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FRANÇOIS CHEVILLARD

(16** - 1678)


François Chevillard est né au début du XVIIe siècle et est mort à Bourg-la-Reine en 1678 alors qu'il se rendait à Paris.
Il était fils d'un modeste tisserand d'Orléans. Son éducation a été prise en charge par la paroisse de Sainte-Croix, qui le poussa jusqu'à la prêtrise. En 1639, on lui fit avoir une des deux prébendes canoniales desservies à l'autel de Saint-Mamert, puis (grâce au nonce du pape Rasconi) il fut pourvu de la cure de Saint-Germain à Orléans, qu'il garda plusieurs années. Ensuite, après avoir été curé en Bretagne, il se retrouva économe à l'abbaye Saint-Pierre-de-Clairac, près d'Agen.

Parmi ses nombreuses publications, on peit citer :

– Les Portraits parlants ou tableaux animés, Orléans, Gilles Hotot 1641 et 1646.
Ce sont des médaillons poétiques à propos des chanoines orléanais.

– Epitaphe du Révérend Père en Dieu Michel Lefebvre, docteur et compagnon de Sorbonne, Théologal et chanoine de l'Église d'Orléans - 220 vers.

– L'Entrée pompeuse et magnifique de messire Alphonse Delbène, évêque d'Orléans en son église, décrite en quatre langues, française Italienne, espagnole et latine, 1647.

– La Mort de Théandre ou la sanglante tragédie de la mort et passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, Orléans, Gilles Hotot, 1649 (la BnF en possède six rééditions avant 1700, une édition de 1701 consultable sur gallica et une réédition vers 1751 à Rouen)
Théandre, c'est le Christ, "Dieu [fait] homme", dont la Passion telle qu'elle est racontée dans les Évangiles est mise sur le théâtre. Chevillard se justifie en ces termes:
« Si vous remarquez quelques fautes contre les règles ordinaires de la tragédie, soit l'inégale quantité des vers aux actes, soit le défaut de transition aux scènes, soit l'excessive pluralité des personnages, ou bien l'impolitesse du discours, je vous prie de croire que mon peu d'expérience et d'étude touchant la tragédie en est la cause. […] Je n'ai pas cru manquer en conformant le plus que je pouvais la copie à l'original, car dans l'action même que je ne fais que représenter simplement (le jugement de l'homme-Dieu) on n'observa jamais ni ordre, ni règle de justice, le tout y étant perverti et corrompu. »

– Epistola de calceo, seu Protectione pedis summi pontificis adversus offendicula infidelium, haereticorum et schismaticorum. Ad Alexandrum septimum sanctissimum patrem, pontificem max. auctore Francisco Chevillard, sacerdote, vicario generali in abbatia Clairacensi, Paris, Edmond Martin, 1656.

– Controverse touchant la perpétuité de la foi sur le mystère de l'Eucharistie.

– Le Petit-Tout, 1664
Le titre complet est : Le Petit Tout, dans lequel l'homme aura la connaissance de soi-même par l'intelligence de ses propres causes, savoir de Dieu, comme cause efficiente, du corps, comme cause matérielle, de l'âme, comme cause formelle, de la béatitude, comme cause finale, ensemble les moyens d'y arriver, par M. François CHEVILLARD, prêtre curé de Saint-Germain d'Orléans. Imprimé à Orléans et se vend à Paris, 4 vol., 2464 pages, 1664.
C'est une sorte d'Encyclopédie à visée religieuse qui embrasse la théologie, l'anatomie, la physiologie, la géographie, l'histoire naturelle, le droit canon, l'histoire de l'Eglise et du monde connu avec des chapitres sur le temps et ses divisions, les anges et les démons, les planètes et les comètes, l'astrologie, la musique, une échelle des couleurs (qui préfigure le Père Castel), une échelle des odeurs, des saveurs et des nuances, la division de la terre et la géographie des météores, les minéraux, les animaux, la pharmacie, la chimie etc. Le Petit-tout se présente sous la forme d'un dialogue à trois personnages : Adelphe, le maître (Chevillard lui-même), Egisthon le disciple, enfin Clite l'opérateur.
M. Dupuis, présentant l'ouvrage dans la séance du 3 juillet 1863 de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts d'Orléans, conclut en ces termes :
« Ce livre est surtout curieux en ce sens qu'il fait voir quel était encore vers le milieu du XVIIe siècle les croyances de la masse des gens adonnés aux sciences dont il n'est ici que l'écho. N'y a-t-il pas intérêt à voir jusqu'à quel point, à la suite du siècle de Galilée, de Bacon, de Montaigne et de Charron, dans celui de Pascal et de Descartes, ces idées erronées, ces rêveries imprégnaient encore l'esprit public pour avoir eu tant de pouvoir sur un homme d'une piété solide, d'une érudition étendue et d'un caractère qui ne manque pas d'indépendance. Tant la vérité et les idées saines ont peine à se faire jour. » (Bulletin 1863 p. 219-225)

Plan de l'ouvrage :

TOME I
De la foi
De Dieu
De la Trinité
De la durée
De l'ouvrage de Dieu hors de soi
Du monde matériel
De l'astrologie naturelle et judiciaire
De la musique
De la lumière et des couleurs
Des éléments
De l'hydrographie et géographie, et tous les diocèses du monde
Des météores, minéraux, demi-minéraux et sucs endurcis

TOME II
De l'anatomie du corps humain
Du thorax ou ventre moyen
De la tête ou troisième ventre
Des cinq sens extérieurs de l'animal
Du supplément de l'anatomie dans les parties propres à la femme
Du squelette ou ostéologie
De l'âme en général
De l'âme sensitive
De l'âme raisonnable
De la nature des animaux terrestres
De la nature des aniaux aquatiques
De la nature des oiseaux
Des insectes
Des légumes en général
Des fleurs en général
Des plantes fructueuses
Des plantes gommeuses
De la fièvre et de ses espèces
Du remède naturel ou de la crise
Des remèdes artificiels
De la pharmacie naturelle et artificielle tant pour les hommes que pour les bêtes
De chimie, alchimie, spagyrie ou art hermetic pour la préparation des médicaments de médecine

 

TOME III
De la gloire éternelle
Du moyen nécessaire à l'homme pour arriver à sa fin
Sur le progrès du monde
De l'état sacré dans le second et troisième âge du monde
Suite de l'histoire sacrée
L'état sacré dans le quatrième âge du monde
De la captivité de Babylone et ce qui s'y passa
Rétablissement des Juifs en Judée et du Temple
De l'état présent des Juifs et de l'exercice de leur religion
Des figures et prédictions du Messie
Des prédictions du Messie tirées des oracles des Sibylles
De l'idolâtrie
De la magie

TOME IV
Les premières années de la vie de Jésus-Christ
La première année des prédications et miracles de Jésus-Christ
La seconde année des prédications, voyages et miracles de Jésus-Christ
La troisième année des prédications, voyages et miracles de Jésus-Christ
La quatrième et dernière année des voyages, prédications et miracles de Jésus-Christ
De l'Église de Jésus-Christ
Des sacrements de Jésus-Christ en général
Des sacrements de Jésus-Christ en particulier
De la discipline ecclésiastique
De l'économat de l'Eglise de Jésus-Christ
Des censures ecclésiastiques
De l'Eglise catholique depuis le IIe jusqu'au IXe siècle inclus
Des églises hérétiques et shismatiques orientales
De l'église infidèle ou du Mahometisme
De l'église gallicane
De l'Église catholique depuis le Xe jusqu'au XVIe siècle
De la défense des papes contre leurs ennemis
De l'église hérétique du septentrion et de l'occident
De la contraverse entre les hérétiques et catholiques
De la robe de l'épouse ou des cérémonies de l'Église catholique
La fin du grand et du petit Tout.


QUELQUES ÉCHANTILLONS :


Dans une ode en l'honneur du Saint-Sacrement de l'autel :

Tombeau de la philosophie,
Escueil des superbes esprits,
Abysme où se trouvent surpris
Ceux que la raison fortifie ;
Flambeau qui n'a de la clarté
Que pour luire à l'humilité ;
Miroir où la divine essence
Se montrant à ses confidents,
Leur fait trouver par sa présence
Un refuge au milieu de divers accidents.


Pour évoquer la cheminée de la salle d'honneur de la demeure de M. Dufos :

Là, le dos d'une cheminée,
Bien plus forte que les géants,
Porte la ville d'Orléans
Sans en être encore échinée.
On pourrait craindre avec raison
Quelque surprise en trahison
Du feu qui l'assiège au derrière,
N'était qu'on a fait prudemment
Y mestre aussi la rivière
Pour éteindre l'embrasement.


Pour dire qu'en 1647 après J.-C., Alphonse d'Elbène fit son entrée dans Orléans :

L'arbitre de nos jours, l'ouvrier et la ruine des choses, le Temps, avait déjà noué le quarante-septième cercle après mil et six cents de cette chaîne d'or qui tient les siècles attachés depuis que le Théandre, l'ange du Conseil et du Testament, le souverain pontife et le premier évêque vint faire son entrée au monde, quand Orléans, après une ennuyeuse attente, reçut dedans son sein avec le grand Alphonse un prélat vénérable, un digne successeur de tant de saints, et l'ange tutélaire que Dieu détachait de sa Cour…


Pour dire que Michel Lefebvre n'hésitait pas à faire le travail du bedeau en chassant les chiens qui s'introduisaient dans l'église :

Il a fait mille fois ce qu'un bedeau méprise
II a chassé les chiens mille fois de l'église,
Et, ne se souvenant du rang qu'il y tenait,
On le voyait souffrir quand il s'en abstenait. […]
Passant, il a vécu : toi commence aujourd'hui,
Si tu veux bien mourir, à vivre comme lui.


Dans sa dernière œuvre :

Je me plais aux lieux mortuaires ;
Les gibets et les cimetières
Me sont d'agréables séjours,
Car ces lieux jonchés de cadavres
Sont autant de ports et de hâvres
Où l'on prend terre pour toujours.


Dans le Petit-Tout, chapitre Du ciel (tome I, p. 159)

Le Ciel en sa partie inférieure est tout fluide comme le fond d'vne riuiere congelée en sa superficie a la referue de sept pieces qui font les sept Planettes, lesquelles estant solides vont tousiours errant & vagant comme des poissons dans la mer, ou des oyseaux dans l'air, en haut bas, à droit, à gauche, se rencontrant & se croisant, s'éloignant & s'approchant les vnes des autres dans le milieu du Ciel, sans s'écarterpar delà les Tropiques qui renferment le Zodiaque, & neantmoins marchent avec vne telle confusion qu'on n'a sceu encore y remarquer aucun ordre affeuré.


Dans le Petit-Tout, chapitre De la Musique mondaine et humaine (tome I, p. 203)

Il est vray de dire que tout l'Vniuers est vn grand concert de Musique, meslé de consonances & de dissonances, pour se rendre plus agréable. Il est composé de trois Choeurs, dont le plus gros est la Nature, le second, la Politique ; & le troisiéme la Morale, desquels l'admirable cadence suit le poids & la iuste mesure de la Prouidence diuine. […] Reste encore vn troisiéme Monde, Engifton, dans la nature naturante, c'est le Monde Ideal. comme nous auons dit; le conclaue de la Diuinité ; i'entenslà vn concert, & vne melodie que iamais oreille n'a entendu. C'est vn diuin Trio, c'est vn Concordant adorable, trois y font la mesme harmonie, & les trois parties font à l'vnisson toutes les Consonances. Le Pere comme principe des autres personnes , produit son Fils par sa parole, & cette production estant iustement d'vn à deux, donne la iuste Octaue. Le Pere & le Fils, comme vn seul principe, spirent le Saint Esprit, & cette proportion estant de deux à trois fait la Quinte parfaite, comme vous verrez cy dessous. Ainsi la Sainte Trinité fait vn parfait Diapason qui comprend tout , & dans lequel font renfermées les Consonances tres-parfaites de la Musique.


Dans le Petit-Tout, chapitre De la Musique céleste et pythagoricienne (tome I, p. 205)

Pythagore, au rapport de Pline, commençoit le son par la terre, & faisoit vn ton depuis elle iusques à la sphere de la Lune ; de la Lune iusques à Mercure, demy ton ; demy ton depuis Mercure iusques à Venus ; depuis Venus iusques au Soleil, trois quarts de ton. Il faisoit la mesme distance & mesmes proportions depuis la Sphère du Soleil iusques au Firmament : sçauoir depuis le Soleil iusques à Mars, vn ton depuis Mars iusques à Iupiter vn demy ton ; depuis lupiter iusques à Saturne, vn autre demy ton, & depuis Saturne iusques au Firmament trois quarts de ton ; reuenant le tout à six tons moins vn Komma; qui font iustement le Diapason, selon Aristoxene, Pline, & les bons Musiciens.


Dans le Petit-Tout, chapitre De la Chimie naturelle (tome II, p. 497)

Toute la nature, Engiston, ne travaille qu'à la Chymie. Cette machine ronde de l'Vnivers en est le Fourneau ; la Zone torride, le Foyer; le Soleil, le Feu ; les Zones temperées, les Laboratoires; les Zones froides, les Refrigeratifs, si nousn'aymons mieux dire & plus proprement que l'Air & ses diverses regions sont les lieux & comme les Vases où la nature exerce son ouvrage duquel l'eau & la terre fournirent lamatiere, & dont les effets sont ce que nous appelons les Meteores, par l'exaltation & par l'attraction que font les rayons du Soleil, reverberez contre ces deux bas éléments, de leurs exhalaisons & leurs vapeurs.


A la fin du Petit-Tout (tome IV, p. 1036)

Enfin les saintes destinées
Ont mis heureusement à bout
L'assemblage du Petit-Tout,
Dans le cercle de six années.
Seigneur qui donnas en six jours,
Au grand l'infatigable cours
Et te reposas le septième,
Fais-moi faire un ferme propos
De me recueillir en moi-même,
Pour jouir avec toi de l'éternel repos.


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