CHARLES BARBARA
(1817-1866)
LES PREMIÈRES ANNÉES (1817-1840)
Louis-Charles Barbara était né à Orléans, rue Bannier, le 5 mars 1817. Il était le fils d'un luthier facteur d'instruments originaire de Dausenau (près de Coblence) qio était venu à Orléans où il avait épousé une Marie-Antoinette Alger. Après avoir fréquenté le collège de sa ville natale, Charles Barbara poursuivit ses études à Paris vers 1830. Au collège Louis-le-Grand, il prépara, théoriquement, l'École polytechnique. Il fut aussi élève au Conservatoire de musique. Après avoir été, vers 1840 et pour peu de temps, répétiteur au collège de Nantua, il revint à Paris où il accepta un poste de précepteur dans la famille du député de Paris Édouard Drouyn de Lhuys, poste qu'il occupa jusqu'en 1845 et qui lui procura de modestes ressources.
DANS LA BOHÈME PARISIENNE (1841-1843)
Dès 1841, Barbara était entré en relation avec le groupe des « Buveurs d'eau », qui se réunissaient au café Momus. Il s'agissait de l'écrivain Henry Murger (dit Rodolphe), du philosophe Jean Wallon (dit Colline), des peintres François Tabar (dit Marcel) et Alexandre Schanne (dit Schaunard). Murger, quelques années plus tard, évoquera ce groupe dans ses Scènes de la vie de bohème, racontant, aux chapitres XII et XIII, comment Barbara, sous le nom de Carolus Barbemuche, fut finalement admis dans leur cénacle comme « homme de lettres et philosophe platonicien ».
Dans ce milieu de la bohème parisienne, Barbara a fait la connaissance de Baudelaire, de Jules Husson dit Champfleury, de Paul Tournachon dit Nadar, qui resteront toujours ses amis, bien qu'il soit lui-même peu expansif.
La musique joua alors un grand rôle dans sa vie (son frère Pierre était professeur de musique, son frère Georges accordeur de piano). Il était excellent violoniste et jouait dans un quatuor avec Champfleury, Schanne et Olivier Métra. Pour gagner sa vie, il se produisait dans de petits théâtres parisiens. Il continuera ensuite à faire de la musique avec Champfleury.
Bientôt il reçut d'Orléans deux mauvaises nouvelles : la mort de sa mère (en août 1843) et la faillite de son père.
L'ENTRÉE EN LITTÉRATURE (1844-1847)
Dès cette époque, il lisait beaucoup et aimait particulièrement les romans « gothiques » anglais tels le Château d'Otrante d'Horace Walpole ou Melmoth de Charles Robert Maturin.
Lui-même se lança dans l'écriture. Si on fait crédit à Henry Murger, Barbara avait chez lui une armoire dans laquelle il y avait « une grande quantité de manuscrits », preuve qu'en 1842 il avait déjà beaucoup écrit.
Sa première publication parut dans La Gazette de la jeunesse en 1844. C'était une nouvelle intitulée Le Plat de souliers, un texte assez étrange donnant la recette du « Soulirski à la sauce bleue », un plat réalisé avec une vieille paire de souliers moisis !
Dans les années 1846-1847, il donna des textes à deux publications : d'une part le journal Le Corsaire dans lequel il publia Un nouveau Pâris mystifié, puis Romanzoff, l'histoire réelle d'un faux-monnayeur ; d'autre part L'Artiste d'Arsène Houssaye auquel il donna trois contes fantastiques, La Ronde fantastique, L'Ombre du mancenillier et Le Rideau.
LE JOURNALISME À ORLÉANS (1848-1850)
Barbara revint à Orléans en 1848, où il se fit une place dans le journalisme comme rédacteur au Journal du Loiret et comme rédacteur en chef gérant du journal politique Le Démocrate (qui eut seulement 23 numéros). Il rêvait alors de « la transformation radicale d'une société vicieuse en une société sinon parfaite, du moins dans des conditions à le pouvoir devenir » et vivait, dit-il, « dans la fièvre et l'hallucination », déçu de constater que « le journal n'a point la valeur qu'il pourrait avoir ».
Il trouva ensuite sa place comme rédacteur dans un nouveau journal fondé à Orléans en mars 1849, La Constitution, où il fut chargé du feuilleton. Lui-même y écrivit régulièrement des articles sur le théâtre, les concerts, la foire du Mail et l'éducation. Il y publia à nouveau son Romanzoff ainsi que L'Incendiaire, présenté comme un texte trouvé dans les papiers d'un vieux prêtre. Le journal, contraint de faire des économies, mit fin à sa collaboration à la fin septembre 1850 (il cessera de paraître le 31 décembre).
DIX ANNÉES DE PUBLICATIONS (1851-1860)
Barbara, très endetté, retourna à Paris. À la brasserie Andler, il fit la connaissance du groupe des « réalistes », dont faisait partie Gustave Courbet (leur chant de ralliement était La Soupe au fromage, sur une musique d'Alexandre Schann).
Cette fois c'est le Bulletin de la Société des gens de lettres qui hébergea les publications de Barbara redevenu parisien : Les Proverbes (en février 1851), Héloïse (en février 1852), Mlle Hélène C. (15 mars, 18, 19, 20, 21 juillet 1853), Vieille Histoire (15 juin 1853). C'est à L'llustration qu'il donna L'Homme qui nourrit des papillons (octobre 1853).
Barbara avait de l'amitié pour Baudelaire (dans L'Assassinat du Pont-Rouge il cite intégralement un sonnet qui ne sera publié qu'en 1857 dans Les Fleurs du Mal) et Baudelaire avait beaucoup d'estime pour Barbara (lorsque celui-ci fut hospitalisé en mars 1853 pour cause de varicelle, il essaya de l'aider). C'est Baudelaire qui le recommanda à Maxime du Camp, fondateur de la Revue de Paris, laquelle publia Le Billet de mille francs (octobre 1853), Les Jumeaux (janvier 1854), La Leçon de musique (mars 1854), Extraits des rapports d'un agent de police (juin 1854) et L'Assassinat du Pont-Rouge (janvier 1855).
Dans le Journal pour tous parurent Thérèse Lemajeur (avril-décembre 1855), Une Chanteuse des rues (septembre-octobre 1855), Les Sourds (août 1856), Madeleine Lorin (mai 1857) et Les Fous (juillet 1857). C'est à la Revue française qu'il donna Esquisse de la vie d'un virtuose (septembre-octobre 1857), Le major Whittington (février 1858) et Irma (novembre-décembre 1858)
LES PUBLICATIONS EN VOLUMES (1856-1860)
La publication en volumes d'une vingtaine d'œuvres déjà publiées en feuilletons le fit mieux connaître : Histoires émouvantes (1856), L'Assassinat du Pont-Rouge (1859, à la suite d'une adaptation du roman au théâtre), Les Orages de la vie (1859), Mes Petites-Maisons (1860). Mais ces publications l'exposèrent aux critiques.
Parmi ces critiques on retiendra ce qu'a écrit Baudelaire dans un article de 1857 sur Madame Bovary : « M. Charles Barbara, âme rigoureuse et logique, âpre à la curée intellectuelle, a fait quelques efforts incontestablement distingués ; il a cherché (tentation toujours irrésistible) à décrire, à élucider des situations de l'âme exceptionnelles, et à déduire les conséquences directes des positions fausses. Si je ne dis pas ici toute la sympathie que m'inspire l'auteur d'Héloïse et de L'Assassinat du Pont-Rouge, c'est parce qu'il n'entre qu'occasionnellement dans mon thème, à l'état de note historique. »
Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury en parle en 1859 dans ses Études historiques et littéraires. Il a lu L'Assassinat du Pont-Rouge et toutes les Histoires émouvantes. Il conclut : « C'est toujours le même défi que la réalité crue jette à la vérité idéale, celle de l'art ; — toujours le pathétique à outrance, celui qui s'attaque aux nerfs et fait frissonner la chair, substitué à l'émotion intelligente qui pénètre au fond du cœur. M. Barbara demande des conseils à la critique : qu'il nous remue un peu moins et qu'il nous touche un peu plus. »
LES DERNIÈRES ANNÉES (1861-1866)
Les dernières publications de Barbara ont été dans le Journal pour tous : Ary Zang (mai 1863, publié en volume en 1864) et Mademoiselle de Sainte-Luce (novembre-décembre 1864), qui fait suite à Thérèse Lemajeur. Il faut y ajouter, dans la Revue française, François Cottier (avril 1866).
Barbara s'était marié en 1861 avec une Orléanaise de 21 ans, Marie-Émilie Scherry, qui lui avait donné deux enfants. En 1866, lors de l'épidémie de choléra, moururent successivement son plus jeune enfant, sa femme et sa belle-mère. Lui-même fut hospitalisé à la Maison Dubois (l'hôpital des artistes et des gens de lettres). Après plusieurs jours de forte de fièvre, il se suicida en se jetant du troisième étage (le 19 septembre 1866).
Quelques jours avant sa mort, Champfleury avait écrit sur son oeuvre un long article élogieux dans Le Figaro.
BARBARA PRÉCURSEUR ?
Ses contes et romans vont du réalisme au fantastique. Et les critiques ont remarqué que bien des grandes œuvres futures reprenaient des éléments qui se trouvaient chez lui : L'Assassinat du Pont-Rouge fait penser à Crime et Châtiment de Dostoïevski (1866), à Thérèse Raquin de Zola (1867), aux romans policiers d'Émile Gaboriau (1866-1869) ; Les Jumeaux sont dans l'esprit d'Edgar Poe ; Le Major Whittington annonce les romans de Jules Verne…
ROMANS, CONTES ET NOUVELLES DE CHARLES BARBARA
FACÉTIES
Le plat de souliers
Pressé par ses amis de confectionner pour eux un plat original, Jean Cuisson accommode une paire de vieux souliers bouillis.
Les douleurs d'un nom
Hélène Salope ne supporte pas son patronyme. Elle pense s'en sortir en se mariant, mais elle découvre que celui qu'elle aime s'appelle Cochonnet: elle sera donc Hélène Salope-Cochonnet. [Dans une première version de ce texte Hélène s'appelait Cochon et elle épousait le juge Le Beau, devenant ainsi Hélène Le Beau-Cochon!].
Extraits des rapports d'un agent de police
Barbara s'amuse à imaginer les rapports qu'un agent de police borné et prétentieux envoie à son chef alors qu'il est chargé de surveiller un poète dépressif qu'il prend pour un dangereux anarchiste.
Les sourds
Des malentendus s'enchaînent entre quatre sourds : un berger, une vieille, un cavalier et un sage vieillard.
Les fous
Quatre brahmanes entrent en conflit : chacun est amené à prouver qu'il est plus fou que les trois autres.
FANTASTIQUE
La ronde fantastique
Le narrateur rêve qu'un ange terrifiant l'entraîne au-dessus de Paris et le fait entrer dans l'intimité des demeures, de quoi lui faire prendre la vie en dégoût.
Le Rideau
Le narrateur est persuadé qu'une voisine lui adresse une déclaration d'amour en faisant se mouvoir les plis d'un rideau. Or il découvre que cette voisine est une très vieille femme qui meurt.
L'ombre du mancenillier
Vilfrid revient sous forme d'un fantôme pour raconter son expérience de la mort et révéler comment il a persécuté jusqu'à le faire mourir son ancien ami Claude, qui aurait voulu prendre la femme que lui, Claude, avait aimée.
Major Whittington
Auprès de Paris s'élève une cité fantastique, oeuvre de l'ingénieur Whittington, où tout est automatisé, où les « humains » sont des robots. Cette cité disaraît en une seule nuit pour laisser place à un monument dans lequel on trouve le major qui s'est anesthésié pour plusieurs dizaines d'années. En effet il était curieux de savoir quel serait le monde dans soixante ans.…
BELLES ACTIONS
L'incendiaire
Le fils d'un châtelain veut épouser la fille de son fermier. Comme son père s'oppose à ce mariage, voulant se venger, il met le feu au château. Pour sauver son amant, la fille fait en sorte que ce soit elle qui soit accusée et condamnée.
Le billet de mille francs
Un homme sans ressources trouve dans la rue un billet de mille francs dans un portefeuille appartenant à une riche usurière connue pour son avarice. Tenté de le garder pour lui, sa conscience le pousse à aller le rendre. La femme prend le portefeuille sans même le remercier.
L'accordeur
Mozart devenu riche et célèbre apprend que l'homme qui, autrefois, venait accorder son piano sans se faire payer, le vieil Abraham Fischer, est ruiné et contraint de vendre tous ses biens. Alors Mozart intervient dans la vente et achète fort cher tous les lots mis aux enchères, y compris le piano sur lequel il avait joué lorsqu'il était enfant et que, bien sûr, il va restituer au vieil accordeur.
Un cas de conscience
Le marquis de **, pour se débarrasser d'un vieux violon trouvé dans son grenier, l'avait donné à un modeste commissionnaire, Joseph. Celui-ci, ayant découvert que c'était un stradivarius de très grande valeur, le vendit dix mille francs, argent qu'il voulut rendre au marquis. Celui-ci lui restitua généreusement les dix mille francs, disant qu'il n'était pas dans ses habitudes de reprendre ce qu'il avait une fois donné.
L'herboriste
Après la mort de sa femme et de son fils, M. Simon consacre sa vieillesse à parcourir la France pour faire connaître les bienfaits thérapeutiques des plantes, en particulier de la scrofulaire noueuse contre la rage.
DRAMES ET MÉLODRAMES DANS LES FAMILLES
Héloïse
La curiosité du narrateur célibataire est éveillée par une jeune voisine qu'il avait fort envie d'épouser, mais sans jamais oser lui parler. Un jour il apprend qu'elle vient de mourir : on lui dit qu'elle dépérissait à l'idée qu'elle ne pourrait jamais trouver de mari parce qu'elle était trop pauvre.
Vieille Histoire
Mme Clémence, maîtresse d'un riche Monsieur, eut une aventure avec un jeune étudiant qui était fou d'elle. Mais, lorsqu'elle eut pris un coiffeur pour amant, elle refusa sa porte à son étudiant. Celui-ci, ne le supportant pas, se pendit à un crochet du toit.
Les jumeaux
Deux frères jumeaux, Théodore et Joseph, ont eu des destinées à la fois semblables et différentes. Théodore, employé dans l'entreprise de son parrain, a été ruiné par une prostituée et dut prendre de l'argent dans la caisse. Son parrain lui accorda son pardon. Mais Théodore tua en duel un commis qui le persécutait. Le tribunal l'acquitta pour ce meurtre et il épousa Hortense, la fille de son parrain. Joseph, lui, employé comme commis dans l'épicerie de sa soeur puis comme serrurier chez un patron, a eu lui aussi une liaison avec une prostituée. Traité de maquereau, il se battit avec celui qui l'avait insulté, ce qui lui valut un mois de prison. Les amis de la prostituée lui ayant volé de l'argent qu'il devait remettre à son patron, il fut condamné à cinq ans. Puis il tua, au cours d'une bagarre au couteau, un Piémontais qui voulait lui nuire. Il fut alors condamné à mort et exécuté le jour même où son frère se mariait avec Hortense.
La leçon de musique
Une jeune fille, Susanne avait le même professeur de musique que le narrateur, le grand violoncelliste Louis Schenk, que tous deux admiraient. Ce fut un drame pour Susanne lorsque sa mère mit fin à ses leçons pour la marier. Mais le temps finit par tout arranger : Suzanne, après avoir renoncé à la musique, devint une bonne mère de famille, très fière de ses deux enfants.
Thérèse Lemajeur
Eugène Marsille, un garçon de bonne famille, est décidé à épouser Thérèse Lemajeur, une modeste lingère, malgré le scandale que serait cette mésalliance. Deux oncles d'Eugène, l'un ancien militaire, l'autre procureur, vont essayer de le convaincre de renoncer. Menacé d'être déshérité par eux, Eugène tarde à se décider, reconnaissant que, s'il épousait Thérèse, ce serait non par amour mais par devoir. Thérèse refuse le mariage dans ces conditions. Finalement elle épousera l'oncle procureur et riche.
Mademoiselle de Sainte-Luce
C'est la suite de Thérèse Lemajeur. On sait qu'Eugène Marsille devait épouser la fille de Mme Granger, Cornélie; celle-ci n'acceptera qu'après s'être fait désirer par son professeur de piano, le baron de Flohr. De plus, on apprend qu'une soeur de Mme Granger, Pélagie de Sainte-Luce, avait quitté Orléans pour aller vivre à Châteauneuf-sur-Loire. Elle en revint près de vingt ans plus tard, à moitié folle, accompagée d'une jeune fille, Clémentine, à laquelle elle faisait de riches cadeaux. Quand le baron de Flohr la vit, il fut épouvanté. En effet, alors qu'il était à Châteauneuf sous un autre nom, il avait violé Pélagie et Clémentine était sa fille. Quand Pélagie le reconnut, un drame faillit se produire. Pour mettre un terme à cette situation, le baron épousa Pélagie et partit aussitôt pour ne jamais revenir. Et le même jour Clémentine épousa Georges, un beau militaire devenu employé de banque qu'elle avait rencontré à Châteauneuf.
Une chanteuse des rues
Philippe était amoureux de son amie d'enfance, Louise, une jeune orpheline, et voulait l'épouser en dépit de l'opposition de sa mère, alors que Jacques, son cousin, voulait simplement en faire sa maîtresse. Mais Louise épousa un Allemand facteur de pianos, Georges Mauser. Celui-ci, persuadé que son épouse avait eu une liaison avec Philippe, ne tarda pas à l'abandonner avec un enfant. Pour survivre, elle dut, à sa grande honte, chanter dans les rues et les estaminets. Mais la misère fut la plus forte et elle finit à l'hospice, le même dans lequel était enfermé Georges Moser qui avait sombré dans l'alcoolisme. Alors Philippe, se sentant responsable, intervint pour trouver et meubler un logement pour les époux Moser et leur enfant. Moser se révéla un bon facteur de pianos. Lui et son épouse devinrent des amis de la famille de Philippe, alors que Jacques, humilié d'avoir été rejeté par Louise, disparut.
Madeleine Lorin
Antoine Lorin, qui avait des rêves de grandeur, avait difficilement accepté le mariage de son fils Clovis avec la fille d'un simple vigneron et il avait, de ce fait, toujours avantagé son fils aîné Edmond, qui avait épousé une Euphrasie. Quand Madeleine resta veuve avec une fille, Anaïs, Euphrasie et son mari entreprirent de la persécuter. Alors Madeleine, qui, en vue du mariage d'Anaïs, avait caché trente mille francs dans une doublure de sa vieille robe, s'appliqua désormais à économiser le moindre sou, allant jusqu'à se priver de manger et mendiant dans les rues. Puis elle fut recueillie avec sa fille par un sculpteur sur bois, Benedict, qui connut très vite la misère, sans savoir que Madeleine avait économisé une belle somme. Finalement Benedict épousa Anaïs et, grâce à l'argent accumulé par sa belle-mère, il put fonder une petite entreprise. Euphrasie et Edmond Lorin ne connurent, eux, que des malheurs et que la ruine.
Irma Gilquin
La belle Irma Gilquin avait épousé John Maxwell, un Écossais vivant dans un château de Sologne ; elle avait trouvé là un moyen pour assurer le bien-être de sa famille. Bientôt John se prit d'amitié pour un peintre, Claude Saint-Martin, qui s'établit en parasite dans le château et eut avec Irma, à l'insu du mari, des relations de plus en plus intimes. Mais sa vulgarité ayant vite lassé la jeune femme et même son mari, Claude dut se résigner à partir. Mais auparavant il révéla à John qu'il avait été un mari trompé. Irma, incapable de continer à vivre avec cette honte, organisa une machination à l'issue de laquelle elle blessa gravement Claude avant de se suicider. Son mari, désespéré, resta fidèle au serment qu'il avait fait de subvenir à tous les besoins de la famille Gilquin.
Anne-Marie
Amédée de Villers, après douze ans de mariage, n'avait pu avoir d'enfant de son épouse. Alors, à l'insu de sa femme, il prit une maîtresse, Elisabeth. Quand celle-ci eut mis au monde une fille, il usa d'un stratagème : il déposa devant son appartement le bébé dans son berceau, faisant en sorte que sa femme décide de garder la petite Anne-Marie ; puis il lui présenta Elisabeth comme nourrice. C'est elle qui, sans le révéler à personne, éleva Anne-Marie d'abord comme nourrice, puis comme gouvernante. Quand Anne-Marie, mariée à M. de Prilleux, attendit un enfant, sa mère crut bon de lui révéler la vérité. La réaction d'Elisabeth fut de la chasser de la maison, par peur que l'on sache qu'elle était sa mère. Désespérée, Elisabeth, après avoir utilisé mille ruses pour voir sa petite fille, allait mourir de chagrin. Alors Anne Marie lui pardonna tout et M. de Prilleux ne connut jamais la vérité.
L'Assassinat du Pont-Rouge
Un certain Clément s'était mis en ménage avec Rosalie, la maîtresse de l'agent de change Thillard. Ils vivaient à Paris près du Pont-Rouge, si pauvrement que Rosalie devait se prostituer. Un soir, il virent arriver Thillard qui, ruiné, s'arrêtait chez eux avant de s'enfuir en Angeterre avec 300.000 francs dans une valise. Ils lui firent boire un poison, prirent une partie de l'argent et jetèrent le corps et la valise dans la Seine. Tout le monde crut à un suicide. Clément put alors louer un bel appartement dans lequel il organisait des soirées musicales. Rosalie, après avoir mis monde un fils anormal, accablée par les remords, sombra dans de fréquents accès de délire et finit par en mourir. Clément, avec l'argent du crime, partit en Amérique où il vécut avec son fils idiot. Enrichi dans le commerce, il utilisait son argent pour faire le bien. Il mourut dans une île lors de son retour en Europe.
C'est un violoniste, Max Destroy, qui découvrit peu à peu la vérité : il habitait dans l'immeuble dans lequel vivait la veuve de l'agent de change qui, pensait-on, s'était suicidé au Pont-Rouge. Lui seul sut que Clément était coupable.
QUELQUES ORIGINAUX OU DÉTRAQUÉS
L'homme qui nourrit des papillons
Le narrateur rend visite à un original un peu fou qui élève des papillons, des cigales, des grillons, des grenouilles, qui se dit inventeur de machines en tous genres et qui s'estime incompris et persécuté, victime d'une conspiration universelle.
Esquisse de la vie d'un virtuose
Le violoniste Ferret avait été rendu presque fou par son père qui voulait absolument faire de lui un musicien de génie. Quand il eut entendu le concert donné par un grand maître italien, il prit conscience de son infériorité et sombra dans le désespoir. Une femme qui l'aimait veilla sur lui pendant toute sa vie. Il fut successivement musicien de bal dans des guinguettes, puis exposé comme curiosité dans les foires. Son ultime consolation fut d'être applaudi un jour qu'il joua dans un mariage devant un parterre d'aveugles.
Ary Zang
Dans le nord de l'Inde, Ary Zang, dès l'âge de quinze ans, décida d'échapper à la vie terne et décevante qui l'attendait. Il se mit en route vers la capitale et connut de nombreuses aventures. Ayant croisé le cortège de la belle princesse Lila, l'une des filles du prince, il décida de devenir riche pour pouvoir la conquérir. De fait, il réussit à la séduire de loin, par télescopes interposés. Mais il fut dénoncé et capturé, condamné à être fouetté tous les jours jusqu'à ce qu'il en meure. Dans sa prison, il rencontra un autre homme, Muraour, qui lui ressemblait beaucoup; ce Muraour était condamné à mort. Ils furent d'accord pour échanger leur personnalité et c'est Ary Zang qui fut mené au supplice. Mais ce fut pour apprendre que Muraour était grâcié. Sans rien dire, il prit la place et le nom de Muraour et se retrouva riche. Il profita d'une révolte du peuple pour se faire nommer dictateur : le vieux prince fut vaincu et ses filles vendues. Mais Ary Zang, le faux Muraour, fut à son tour renversé et relégué dans une île lointaine. Menacé par ses ennemis, il prit conscience de toutes les folies dans lesquelles il avait été entraîné. Il retourna dans son pays natal, se maria et eut des enfants qu'il éduqua pour en faire de « braves gens », mais sans les empêcher de faire, comme leur père, de nouvelles folies.
L'officier de marine
Valentin et Bernard étaient des amis inséparables. Lorsque Valentin, pour gagner sa vie, dut partir dans l'armée au Sénégal, il donna rendez-vous à Bernard exactement dix-sept ans plus tard dans un estaminet d'Orléans. Mais Bernard ne vint pas au-rendez vous. Valentin apprit qu'il y était venu tous les jours depuis leur séparation, envahi de plus en plus par un ennui incommensurable, et qu'il était mort cinq jours plus tôt, laissant une lettre dans laquelle il reconnaissait sa folie.
DIVERS
Romanzoff
Barbara a voulu rendre compte du procès de Théodore Herweg dit Romanzoff qui, en septembre 1847, fut condamné aux travaux forcés pour avoir fabriqué et émis de la fausse monnaie.
Les Proverbes
Barbara fait une étude sur les proverbes dans lesquels, selon lui, l'erreur se mêle à la vérité, où l'honnêteté côtoie le cynisme, où pullulent les mensonges, les préjugés, les âneries, constituant une sorte de code qui, si on le suivait à la lettre, aboutirait à la légalisation et à l'excuse de tous les vices et de tous les crimes.
François Cottier
Un épisode de la vie héroïque de François Cottier, qui fut à l'origine de la libération de François de Bonnivard, emprisonné à Chillon.
Un nouveau Pâris mystifié