami Jean de Caturce, lui, est brûlé vif. Ce supplice suscite une émeute dirigée par Louise, installée elle aussi à Toulouse. Dolet finalement peut s'échapper et se rendre à pied à Lyon.
Trois ans plus tard, Dolet est entré comme  correcteur chez l'imprimeur lyonnais Gryphius. Là, il se trouve une nouvelle protectrice, Elisabeth, et surtout de nouveaux ennemis, parmi lesquels Compaing, réapparu. Dolet est favorable aux revendications sociales des compagnons imprimeurs; mais il comprend vite que les désordres sont instaurés volontairement par l'Église, qui sait qu'elle ne peut régner qu'en faisant peur. Au cours de ces désordres, il est amené à sauver la fille d'Élisabeth, que des moines ont jetée dans un cachot souterrain. C'est alors qu'il épouse Louise. Puis il est amené à affronter Compaing en combat loyal et il le tue. Faussement accusé de l'avoir assassiné, il parvient à s'échapper et, passant par Orléans, il va à Paris plaider sa cause auprès du Roi.
Mais, à Paris, il rencontre Rabelais qui lui dit que François Ier n'est plus ce protecteur des lettres qu'il avait été et qu'il est devenu un homme hébété qui laisse agir les inquisiteurs. Dolet en profite pour lui arracher son pardon et obtenir un brevet d'imprimeur.
Il retourne donc à Lyon, où Louise met au monde un fils, Claude. Son imprimerie est florissante, mais ses ennemis cherchent à lui nuire par tous les moyens, l'accusant de sédition et d'hérésie. Louise se précipite en vain à Paris pour se jeter aux pieds de François Ier. Le 2 août 1546 Dolet est condamné à mort  et le lendemain c'est un homme à peine conscient qui fait amende honorable en bredouillant les mots dictés par le bourreau. Grâce à cela, il obtient la possibilité de ne pas être brûlé vif, mais d'être pendu avant d'être jeté avec ses livres dans un bûcher, à Paris, sur la place Maubert.



Michel ZÉVACO, Triboulet suivi de La Cour des Miracles, Arthème Fayard, Le Livre populaire, 1910, 893 pages.

Dans le roman, Etienne Dolet, imprimeur à Paris, poursuivi par la haine d'Ignace de Loyola, avant d'être brûlé place Maubert, est mêlé à plusieurs intrigues tournant autour de jeunes gens qui ignorent quels sont leurs vrais parents.
Le comte de Monclar, grand prévôt de Paris, deviendra fou lorqu'il découvrira que le jeune Lanthenay qu'il hait et qu'il va conduire à l'échafaud est son propre fils.
Le chevalier de Ragastens va comprendre que le jeune Manfred qu'il a sauvé d'une mort atroce dans les souterrains de Montfaucon est le fils qui, par la volonté de Lucrèce Borgia, lui a été enlevé à l'âge de trois ans.
La jeune et belle Gillette, elle, va susciter la convoitise de François Ier, grand amateur de femmes; il va continuer de la désirer même lorsqu'il aura découvert qu'elle est sa fille et il faudra de grands efforts pour la tirer de ses griffes.
Mais le roi a humilié son ancienne maîtresse, Madeleine Ferron, dite « la Belle Ferronnière »; celle-ci, pour se venger, va se faire volontairement contaminer par un syphilitique; ainsi elle va transmettre sa maladie au roi et ils mourront tous deux « dans une étreinte furieuse, ne voyant pas les pustules qui s'ouvraient sur leurs lèvres et leurs seins », leurs haleines fétides se confondant.

Le testament de Dolet : « J'ai aimé les hommes, mes frères. J'ai tâché de leur montrer qu'il y a un flambeau pour les guider vers le bonheur à travers les ténèbres de la vie que nous vivons : ce flambeau s'appelle Science. J'ai fait en sorte de répandre le plus que j'ai pu de science, c'est-à-dire de lumière, afin de chasser le plus possible de ténèbres, c'est-à-dire d'ignorance. Je dis que les dominateurs qui ont inventé le bûcher pour les hommes inaptes à la servitude sont l'obstacle qu'il faut écarter. Puissent les hommes arriver un jour à penser librement, c'est-à-dire sans que leur croyance, leur foi, leur pensée leur ait été imposée. Puisse la science remettre au creuset de l'analyse les croyances humaines qui nous sont transmises par les siècles barbares ! »



Louis MARTIN, Etienne Dolet, drame en 5 actes en vers, Philippeville, A. et T. Costantini, 1923.

A Lyon, le jeune Jean de Peyrat doit épouser Clémence de Bourges. Ce mariage suscite la jalousie et la colère de l'épouse d'un homme fort riche, Louise Labé, qui voulait de Peyrat pour amant. Pour se venger, elle se déguise en homme et affronte de Peyrat dans un duel à l'issue duquel le jeune seigneur est blessé. Louise Labé s'enfuit et se réfugie chez Etienne Dolet, qui est seul, sa femme étant partie au chevet de son père malade. Une liaison se noue entre Dolet et Louise
Louise donne une fête dans ses jardins. De Peyrat, guéri de la blessure, y apprend que Dolet connaît son agresseur, sans doute, pense-t-il,  un amant de sa fiancée Clémence. Mais Dolet refuse de parler et De Peyrat, furieux, le blesse grièvement.
Trois mois plus tard, Dolet est guéri et a quelque remords d'avoir trompé sa femme. Il met fin à sa laison avec Louise, préférant se consacrer à la mission qu'il s'est donnée de conribuer à la libération de la pensée. De Peyrat, toujours obsédé par l'idée que Dolet connaît le nom de celui qui l'a blessé, s'associe à un complot des imprimeurs lyonnais qui vont faire croire que Dolet imprime et diffuse des livres hérétiques. Dolet est donc arrêté par le Saint-Office. Alors que Louise a soudoyé ses gardiens, il refuse de s'évader, voulant affronter le tribunal et faire prendre conscience à tous que l'Église a trahi les leçons de Jésus.
Jean de Peyrat étant mort au service du Roi, Louise et Clémence de Bourges, réconciliées, ont beau faire irruption devant le tribunal et apporter la preuve de l'innocence de Dolet dans le trafic des livres prohibés, il sera quand même condamné. Vingt mois plus tard, au moment d'être conduit au supplice, il refusera « l'appui de la religion » qu'un prêtre lui apporte.

Extraits :
Le vrai Dieu, celui que les prophètes
Annoncèrent jadis au monde tourmenté,
Fut un Dieu de justice, un Dieu de vérité. […]
L'Eglise ! Elle devait illuminer le monde !
Le Christ mourant à ses disciples l'avait dit.
Qu 'a-t-elle fait ? Hélas ! l'univers interdit,
Enfermé dans la nuit et la crainte farouche,
Est là qui vous répond par son immense bouche :
Tout est laid, tout est faux, déformé, torturé,
Obscurci, dévié, tronqué, dénaturé ;
Tout est sombre ! Le bien est flétri dans sa sève,
Tout s'écroule et croupit ; et plus rien ne s'élève ! […]
 Un jour le monde, assoiffé de science,
Bien loin repoussera la servile croyance,
Les dogmes oppresseurs, la déprimante loi
Où nous enclôt I'Eglise…



Marguerite YOURCENAR, L'Œuvre au noir, roman historique, Gallimard, 1968

Zénon est promis à la cléricature, mais son intelligence vive et audacieuse lui a fait prendre conscience des limites de l'enseignement théologique. Il parcourt une Europe où domine la barbarie, où l'homme, écrasé par l'obscurantisme et l'intolérance, risque la mort pour avoir révélé des opinions "hérétiques". Zénon est contraint de fuir pour échapper aux persécutions. A Bruges, il vit dans le couvent des Cordeliers où il soigne les malades. Il prend soin de dissimuler ses véritables pensées, mais il a de longues conversations avec le prieur, un homme à l'esprit ouvert et généreux. Plusieurs jeunes moines, dont son assistant frère Cyprien, qui rencontraient en cachette une adolescente, sont arrêtés. Les témoignages des moines compromettent Zénon qui est à son tour jeté en prison. Jugé pour athéisme et hérésie, pourrait avoir la vie sauve s'il consentait à se rétracter. Mais il refuse et se donne la mort dans sa cellule.

Ce Zénon qui s'est formé un esprit ouvert et libre, libéré des routines et des préjugés, possède évidemment plusieurs traits communs avec Étienne Dolet, lequel est cité plusieurs fois dans le texte.
– « Vers 1539, on avait reçu à Bruges un petit traité en français, imprimé chez  Dolet à Lyon, qui portait son nom. C'est une description minutieuse des fibres tendineuses et des anneaux valvulaires du cœur. […] Zénon y affirmait que la pulsation correspondait au moment de la systole, contrairement à l'opinion enseignée en chaire. […] Le chanoine, qui se connaissait peu en ces matières, lut et relut le court traité, presque déçu de n'y rien trouver qui justifiât les rumeurs d'impiété environnant son ancien élève. » (éd. Poche p. 63) Ce passage de L'œuvre au noir renvoie à Dolet qui a publié en 1540 la Chirurgie de Paulus Eginata, en 1541 deux ouvrages de Gallien, en 1542, sept autres livres de médecine. Dans ces publications on n'avait pu trouver aucune marque d'impiété…
– « En passant par Lyon où j'étais allé remettre mon Traité du monde physique au malheureux Dolet, je rencontrai Laurent de Médicis, mélancoliquement attablé dans une arrière-salle d'auberge. Le hasard fit qu'il fut attaqué ces jours-là par un sicaire florentin. » Dans une lettre au Roi, Dolet parle de l'agression dont il a été lui-même victime de la part d'un sicarius. (éd. Poche p. 123)
– Lors d'un passage à Paris, Zénon fait imprimer ses Prothéories chez un libraire de la rue Saint-Jacques : « Depuis qu'Étienne Dolet, son premier libraire, avait été étranglé et jeté au feu pour opinions subversives, Zénon n'avait plus publié en France. » (éd. Poche p. 151)
 – Marguerite Yourcenar remarque (dans sa Note de l'auteur) : « Certains aspects violents du caractère de Zénon jeune pourraient faire penser à Dolet, le meurtre de Perrotin, par exemple, rappelant, d'ailleurs de loin, celui de Compaing. »  (éd. Poche p. 369).
– En tuant Perrotin (éd. Poche p. 54) Zénon n'a fait que se défendre d'une brute, mais il comprendra vite quel parti ses ennemis pourront tirer contre lui de cette mort. De même le meurtre de Comaing sera évoqué dans le dernier procès fait à Dolet.
– Zénon et Dolet connaissent des fins semblables, à l'issue d'un procès orienté et inique. Et tous deux restent fermes en refusant toute compromission sous forme de rétractation qui ressemblerait à un désavoeu de leurs principes.
– Dans le chapitre intitulé La visite du chanoine celui-ci fait une ultime tentative pour sauver Zénon (p. 339) :  Mais, par malheur les crimes d'athéisme et d'impiété sont patents, et vous avez voulu qu'il en soit ainsi. En matière de droit commun, rien, grâce à dieu, n'a été prouvé contre vous, mais vous savez comme moi que dix présomptions équivalent à une, conviction pour le populaire, et même pour la plupart des juges. » C'est exactement ce qu'a vécu Dolet.


Amineh PAKRAVAN, Le Libraire d'Amsterdam, 2006, trad. de l'italien en 2008

Dolet est un des trois personnages emblématiques du combat pour la séparation de la théologie et de la science qui se confond avec le combat de la liberté de penser : Dolet brûlé en 1546, Giordano Bruno brûlé en 1600 et Galilée persécuté et emprisonné en 1636.

« Les imprimeurs étaient prudents, surtout en matière de religion. On ne plaisantait pas avec ce sujet ; ils savaient de quel bois était fait ce dominicain Mathieu Orry. Il n'accordait aucune chance à ceux qui outrepassaient ses limites, même Gryphe était obligé de jouer de temps en temps au funambule. Dolet, lui, ne s'en souciait absolument pas. Les livres qui sortaient de ses presses étaient une succession de défis. Il se croyait peut-être intouchable […] C'était plus fort que lui, il devait prouver qu'il n'avait pas peur. Et en plus il les agaçait avec ses palabres de bon chrétien. Mais il finit par recevoir la note et la paya, et il la paya vraiment. […] Il savait bien que ça se terminerait ainsi, l'imbécile. Il l'avait dit lui-même. La mort, c'est comme s'il la cherchait : ne disait-il pas qu'il ne la craignait pas et même qu'il la désirait ? Personne ne put l'aider. […] L'ennui, c'est que pour une fois, on ne voulait pas seulement brûler un hérétique – et il était pire qu'un hérétique, c'était un mécréant, un padouan qui ne croyait pas même à l'immortalité de l'âme. Cette fois-ci on voulait brûler un libraire. Etienne Dolet et sa réputation faisaient parfaitement l'affaire. » (p. 60-61)


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