L'HELLÉNISTE ORLÉANAIS ANATOLE BAILLY
(1833-1911)
Fils du directeur des messageries L'Orléanaise et d'une modeste commerçante, Anatole Bailly est né en 1833 à Orléans, rue Bannier, dans une maison qui existe toujours. Après avoir été élève du Collège royal de cette ville puis du lycée Charlemagne à Paris, il est entré à l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm. Agrégé, il a été bientôt nommé au lycée impérial de sa ville natale, où il devait enseigner en classe de quatrième jusqu'à sa retraite.
Il avait décidé de se spécialiser en grammaire et philologie, sous l'influence de son professeur Émile Egger, qui s'efforçait alors d'introduire en France la « grammaire comparée » telle que la pratiquaient, en Allemagne, le linguiste Franz Bopp et son élève Max Müller. Et il eut la chance de rencontrer au lycée d'Orléans trois collègues, Georges Harris, Jules Leflocq et Georges Perrot, qui, en liaison avec leur camarade parisien Michel Bréal, travaillaient à diffuser et à prolonger les travaux des linguistes allemands.
Bailly, lui, consacra ses efforts au renouvellement de l'enseignement des langues anciennes, alors en butte à de nombreuses critiques. Pour cela il publia en 1869 un Manuel pour l'étude des racines grecques et latines puis une Grammaire grecque, deux ouvrages qui reçurent l'approbation du ministre Duruy. Ainsi la grammaire comparée put-elle faire son entrée dans l'enseignement secondaire.
Bailly développa ensuite une collaboration avec Michel Bréal, alors professeur de grammaire comparée au Collège de France. Cela commença par une réflexion critique sur l'ensemble du système éducatif, publiée par Bréal sous le titre de Quelques mots sur l'Instruction publique en France. L'ouvrage proposait un certain nombre de réformes, en particulier dans la pédagogie des langues anciennes. Ces idées séduisirent le nouveau ministre, Jules Simon, mais elles se heurtèrent à l'hostilité de l'évêque d'Orléans, Mgr Dupanloup.
Plus tard, le ministre Jules Ferry retint quelques-unes des propositions de Bailly. Dans ce contexte parurent chez Hachette, entre 1881 et 1885, quatre manuels très novateurs sous le titre de Leçons de Mots. Désormais, grâce à Bailly et à Bréal, l'étude des textes pouvait se fonder sur un examen minutieux du langage.
A cause de son engagement dans les polémiques de son temps et de sa notoriété, à cause des honneurs qu'il recevait, Bailly aurait pu aspirer à de belles promotions. Mais il préféra continuer d'enseigner à Orléans dans sa classe de quatrième. Son projet était de mener à bien la rédaction d'un Dictionnaire grec-français. Celui-ci, après un travail de vingt années, parut en 1895, remplissant de fierté les Orléanais : « C'est, à côté des Pandectes de Pothier, l'œuvre d'érudition la plus considérable qu'Orléans ait vu naître sous la main d'un de ses enfants », dit même l'un de ses collègues, Louis Guerrier.
C'est un Anatole Bailly différent que l'on découvre dans un manuscrit conservé à la Médiathèque d'Orléans : c'est un roman qu'il a intitulé « Pour lui ».
La mort de Bailly, en 1911, a été suivie de nombreux hommages, en particulier de celui de l'historien orléanais Georges Goyau, qui avait été pendant quelques mois son élève au lycée d'Orléans.