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LA REPRÉSENTATION DE L’ESPACE ROMAIN
DANS LES HISTOIRES ET LES ANNALES DE TACITE

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Introduction

Première partie :
L’ESPACE ET SA DESCRIPTION
(Du décor à la scène dramatique)

I- Forma et natura loci
• L’exemple de César
• Tacite
– Pauvreté et imprécision des éléments descriptifs
– Inutilité relative des descriptions

II- L’espace du récit
• Un espace variable
• L’intention démonstrative
– Recherche de l’expressivité
– Présence de la psychologie
– Un art du symbole

III- L’espace du pathétique et du drame
• L’espace du pathétique
– Les batailles de Bédriac
– Vitellius à Bédriac
– Le bois de Teutbourg
• L’espace du drame
– Les combats des Saturnales
– Le forum de Galba
– La chambre d’Agrippine
– La mort de Vitellius
• L’espace de la destruction
– Crémone
– L’incendie de Rome
– Le Capitole

 

Deuxième partie :
ORBIS ROMANUS
(L’espace romain et l’histoire)

I- Les descriptions de l’orbis romanus
• L’empire d’Auguste
• L’empire de Tibère
• Les provinces en 69
• L’Orient de Vespasien
– Les soldats
– Vespasien
• L’espace rhétorique d’Antonius Primus

II- L’itinéraire de Germanicus
• Germanicus en Germanie
• Germanicus en Orient
• Les deux espaces
• Le début des Annales
• Pison

III- Les itinéraires de 69-710
• Valens et Caecina
• Vitellius ; Othon, Titus
– Vitellius
– Othon
– Titus

 

Troisième partie :
ROME ET L’ESPACE ROMAIN
(L’espace et la vertu)

I- Le nuage d’Atarxate
• La marche des Flaviens
• Le nuage d’Atarxate
• Rome et les Césars
– Les Césars

II- Confins et provinces rebelles
• La Germanie
• L’Afrique et la Bretagne
– L’Afrique
– La Bretagne

III- Les confins parthes
• Avant Corbulon
• Une autre conception
• Corbulon
• Corbulon et Néron

Conclusion

Bibliographie


Troisième partie : ROME ET L’ESPACE ROMAIN – L'ESPACE ET LA VERTU

 

Cette opposition est si sensible qu'elle est présente dès le commencement de l'oeuvre historique de Tacite, lorsque, au début des Histoires, il évoque l'ampleur de sa tâche et les convulsions qui agitent le monde [277].

L'introduction à l'ensemble de l'œuvre porte ainsi d'emblée la marque d'une préoccupation qui s'étend à tout l'orbis romanus. Pris dans son organisation générale, le texte, marqué d'abord par l'opposition Orient/Occident [278], évoque ensuite l'lllyrie et les régions de l'ouest [279], revient un bref instant sur les peuples du nord et de l'est [280], puis se rapproche de l'Italie, pour se terminer à Rome [281]. On reconnaîtra là le plan suivi dans la plupart des présentations de l'empire romain [282], mais, du point de vue qui nous concerne, deux remarques peuvent être faites.

D'une part, c'est à Rome que sont attribuées les plus grandes fautes [283] et c'est encore à Rome que sont rattachés la plupart des malheurs qui s'abattent sur l'Italie [284]. D'autre part, à cet état catastrophique du monde s'opposent immédiatement, dans un dyptique dont la force rhétorique a été plus d'une fois soulignée, une évocation des vertus dont les hommes savent faire preuve dans les pires circonstances et l'indication d'une colère manifeste des dieux [285].

La description du monde n'est donc, dans ce passage très travaillé, ni rigoureusement géographique, ni fondamentalement logique, mais elle tend, dans son lyrisme, à opposer Rome au reste du monde et à ménager, dans l'espace du pathétique, ce qu'on pourrait appeler un espace héroïque, qui serait au fond la part d'espérance et d'amour que les dieux laissent toujours aux hommes quand ils entreprennent de les châtier. A une Rome accablée de crimes, de vices et de catastrophes s'opposent ainsi, d'une part un monde agité de convulsions multiples et, d'autre part, la permanence d'âmes vertueuses, par qui finalement tout peut toujours être sauvé.

Annoncée en fait dès le début, cette opposition, que nous avons déjà perçue, entre un centre perverti et des espaces d'héroïsme et de vertu, est sans doute une des clefs des Histoires et des Annales. D'un bout à l'autre du récit tacitéen s'impose en effet l'image d'un univers que l'action néfaste de Rome risque de conduire à la dislocation générale.


1- LE NUAGE D'ARTAXATE.

Aux exemples que nous avons précédemment étudiés il convient cependant d'en ajouter un dernier, qui, exception en apparence, constituera en fait une dernière confirmation de notre propos.

La marche des Flaviens.

Après celles de Vitellius, les troupes de Vespasien vont en effet, sous la conduite d'Antonius Primus, envahir elles aussi l'Italie et marcher à leur tour contre Rome. Entrées par l'est, elles progressent à partir d'Aquilée vers Opitergium et Altinum, puis gagnent Padoue et Este, avant de prendre Vicence et de marcher contre Vérone avec l'intention d'y établir leurs bases (Hist., 3,6,2-8,1). Stratégiquement bien conçue [286], conduite par des chefs dynamiques, apparemment compétents et même parfois trop sévères [287], leur progression en terre italienne n'est donc d'abord entachée d'aucune violence ; à Opitergium et à Altinum les soldats sont même accueillis avec joie (Id., 6,2).

II n'est cependant pas possible d'avancer vers Rome sans en ressentir les effets pervers et les Flaviens n'échapperont pas plus que les autres à leur destin. Très rapidement en effet les chefs rigoureux sont renvoyés [288] et les soldats entrent dans l'indiscipline [289]. Ayant triomphé à Bédriac dans le pire désordre, ils finiront par commettre les crimes les plus affreux de ces temps d'apocalypse.

Si ces troupes connaissent cette inévitable et fatale évolution, Vespasien lui-même, comme auparavant Titus, y échappe cependant. Les excès commis par ses soldats et par ses généraux se font en effet contre sa volonté [290] : son ordre est en effet, non pas de marcher sur Rome en violant ainsi l'espace italien, mais d'attendre près d'Aquilée que la ville cède d'elle-même aux difficultés qu'il peut provoquer à partir de l'Orient en privant l'armée de Vitellius de solde et de blé (Id., 8,2). Ses directives doivent cependant franchir des distances beaucoup trop considérables pour être entendues ; lui-même ne saura que trop tard les événements qui se produisent et ses avis n'arrivent qu'après coup [291]. Placé aux confins de l'empire, il se trouve en quelque sorte dans la zone de gloire et d'innocence où s'était auparavant trouvé Germanicus; l'immense étendue de l'espace romain le protège de Rome et des crimes que l'on commet en son nom. Au contraire, Mucien, qui marche en direction de la Ville et ne fera pas demi-tour, ne confirme ses paroles que par désir de fausse gloire et pour se réserver tout l'honneur (Id., 8,3) d'une guerre que le futur empereur tente en vain d'empêcher.

Ces derniers exemples montrent bien, s'il en était encore besoin, que l'espace romain est pour Tacite un des enjeux fondamentaux de l'histoire et qu'il y établit sans cesse une séparation radicale entre ce qui touche à Rome et ce qui relève des frontières ou des provinces lointaines. Honneur et pureté aux confins, déchéance et vice à Rome, telle est en fait la distinction qui donne, des Annales aux Histoires, un sens aux événements.

Le nuage d'Atarxate.

Dans la conception morale et politique de Tacite, l'espace géographique romain ressemble ainsi à celui que les dieux placent sous les yeux de Corbulon au moment où il s'apprête à détruire Artaxate : ...toute la partie extérieure jusqu'à la limite des habitations fut éclairée par le soleil, alors que l'intérieur de l'enceinte se couvrit soudain d'un nuage noir, sillonné d'éclairs, ce qui fit croire que les dieux irrités livraient la ville à la destruction [292]. Outre l'exceptionnelle richesse de cette phrase, dont Koesterman dit [293], à juste titre, qu'elle fait penser à un tableau de Giorgione, il faut aussi remarquer sa place : elle précède immédiatement la salutation impériale et les honneurs excessifs que reçoit Néron. Dans le récit tacitéen, comme dans le célèbre tableau de Giorgione en effet [294] (16), tout ce qui est extérieur à Rome et à l'Italie semble baigner dans la lumière, alors que la ville elle-même est couverte d'un nuage noir, annonciateur de foudre et d'incendies, dans lequel se perdent, jusqu'à Vespasien non compris, tous ceux qui y vivent ou tentent de s'en approcher avec l'intention de s'y installer. Semblables à la femme et à l'enfant que le maître italien présente au premier plan, les héros positifs de Tacite doivent donc rester à l'extérieur et leur vie n'est possible qu'à condition qu'une vaste étendue protectrice les sépare de la capitale: Germanicus n'y sera jamais présent ou presque, Titus fait demi-tour, Vespasien interdit qu'on s'en approche et même un Minucius Justus, chef trop sévère et probablement vertueux, s'en voit interdire l'accès [295].

Giorgione

Giorgone, La Tempête

Rome et les Césars.

L'image que les Annales proposent de Rome est en effet sombre, étouffante et comme striée de violents éclairs. Ramené à sa trame essentielle le récit se présente en fait comme une suite continue d'intrigues, d'adultères, de procès et de répressions, d'exécutions et de bannissements, de meurtres et de suicides, auxquels s'ajoutent des catastrophes naturelles et, avec Néron, le matricide et l'incendie de la ville. Les sénateurs et tous ceux qui exercent une fonction publique sombrent dans la pire adulation [296] ; les affranchis deviennent chevaliers [297], les citoyens de Rome, ballottés entre la terreur et la haine, ne vivent, à quelques notables exceptions près [298], que dans la lâcheté; la Ville paraît d'ailleurs si infectée et si pervertie que même les Germains et les Gaulois de Vitellius, pourtant capables des pires actes de barbarie, y perdent rapidement leur élan et leur force brutale [299]. La matière est dans ce cas si répétitive et l'action finalement si monotone que Tacite lui-même le déplore: notre tâche est à l'étroit et sans gloire, avec une paix immuable ou modérément troublée, la Ville pleine de scènes affligeantes, un prince peu soucieux d'étendre l'empire [300].

Ces faits sont bien connus. Du point de vue qui nous intéresse, nous remarquerons donc plutôt que Tacite n'évoque jamais la splendeur architecturale de Rome et le statut de Domina urbs que lui reconnaît par exemple Martial (12,21). L'image qu'il donne de la ville est une image abstraite et morale [301], dans laquelle l'espace urbain n'apparaît qu'en des occasions particulières qu'il contribue à théâtraliser [302]. Ce que nous avons dit précédemment trouve alors une explication plus générale: le fait que les images concrètes de l'espace urbain laissent la place à une théâtralisation dramatique et pathétique s'explique en effet par le désir qu'a l'auteur d'introduire Rome dans une conception politique et de l'associer au déclin des empereurs qu'il réprouve [303].

Il ne s'agit donc pas pour lui, comme c'était le cas chez les poètes augustéens [304], d'opposer la viIle à une campagne idéale en en chantant malgré tout la splendeur et la hauteur, mais, d'une manière beaucoup plus proche en fait de celle de Juvénal [305], de l'évoquer à travers les vices qu'elle cache et les pathologies qu'elle entretient [306]. Lieu de tous les dangers, centre géographique des vices humains [307], l'espace de Rome entre dans une symbolique politique qui rejette le thème de la magnificentia publica et toute évocation de l'évergétisme impérial.

Tacite se refuse donc à décrire, comme indigne de figurer dans des Annales, le détail des constructions faites par les princes (Ann.,13,31,1) ; il se contente de mentionner les dédicaces ou les réfections [308] en signalant, à chaque fois que le cas se présente, les excès d'adulation dont ils sont l'occasion [309]. Evoqués de préférence au moment même où ils s'écroulent, les monuments qui embellissent l'espace de Rome apparaissent en fait, dans le discours de Tibère ou dans celui d'Othon, comme le symbole même de l'éphémère [310].

Les poètes ne peuvent séparer le spectacle visible de la Ville des images de puissance et de grandeur que crée la magnificentia publica [311]. Ce n'est évidemment pas le cas de Tacite. Dans une beauté urbaine dont il nous laisse volontairement tout ignorer, il n'y a en effet de place que pour les ordres cruels, les accusations continuelles, les amitiés trompeuses, la mise à mort d'innocents et les causes identiques de trépas [312]. Les grands sujets ont disparu avec la République et n'offrent plus une libre carrière [313] à l'historien. Même si le dessein de Tacite est de préserver les vertus de l'oubli et d'attacher aux paroles et aux actions perverses la crainte de l'infamie dans la postérité [314], le seul spectacle visible que propose l'espace de Rome est quand même le plus souvent celui de la perversion progressive et toujours plus éclatante du régime des Césars.

Les Césars.

Telle qu'elle est, de Tibère à Néron, manifeste dans les Annales, cette perversion progressive des princes dépasse évidemment de beaucoup le cadre particulier de cette étude. Qu'il nous suffise donc de souligner que Tacite s'efforce manifestement de la rendre toujours plus sensible à partir du moment où, Germanicus disparu, la vraie personnalité de Tibère peut, jour après jour, se dévoiler.

En ce qui concerne d'abord la gestion de l'empire et de l'ensemble de l'espace romain, chacun des successeurs d'Auguste semble être en effet dominé par un vice que les lacunes du texte ne nous empêchent pas de découvrir.

Tibère est ainsi caractérisé par l'inertia [315], c'est-à-dire par une certaine forme d'inaction militaire qui conduit à refuser l'extension de l'empire et la lutte aux frontières pour leur préférer la diplomatie, la ruse et les manipulations parfois déshonorantes [316]. A l'inertia [317], Claude ajoute l'ignavia ; il transforme l'immobilisme en mollesse et plonge la Ville dans une apathie qui la rend insensible aux crimes de toute espèce. Néron y développera la luxuria, qui jette un empereur, d'abord plein de promesses [318], dans les plaisirs dépravés et les dépenses inconsidérées, et lui fait préférer, à travers un goût pathologique pour les arts, le spectacle du réel à la réalité même [319].

Le lien entre les empereurs et une viIle qui en est devenue le reflet symbolique est en outre si fort qu'ils ne peuvent en fait jamais la quitter vraiment, comme si s'en éloigner était pour eux passer de l'obscurité prodigieuse d'Artaxate à une lumière insupportable.

Une fois devenu empereur, Tibère, qui avait auparavant parcouru les frontières et triomphé des barbares, annonce plusieurs fois un départ qu'il remet sans cesse (Ann., 1,46-47) et justifie, après l'insurrection de Florus et Sacrovir, son immobilité, en évoquant la supériorité de Rome sur le monde et, de ce fait, le rapport étroit que doivent entretenir les princes et la ViIle [320]. Claude n'entreprend lui-même aucune expédition dans l'empire et Néron, qui remet à plus tard son projet de voyage triomphal en Achaïe [321], se déclare lié au peuple de Rome.

Les Julio-claudiens quittent pourtant quelquefois Rome, mais ils ne sortent jamais de l'espace italien qui se trouve ainsi plus ou moins assimilé à celui de la Ville [322], et leurs modestes déplacements sont fréquemment accompagnés de catastrophes ou de signes funestes: Tibère ne part à Capri que pour s'isoler dans sa peur, ses vices et ses cruautés, et c'est précisément sur la route de la Campanie qu'il est, à Sperlonga, sauvé, pour le malheur de Rome, par Séjan. Claude voyage vers Ostie, quand on lui fait découvrir l'adultère scandaleux de Messaline; Néron ne s'éloigne que pour des tournées d'histrion et se trouve à Antium quand le grand incendie se déclare.

Comme liés à leur ville, les princes ne parcourent ainsi jamais l'étendue de l'espace romain [323] ; le Palatin, les intrigues de la cour et l'ambiance délétère de la capitale les rendent comme étrangers à leur propre empire.

 

La dégénérescence et la perversion du pouvoir central mettent ainsi en danger l'intégrité même de l'espace urbain et la cohérence de l'empire étendu qui dépend alors de Rome. Progressives et accumulées, elles trouveront leur point d'aboutissement et leur intensité maximale avec le règne de Néron et les événements qui seront la conséquence immédiate de sa chute, tels que Tacite les présente dans les Histoires.

Sous Tibère en effet l'espace de Rome avait été relativement épargné. Comme s'il cherchait à oublier dans l'excès de ses débauches l'indignité de sa vieillesse, l'empereur gouverne, à la fin de son règne, avec la cruauté et les caprices d'un roi oriental ou d'un ennemi de la patrie [324]. Dans le même temps cependant, comme s'il voulait aussi épargner à une Rome encore augustéenne le spectacle de sa propre déchéance, il cache la honte de ses crimes et de ses débauches [325] dans la solitude maritime de Capri et exerce en quelque sorte le pouvoir à distance. Après avoir si longtemps refusé de quitter Rome, il se montre soudainement incapable d'y revenir. Presque intacte encore et toujours forte, la Ville paraît en effet se défendre en le repoussant de tout le rayonnement qui lui reste : il erre près des portes, rôde autour en l'évitant [326] et ne s'en approche que pour voir de plus près le sang qu'il y fait couler par la main de ses bourreaux [327]. Atteinte déjà par les condamnations qu'il y ordonne et comme assiégée, Rome s'affaiblira et finira plus tard par succomber.

Claude pourtant, comme Tibère, ne portera pas vraiment atteinte à son intégrité spatiale. Reprenant tout au contraire un usage antique, il en agrandira même le pomerium (Ann.,12,23,2), mais cet acte, d'ailleurs contesté dès l'antiquité [328], se trouve placé dans un contexte défavorable et quasiment contradictoire. L'extension des limites de l'empire qui justifie l'élargissement du pomerium ne résulte en effet apparemment que du décès de rois barbares (Ann.,12,23,1) et Claude ranime en même temps le rituel de l'augure du salut qui visait à obtenir des dieux le maintien de la paix (Ibid.). Poussé par un stérile amour du passé, l'empereur procède ainsi à une démarche dont l'incohérence apparente lui ressemble: d'un côté, il célèbre avec solennité un élargissement de l'espace, que même après la soumission de grandes nations [329] les chefs romains, à l'exception de Sylla et plus récemment d'Auguste, ne prennent plus la peine de marquer; de l'autre, il ranime une tradition perdue depuis vingt-cinq ans, dont la signification est dans son principe contraire à toute extension belliqueuse de l'empire. En réalité cependant, les deux mesures se complètent avec logique; remettant en question l'idée de combat et d'affrontement, elles ajoutent l'ignavia à l'inertia du règne précédent: avec Tibère on préférait la ruse à la guerre, avec Claude on attend que les rois ennemis disparaissent en quelque sorte d'eux-mêmes.

C'est sous ce règne aussi qu'apparaissent d'inquiétants prodiges (Ann.,12,43,1 et 64,1) et qu'une disette provoque des troubles graves. L'Italie devient en fait stérile et dépendante de ses provinces, et Rome souffre aussi d'une politique qui, en en faisant le jouet des princes, l'abandonne aux navires et aux hasards [330].

C'est avec Néron cependant que l'espace de Rome sera profondément atteint et comme systématiquement dégradé. Usant de la ville entière comme de sa propre demeure [331], l'empereur y multiplie les lieux de débauche et y répand progressivement sa propre dépravation. Souillé d'abord, et littéralement profané, par le banquet de Tigellin [332], l'espace est ensuite, et aussitôt après, presque entièrement détruit par le feu (Ann.,15,38-43), puis largement annexé par la construction de la Maison Dorée, qui transforme le centre urbain en une gigantesque et royale demeure personnelle et nie de ce fait le concept même de cité [333].

Non content cependant d'avoir usé de la ville, puis de ses ruines [334], Néron use aussi de ses dépouilles. Les dépenses qu'entraînent la reconstruction des quartiers et les folies de la Maison Dorée conduisent en effet à des exactions qui s'attaquent, plus encore peut-être que le feu [335], à l'histoire même de Rome. Après avoir vu disparaître les marques les plus prestigieuses du passé, on dépouille les temples et les monuments publics encore debout et l'on emporte l'or que, à l'occasion soit de triomphes soit de vœux, à tous les âges de son existence, dans la prospérité ou dans la crainte, le peuple romain avait consacré [336]. Ce sont ainsi non seulement d'irremplaçables et glorieux souvenirs, mais aussi de puissants et vivants symboles qui s'engloutissent dans le gouffre ouvert par l'empereur.

On comprend mieux dès lors qu'après la mort hors les murs de l'empereur-histrion, la Ville ne soit plus dans les Histoires que le décor où se jouent les plus atroces spectacles, ceux des princes qu'on assassine en plein Forum, et que le Capitole, qui depuis toujours en exprimait la puissance et avait même tenu face à Néron, périsse à son tour dans les flammes. Du début des Annales, où l'on voyait, à la mort d'Auguste, une ville magnifiquement embellie (Ann.,1,9,5), jusqu'à l'incendie du Capitole (Hist.,3,71-72), l'état des lieux montre quelle dégradation profonde Rome a subie: ce que ni Porsenna, ni les Gaulois n'avaient pu faire est obtenu par l'égarement des princes [337]. Le nuage noir n'annonçait à Artaxate qu'une destruction matérielle; à Rome la dégradation physique s'est fatalement ajoutée à la dépravation morale [338].

 

Cette action néfaste des Césars ne s'exerce cependant pas seulement sur leur capitale; elle touche aussi à l'ensemble de l'espace extérieur, celui de l'orbis romanus, victime à son tour de l'inertia, de l'ignavia et de la luxuria des empereurs. Les deux espaces qui constituent l'imperium romanum, celui du centre et celui des provinces et des confins, que leur statut, leur histoire, et la présence continue des princes à Rome rendent fondamentalement différents ont ainsi en commun d'être tous les deux progressivement mis en péril.

Avec Néron en effet, l'immoralité d'une ville tellement adonnée aux plaisirs ou à l'hypocrisie que la critique d'un Thrasea ne peut y trouver de place (Ann.,16,28,3) s'étend insidieusement au-delà même de la capitale.

On remarquera par exemple que lors du banquet de Tigellin (Ann.,15,37) la description, partie d'un radeau, s'élargit ensuite à d'autres navires, puis aux quais et aux maisons d'alentour [339] ; comme emprisonné entre le cortège de l'empereur d'un côté, les femmes de haut rang et les prostituées toutes nues de l'autre, l'espace extérieur, et soumis, de Rome est figuré, au centre, par des oiseaux et des bêtes, venus de pays lointains et jusqu'à des animaux marins, amenés de l'Océan [340]. La souillure s'étend ainsi symboliquement à l'ensemble de l'orbis subjectus, et les animaux sauvages, sur lesquels l'empereur devrait, comme dans les venationes, exercer sa toute-puissance, ne servent ici que d'instruments passifs à ses débauches.

Après l'incendie de Rome d'autre part, la recherche hâtive de l'argent conduit à ravager l'Italie, à ruiner les provinces, les peuples alliés et les cités dites libres [341], et même à commettre en Asie et en Achaïe des actes sacrilèges [342] : certes encore limitée dans l'espace, mais réelle, la profanation succède de la sorte à la souillure symbolique. Après avoir détruit les marques mêmes de sa force et de son passé, Rome, en volant les offrandes et les statues des dieux, ruine les raisons de croire en elle et sape les principes de son rayonnement sur le monde.

A la fin du règne de Néron, ce qui est ainsi à redouter, c'est cette dissolutio imperii qu'évoquent les sénateurs, quand le jeune prince a la pensée d'abolir toutes les taxes (Ann.,13,50,2). En 69, l'éclatement des forces vives de l'empire justifiera dramatiquement cette crainte. Les Gaulois verront dans l'embrasement du Capitole le signal de la fin du règne de Rome et l'annonce d'un déplacement du centre du monde [343]. Vaine superstition sans doute, mais conséquence inéluctable de la déchéance de la Ville en tant que siège du pouvoir et centre géographique et politique du monde.

 

Sous les Julio-claudiens pourtant la paix règne partout, mais, obtenue sans trop de peine, elle semble être moins le résultat des succès militaires que le fruit d'un certain immobilisme. Pour la désigner, Tacite emploie fréquemment l'expression pax immota [344]. Si le participe immota peut se traduire par "inébranlable", il désigne aussi, et par définition, ce qui est immobile [345]. La paix n'est donc solide qu'au prix de l'inaction; elle peut ainsi facilement tomber dans le segne otium qu'en Bretagne un Petronius Turpilianus, qui n'ose précisément rien faire (Agr.,16,3), appelle pax honesta [346].

Aux frontières de l'empire, Rome se contente maintenant de peu [347]. Le prudent conseil d'Auguste a donc justifié la recherche d'une paix sans honneur, dont Marcellus souligne la facilité quand il reproche à Thrasea de sembler la mépriser [348]. En déclarant mensongèrement que les victoires ont été obtenues sans pertes [349], l'orateur se fait clairement le porte-parole d'une idéologie officielle à laquelle adhèrent tous ceux qui préfèrent désormais la tranquillité indolente à la gloire. Les autres sont repoussés vers les confins. Terres lointaines, que le pouvoir veut maintenir dans une immobilité sans risque [350] et dont les représentants ne viennent même plus jusqu'au Sénat (Ann.,16,27,2), ils constituent un espace antinomique de la Ville. Y rejetant tous ceux qui semblent la refuser [351], Rome y envoie aussi, depuis Germanicus, ce qu'elle a de meilleur.


II- CONFINS ET PROVINCES REBELLES.

Tels qu'ils ont pu déjà nous apparaître à travers l'étude des itinéraires [352], les espaces lointains et extérieurs à Rome et à l'Italie sont délimités par des frontières ou par des barrières, dont le caractère est manifestement, dans l'esprit de Tacite, plus politique et surtout plus idéal que réellement géographique [353].

Vers le nord en effet, les limites de l'espace de Rome ne semblent être que celles d'une Germanie gonflée d'eau que borde un océan immense, inconnu et dangereux [354]. Du côté de la Bretagne de même, rien ne semble exister au-delà de Thulé. Partout s'étend ainsi une mer étrange et inquiétante qui marque la limite extrême du monde et sur laquelle toute tentative de navigation est probablement contraire à la volonté même des dieux; c'est seulement jusqu'aux abords de Thulé, plusieurs fois entrevue, qu'il est en fait permis d'aller [355].

Vers l'est en revanche, en Afrique et même dans les parties les plus orientales et méridionales de le Germanie [356], se trouvent des régions qui sont à la fois l'extrême limite de l'extension romaine et le début d'autres mondes plus ou moins connus par les liaisons commerciales ou quelques expéditions scientifiques [357]. En ces lieux ce ne sont donc plus les dieux, mais les hommes qui peuvent s'opposer à Rome, et c'est donc là, pour Tacite, que peuvent encore se montrer les vraies valeurs et les vraies vertus romaines.

La Germanie.

En Germanie cependant, l'épopée de Germanicus a en quelque sorte scellé l'aventure occidentale, et ses entreprises successives ont finalement démontré que les éléments, la nature et sans doute les dieux eux-mêmes s'opposaient sur ce point à la conquête romaine [358]. Ce ne seront donc plus, après lui et Arminius, que des engagements sporadiques aux résultats toujours incertains. Mis à part Corbulon (Ann.,11,18-20,2), dont les succès sont contrariés par Claude, les généraux romains ne pourront plus s'illustrer en Germanie et leurs actions ne sembleront toujours être que le pâle reflet des exploits accomplis par leur illustre prédécesseur [359]. Quant aux chefs germains eux-mêmes, formés à Rome comme Italicus (Id., 16-17), dépendant de Rome comme Vannius (Id., 2,63,6 et 12,29-30) ou marchandant leurs propres terres au nom des services rendus jadis comme Verritus, Malorix (Ann.,13,54) ou le malheureux Boiocalus (Id., 55-56), ils ne sont évidemment plus que l'ombre pâlie d'Arminius. La mollesse de Claude [360] fera le reste et la Germanie ne sera en 69 que le lieu privilégié et confus des guerres civiles et des révoltes caractéristiques de la désintégration de l'orbis subjectus. La gloire en ces régions ne pouvait être donnée qu'à Germanicus, et les armées occupées, seulement d'un loisir continu (Id., 54,1), ne peuvent être employées qu'à ces travaux ingrats (Id., 11,20,3; 13,53,2) que rend parfois nécessaires le maintien de la discipline et de l'entraînement.

L'Afrique et la Bretagne.

L'Afrique.

D'une manière assez paradoxale, puisqu'il ne s'agit pas de conquête, mais seulement de répression, c'est à l'occasion des combats qui se livrent en Afrique contre Tacfarinas [361] qu'apparaissent le plus clairement les éléments, positifs et négatifs, que nous retrouverons dans la plupart des événements qui se produisent aux confins de l'empire.

Dans un pays confinant aux déserts de l'Afrique et dépourvu de vie urbaine [362], la lutte contre un adversaire qui a jadis servi chez les Romains [363] oblige à rétablir d'abord une discipline souvent perdue. C'est ainsi que la conduite déshonorante d'une cohorte (Ann., 3,20) contraint L. Apronius à restaurer l'antique usage du fustuarium et à décimer la cohorte coupable en faisant périr sous le bâton ceux que le sort avait désignés [364]. Dans le même esprit, mais avec une intention contraire, on renouvellera pour Ptolémée, fils de Juba, qui avait aidé les Romains, un usage des anciens temps : un sénateur sera chargé d'aller lui remettre un bâton d'ivoire et une toge brodée, antiques présents du sénat, en le saluant du nom de roi, allié et ami [365].

Présente à la fois dans la reconnaissance et la sévérité, l'antiquité républicaine survit aussi dans le comportement héroïque de Decius, commandant d'un fortin, qui considère comme une honte d'être assiégé par des barbares et tombe face à l'ennemi après avoir en vain tenté d'arrêter la débandade de sa cohorte (Ann.,3,20). Dans le combat qui verra quelque temps plus tard la revanche romaine, le simple soldat Rufus Helvius accomplira de même une autre action glorieuse en sauvant la vie d'un citoyen romain (Id., 21,3), et c'est finalement dans l'ordre, la discipline et l'ardeur au combat que les Romains triompheront en révélant tout ce qui les distingue des barbares et fait leur supériorité [366].

Surtout, pour venir à bout d'un adversaire que sa connaissance du pays dans lequel il évolue rend pratiquement insaisissable, Blaesus d'abord (Ann., 3,74,1-3), Dolabella ensuite (Id., 4,24,3) prendront possession du territoire en le quadrillant d'une manière systématique. Jusqu'alors indéfini dans ses détails, l'espace prend alors une consistance plus géographique; marqué au sud par Leptis Minor, au nord par Cirta, il est tissé dans l'intervalle d'un série de fortins et de retranchements d'où les troupes peuvent à tout moment intervenir. Le chef romain réduit ainsi les mouvements de son adversaire et le met à l'étroit sur son propre territoire: de quelque côté qu'il se tournât, il trouvait en effet une partie de l'armée romaine en face, de flanc et souvent à revers [367]. La reprise en main de la discipline et le réveil de l'héroïsme ont donc tout naturellement conduit à une reconquête ordonnée et consciente d'un espace qu'on ne contrôlait plus.

Rome cependant reste présente avec ses vices et ses erreurs. Considius Sacerdos, qui sera plus tard préteur, est accusé d'avoir livré du blé à Tacfarinas et acquitté (Ann. ,4,13,2) ; les soldats lâchent pied à la première attaque (Ann.,3,20) ; les généraux laissent l'ennemi en repos dès qu'ils ont obtenu les insignes du triomphe (Id., 4,23,1) ou redoutent les ordres du prince plus que les incertitudes de la guerre [368]. Tacfarinas peut ainsi oser l'envoi d'une ambassade à Rome pour la menacer d'une guerre interminable (Id., 3,73,1). A cet affront fait à lui-même et au peuple romain, Tibère réplique évidemment avec énergie (Id., 73,2-3), mais il considère la guerre comme terminée dès les premiers succès de Blaesus (Id., 74,4) et, n'obéissant qu'à ses sentiments personnels, refuse à Dolabella, véritable vainqueur, ce qu'il avait accordé à tous les autres et surtout à Blaesus, oncle de Séjan (Ann., 4,26,1) [369]. Trop prudente sans doute et marquée de favoritisme, sa politique semble ainsi, comme au temps de Germanicus, nier l'héroïsme et les vertus qui s'expriment dans les confins.

La Bretagne.

Les mêmes caractères d'ensemble se retrouvent dans les campagnes qu'Ostorius d'abord et Suetonius plus tard conduisent en Bretagne [370]. La part négative de Rome y est cependant cette fois prédominante.

Avec Ostorius pourtant l'héroïsme des troupes [371] et l'habileté dynamique du chef [372] conduisent très vite à la victoire. Cette heureuse issue n'amène cependant pas la fin de la guerre, et des combats sporadiques mais acharnés se livreront encore, même après la capture de Caratacus (Ann., 12,38-40,4). Ils causeront indirectement la mort d'Ostorius, épuisé par le dégoût des soucis [373], et la perte de nombreux soldats romains.

C'est d'abord que le général, ayant reçu les ornements du triomphe, relâche quelque peu la discipline et l'attention (Ann.,12,38,2), que les préfets s'abandonnent au pillage (Id., 39,3) et qu'après la disparition d'Ostorius arrive, avec A. Didius, un successeur appesanti par l'âge et comblé d'honneurs [374].

C'est surtout qu'en cherchant à rehausser sa propre gloire grâce aux victoires d'Ostorius, l'empereur Claude augmente en fait celle du vaincu (Ann.,12,36,2) et stimule ainsi l'ardeur des ennemis restés en Bretagne. L'arrivée à Rome de Caratacus est en effet l'occasion d'une sorte de mini- triomphe en forme de grand spectacle [375] qui donne au chef rebelle l'occasion de s'exprimer en public. Soulignant avec orgueil sa noblesse, il rend en outre à Agrippine, installée devant les enseignes romaines (Ann.,12,37,4), l'hommage qu'au même instant ou presque les Bretons révoltés, qui ne veulent pas être soumis au pouvoir d'une femme adultère (Hist.,3,45) refusent à la reine Cartimandua (Ann.,12,40,3) [376]. Après le spectacle qui tourne à la gloire du vaincu, le sénat renchérira encore dans le fantasme et l'adulation en évoquant à la fois Scipion et Paul-Emile, Syphax et Persée (Id., 38,1), rejetant ainsi dans la rhétorique et les discours le retour aux antiques vertus qu'en Afrique on avait vues sur le terrain.

La différence avec l'Afrique est encore plus nette au temps de Néron, quand Boudicca se dresse contre Rome. Certes Paulinus Suetonius s'empare de l'île de Mona (Ann.,14,29,2-30) et, faisant preuve à la fois d'une admirable fermeté (Id., 33,1) et d'une grande habileté militaire, trouve finalement une gloire éclatante et comparable à celle de nos antiques victoires [377], mais les vices et les défauts de la Ville ont maintenant trop progressé pour que les aspects négatifs n'apparaissent pas en pleine lumière.

En Bretagne se manifeste d'abord, à côté de la cupidité des soldats (Ann.,14,31,3), toute l'incompétence des chefs. Prétentieux comme Veranius (Id., 29,1), avides comme Catus Decianus (Id., 32,3), téméraires comme Petilius Cerialis (Ibid.) ou faisant passer l'agréable avant l'utile [378] et ne se gardant pas plus devant l'ennemi qu'en pleine paix (Id., 32,2), ils conduisent leurs troupes vers de lourdes défaites [379] que Suetonius ne peut réparer sans pertes pour les Romains et leurs alliés (Id., 33).

A ces défauts, déjà très caractéristiques de la décadence propre à la capitale, s'ajoutent les rivalités entre chefs: Poenus Postumus n'obéit pas à son supérieur et, pour ne pas avoir participé à la victoire, se suicide de dépit (Id., 37,3) ; Julius Classicianus, qui succède à Catus comme procurateur, dénigre Suetonius et fait passer ses rancœurs personnelles avant l'intérêt général (Id., 38,3) ; Suetonius lui-même est déjà considéré comme le rival de Corbulon (Id., 29,2).

Le plus grand danger vient cependant de l'intrusion, chez des peuples difficiles à soumettre, des mœurs et des habitudes perverties de la capitale. C'est en effet parce que Prasugatus, roi des Icéniens, a désigné l'empereur comme héritier de ses biens que sa maison devient la proie des esclaves et des centurions : ses dignitaires sont dépouillés, ses parents réduits en esclavage, ses filles violées, son pays traité comme une conquête ordinaire (Ann.,14,31,1). Dominés par le temple insolent de Claude et voyant les Romains arrogants, cruels et sans vraies fortifications, les Icéniens entraînent alors dans leur révolte légitime les Trinovantes et les autres peuples qui désiraient déjà secrètement défendre leur liberté (Id., 31). Rome est ainsi la cause directe d'une guerre dont elle aurait pu faire l'économie, si elle n'avait oublié les vertus de jadis.

Le comble est cependant atteint lorsque Néron, tout en organisant la répression (Id., 38,1), dépêche en Bretagne son affranchi Polyclitus et donne ainsi aux barbares, qui ne la connaissaient pas encore, l'image même de la Ville: celle d'un immense cortège, luxueux et débauché sans doute, dont le poids écrase les provinces qu'il traverse et se fait aussi redoutablement sentir aux soldats eux-mêmes. En voyant Polyclitus, les Bretons prennent davantage encore conscience du sentiment de liberté qui brûle en eux et comprennent que, même valeureux parfois, les Romains sont devenus des esclaves (Id., 39,2).

Sous Néron comme sous Claude, l'influence du centre a donc été prépondérante dans les confins bretons. Réduits sans être soumis, les barbares gardent en eux la certitude de leur force et la confiance en leur honneur, et ne peuvent éprouver aucun respect pour le vainqueur. Leur affaiblissement provisoire permettra quand même à Petronius Turpilianus de donner le beau nom de paix à ce qui n'est en fait qu'un pur produit des moeurs de la capitale: une indolente inaction (Id., 39,3).

En Bretagne pourtant, plus encore qu'en Afrique, même s'il ne s'agit dans le fond que de révoltes importantes, c'est bien l'espace de Rome qui est en question : si l'île de Mona est débarrassée par la force de ses coutumes sauvages (Ann.,14,29,3-30), des villes entières disparaissent, sacrifiées par les Romains eux-mêmes, comme Londinium (Id., 33,1), ou tombent, comme Verulamium (Id., 33,2), sous les coups d'ennemis que les généraux ne savent pas contenir.


III- LES CONFINS PARTHES.

Dans les deux cas que nous venons de voir, l'honneur, la grandeur et la présence même de Rome ne se trouvent cependant que très partiellement contestés. Les vrais enjeux se trouvent en effet ailleurs, dans les territoires orientaux de l'empire où Rome doit s'affronter à une puissance que Tacite considère comme presque égale à la sienne, celle des Parthes [380]. C'est en ces régions en effet que se pose vraiment la question de la conquête. Un espace héroïque pourrait s'y dessiner et la vraie gloire y est sans doute accessible à celui qui, comme autrefois Germanicus, pourra y déployer les qualités d'un vrai chef romain. Il faudra donc attendre l'entrée en scène de Corbulon.

Avant Corbulon.

Présents dans la plupart des livres des Annales [381], les Parthes y tracent une histoire complexe et mouvementée, dont les Romains ne sont souvent que spectateurs, mais qui les confronte aussi plusieurs fois à leur propre puissance et à leurs véritables intentions dans ces régions frontalières. C'est face aux Parthes, par exemple, que la modération, presque timorée parfois, des empereurs apparaît le plus nettement [382]. De leur côté, les Parthes redoutent la puissance romaine [383] et c'est en même temps chez eux peut-être que se lit le mieux l'importance de la culture romaine et le rôle essentiel qu'elle joue dans le monde méditerranéen [384].

Occupé d'un côté de l'Euphrate par une puissance autochtone, ancienne et continueIlemnt agitée de conflits intérieurs, de l'autre par l'extrême pointe de l'orbis subjectus, l'espace est dans ces régions remis sans cesse en question et certains territoires, spécialement ceux de l'Arménie, y sont l'objet d'une continuelle lutte d'influence.

Avant l'arrivée de Corbulon (Ann.,13,8,1) cependant, les Romains, chez qui la vénalité se fait plusieurs fois sentir [385] ne cherchent manifestement pas à se rendre maîtres de l'espace. Lucius Vitellius, pourtant encore marqué à cette époque par une vertu antique (Id., 6,32,4), se contente de montrer les armes romaines [386]. Julius Aquila, allié pour la circonstance à Cotys et à Eunonès, roi des Aorses, effectue une marche épique et triomphale [387] qui le rapproche des rives du Tanaïs, c'est à dire du bout du monde romain [388], sans cependant en tirer l'autorité suffisante pour que Mithridatès lui accorde du crédit [389]. Sa marche est ainsi plutôt une pénétration qu'une conquête et ses effets sur l'espace, dont il ne sera plus fait mention par la suite, apparaissent comme éphémères et presque inexistants; en obtenant finalement la soumission de Zorsinès (Id., 17,2) et la reddition de Mithridatès (Id., 18-21), il ne réussit en fait qu'à racheter l'échec déshonorant que Rome avait subi en soutenant Meherdatès contre Gotarzès [390].

A cette époque la présence romaine dans ces régions semble ainsi n'avoir aucune véritable consistance géographique et Tacite ne mentionne, jusqu'à la désignation de Corbulon, que les limites et les frontières que les Parthes établissent eux-mêmes pour leur propre territoire.

Artaban d'abord, qui n'a plus à redouter Germanicus et méprise Tibère, s'implante en Arménie, invoque l'héritage des Achéménides et prétend envahir les territoires qu'avaient jadis possédés Cyrus, puis Alexandre [391]. Même s'il ne s'agit évidemment là que de menaces et de jactance, ses propos rappellent l'étendue de l'espace historique des Parthes et l'importance déjà soulignée, précisément au temps du voyage de Germanicus en Egypte [392], des territoires dont la possession demeure encore incertaine.

Vardanès en revanche, s'il est d'abord arrêté par la crainte des Romains dans ses entreprises en Arménie, livre ensuite contre Gotarzès des combats qui le conduiront, au sud-ouest de la Bactriane, jusqu'aux frontières des Dahes et des Ariens [393]. Après avoir, comme autrefois Germanicus, dressé des monuments pour attester sa puissance et sa gloire [394], il se retire cependant sans avoir davantage occupé le terrain. Il n'en reste pas moins que dans cette période, les conquêtes, imaginées ou réelles, et l'évocation des terres les plus lointaines et des peuples les plus éloignés ne se rencontrent que chez les Parthes. Plus tard c'est dans leurs discours aussi, particulièrement dans celui de Tiridate et dans la réponse de son frère Vologèse (Ann.,15,1,4 et 2,2) que se trouveront des appels au combat assortis de considérations sur la nécessité de la guerre et le respect de la paix [395]. Les Romains pour leur part se bornent à l'Euphrate et se contentent d'y jeter des ponts [396].

Une autre conception.

Ce n'est ainsi qu'avec la nomination de Corbulon aux affaires d'Arménie [397] que se dessine une autre conception de la politique romaine. Fondée, comme en Afrique et bien mieux qu'en Bretagne, sur la discipline des troupes et les mérites éclatants du chef, elle crée près des frontières un nouvel espace qui est proprement celui des confins.

Il est à remarquer d'abord que Tacite place maintenant dans une perception purement romaine toute la région proche des Parthes, qu'il n'avait jusqu'alors montrée que d'une manière partielle et qu'à travers l'œil conquérant des Arsacides. Néron et ses conseillers prennent en effet d'emblée des mesures qui définissent clairement les zones frontalières de l'empire. Apparaissent donc, et successivement, l'Arménie, la Chalcidène et la Commagène [398], l'Euphrate, la petite Arménie et la région de Sophène [399]. L'ensemble de la description enveloppe ainsi le royaume parthe en en suivant les limites ouest/sud-ouest, mais n'est pas, une fois de plus, véritablement géographique. Se glissant dans les décisions de Néron comme il s'était auparavant glissé dans l'administration de Tibère ou dans l'imagination de Vespasien, Tacite organise en effet l'énumération en fonction de la nature des ordres donnés par le jeune empereur. Viennent donc d'abord des mesures de recrutement et des mouvements de troupes destinés à rapprocher les légions de l'Arménie, puis des instructions aux anciens rois de Chalcidène et de Commagène; enfin des décisions plus stratégiques et des nominations : on jette des ponts sur l'Euphrate, le roi Aristobule prend la petite Arménie, Sohaemus est nommé roi pour la région de Sophène.

Toute la partie encore disparate de l'espace romain qui touche au royaume parthe est ainsi soudainement unifiée par la volonté du prince, en même temps que les ponts à jeter sur l'Euphrate indiquent cette fois clairement qu'on a bien l'intention de le franchir. Cette impression d'ordre est encore renforcée par l'évocation, à propos de la répartition des troupes, de la Cappadoce et de la Syrie [400], régions bien romanisées, sur lesquelles l'ensemble du dispositif peut solidement prendre appui, et qui s'ouvrent par la mer jusqu'au coeur même de l'empire [401].

Comme dans tous les cas que nous avons précédemment rencontrés, l'espace romain ne devient ainsi clairement perceptible dans son ensemble qu'à un moment particulier qui est celui de la crise et de la préparation d'une guerre [402]. Toutefois, s'agissant ici des confins, il tire aussi sa cohérence de la présence et de la volonté de deux hommes: d'une part un prince, jeune encore et tout débutant, mais capable en théorie, s'il est bien conseillé, des mêmes exploits qu'un Pompée ou qu'un César Octavien [403], d'autre part un général, relativement âgé, dont le choix a donné l'impression que la carrière était ouverte aux vertus [404], et dont l'expérience et la sagesse sont soulignées en même temps qu'est, en passant, notifié un goût pour la grandiloquence et l'apparence (Ann.,13,8,3), qui, le rendant imparfait, le distingue évidemment de Germanicus. L'espace ici, fait exceptionnel, s'organise donc dans un accord entre le pouvoir de Rome et son lointain représentant, c'est-à-dire dans l'alliance, hélas peu durable, de la sagesse espérée du prince et des vertus connues du général.

Corbulon.

Domitius Corbulon fait preuve en effet, tout au long du séjour en Orient que raconte Tacite, de toutes les qualités propres au bon chef romain, et ces indéniables qualités [405] sont encore rhétoriquement rehaussées par les défauts, presque caricaturaux parfois, de son malheureux rival Caesennius Paetus [406]. Essentiellement morales et se rattachant à la plus pure tradition sénatoriale et républicaine, la plupart d'entre elles trouvent cependant leur meilleure application dans une continuelle prise de possession ordonnée de l'espace [407].

Comme tout bon général en effet, Corbulon resserre ses soldats en agmen quadratum quand il s'agit de faire mouvement sur un terrain que l'ennemi rend dangereux (Ann.,13,40,2). Afin de contraindre à la fuite ou au combat un adversaire jusqu'alors insaisissable, en l'attaquant de partout à la fois, il divise au contraire ses troupes [408], mais il les répartit en quatre corps pour attaquer la place forte de Volande et disperser la résistance des assiégés [409].

Cette maîtrise systématique et, si l'on peut dire, ponctuelle de l'espace s'accompagne cependant aussi d'une connaissance plus globale et plus générale du terrain qui suppose l'usage régulier de cartes ou d'itinéraires [410]. Corbulon, par exemple, empêche les délégués hyrcaniens, qui doivent rentrer chez eux, de franchir l'Euphrate et les détourne par la mer Rouge en leur donnant un itinéraire et des guides (Ann.,14,25,2). Quand il vient en revanche au secours de Paetus, il prend au plus court et traverse directement la Commagène et la Cappadoce pour atteindre l'Euphrate en Arménie (Id., 15,12,1 et 16,4).

Dominé sur le terrain même, l'espace l'est aussi d'une manière en quelque sorte plus abstraite dans les plans d'état-major qui supposent une organisation administrative beaucoup plus complexe. C'est ainsi qu'afin d'assurer la défense de l'Arménie, remise par Néron au roi Tigrane, Corbulon ordonne aux rois alliés qui l'entourent d'en régir les parties les plus proches d'eux. De même, lorsque Vologèse menace d'attaquer la Syrie, il organise la défense de toute la province en déplaçant des légions et des provinciaux, en fermant les passages ouverts à l'ennemi et en protégeant tous les points d'eau (Ann.,15,3,2). Plus tard encore, à la veille de la campagne de 63, il répartit sur l'ensemble du territoire les troupes venues du Pont, d'lllyrie et d'Egypte, ainsi que tous les contingents des rois alliés (Id., 26,1-2).

Qu'il s'agisse cependant de stratégie, d'itinéraires ou de gestion administrative et militaire du terrain, l'intention de Corbulon demeure toujours la même: se rendre maître de l'espace en en chassant l'ennemi. A cet égard, ses qualités personnelles, son rayonnement et son autorité rendent ses capacités d'organisation parfaitement efficaces. Autour de lui le territoire s'élargit, autour de ses adversaires, il se restreint ; essentiellement variable [411], il devient dépendant de la disposition que le Romain lui impose. Lorsque Tiridate, par exemple, propose une entrevue douteuse, Corbulon choisit lui-même le lieu de la rencontre et le roi n'apparaît qu'au loin, puis se retire précipitamment (Ann.,13,38-39,1). De même, quand les convois cheminent dans des régions exposées et accidentées, des postes tiennent les montagnes et le roi ne peut s'en approcher (Id., 39,1) ; ses forteresses détruites (Id., 39,1-5) et Artaxate assiégée, il est réduit à s'enfoncer dans des lieux impraticables ou à voltiger autour des colonnes formées en agmen quadratum, et doit finalement disparaître [412]. Utilisant l'espace comme un damier sur lequel il pousserait ses pions, Corbulon finit ainsi par régir lui-même tous les déplacements de l'ennemi. Pour marquer son passage et laisser sa marque dans les étendues qu'il ne peut longtemps tenir, il n'hésite pas d'autre part à raser les places-fortes ou même les villes; la malheureuse Artaxate est ainsi la victime d'une méthode radicale que les dieux paraissent approuver.

Un exemple particulier de cette prise en main consciente de l'espace nous est encore fourni par le thème récurrent des ponts, sur lequel Tacite insiste tout particulièrement et dont la valeur est évidemment très symbolique, puisque l'Euphrate sépare en fait l'espace romain de l'espace parthe et même, d'une manière presque allégorique, l'orbis occidental de l'orbis oriental.

Le remarquable épisode dans lequel Corbulon, pour protéger les deux côtés du fleuve, entreprend de jeter un pont sur l'Euphrate (Ann.,15,9) résume en quelques lignes toute la suprématie romaine: des postes d'abord, épars et disséminés, et, sur les deux rives, des cavaliers ennemis qui voltigent en tous sens; puis, sur le fleuve même, des bateaux et des tours du haut desquelles on lance partout des traits meurtriers. Tenus à distance, les barbares finissent par quitter les rives, le pont est jeté, les collines occupées par les avant-gardes, puis par les camps légionnaires et les Parthes abandonnent totalement la région. Au paysage fragmenté et désordonné du début s'est rapidement substitué l'espace souverain et unifié de Rome [413].

Paetus au contraire qui, dans son rôle de mauvais général, se montre incapable de dominer le terrain qu'il devrait régir, construira lui aussi un pont, mais il l’établira sur un fleuve d'intérêt secondaire, ne pourra lui-même l'emprunter et le cédera finalement aux Parthes. Vologèse, après avoir élevé des trophées, y passera triomphalement, juché sur un éléphant et suivi par ses cavaliers, preuve à la fois de l'ampleur de l'échec et de la qualité du travail romain (Ann., 15,15). Les défauts du chef n'enlèvent en effet rien à la capacité d'action romaine, mais ils la détournent du but et font qu'elle se retourne en quelque sorte contre elle-même, comme se retourneront plus tard contre Rome, à Bédriac ou au Capitole, l'énergie de ses propres soldats. Ici, loin d'être dépossédé de son territoire, l'ennemi s'y conforte avec orgueil en prenant en quelque sorte appui sur le talent de ses adversaires en déroute. Au lieu d'être annexé, l'espace est inversé: les barbares, jusqu'alors dispersés et comme agités de mouvements multiples, se regroupent sur la voie tracée par les ingénieurs romains dans l'ordre d'un défilé, dont la seule marque étrangère est qu'il est ouvert, comme autrefois dans les Alpes, par un éléphant [414].

Si les qualités proprement romaines du chef trouvent au contraire avec Corbulon leur pleine application dans la maîtrise de l'espace, c'est aussi parce qu'elles répondent à une intention déterminée, on pourrait dire antique, et sont mises en œuvre à un moment sans doute exceptionnel.

Dès son arrivée dans les confins parthes et arméniens, Corbulon juge digne de la grandeur du peuple romain de recouvrer les anciennes conquêtes de Lucullus et de Pompée [415] ; les opérations ne doivent donc plus être menées mollement ni traîner en longueur, et, face à un adversaire déterminé [416], c'est une véritable campagne offensive qui est cette fois préparée par des levées d'hommes, des renforts et le retour à la discipline (Ann.,13,35). Sinon le vrai esprit de conquête, du moins le dynamisme de la République peuvent alors réapparaître en des régions à cet égard privilégiées. Une fois confirmés pour lui, après l'échec de Paetus, des pouvoirs presque égaux à ceux que le peuple romain avait donnés à Cn. Pompée quand il allait mener la guerre contre les pirates [417], Corbulon s'engagera pour attaquer Vologèse sur le chemin frayé jadis par L. Lucullus [418], c'est-à-dire sur la voie de la conquête et de la grandeur. C'est donc, telle qu'on l'avait vue avec Germanicus et telle qu'on ne la reverrait qu'avec Agricola, la grande tradition antique, fondée sur la discipline (Id., 35,3-4; 15,12,2-3) et le désir de défendre le rayonnement et l'espace de Rome, qui réapparaît après des années de sommeil et d'inertie.

Sans être tout à fait Germanicus, Corbulon qui s'était naguère écrié: "Heureux jadis les généraux romains!" [419], lui ressemble [420] et, comme lui dans le Teutbourg (Ann.,1,61), il réparera, près de Rhandeia (Ann.,15,28,2), l'outrage subi par les légions romaines. Inversement Paetus, dont la présence antithétique, vient sans cesse renforcer le sens des actes de Corbulon, donnera de l'antiquité républicaine une image inversée: vaincu, c'est par pure rhétorique qu'il évoquera, devant un officier de Vologèse, le souvenir des Lucullus et des Pompée [421], comme ses soldats n'invoqueront les grandes défaites de la République que pour excuser leur lâcheté [422].

Corbulon et Néron.

A la différence de Germanicus cependant, Corbulon bénéficie manifestement de l'accord et de l'appui de l'empereur, dont l'attitude apparaît ici comme très différente de celle de ses prédécesseurs. Nous avons vu déjà qu'au début du conflit, Néron calme les inquiétudes légitimes de ceux qui s'interrogent sur sa jeunesse en faisant prendre des dispositions qui rendent sensible l'espace du conflit et l'introduisent dans un projet d'ensemble cohérent Presque aussitôt après, il apaisera de son autorité la querelle malencontreuse qui appose Quadratus Ummidius à Corbulon en ajoutant une branche de laurier à ses faisceaux pour célébrer leur victoire commune (Ann.,13,9,3).Plus tard, il ne manifestera pas, à l'égard de Paetus, un excès de sévérité propre à plonger les autres généraux dans la terreur et dans l'immobilité; ne l'ayant accablé que de plaisanteries (Id., 15,25,4), il donne le pouvoir au meiIleur en élargissant l'autorité de Corbulon.

Surtout, lorsque arrive à Rome le message de Vologèse, l'empereur soumet à son conseil le choix à faire entre une guerre hasardeuse et une paix déshonorante. On n' hésita pas à choisir la guerre [423] : pour la première fois le Palatin, au lieu de rechercher la paix et de redouter l'affrontement, choisit donc clairement le conflit avec les Parthes et s'engage dans une opération qui peut conduire à la conquête. Le projet de l'empereur rejoint ainsi, pour des raisons différentes, celui du général qu'il a mandaté et le lance avec les pouvoirs de Pompée sur le chemin de Lucullus.

La conquête du royaume parthe n'est cependant pas encore à l'ordre du jour et Corbulon, qui n'est pas homme à parcourir comme Paetus des pays impossibles à occuper [424], ne désire pas s'y engager; elle sera, on le sait, à l'époque de Tacite, l'œuvre de Trajan, dont la présence et la politique sont ici plus sensibles encore sous le texte que partout ailleurs. Pour l'heure, il faut se contenter de raffermir le contrôle sur l'Arménie et d'accepter les limites de l'Euphrate que la défaite de Paetus a confirmées (Id., 14,3). Corbulon d'ailleurs préfère avoir la guerre que la faire [425] et ne la fait que pour gagner la paix.

Une scène caractéristique de la manière de Tacite vient cependant clore tout l'ensemble. Tiridate accepte en effet de ne plus tenir son pouvoir en Arménie de Vologèse, roi des Parthes et de le recevoir comme un don des Romains (Ann.,15,27,2). Il déposera donc symboliquement sa couronne devant l'effigie de Néron et ne la reprendra qu'à Rome, et des mains mêmes de l'empereur. Un nouvel et dernier espace, hautement symbolique, peut alors se découvrir (Id.,29,2). Dans une plaine assez semblable sans doute à celle dans laquelle Tiridate, ses projets déjoués, n'avait pu se présenter, d'un côté la cavalerie parthe, de l'autre les légions romaines, au centre, un tribunal, où était placée une chaise curule, et, sur cette chaise, l'image de Néron [426]. Dans l'étincellement des décorations, des armes et des statues des dieux, l'orbis subjectus et la Ville, jusqu'alors toujours si dramatiquement différents, se trouvent un bref instant réunis pour une même gloire [427].

L'insistance de Tacite est ici manifeste. Si le inde et le hinc marquent bien la division de l'espace en deux parties distinctes, elles se trouvent cependant réunies, d'une part, par le spectacle imposant qu'elles offrent l'une et l'autre et ensemble, d'autre part, par la présence entre elles du tribunal, de la chaise et de l'effigie de l'empereur, symboles typiquement romains, que renforcent encore les statues des dieux, disposées comme dans un temple. Déposant sa couronne au pied de l'image impériale, Tiridate y paraît soumis et l'on peut en effet se demander (Id., 29,3) s'il est traité en roi ou en captif. Les rois ses frères, Vologèse et Pacorus, s'en inquiètent d'ailleurs, confondant, dit Tacite, la réalité du pouvoir et les vanités négligeables [428] ; il semble bien pourtant qu'ici les Romains aient échangé, dans une tradition plus antique qu'impériale, le faste des apparences contre le contrôle de tout un territoire.

Tacite en effet renforce encore le sens de cette rencontre exceptionnelle en la faisant suivre aussitôt d'une scène plus intime: au cours du festin qu'il offre ensuite à Tiridate, Corbulon lui montre et lui explique, en amplifiant tout, les habitudes et les traditions de l'armée romaine et le remplit d'admiration pour nos antiques coutumes (Ann.,15,30,1). La victoire sur l'espace se double ainsi d'une victoire sur les esprits, mais, guidé par le général, le respect admiratif du roi se porte sur les vertus républicaines après s'être porté sur les pouvoirs de l'empereur. L'espace des confins apparaît bien ainsi comme celui de la tradition glorieuse et de la continuité de Rome, qu'incarnait déjà Germanicus. Il ne peut cependant se concevoir que si l'empereur, d'une manière ou d'une autre, y adhère. Signe d'un état d'esprit qui ne s'épanouira vraiment qu'avec Trajan, la présence de l'effigie de Néron exprime en effet la nécessité d'une présence, même symbolique, du prince et de Rome elle-même à ses frontières les plus lointaines, et la force pacifique d'un empire dont l'espace forme un tout véritable.

Même signifiante, l'image n'est cependant pas toute la réalité et, dans un récit dont les étapes et les descriptions font si souvent penser à la frise de la colonne Trajane [429], l'absence de l'empereur marchant en personne à la tête de ses troupes se fait manifestement sentir. Un instant réalisée devant Tiridate et les Parthes, l'unité morale de l'empire, fondement de son intégrité spatiale, n'est ainsi elle-même qu'une apparence fugitive. Dans la Ville en effet, les mœurs n'ont pas changé; l'adulation des sénateurs et les dérèglements de l'empereur y sont même de plus en plus manifestes [430].

Après la prise d'Artaxate déjà, la salutation impériale [431] est suivie d'une série de mesures sénatoriales dont C. Cassius, qui connaît les Parthes [432], souligne aussitôt le caractère démesuré (Ann.,13,41,4). Après l'échec de Paetus, la Ville continue, malgré tout, de célébrer des victoires manquées (Id., 15,18,1) et, pendant les neuf années de guerre, le comportement de Néron rend toujours plus épais au-dessus de Rome le nuage noir d'Artaxate. Plus encore, comme si l'empereur devenait lui- même un roi barbare offrant à ses visiteurs des victimes humaines, la présence à Rome de Tiridate et l'extraordinaire spectacle qui la célèbre servent aussi de voile à la condamnation de Borea Soranus et de début au procès de Thrasea (Id., 16,23,2-24,1). Quant à Corbulon, déjà perçu à l'époque de Claude, en tant qu'homme qui se distingue, comme à charge et dangereux pour la paix (Id., 11,9,3), soupçonné en outre d'une rencontre avec Plautus (Id., 14,58,2) et dénigré par Arrius Varus (Hist., 3,6,1), il est déjà coupable de célébrité et d'innocence (Ann.,14,58,2) et devra, à ce titre, succomber [433].

 

Capax imperii, Corbulon avait probablement pris part à la conjuration de Vinicianus [434]. Si elle avait réussi, peut-être aurait-il été proclamé empereur en Syrie avec l'appui de ses légions, comme le furent plus tard, en diverses provinces frontalières, Galba, Vitellius, Vespasien et même Trajan. On aurait, dans ce cas, su plus tôt qu'on pouvait faire un empereur ailleurs qu'à Rome.

Le secret dont parle Tacite au début des Histoires [435] et qui fut divulgué à l'avènement de Galba est ainsi sans doute celui que nous livrent les Annales et dont les Histoires nous proposent la conclusion dramatique: la nature ambiguë d'un empire fondé à la fois sur une dualité profonde et une nécessaire unité.

Tête de l'empire [436], la Ville ne peut être en effet séparée de son corps ; ce qui lui est géographiquement extérieur a autant d'importance qu'elle et forme avec elle un tout indissociable. Ni Rome, ni les provinces ne peuvent donc faire seules un empereur, et c'est toujours à la fois de la Ville et des régions les plus lointaines que le prince doit tirer sa vraie légitimité. Appuyé d'un côté sur l'affection du peuple et l'autorité du Sénat, de l'autre sur l'assentiment des provinces et la soumission des peuples voisins, mais étrangers, il doit être le symbole de Rome et celui de l'unité de l'espace qu'elle régit ; par sa présence, son exemple et sa conduite, il doit en maintenir et en défendre l'intégrité, qui garantit aussi son existence. Encore faut-il que ses vertus soient à la hauteur de la tâche presque divine qui lui incombe.

De la lecture des Annales, et même a contrario des Histoires, se dégage ainsi l'image d'un empereur à la fois présent sur le Forum et aux frontières, au Palatin et à la tête des armées qu'il conduit en personne, comme Trajan sur la frise continue de sa colonne triomphale. Comme Germanicus et comme Corbulon, il doit être à la fois décidé à la guerre et soucieux de la paix, sévère et clément, proche des hommes et prévoyant, réfléchi, mais prompt

Ces exigences intellectuelles et morales, les Julio-daudiens ne les ont jamais satisfaites. Ne quittant jamais l'espace de Rome ou de l'Italie, dans lequel ni Germanicus [437], ni Corbulon ne sont jamais représentés par Tacite [438], ils en ont subi l'influence délétère et leur exemple en a favorisé la dépravation. Ils ont ainsi privé l'empire de la dignitas qui, imposant à tous un respect mêlé de crainte, peut seule maintenir la cohésion de l'ensemble.

Pour Tacite, Germanicus avait incarné, dans la joie d'abord aux temps de son triomphe, dans la paix ensuite au moment de son séjour en Orient, dans le deuil enfin au moment de sa mort, toutes les vertus du prince idéal: le peuple de Rome (Ann. ,2,82,3 ; 3,1,3-4), le Sénat (Id., 2,83), les provinces (Id., 3,2,3), les barbares et même les Parthes (Suét.,Cal.,5,3) l'avaient pleuré avec d'autant plus de douleur qu'on sentait confusément qu'avec lui venait de disparaître un modèle et une garantie pour l'avenir de l'orbis romanus.

Cinquante ans plus tard en effet, au terme d'une longue et sûre décadence des pratiques impériales, au moment où Vitellius est, en 69, proclamé empereur à son tour, l'espace romain se désagrège et l'unité de l'empire est soudainement rompue. Dans une apocalypse presque universelle (Hist.,1,2), les provinces se dissocient du pouvoir central (ld., 76), les ennemis franchissent les barrières du limes (ld., 79), des armées romaines et des empereurs encore illégaux partent des régions frontalières et traversent l'espace romain pour en investir le centre. C'est dans les confins seulement en effet, dont Germanicus avait juste avant sa mort souligné la cohésion, en Germanie pour Vitellius, en Orient pour Vespasien, que sont alors élevés des empereurs qui devront se battre pour la possession de Rome.

Entre une ville pervertie et l'espace romain, l'équilibre ne pourra se rétablir qu'au prix d'une purification venue de l'extérieur. Après l'injuste disparition de tous ceux qui maintenaient sa dignitas aux confins de l'empire, Rome à son tour devra, sinon mourir, au moins se régénérer pour renaître.

Source de modifications importantes et définitives dans la conception d'ensemble et la structure de la Ville, le grand incendie néronien ne pourra cependant pas jouer ce rôle : il vient en effet de l'intérieur et jaillit en quelque sorte du mal même. Tel que Tacite le présente, en laissant soupçonner Néron (Ann.,15,38,7 et 40,2), il n'est en fait que l'extrême limite atteinte par les excès du pouvoir. Sur les ruines et dans les cendres, Néron construira d'ailleurs un autre palais, pris sur la cité même, qui affirmera le triomphe provisoire d'une idéologie pernicieuse et devra être détruit par ses successeurs.

La mort ignominieuse de Néron, celle de Vitellius, pourtant rendue publique et expiatoire, ne purifieront pas davantage la cité dans la mesure où elles auront une valeur plus exemplaire que symbolique. Ce n'est que par l'incendie du Capitole, cruel et lourd de significations qui rayonneront jusqu'aux confins, et par l'absence et la désapprobation même de celui au nom duquel un tel crime est commis, que Rome sera, à la fin de la partie conservée des Histoires, enfin véritablement purifiée.

C'est sans doute pourquoi les seules lignes positives que Tacite consacre à un monument, sont celles dans lesqueIles il décrit l'inauguration du nouveau Capitole [439].

L'entrée dans l'enceinte de soldats choisis pour leur nom favorable et porteurs de rameaux, puis des Vestales et de jeunes gens et jeunes filles, dont les parents vivent encore, signe peut-être qu'ils ont été épargnés par la guerre civile, marque le rétablissement de l'ordre public et de la paix civile, tandis que la présence du préteur en exercice et du pontife atteste à la fois l'accord des dieux capitolins et tutélaires, et le retour d'une légitimité qui annonce une nouvelle conception de l'empire [440]. La pierre que tirent ensemble les autres magistrats, les prêtres, le sénat, les chevaliers et une grande partie du peuple [441] est ainsi la première du Capitole et, symbole plus fort encore, la première d'une paix sociale et politique à laquelle tous sont maintenant prêts à contribuer.

La cérémonie qui se déroule dans Rome, le 21 juin 70, par un ciel serein marque ainsi le début possible d'une ère nouvelle dans laquelle la Ville et son espace se trouveront enfin réconciliés [442] : en effet la guerre civile déclenchée dans les Gaules et dans les Espagnes, suivie du soulèvement des Germains, puis de l’lllyricum, après avoir fait le tour de l'Egypte, de la Judée, de la Syrie, de toutes les provinces et de toutes les armées, le monde entier étant comme purifié, semblait avoir pris fin [443].

Ce qui apparaît ainsi finalement, c'est l'existence dans l'esprit cultivé de Tacite d'une sorte de géographie fantasmatique à la fois fondée sur la politique, la morale et l'idée qu'on se faisait alors de l'univers. Le monde historique de Tacite semble en effet se répartir en trois orbes emboîtés les uns dans les autres [444] : celui de l'extérieur, incluant l'Océan, les déserts, les Germains et les Parthes, derrière lesquels se trouvent encore d'autres peuples, celui des provinces, soumises mais remuantes, celui de l’Italie et de Rome enfin [445].

A l'intérieur de cet ensemble s'établissent des liaisons complexes et contradictoires. Du point de vue ethnographique ou géographique, plus on s'éloigne de Rome et plus on s'approche des barbares et des terres inhabitables ; du point de vue moral, en revanche, plus on s'écarte de Rome et plus on a de chances de rencontrer les vertus essentielles de l'homme [446] ; d'un point de vue politique enfin, plus on cherche à se dégager de Rome et plus on met l'ensemble en péril.

Placée au centre politique, moral et géographique de l'univers [447], la Rome de Tacite est donc à la fois puissante et protégée, rayonnante de civilisation et moralement pervertie par sa propre force et par son raffinement. Le jeu qu'elle entretient avec le reste du monde est ainsi complexe et pervers : messagère de civilisation, elle apporte, avec cette civilisation même, l'asservissement et les facteurs d'une décadence à long terme [448] ; symbole de conquête et d'oppression, elle alimente le feu des révoltes et des dissidences ; fascinante et accueillante, elle reçoit, avec les hommes qu'elle attire et les affranchis qu'elle multiplie, tous les vices qu'ils portent, et le Tibre semble charrier la boue de toutes les terres qu'elle a conquises. Dressée au centre du monde comme une déesse, mais souillée jusqu'au Palatin, elle devient progressivement incapable de protéger et d'étendre l'immense espace qu'elle domine.

Pour maintenir la cohésion de l'ensemble, il faudrait sans doute pouvoir pratiquer une vertu qui tirerait sa sève des plus antiques traditions. Mais cette vertu n'a existé qu'à l'époque où la Ville, encore faible, était seulement promise à un exceptionnel destin; elle ne peut plus se manifester qu'au moment où se reproduisent des circonstances presque semblables, aux frontières de l'empire, sur la marge étroite où Rome trouve de vrais adversaires et doit faire preuve à la fois d'héroïsme et de sagesse. Elle est de la sorte, non seulement inaccessible aux princes enfermés au cœur de leur empire, mais, prisonniers de leur immense et nécessaire pouvoir, ils n'hésitent jamais à faire disparaître tous ceux que leurs capacités rendent aussitôt suspects.

Nés de ces contradictions, les tiraillements sont devenus si profonds que l'ensemble a fini, en janvier 69, par imploser.

 

Comment a-t-on pu se battre au cœur de la Ville au point de détruire le Capitole? Comment a-t-on pu arriver à cet acte inouï, depuis la fondation de Rome le plus déplorable et le plus honteux forfait qu'ait connu la république du peuple romain [449]? Telle est la question que posent les Histoires et la réponse est donnée dans les Annales.

Des armées romaines sont parties des frontières les plus lointaines, de l'Occident d'abord puis de l'Orient, pour marcher contre Rome. L'Italie du nord a été dévastée comme un pays conquis, Crémone anéantie, Rome prise les armes à la main, le Capitole incendié, l'espace romain presque démantelé sous le coup des invasions et des sécessions, parce que, au cœur même du monde, le pouvoir central s'est lentement dégénéré dans les rivalités et les successions familiales.

Dans l'oeuvre de jeunesse qu'est la Germanie, Tacite semblait pourtant encore considérer que l'empire pouvait être menacé de l'extérieur par la force, le nombre et la vertu des Germains sur lesquels Rome ne remporte toujours que des triomphes à recommencer. Au moment où il commence la rédaction de son grand ouvrage, ses sentiments ont manifestement changé ; l'histoire est devenue pour lui le récit des événements qui ont failli conduire de l'intérieur à la pulvérisation de l'espace romain.

Les Histoires racontent ainsi dramatiquement les conséquences d'une évolution dont les causes seront indiquées dans les Annales. De la mort d'Auguste à celle de Vitellius, l'héritage glorieux de la République, dont Tite-Live avait avec orgueil décrit la difficile expansion, s'est en effet trouvé mis en danger parce qu'une forme particulière de barbarie, celle qui naît de la dégénérescence des peuples civilisés, s'est installée sur les rives du Tibre. Dès la fin du règne d'Auguste, l'espace romain, un instant refondé, s'est trouvé mis en péril.

Dans les Histoires, le récit s'installe ainsi dans un espace bouillonnant et éclaté, parcouru en tous sens et comme agité de mouvements browniens. Dans les Annales au contraire, il est marqué par un constant va-et-vient entre le centre et la périphérie, et, centripète en apparence, il est souvent centrifuge, dans la mesure où le centre est comme contaminé par le dérèglement des princes et l'abjection du Sénat, tandis que les personnages les plus valeureux, sang vif de l'empire, s'épanouissent à l'extérieur et ne reviennent à Rome que morts, pour y mourir ou tenter d'y installer leur pouvoir.

La conscience de l'espace, que nous avions d'abord vainement cherchée dans la topographie, est donc continuellement sensible dans le récit tacitéen. Reflétant l'une des préoccupations majeures d'un auteur qui naquit sans doute en Gaule et peut se souvenir des malheurs de l'année 69, elle est même un des axes fondamentaux de l'œuvre. C'est en effet à travers l'image que Tacite nous propose de l'espace romain que se révèlent le mieux les inquiétudes et les contradictions d'une époque, où l'on devait progressivement admettre que l'orbis romanus serait toujours plus petit que l'oikoumène et qu'il devenait même aussi difficile de le maintenir que de l'étendre.

 


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NOTES

277. Hist., 1,2-3.

278. Id., 2,1 : prosperae in Oriente, adversae in Occidente res.

279. Ibid. : Gaules et Bretagne.

280. Sarmates et Suèves, Daces, Parthes.

281. Id., 2,2 : Jam vero ltalia... et Urbs...

282. La description commence en effet par la côte de l'Adriatique et continue vers l'ouest, le nord et l'est avant de revenir logiquement à l'Italie par le sud (Ibid.: « des villes englouties ou ensevelies sur la côte si fertile de la Campanie » haustae aut obrutae urbes, fecundissima Campaniae ora).

283. Id., 2,3 : « à Rome des cruautés plus atroces encore » (atrocius in urbe saevitum).

284. En fait, la reprise de saevum par saevitum et atrocius introduit, dans un élan rhétorique, une distinction sociale et politique.

285. Hist.,1,3,2: ... « jamais en effet calamités plus affreuses pour le peuple romain, ni signes plus concluants ne prouvèrent que, si les dieux ne se soucient pas de nous sauver, ils ont besoin de nous punir » ( ...nec enim umquam atrocioribus populi romani cladibus magisve indiciis approbatum est non esse curae deis securitatem nostram, esse ultionem).

286. II s'agit d'abord de se protéger des éventuelles interventions de la flotte de Ravenne dont on ignore encore le ralliement, puis, à Vérone, de couper la route des Alpes Juliennes aux troupes de Germanie.

287. Minucius Justus (Hist., 3,7,1).

288. Ibid. : vers Vespasien, donc vers l'extérieur.

289. Dès le siège de Vérone en fait (Id., 3,10-11).

290. Id., 8,2 : « Ces mouvements étaient ignorés de Vespasien, voire interdits » (Quae ignora Vespasiano, aut vetita).

291. Id., 8,3 : « Au reste, à de si grandes distances, les avis arrivaient après coup » (Ceterum ex distantibus terrarum spatiis consilia post res adferebantur).

292. Ann., 13,41,3 : nam cuncta extra tectis tenus sole industria fuere, quod moenibus cingebatur ita repente atra nube coopertum fulgoribusque discretum est ut, quasi infensantibus deis, exitio tradi crederetur.

293. Op. cit., 3, p. 315.

294. La Tempête, Venise, Galerie de l'Académie.

295. Hist., 3,7,1. Le personnage n'est pas connu par ailleurs et son nom est presque symbolique.

296. Par exemple, Ann., 3,65,2-3 : « On rapporte que Tibère, chaque fois qu'il sortait de la curie, prononçait en grec des mots tels que « O hommes, prêts à l'esclavage ! » Ainsi celui même qui refusait la liberté publique était écœuré d'un abaissement et d'une soumission aussi serviles » (Memoriae proditur Tiberium, quotiens curia egrederetur, Graecis verbis in hunc modum eloqui solitum: O homines ad servitutem paratos ! » Scilicet etiam ilium qui Iibertatem publicam nollet tam projectae servientium patientiae taedebat). De même 4,74,1, 14,64,3 etc.

297. Par exemple, Hist., 2,92,3.

298. Par exemple, Thrasea Paetus. Cf. A. Michel, op. cit., p. 37-43.

299. Hist., 2,93,1 : « Cependant les soldats ... erraient sous les portiques ou dans les temples à travers la ville entière sans connaître les points de garde...; les délices de Rome et des excès innommables énervaient leur corps par l'oisiveté, leur âme par la débauche. Ils finirent même par négliger leur santé: un bon nombre campèrent dans le quartier insalubre du Vatican, d'où une forte mortalité; ...les Germains et les Gaulois, prédisposés aux maladies, se ruinèrent la santé en abusant des baignades, parce qu'ils ne supportaient pas les chaleurs » (Sed miles ... in porticibus aut delubris et urbe tota vagus non principia noscere...; per inlecebras urbis et inhonesta dictu corpus otio, animum Iibidinibus imminuebant. Postremo ne salutis quidem cura : infamibus Vaticani locis magna pars tetendit, unde crebrae in volgus mortes; ...Germanorum Gallorumque obnoxia morbis corpora fluminis aviditas et aestus impatientia labefecit).

300. Ann., 4,32,2 : nobis in orto et inglorius labor : immota quippe aut modice lacessita pax, maestae Vrbis res et princeps proferendi imperii incuriosus erat.

301. Cf. A. Rouveret, op. cit., p. 3070.

302. Cf. A. Malissard, Incendium... , p. 49.

303. Cf. A Malissard, Id., pp. 50-52.

304. Cf. J-M. André, L'espace urbain dans l'expression poétique, L'Espace et ses représentations, Paris, 1991, pp. 84-89.

305. Cf. J. Hellegouarc'h, Juvénal, témoin et critique de son temps, Vita latina, 137, pp. 36-42.

306. Cf. P. Zumthor, op. cit., p. 122 : Tout discours sur la ville relève, par une nécessité interne, de la rhétorique de l'éloge ou du blâme. Une même cité, selon les circonstances ou le point de vue de l'auteur, sera Jérusalem ou Babylone.

307. Ann., 14,20,4: « ainsi tout ce qui peut au monde être corrompu ou corrompre serait offert à la vue dans la Ville » (quod usquam corrumpi et corrumpere queat in Urbe visatur). Il s'agit cependant de la première partie d'une controversia.

308. Par exemple, Ann., 1,10 ,8; 2 ,41 ,1 ,49 et 64,1 ; 6,45,1 ; 14,47 ,2 .

309. Par exemple, Ann., 4,74,1-2; 15,18,1.

310. Ann., 4,38,2 ; Hist., 1,84,4.

311. J-M. André, op. cit., p. 95.

312. Ann., 4,33,3 : nos saeva jussa, continuas accusationes, fallaces amicitias, perniciem innocentium et easdem exitii causas conjungimus...

313. Ann., 4,32,1 : libero egressu.

314. Ann., 3,65,1 : ...praecipuum munus annalium reor ne virtutes sileantur utque pravis dictis factisque ex posteritate et infamia metus sit.

315. Ann., 4,32,2 : princeps proferendi imperii incuriosus.

316. Voir l'attitude de Tibère qui préfère la diplomatie (Ann., 2,26), considère la guerre comme achevée (Ann., 2,41,2 et 3,74,4), ne veut pas voir la paix troublée (Id., 2,65,1), refuse de désigner un chef contre les Germains (Id., 4,74,1) ou de recourir aux armes (Id, 6,32,1 : arma procul habere). Sous son influence le Sénat se soucie peu des extrémités de l'empire et, sous l'effet de la peur, se réfugie dans l'adulation (Id, 4,74,1 : « quant au Sénat, il se souciait peu d'un déshonneur aux extrémités de l'empire »: neque senatus in eo cura an imperii extrema dehonestarentur).

317. Claude arrête l'expédition de Germanie (Ann., 11,19,3) ou refuse d'intervenir chez les Suèves (Id., 12,29,2).

318. Infra, p. 132 et sqq.

319. On sait que dans le cas de Tibère et dans celui de Néron, qui sont les deux seuls règnes dont nous possédons le début, la dégénérescence impériale ne commence pas immédiatement et suit de quelques années la prise de pouvoir. Tacite l'indique à chaque fois comme le début des malheurs, pour Tibère en Ann., 4,6,1 (mutati in deterius principatus initium), pour Néron en Ann., 13,45,1 (magnorum rei publicae malorum initium). Il y a dans les deux cas des signes annonciateurs: l'attitude à l'égard de Germanicus pour Tibère et sa méfiance (Id., 1,72,2), pour Néron une certaine cruauté et le fait de préférer à l'éloquence d'autres activités comme « la gravure, la peinture, le chant et la conduite des chevaux » (Id., 13,3,3 : caelare, pingere, cantus aut regimen equorum exercere). Ces remarques rapides ne servent évidemment qu'à situer notre propos principal. Sur la question de l'évolution des empereurs, voir entre autres la curieuse contribution de L. Havas, Eléments du biologisme dans la conception historique de Tacite, A.N.R.W., 33, 4, p. 2949-2986 avec bibliographie.

320. Ann., 3,47,2 : « Il [Tibère] indiqua aussi les raisons pour lesquelles ni lui ni Drusus n'étaient partis pour la guerre, en exaltant la grandeur de l'empire et en montrant qu'il ne convenait pas aux princes, pour une ou deux cités en révolte, ... d'abandonner la Ville, d'où ils gouvernaient le monde » (Simul causas cur non ipse, non Drusus profecti ad id bellum forent adjunxit magnitudinem imperii extollens, neque decorum principibus, si una alterave civitas turbet, <...> omissa Urbe, unde in omnia regimen). Le texte comporte malheureusement une lacune.

321. Ann., 15,36.

322. Dans les discours qu'ils adressent aux Belges et aux Gaulois plus proches de Rome, Florus et Sacrovir associent également « l'Italie sans ressources» à la plèbe urbaine qui ne sait pas combattre. « L'occasion était belle pour eux de recouvrer la liberté, s'ils songeaient, dans leur état florissant, à une Italie sans ressources, à une populace urbaine sans ardeur pour la guerre, à une armée où seul était solide l'élément étranger» (Egregium resumandae libertali tempus, si ipsi florentes, quam inops Italia, quam imbellis urbano plebes, nihil validum in exercitibus nisi quod externum, cogitarent (Ann., 3,40,3).

323. Le voyage de Néron en Grèce est une exception notable. Nous ne pouvons malheureusement savoir comment Tacite l'avait présenté.

324. Ann., 6,1,1 : more regio; Id., 1,2 : velut captas.

325. Id., 6,1,1 : ... « Il regagna les rochers et la solitude maritime, sous la honte de ses crimes et de ses débauches » (saxa rursum et solitudinem maris repetiit pudore scelerum et libidinum).

326. Ibid. : « Il descendit même souvent aux environs et se rendit dans les jardins près du Tibre » (et saepe in propinqua degressus, aditis iuxta Tiberim hortis). Id., 6,15,3 : « mais il ne gagna même pas les maisons de la Ville, loin de venir au conseil public, en tournant autour de sa patrie, le plus souvent par des chemins écartés, et en l'évitant » (ne tecta quidem Urbis, adeo publicum consilium numquam adiit, deviis plerumque itineribus ambiens patriam et declinans).

327. Id., 6,39,2 : « Et ce n'était plus, comme jadis, séparé par la mer ni au moyen de messagers venus de loin que Tibère recevait ces nouvelles, mais établi près de Rome, en sorte qu'il répondait le jour même ou après l'intervalle d'une nuit aux lettres des consuls, regardant, pour ainsi dire, le sang couler à flot dans les demeures ou sur les mains des bourreaux » (Haec Tiberius non mari, ut olim, divisus neque per longinquos nuntios accipiebat, sed Urbem juxta, eodem ut die vel noctis interjectu litteris consulum rescriberet, quasi aspiciens undantem per domos sanguinem aut manus carnificum).

328. Sur cette question, A. Rouveret, op. cit., pp. 3065-3066.

329. Ann., 12,23,2 : quamquam magnis nationibus subactis.

330. Ann., 12,43,2 : ... « Nous cultivons de préférence l'Afrique et l'Egypte, abandonnant aux navires et aux hasards la vie du peuple romain » (Africam potius et Aegyptum exercemus, navibusque et casibus vita populi Romani permissa est). C'est sur cette situation qui ne cessera de s'aggraver que comptera Vespasien, maître de l'Orient, pour affamer Rome en 70 (Hist., 2,82,3; 3,8,2 et 48,3). Dans son message de 22 au sénat, Tibère le déplore déjà (Ann., 3,54,4) ; il tentera même d'y porter sérieusement remède (Id., 4,6,4). On ne sait pas cependant ce que Tacite a pu dire de la politique de construction de Claude, notamment en ce qui concerne les aqueducs, tant vantés par son ami Frontin.

331. Ann., 15,37,1 : totaque Urbe quasi domo uti.

332. Ann., 15,37. Tout le passage est marqué par un jeu contrasté d'ombres propices et de lumières provocantes qui annonce d'une manière symbolique les lueurs du grand incendie qui va suivre. On passe ainsi de l'embrasement des pires passions, c'est-à-dire de l'incendie moral, au feu réel, et les paragraphes 37 et 38 à 43 semblent illustrer les deux sens, abstrait et concret, que les orateurs donnent fréquemment au mot incendium (par exemple, Cicéron, Cal., 1,3 et 29).

333. A. Rouveret, op. cit., p. 3068.

334. Ann., 13,42,1 : usus est patriae ruinis.

335. Ann.,15,41. Le paragraphe insiste sur la ruine des édifices les plus anciens et décrit de ce fait la disparition radicale du passé le plus glorieux de Rome. Voir Koestermann, 4, 1968, pp. 243-245.

336. Ann., 15,45,1 : egestoque auro, quod triumphis, quod votis omnis populi romani aetas, prospere aut in metu, sacraverat.

337. Hist., 3,72,1. Néron apparaît bien ainsi comme un fléau pire que le barbare gaulois (A. Rouveret, op. cit., p. 3067). C'est bien ce que les Gaulois eux-mêmes vont ressentir en apprenant l'incendie du Capitole. Voir Hist., 4,54,2 et infra, note 343.

338. C'est d'ailleurs à la chute de Néron et à l'avènement de Servius Galba que Tacite situe probablement le début du redressement moral à Rome. Voir Ann., 3, 55,1. Les événements de 69 apparaissent donc bien comme la conséquence des égarements des règnes antérieurs.

339. Ann., 15,37,2-3 : « On construisit donc sur l'étang d'Agrippa un radeau, où l'on disposa le festin, pour le faire remorquer par d'autres navires. Ces vaisseaux étaient rehaussés d'or et d'ivoire ... Sur les quais de l'étang se dressaient des lupanars ... tout le bois voisin et les maisons d'alentour retentirent de chants, étincelèrent de lumières » (Igitur in stagno Agrippae fabricatus est ratem, cui superpositum convivium navium aliarum tractu moveretur. Naves auro et ebore distinctae ... Crepidinibus stagni lupanaria adstabant ... quantum juxta nemoris et circumjecta tecta consonare cantu et luminibus clarescere).

340. Ann., 15,37,2: Volucres et feras diversis e terris et animalia maris Oceano abusque petiverat.

341. Ann., 15,45,1 : Interea conferendis pecuniis pervastata Italia, provinciae eversae sociique populi et quae civitatium Iiberae vocantur.

342. Ann., 15,45,2 : « Mais en Asie et en Achaïe, outre les offrandes, on ravissait aussi les statues des dieux... » (Enimvero per Asiam atque Achaiam non dona tantum, sed simulacra numinum abripiebantur...).

343. Hist., 4,54,2 : « Mais rien autant que l'incendie du Capitole ne les [les Gaulois] avait incité à croire que l'empire était proche de sa fin. ... Aujourd'hui cet incendie fatal était un signe de la colère céleste ; il présageait que la souveraineté du monde allait passer aux nations transalpines. Telles étaient les prophéties que dans leur vaine superstition débitaient les druides » (Sed nihil aeque quam incendium Capitoli, ut finem imperio adesse crederent, impulerat .... Fatali nunc igne signum caeleslis irae datum et possessionem rerum humanarum Transalpinis gentibus portendi superstitione vana Druidae canebant).

344. Par exemple: Ann., 4,32,2 (Koestermann, 2,1965, p. 113); 15,27,2; 15,46,2.

345. Il peut s'appliquer, par exemple, à des légions qui ne bougent pas (Ann., 14,37,1 : « la légion resta d'abord immobile sur sa position » ac primum legio gradu immota).

346. Ann., 14,39,3 : « Celui-ci, sans provoquer l'ennemi ni subir son harcèlement, donna le nom honorable de paix à une indolente inaction » (ls, non inritato hoste neque lacessitus, honestum pacis nomen segni otio imposuit).

347. Sur les faiblesses de l'armée romaine et les hésitations du pouvoir, J.P. Brisson, Problèmes de la guerre à Rome, Forces et faiblesses de l'armée romaine du Haut-Empire, Civilisations et sociétés, 12, Paris, pp. 94-95.

348. Ann., 16,28,3: « Etait-ce la paix répandue dans le monde entier ou des victoires remportées sans pertes pour les armées qui lui déplaisaient? » (pacem illi per orbem terrae an victorias sine damno exercituum displicere ?)

349. En ce qui concerne la Bretagne et l'Arménie, l'exagération est manifeste.

350. Sous Néron, l'immobilité persistante des légions fait croire (Ann.,13,54,1) qu'elles ne doivent plus faire la guerre. Face aux Parthes toutefois, l'attitude de Néron tranche avec celle de ses prédécesseurs. Voir infra, p. 132 et sqq. Sur l'attitude de Tibère et de Claude, voir supra, n. 316 et 317.

351. Voir par exemple la conclusion du discours de Marcellus contre Thrasea (Ann., 16,28,3) : « Qu'il rompît, en cessant de vivre, avec une cité rejetée depuis longtemps de son coeur et maintenant même de sa vue ! » (Abrumperet vitam ab ea civitate, cujus caritatem olim, nunc et aspectum exuisset !).

352. Supra, p. 63.

353. La notion de frontière ne se trouve en fait clairement présente qu'une seule fois, losque Tacite rappelle qu'Eléphantine et Syène ont été autrefois les barrières de l'empire (Ann., 2,61,2 : claustra olim imperii). Il utilise cependant dans ce cas le terme claustra, qui évoque l'idée de verrou et s'applique très fréquemment à l'Egypte, clé du ravitaillement de Rome (par exemple Hist., 2,82,3 ; 3,8,2 ; Ann., 2,59,2). Le même terme est employé pour désigner des défilés, qui peuvent se trouver aussi bien aux frontières (Hist., 1,6,2 et C.U.F., note 15, p. 108) qu'à l'intérieur (Hist., 3,2,2 et C.D.F., note 11, p. 253), ou pour souligner la position-clé de certains ports (Alexandrie en Hist., 2,82,3, Fréjus en Hist., 3,43,2). On peut donc en déduire que Tacite ne se représente probablement pas les frontières de l'espace romain comme une ligne continue et strictement tracée, mais comme un ensemble de points à partir desquels on peut permettre ou interdire le passage. Plus on les repousse et moins l'empire est resserré (Ann., 4,4,3 : angustius imperitatum). Sur la valeur sacrée des confins et la notion de frontière idéale, J. Scheid, Les sanctuaires de confins dans la Rome antique, L'Urbs. Espace urbain et histoire (Ier siècle av. J.-C. - IIIe ap. J.-C.), Ecole Française de Rome, 98, 1987, p. 595.

354. Germ., 2,1-2 : « ...et l'immense Océan de là-bas, situé pour ainsi dire de l'autre côté de l'univers, est rarement visité par des navires venus de notre monde » (...et inmensus ultra utque sic dixerim adversus Oceanus raris ab orbe nostro navibus aditur).

355. Agr., 10,6 : « On entrevit aussi Thulé; défense d'aller plus loin, et l'hiver approchait » (Dispecta est et Thyle, quia hactenus jussum: et hiems adpetebat). Cf. R. Dion, op. cit., p. 279.

356. Germ., 1,1. Limitée comme la Gaule et la Bretagne par l'océan, l'Espagne s'ouvre au sud sur l'Afrique et ne paraît donc pas frontalière.

357. Cf. C. Nicolet, op. cit., pp. 97-101.

358. Les tempêtes ont arrêté Germanicus, sans pourtant le vaincre : il a, selon Tacite, été arrêté par la volonté jalouse et pacifiste de Tibère.

359. Ann., 12,27,2-28 : P. Pomponius ; Id., 13,56 : Dubius Avitus. Ils peuvent même être vaincus comme L. Apronius (Id., 4,73).

360. Supra, p. 105.

361. De 17 à 24.

362. Ann., 2,52,2 : Valida ea gens et solitudinibus Africae propinqua, nullo etiam tum urbium cultu...

363. Ann., 2,52,1. Tacfarinas habitue ses troupes à rester dans des camps et les entraîne « à la discipline et aux commandements ». Il laisse à son allié Mazippa les actions proprement barbares.

364. Ann., 3,21,1 : ...decumum quemque ignominiosae cohortis sorte ductos fusli necat.

365. Ann., 4,26,2 : ...repetitus ex vetusto more honos, missusque e senatoribus qui scipionem eburnum, togam pictam, antiqua patrum munera, daret regemque et socium atque amicum appellaret.

366. Id, 4,25. Cf A. Malissard, Le décor..., pp. 2847- 2865.

367. Ann.,3,74,2 : dux ipse arta et infensa hostibus cuncta fecerat, quia, quoquo inclinarent, pars aliqua militis Romani in ore, in latere et saepe a tergo erat.

368. Id., 4,23,2 : ...jussa principis magis quam incerta belli metuens.

369. Outre les insignes du triomphe, Blaesus avait été salué du titre d'imperator qui fut alors attribué pour la dernière fois à un général (Id., 3,74,4).

370. Ces événements sont présentés en deux blocs qui ne respectent pas la règle annalistique, l'un qui couvre à peu près sept ans (Ann., 12,31-40), l'autre au titre de l'année 61 (Id., 14,29-39). Voir Koestemann, 3, p. 159 et Syme, pp. 259, 269 et 305.

371. Ann., 12,31. C'est cette fois le fils du général qui sauve un citoyen romain.

372. Ann., 12,33-35. Cf. A. Malissard, Le décor..., p. 2866.

373. Id., 39,3 : ...taedio curarum fessus, Ostorius concessit vita...

374. Id., 40,4 : ...senectute gravis et multa copia honorum...

375. Ann., 12,36,2-37. Il s'agissait en fait d'une sorte de complément au triomphe déjà célébré en 44.

376. On remarquera que Tacite signale ici que les Bretons considèrent comme une honte « d'être soumis à l'empire d'une femme », alors que la coutume est fréquente chez eux (Ann., 14,35,1 : Boudicca) et qu'il vient de critiquer (Id., 12,37,4) la présence d'Agrippine comme « un fait nouveau assurément et contraire à la tradition des Anciens » (novum sane et moribus veterum insolitum, feminam signis Romanis praesidere!). Les deux passages, proches l'un de l'autre, peuvent être mis en rapport.

377. Ann., 14,37,2 : Clara et antiquis victoriis par ea die laus parta. Sur le combat lui-même (Ann., 14,34-37), voir A. Malissard, Le décor..., pp. 2847-2848.

378. Id., 31,4 : dum amoenitati prius quam usui consulitur.

379. Id., 32,2-3 ; 33,2. Catus doit même fuir en Gaule.

380. Tacite place à égalité le pouvoir des Parthes et la puissance romaine (Ann., 2,60,4). Les délégués des Parthes rappellent au sénat cette égalité (Id., 12,10,2 : virium aemulis). Reprenant pratiquement les mêmes termes, les soldats assiégés de Paetus les utilisent comme excuse à leur lâcheté (Id., 15,13,2 : romani imperii aemulis). Les campagnes de Corbulon, qui traitera en égal avec Vologèse et Tiridate, assureront finalement une paix équilibrée et durable entre les Parthes et Rome. Sur ces questions et l'Orient de Tacite en général, K. Gilmartin Wallace, Corbulo's Campaign in the East. An Analysis of Tacitus 'Account, Historia, 22, 1973, pp. 586-626.

381. Livres 2, 6,11,12,13,14,15.

382. Tibère ne défend pas Vononès pour ne pas engager une guerre contre les Parthes (Ann., 2,4,3) ; il veut résoudre les problèmes « sans recourir à la guerre » (Id., 6,32,1 : arma procul habere). L'Etat romain, selon Claude, ne souhaite que la paix au monde (Id., 12,11,3) et l'on fait valoir à l'empereur « les risques d'une guerre dans un pays sans routes, sur une mer sans ports » (Id., 20,1 : sed disserebatur contra suscipi bellum avio itinere, importuoso mari). Au conseil de Quadratus, gouverneur de Syrie, la plupart, « sans souci de l'honneur public, recommandent la prudence » (Id., 48,1 : paucis decus publicum curae, plures tuta disserunt). Helvidius Priscus est rappelé en Syrie « pour ne pas provoquer une guerre avec les Parthes » (Id., 49, 2 : ne initium belli adversus Parthos exsisteret).

383. Par exemple, Ann., 6,36,1; 11,9,1 ; 15,1,1 ; 15,5,3.

384. Le fait qu'il ait une « culture romaine » donne à Tiridate un rayonnement supérieur à celui d'Artaban « élevé parmi les Scythes » (Ann., 6,41,2 : ...certantibus gaudio qui, Artabanum, Scythas inter eductum, ob saevitiam exsecrati, come Tiridatis ingenium Romanas per artes sperabant). Au Sénat, les délégués des Parthes viennent demander comme roi Meberdatès, »formé à l'école romaine et donc meilleur » (Id., 12, 10,2 : ut ...sit regressus ad principem patresque, quorum moribus adsuefactus rex melior adscisceretur) ; il y a cependant dans ce dernier exemple beaucoup de rhétorique flatteuse.

385 Ann., 12,45-46: Caelius Pollio ; 12,49: Julius Paelignus.

386. Id, 6,37,4: ostentasse Romana arma satis ratus.

387. Id., 12,16-17. Il atteint Soza, « cité de la Dandarique », franchit le fleuve Panda, prend la ville d'Uspé dont il massacre les habitants et parvient ainsi « à trois jours de marche du fleuve Tanaïs » (...tridui itinere afuisse ab amne Tanai...).

388. Horace, Odes, 3,10,1 : extremum Tanain.

389. Id., 12,18,1 : « ...parmi les Romains, aucun n'avait sur place assez d'autorité pour qu'on [Mithridatès] pût attacher du poids à ses promesses » (Romanorum nemo id auctoritatis aderat ut promissa ejus magni penderentur).

390. Id., 14,3. Capturé par Gotarzès Meherdatès avait été traité par lui « en étranger et en Romain » (...alienigenam et Romanum increpans).

391. En 35. Ann., 6,31,1 : « il évoquait les anciennes frontières des Perses et des Macédoniens et se flattait d'envahir bientôt les territoires qu'avaient possédés Cyrus, puis Alexandre, avec force jactance et menaces » (simul veteres Persarum ac Macedonum terminos seque invasurum possessa Cyro et post Alexandro per vaniloquentiam ac minas jaciebat).

392. Ann., 2,56,1 et 60,4; 15,13,2.

393. En 47. Ann., 11,10,2.

394. Id., 10,3. Cf F. Bérard, op. cit., p. 3027. Pour les trophées de Germanicus: Ann., 2,18,2 et 22,1.

395. Ann., 15,1,4 : « ce n'était pas, disait-il [Tiridate], par la lâcheté que les grands empires se maintenaient; il fallait rivaliser en hommes et en armes; au faîte de la puissance, le droit c'est la force; et si la conservation de ses propres biens regarde la famille d'un particulier, le combat pour ceux d'autrui appartient à la gloire d'un roi » (non enim ignavia magna imperia contineri; virorum armorumque jaciendum certamen ; id in summa fortuna aequius quod validius ; et sua retinere privatae domus, de alienis certare regiam laudem esse). Ces paroles sont cependant prononcées à l'époque de Corbulon en 62.

396. Par exemple Ann., 6,37,3.

397. En 54. Ann., 13,8,1.

398. Représentées par leurs rois M. Julius Agrippa II et Antiochus IV Epiphane.

399. Ann., 13,7,1 : « [Néron] prescrit de poster les légions elles-mêmes plus près de l'Arménie, et il enjoint aux deux anciens rois Agrippa et Antiochus de tenir des troupes prêtes à prendre l'offensive sur le territoire des Parthes; en même temps, il fait jeter des ponts sur l'Euphrate; et il confie la Petite Arménie à Aristobule, la région de Sophène à Sohaemus avec les insignes de la royauté » (legionesque ipsas propius Armeniam conlocari jubet, duosque veteres reges, Agrippam et Antiochum, expedire copias, quis Parthorum fines ultro intrarent, simul pontes per amnem Euphraten jungi ; et minorem Armeniam Aristobulo, regionem Sophenen Sohaemo cum insignibus regiis mandat).

400. Id, 13,8,2: « la moitié des auxiliaires et deux légions resteraient dans la province de Syrie ... un nombre égal de citoyens et d'alliés serait confié à Corbulon, avec, en plus, les cohortes et les ailes qui hivernaient en Cappadoce » (...pars auxiliarium cum duabus legionihus apud provinciam Syriam ... remaneret, par civium sociorumque numerus Corbuloni esset, additis cohortibus alisque quae Cappadocia hiemabant).

401. Paetus pourra ainsi dire à Vologèse (Ann., 15,13,3) qu'il reste aux Romains « l'univers entier pour soutenir la guerre » (at Romanis orbem terrarum reliquum, quo bellum juvarent).

402. Pour le détail géographique proprement dit, Tacite restera le plus souvent très imprécis. Voir R. Syme, Tacitus, pp. 392 et 396.

403. Ann., 13,6,3-4. II ne paraît pas justifié de se fonder sur la controversia contenue dans ce passage pour dire comme E. Cizek (Néron, p. 320) que Tacite d'évidence doute des capacités de Néron en matière de politique extérieure.

404. Ann., 13,8,1 : videbaturque locus virtutibus patefactus.

405. Sévérité dans la discipline (severitas)(Ann., 13,35,3-4), mais présence attentive (Id, 15,12,3). Endurance (Id., 13,35,4; 14,24,1). Prudence (providus) (Id., 13,36,1, 38,2, 39,2) et vigilance (cura) (Id, 14,23,1). Modération dans les succès (moderandum fortunae ratus) (Id, 15,5,1). Autorité et rayonnement sur l'ennemi (auctoritas) (Id., 26,3, 27,2-3, 28,1). Amour de la gloire (Id., 30,1). Voir A. Michel, op. cit., p. 196.

406. Comme jadis le consul Flaminius avant Trasimène (Liv., 22,3,11-14), il méprise les présages (Ann.,15,7,2) ; il est imprévoyant (Id., 8,1 et 9,2) ; il n'a pas de modération dans les succès (Id., 8,2) ; il est irrésolu (Id., 10,1-3). En Ann., 15,11-12, l'opposition entre Paetus et Corbulon prend presque la forme d'une controversia.

407. Cf. A. Malissard, Le décor..., pp. 2874-2875.

408. Ann., 13,37,4. C'est la technique du "quadrillage" déjà utilisée avec succès par Blaesus et Dolabella contre Tacfarinas.

409. Id., 13,39,3. Comme l'agmen est quadratum, le siège est quadripartito, signe de la rigueur "carrée" de l'organisation. Cf. A. Malissard, Le décor..., pp. 2874-2875 et notes 121 et 122.

410. Cf. C. Nicolet, op. cit., pp. 90-92 et 163-174.

411. Supra, p. 15.

412. Ann., 13,40. Cf. A. Malissard, Le décor..., p. 2874.

413. Ann., 15,9. Cf. A.Malissard, Le décor..., pp. 2872-2873.

414. Id., 15,15,3 : « Il franchit le cours de l'Arsanias monté sur un éléphant, et ceux qui suivaient de près le roi le firent à cheval, parce que le bruit avait couru que le pont cèderait sous le poids par une fraude des constructeurs; mais ceux qui osèrent s'y engager le trouvèrent solide et sûr » (Flumen Arsaniam elephanto insidens, proximus quisque regem vi equorum perrupere, quia rumor incesserat pontem cessurum oneri dolo fabricantium ; sed qui ingredi ausi sunt validum et fidum intellexere).

415. Ann., 13,34,2 : et Corbulo dignum magnitudine populi Romani rebatur parta olim a Lucullo Pompeioque recipere.

416. Vologèse n'admettait pas que son frère Tiridate fût privé d'un royaume, l'Arménie, qu'il tenait de lui.

417. Ann., 15,25,3. « On écrit aux tétrarches et aux rois ainsi qu'aux préfets, aux procurateurs et aux préteurs qui gouvernaient les provinces voisines d'obéir aux ordres de Corbulon, dont les pouvoirs, ainsi accrus, égalaient presque ceux que le peuple romain avait donnés à Cn. Pompée quand il allait mener la guerre contre les pirates » (Scribitur tetrarchis ac regibus praefectisque et procuratoribus et qui praetorum finitimas provincias regebant jussis Corbulonis obsequi, in tantum ferme modum aucta potestate quem populus Romanus Cn. Pompeio bellum piraticum gesturo dederat).

418. Id., 27,1 : « Puis il prend le chemin frayé jadis par Lucullus en rouvrant des passages que le temps avait obstrués ». (Mox iter L. Lucullo quondam penetratum, apertis quae vetustas obsaepserat, pergit).

419. Id., 11,20,1 : nihil aliud prolocutus quam "Beatos quondam duces Romanos !". En 47, faisant campagne en Germanie, Corbulon avait dû s'arrêter sur l'ordre de Claude.

420. Notamment par son rayonnement sur l'ennemi. Cf. Ann.,15,28,1. Corbulon s'imposera finalement à Tiridate et à Vologèse comme Germanicus à Artaban.

421. Ann., 14,2. « Après cela, Paetus envoya des messagers demander un entretien avec le roi, qui expédia Vasacès, préfet de la cavalerie. Alors Paetus évoque les Lucullus, les Pompée et tout ce que les Césars avaient fait pour occuper ou accorder l'Arménie ». (Missi posthac Paeto nuntii et regis conloquium petitum, qui Vasacen, praefectum equitatus, ire jussit. Tum Paetus Lucullos, Pompeios et si qua Caesares ohtinendae donandaeve Armeniae egerant).

422. Ann., 15,13,2 : « quoique puissante et tant vantée, l'antiquité avait chaque fois que la fortune lui était contraire veillé à son salut ! » (validam quoque et laudatam antiquitatem, quotiens fortuna contra daret, saluti consuluisse !)

423. Id., 25,2 : ...consuluit inter primores civitatis Nero, bellum anceps an pax inhonesta placeret. Nec dubitatum de bello.

424. Ann., 15,8,2 : quae obtineri nequibant.

425. Id, 3,1 : quippe bellum habere quam gerere malebat. Voir aussi 15,27,1-2. Corbulon n'a probablement jamais voulu conquérir vraiment ni l'Arménie, ni, à plus forte raison, le royaume des Parthes, ce qui était peut-être le dessein de Néron. Voir E. Cizek, op. cit., pp. 321 et 326-328 et, a contrario, G. Charles-Picard, Auguste et Néron. Le secret de l'empire, Paris, 1962, p. 243, mais les choses sont certainement plus complexes qu'il est dit dans ce dernier ouvrage.

426. Id., 29,2 : medio tribunal sedem curulem et sedes effigiem Neronis sustinehat.

427. Ce fut, selon Cizek (op. cit., p. 328), après 61, une des rares occasions où il [Néron] se rangea aux vues des traditionalistes.

428. Ann., 15,31 : Scilicet, externae superbiae sueto, non inerat notitia nostri, apud quos vis imperii valet, inania tramittuntur.

429. Cf. A. Malissard, L'espace sur la colonne Trajane, "Caesarodunum", IX bis, 1974, pp. 333-346.

430. C'est immédiatement après le récit de l'entrevue entre Corbulon et Tiridate (Ann., 15,28-30) que Tacite raconte l'épisode du théâtre de Naples (Id., 33-34) et le festin de TigelIin (Id., 37) .

431. Pour A. Rouveret (op. cit., p. 3078, n. 108), cette salutation est, de la part de Tacite, une marque d'ironie. C'est négliger le fait que, si la victoire de Corbulon augmente effectivement les pouvoirs de Néron, Néron lui-même augmentera plus tard les pouvoirs de Corbulon. L'épisode du laurier ajouté sur les faisceaux (Ann., 13,9,3), qui fait penser à la fable de l'huître et des plaideurs, est en revanche marqué d'un humour qu'on retrouve aussi dans la réponse de Néron à Paetus (Id., 15,25,4). (Sur l’''humour'' de Néron, P. Robin, L'ironie chez Tacite, Lille, 1973, p. 250 sqq.). Dans tout le récit des événements d'Arménie, Néron est en fait manifestement et volontairement présenté sous un jour favorable, qui tranche à dessein avec tout le reste.

432. Ann., 12,12,1-2. Il a, comme le fera après lui Corbulon, veillé à « rétablir l'antique discipline ».

433. En 67, soit quatre ans après la conclusion de l'accord avec Tiridate, il sera convoqué par Néron à Corinthe pendant le voyage en Grèce et devra se suicider (Dion Cassius, 63,17).

434. Cf. E. Cizek, op. cit., p. 268-272.

435. Hist., 1,4,2: « un secret du régime venait d'être divulgué: on pouvait faire un prince ailleurs qu'à Rome » (evolgato imperii arcano posse principem alibi quam Romae fieri).

436. Cf. C. Nicolet, op. cit., pp. 206-209.

437. A deux exceptions près cependant. Supra, n. 211.

438. Agricola de même n'y reviendra que de nuit, pour s'y cacher, puis y mourir (Agr., 40,4-5 et 43).

439. Hist., 4,53. Le 21 juin 70. La décision avait été prise par le Sénat (Id., 3,4,2 et 9,2). Voir Heubner, 4, pp. 124-128.

440. Vespasien et Titus, consuls (Hist., 4,3,4), ne sont pas encore arrivés. Domitien, préteur à pouvoirs consulaires, est parti pour les Gaules.

441. Hist., 4,53 : simul celeri magistratus et sacerdotes et senatus et eques et magna pars populi, studio laetitiaque conixi, saxum ingens traxere.

442. Provisoirement hélas: si Vespasien s'apprête à revenir de l'extérieur et marqué de présages heureux (Hist., 4,81-84), les vices de Rome ne vont pas pour autant disparaître et Domitien va bientôt construire, près du Capitole justement, le monument ridicule qui rappelle comment il a été sauvé (Hist., 3,74,1). Voir A. Rouveret, op. cit., pp. 3073-3076 et Agr., 17,1.

443. Hist., 4,3,3 : quippe sumpta per Gallias Hispaniasque civilia arma, motis ad bellum Germaniis, mox Illyrico, postquam Aegyptum, Judaeam Syriamque et omnis provincias exercitusque lustraverant, velut expiato terrarum orbe cepisse finem videbantur.

444. Sur ces zones concentriques présentes en chaque individu, P. Zumthor, op. cit., pp. 52-53.

445. Rome, l'Italie et les provinces constituent cependant un univers à elles seules et cet orbis romanus, plus étroit que l'oikoumène, s'oppose à celui des barbares. Germ., 2,1 : ab orbe nostro ; Ann., 2,2,2 : ex orbe nostro. Sur ces deux orbes, M. A. Giua, op. cit., p. 2891.

446. Sur la vertu des Germains, A. Michel, op. cit., pp. 111-113.

447. Cf Vitruve, 6,1,10.

448. Cf. Agr., 21,3.

449. Hist., 3,72,1 : id facinus post conditam urbem luctuosissimum foedissimumque rei publicae populi Romani accidit.


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