Charles Barbara
LES SOURDS
RÉSUMÉ :
Un brave berger gardait une centaine de moutons. Quand vint midi, voyant que sa femme ne lui apportait pas à manger, il demanda à une vieille qui, de l'autre côté de la route, coupait de l'herbe pour sa vache, d'avoir l'oeil sur ses moutons. Or la vieille était sourde. Elle crut qu'il lui reprochait de prendre de l'herbe et elle l'injuria. Mais il était sourd et il crut qu'elle acceptait.
A son retour, un peu inquiet car la vieille avait la réputation d'être une voleuse, il compta ses moutons: tous étaient bien là. Dans l'intention de récompenser la vieille, il prit une de ses brebis, certes grosse et grasse mais boiteuse et il la déposa aux pieds de la femme en la remerciant. La sourde crut qu'il lui reprochait d'avoir, par méchanceté, volontairement cassé une patte à l'animal; elle s'indigna et le menaça avec sa serpe. Ne comprenant pas, le berger brandit contre elle son bâton.
Arriva un cavalier à cheval: ils l'arrêtèrent et, voulant le prendre pour juge, ils se plaignirent à lui, le berger expliquant qu'il avait voulu faire un cadeau à la femme, la femme jurant qu'elle n'avait rien fait au mouton. Mais le cavalier était sourd: il crut que l'homme et la femme voulaient récupérer leur cheval, qu'il avoua avoir plus ou moins volé et qu'il acceptait bien volontiers de rendre. Mais les deux autres ne comprirent pas et les trois sourds s'engagèrent dans une violente querelle.
Passa alors un sage vieillard : ils le prirent pour juge et chacun lui expliqua son affaire. Mais le vieillard était sourd. Il crut qu'ils étaient envoyés par sa femme qui voulait qu'il rentre à la maison. Il expliqua qu'il avait quitté le cloître pour se marier, mais que sa femme était un véritable démon qui lui avait fait commettre mille péchés : il allait en pèlerinage à Rome, préférant finir sa vie en mendiant au bord des routes plutôt que de vivre avec sa femme.
Evidemment les sourds ne comprirent pas un mot de ses explications et la dispute continua. Lorsque des gens apparurent au loin la route, la cavalier s'enfuit, abandonnant le cheval; le berger alla rassembler son troupeau qui s'était éloigné; la vieille femme prit le mouton boiteux et l'emmena avec elle; le vieillard, rejoint par des gens de sa famille, se décida à rentrer chez lui lorsqu'on lui eût promis que sa femme deviendrait douce et soumise.