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Charles Barbara

L'OMBRE DU MANCENILLIER


RÉSUMÉ :

J'habite un appartement à Paris qui appartenait à un certain Claude Bryan, qui en avait hérité de son ami Vilfride Goezler, mort d'une sorte de phtisie pulmonaire.Un jour j'appris que ce Claude était mourant et j'allai le voir. Je trouvai un homme dans un grand état de dépérissement et en proie à un violent délire. C'est alors que je connus le drame que lui et son ami avaient vécu.

Vilfrid et Claude étaient des amis très intimes, mais très différents : Claude, égoïste et matérialiste, savait habilement exploiter Vilfrid, sorte de philosophe idéaliste. Or Vilfrid aimait sa cousine Marie Desvignes et il en était aimé. Ils finirent par s'avouer leur amour et le mariage fut décidé. Vilfrid assura à Claude qu'il pourrait continuer à vivre dans l'intimité et aux dépens du couple, mais Claude savait que cela n'était pas possible et il annonça que, si Vilfride se mariait, leur faudrait se séparer. Vilfride, ne pouvant supporter cette idée, renonça à celle qu'il aimait. Mais la violence qu'il fit sur lui-même pour prendre cette décison la rendit malade et le fit mourir. Claude Bryan, auquel son ami avait légué tous ses biens, les mit aussitôt en vente et c'est ainsi que je pus acquérir logement et meubles. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de les imaginer tous les trois : je croyais voir Vilfride et Marie rêvant de leur bonheur futur et Claude se dressant entre eux pour les séparer avec une violence atroce. Une nuit, j'entendis, dans ma chambre, comme le bruit que fait une plume chargée d'encre sur un papier : crec-crec-crec… Je crus avoir été dupe de mon imagination, mais, à mon réveil, je trouvai sur ma table dix feuilles de papier couvertes d'écriture. C'était Vilfride mort qui avait écrit !

Il racontait d'abord dans ce texte ce qu'il avait éprouvé pendant sa maladie, ce qu'il avait éprouvé en mourant et ce qui lui était arrivé ensuite : il avait entendu le médecin confirmer qu'il était mort ; il avait vu Claude, resté seul, relire froidement le testament; il s'était vu lui-même sur le lit, le visage d'une pâleur livide; il avait vu les hommes qui étaient venus pour l'enfermer dans un cercueil. Surpris de ne plus voir son reflet dans un miroir, ni son ombre sur le plancher, il était devenu une sorte de fluide diaphane, pourtant capable de voir et d'entendre. Alors il était allé errer à travers la ville : il bouscula un passant qui ne le vit pas et n'entendit pas ses paroles ; dans un café il but le café d'un petit vieux qui accusa le garçon de ne pas l'avoir servi. Mais surtout il alla chez Marie : il la trouva, dans sa robe noire, acceptant les caresses de Claude qui lui disait que son Vilfride n'était à son insu qu'un libertin débauché qui changeait chaque jour de maîtresse; alors que Marie allait accepter un baiser, il s'était dressé entre les deux amants et Bryan, terrorisé, s'était enfui. Claude l'avait suivi chez lui pour lui demander réparation par les armes :  il se battirent à l'épée et Claude, incapable de blesser son adversaire, fut grièvement blessé ; et, plusieurs jours de suite, Vilfride, implacable, revint pour lui infliger de nouvelles blessures, le mordre, le déchirer jusqu'à ce qu'il se brise le crâne en tombant.

Je venais tout juste de terminer la lecture de cette étrange confession qu'un ami est venu m'annoncer le décès de Claude Bryan, mort après une agonie affreuse au cours de laquelle il semblait se battre contre quelqu'un en poussant des cris intolérables.

 


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