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UNE CITÉ VULNÉRABLE, LA ROME ANTIQUE.
INONDATIONS ET TENTATIVES DE PRÉVENTION DU RISQUE ENVIRONNEMENTAL
(Ier siècle avant J.-C. - IIème siècle après J.-C.)



Résumé

Maîtresse incontestée du monde et longtemps invincible, Rome, peuplée d'un million d'habitants sous l'Empire, fut dès les origines une ville que sa situation géographique rendait extrêmement vulnérable. Plus nombreuses que les incendies, et souvent tout autant dévastatrices, les grandes inondations se répétèrent en effet régulièrement tout au long de son histoire et la cité se développa tout à la fois grâce au Tibre et contre lui. L'Empire s'occupa très tôt de prévenir le risque et mit en place une administration spécialisée dans l'entretien des rives et du lit du fleuve, tâche délicate puisqu'il fallait en même temps maintenir l'activité du port qui ne diminua qu'après les grands travaux que Claude fit entreprendre à Ostie. Pour des raisons plus sociales ou politiques que techniques, les grandes entreprises, qui auraient pu foumir une solution durable, ne purent cependant jamais aboutir. Les Romains, qui couvrirent leur empire d'un dense réseau d'aqueducs, furent les maîtres incontestés de l'eau, mais l'histoire de leur capitale fut aussi celle d'une lutte technique, administrative, sociale et politique contre les eaux de la terre et du fleuve qui ne prit fin qu'en 1870.



...Regina et domina orbis in dies, quae terrarum dea consistit, cui par nihil et nihil secundum... "...[Rome] reine et souveraine du monde, qui se dresse comme la déesse de la terre, et qui n'a d'égale ni de seconde..." [2].

Cette phrase assez lyrique au milieu d'un texte essentiellement technique exprime avec vigueur une opinion couramment admise: à partir du Ier siècle après J.-C., Rome règne, en effet, sur l'essentiel du monde occidental et paraît à juste titre invincible. Cette puissance et cette force évidentes recèlent cependant une réelle faiblesse. Si l'Urbs, en tant que force administrative, militaire et conquérante, est effectivement solide et indestructible, en tant qu'urbs, ville faite de maisons, de monuments et de places, elle est en revanche fragile et vulnérable: elle se trouve exposée à tout un ensemble de risques naturels dont l'évocation ou la description sont aussi récurrentes chez les historiens et les poètes romains que l'éloge de sa grandeur.

Le risque naturel est de nos jours interprété comme le produit de deux séries causales: une variable naturelle définie comme un aléa et une variable humaine définie comme une vulnérabilité. Dans le cas de Rome, on considérera comme aléas les tremblements de terre, les incendies et les inondations. Située en Italie centrale, c'est-à-dire dans une zone de sismologie active, la ville compte un grand nombre de maisons en bois et se développe au bord d'un fleuve à crues violentes. Mégapole d'un million d'habitants au Ier siècle, elle est, au regard de ces risques, extrêmement vulnérable à cause de son réseau serré de ruelles étroites et de la densité de son habitat. Elle est en outre fragilisée par la présence de grandes et hautes insulae [3] dont la base est en dur, mais l'armature en bois et les murs en torchis. Déjà peu robustes par nature, ces constructions sont susceptibles de s'effondrer rapidement sous l'effet de l'eau, d'un tremblement de terre ou du feu.

Dans ce contexte, le risque majeur est moins celui des tremblements de terre [4] que celui des incendies qui peuvent survenir à tout moment pour des causes très diverses: accidentelles à cause des braseros et des lampes à huile, naturelles à cause de la foudre, politiques même au moment de grands troubles sociaux [5]. Récurrents à Rome [6], ces incendies destructeurs ne lui sont cependant pas propres: toutes les grandes villes de l'antiquité, où qu'elles se trouvent, en ont connu de semblables [7].

On laissera donc ici de côté tremblements de terre et incendies pour ne s'intéresser qu'au risque naturel le plus spécifique de Rome et peut-être le moins connu, celui que les inondations font courir à la cité. Rome est une ville fragile et vulnérable parce qu'elle est, comme toutes les villes antiques, « incendiable », et qu'elle est en outre inondable.

1- RETOUR AUX ORIGINES: UNE VILLE CONQUISE SUR L'EAU.

A) Des collines et des zones marécageuses.

Le site qui allait être occupé dès l'époque protohistorique et devenir beaucoup plus tard celui de Rome comprenait trois éléments essentiels. Le Tibre d'abord, qu'un gué permettait de franchir; les collines ensuite, de faible hauteur, mais abruptes au-dessus du fleuve et faciles à défendre; les vallées enfin, rendues marécageuses et malsaines par la stagnation des eaux. Dans un tel contexte hydrologique et géographique, l'emplacement présentait peu d'intérêt; ce n'était, au bord d'un fleuve au cours incertain, que quelques collines au-dessus d'une plaine aux allures de marigot.

Ce sont évidemment les collines et le fleuve qui ont attiré les premiers peuplements pour lesquels ils présentaient beaucoup d'avantages, et l'écho s'en retrouve encore dans le discours que Tite-Live prête à Camille au moment où les sénateurs ont le projet de quitter Rome en ruine après l'invasion gauloise de 390 et de la reconstruire à Véies:

Non sine causa di hominesque hunc urbi condendae locum elegerunt, saluberrimos colles, flumen opportunum, quo ex mediterraneis locis fruges deuehantur, quo maritimi commeatus accipiantur, mare uicinum ad commoditates nec expositum nimia propinquitate ad pericula classium externarum, regionum Italiae medium, ad incrementum urbis natum unice locum (ce n'est pas sans raison que les dieux et les hommes ont choisi cet emplacement pour y fonder notre ville : des collines très saines, un fleuve commode pour faire descendre les produits de l'intérieur du pays et faire venir ceux du trafic maritime, une mer assez proche pour notre commodité sans que sa proximité excessive nous expose aux attaques de flottes étrangères, enfin au cœur de l'Italie une position unique bien faite pour l'accroissement de la ville) [8].

Porté par son désir de sauver sa ville et de convaincre son auditoire, le dictateur se garde cependant bien de mentionner les zones insalubres et inondables, dont Cicéron, faisant parler Scipion l'Emilien dans le De Republica, rappelle brièvement l'existence [9].

La mieux placée de ces collines et la plus adaptée pour des peuplements humains était certainement le Palatin. D'une hauteur de 51 m au sommet principal, il dominait abruptement le Tibre du côté du Germal, mais était, de l'autre côté, relié à l'Esquilin par une dépression et une seconde hauteur de moindre importance, la Velia. Le premier village s'y installa sans doute entre l'âge du bronze et le début de l'âge du fer, et, près de lui, le Capitole fut probablement occupé dès le XIVe siècle. Selon la tradition, la Ville allait naître du syncrétisme entre les villages et par la soumission de tous au plus fort et au plus ancien, qui était celui du Palatin.

Entre les collines cependant, la pente était faible en direction du Tibre et l'écoulement des eaux toujours difficile et incertain. Les seuls exutoires étaient, du côté du futur Champ-de-Mars, l'amnis Petronia et, pour le futur Forum, le Vélabre qui coulait entre Capitole et Palatin. C'est la raison pour laquelle, après l'enlèvement des Sabines, Romulus et le roi sabin Titus Tatius durent, selon Denys d'Halicarnasse, rendre ferme et praticable le terrain commun qui matérialisait leur accord:

[Romulus et Tatius] abattirent le bois qui poussait dans la plaine au pied du Capitole. Comme l'endroit était en dépression, il y avait là un marécage grossi de toutes les eaux s'écoulant des hauteurs. Ils l'asséchèrent presque entièrement et y créèrent le Forum que les Romains continuent aujourd'hui encore à utiliser [10].

Tantôt sèche et vaguement herbeuse, tantôt couverte de joncs, d'eau stagnante et de roseaux, toujours plus ou moins fétide et pestilentielle, la dépression qui s'étendait au pied des collines ne reçut en fait, durant de longs siècles, aucun aménagement particulier: à peine pouvait- on y faire paître quelques troupeaux. Situé hors des murs et des zones d'habitation, ce qui allait devenir le Forum ne servit ainsi, et pendant longtemps, qu'à enterrer les morts.

B) L'assainissement des zones marécageuses.

Une véritable agglomération ne pouvait cependant se développer à partir d'habitats séparés les uns des autres par une plaine insalubre et toujours marécageuse, et c'est au VIIe siècle que commença l'aménagement du lieu central qui marqua la véritable naissance de la ville. A cette époque, en effet, les Etrusques, attirés par l'Italie du sud et la Campanie, venaient de franchir le Tibre et s'étaient installés sur la rive gauche et dans le sud du Latium. Vers le milieu du siècle, un notable changement de mentalité s'était en outre nettement dessiné dans les groupes familiaux les plus riches: ils se mirent à délaisser progressivement l'aménagement ostentatoire et somptueux des tombes, tel qu'on peut, par exemple, encore le voir à Cerveteri, au profit d'une restructuration plus politique et plus rationnelle de la cité. Le site des sept collines se prêtait particulièrement à cette évolution qu'il rendait même absolument nécessaire: les parties basses en effet devaient d'autant plus devenir un lieu d'échange, de rencontres et de commerce qu'elles ouvraient aussi, par le Vélabre et au pied des collines les plus proches du fleuve, sur une belle zone portuaire.

Les travaux d'assainissement du Forum commencèrent probablement dans la seconde moitié du VIIe siècle. Ils furent à la fois favorisés par les connaissances techniques des ingénieurs étrusques et par la nature même d'un terrain fait de dépôts alluviaux reposant sur une épaisse couche de tufs volcaniques. Ce qui était la cause de la stagnation des eaux devint en fait un moyen de s'en défaire. Pour conduire par gravité les eaux excédentaires vers le collecteur principal que devenait alors le Tibre, il suffit en effet d'abord de creuser des canaux à ciel ouvert et l'on appliqua la technique des drains, que les Etrusques utilisaient depuis longtemps déjà. Très semblable aux fossés que l'on rencontrait dans la campagne étrusque ou aux étiers que l'on voit toujours dans le marais breton, ce premier réseau d'égouts, qui traversait l'Argilète, le Forum et le Vélabre, ne fut sans doute que très tardivement couvert; vers 190 avant J.C, Plaute y fait encore allusion dans le Curculio, et vers 168 le grammairien Crates de Mallos y fit une chute malencontreuse et se cassa la jambe.

C) Le grand égout.

C'est aussi vers la fin du VIIe siècle, donc à l'époque des Tarquins selon la tradition rapportée par les historiens antiques, que furent effectués les grands travaux spectaculaires qui devaient intégrer totalement les parties humides et basses à l'ensemble des noyaux urbains qui les dominaient. Pour assainir totalement le fond de la vallée, on entreprit en effet le creusement dans le tuf d'un complexe réseau de drains souterrains sur lesquels la ville se trouva plus tard comme suspendue [11]. Le grand égout central ne fut cependant d'abord que la canalisation du cours du Vélabre par lequel le Forum communiquait directement avec le Tibre et le Tibre avec le Forum. Relié aux canaux à ciel ouvert qui furent alors partiellement recouverts et profondément recreusés, il devint la cloaca Maxima, le grand collecteur auquel aboutissaient tous les cuniculi [12] et qui débouchait dans le Tibre non loin du forum Boarium.

La bonification des zones humides et la disparition progressive des drains à ciel ouvert firent rapidement de Rome une cité cohérente et ordonnée, celle des quatre, puis des sept collines: entre Capitole et Palatin le Forum devint une grande et vraie place publique, entre Aventin et Palatin le grand cirque put s'étendre dans la vallée Murcia. Dès la seconde moitié du VIle siècle, Rome devint de la sorte une cité à part entière avec des maisons de pierre à couverture de tuiles, des lieux de culte, de commerce ou d'activité politique et une ouverture sur l'extérieur, mais le port, la place publique et finalement tous les lieux de contacts, d'échanges et de vie urbaine avaient été gagnés sur la stagnation des eaux.

Ce qui allait devenir, beaucoup plus tard et pour un temps, la capitale du monde occidental, s'établissait en fait, avec la lenteur et la ténacité des hommes qui creusent et travaillent la terre, sur un site a priori défavorable et par endroits pratiquement inhabitable.

D) Des traces persistantes.

Cette première conquête du sol, qui était déjà comme une domestication de la nature, fut si fondamentale qu'elle laissa dans l'esprit romain des traces multiples et profondes. Historiques d'abord, puisque la tradition, évidemment mêlée de légendaire, que rapportent les auteurs anciens reconnaît toujours aux Tarquins, c'est-à-dire aux Etrusques, le mérite des grands travaux qui permirent l'extension de la cité dans des zones humides et pestilentielles. Topographiques aussi, comme le marque la présence durable du lacus Curtius au cœur du Forum [13] ou, sur le Champ-de-Mars [14] celles plus lointaines et presque oubliées du palus Caprae [15] et de l'amnis Petronia, dont le tracé au sud du Champ-de-Mars demeure incertain. Poétiques, en outre, et comme signe d'une mémoire collective qui se plaisait à dire le passé pour mieux célébrer la splendeur du présent. Properce ainsi, quand il évoque le mythique passage d'Hercule à Rome, ne manque pas de rappeler d'abord que les Vélabres n'étaient alors qu'un marais qui stagnait dans son propre cours et qu'on y venait en naviguant à la voile sur des eaux qui habitaient la ville [16]. Ovide, un peu plus tard, fait un instant ressurgir, au travers d'une belle anecdote et sous les lieux qu'il fréquente, l'image lointaine de la Rome des origines :

Hoc, ubi nunc fora sunt, udae tenuere paludes,
amne redundatis fossa madebat aquis...
Hic quoque lucus erat iuncis et harundine densus...
... Stagna recesserunt et aquas sua ripa coercet...

« Cet endroit, où sont maintenant les forums, d'humides marais l'ont occupé ... Là aussi il y avait un bois sacré tout couvert de joncs et de roseaux ... Les eaux stagnantes se sont retirées et le fleuve est maintenu dans ses rives. » [17]

La terre est sèche au temps de Properce et d'Ovide et le sol est de marbre, mais le souvenir persiste du temps des marécages et la conscience d'une évolution qui commença par une victoire sur les eaux.

En évoquant les joncs, les roseaux et les marais qui séparaient autrefois les collines, la mémoire de Rome enregistre un progrès et une prospérité qui furent ici l'effet de la technique avant d'être celui des armes. « La Rome fangeuse de Romulus » dont parle Cicéron [18] n'a pu s'étendre et se développer qu'en imposant à la nature ses règles et ses lois. La Ville s'est d'abord construite à partir des collines sûres et salubres, au-dessus du Tibre et contre lui ; sa puissance est venue des égouts et des drains. Pour naître au monde, elle a dû inventer l'aménagement du territoire et les grands travaux, mais les architectes et les ingénieurs ne sont venus qu'après les paysans, qui ont travaillé, puis soumis le sol et obtenu que les eaux se retirent; c'est ce qu'exprime, au commencement de l'aventure et d'une manière presque naïvement symbolique, le tout début de la légende fondatrice: les eaux qui devaient perdre Romulus et Remus les ont sauvés en se retirant.

Beaucoup plus tard, et la tâche accomplie, c'est encore près d'un marais, le palus Caprae, que Romulus, sauvé des eaux du Tibre, disparut aux yeux des mortels, mais la ville qu'il avait fondée ne devait jamais cesser de combattre avec le fleuve près duquel il l'avait installée.

II- ROME VILLE INONDABLE.

A) Le Tibre aux deux visages

Né dans les Apennins, le Tibre est le cours d'eau le plus puissant et le plus long de la péninsule italienne, qu'il parcourt sur 396 km en traversant la Toscane, l'Ombrie et le Latium avant de se jeter par une bouche ensablée dans la Mer Tyrrhénienne. Outre sa longueur, deux traits spécifiques font encore son originalité: sa largeur, toujours inférieure à 100 mètres (80 m à Rome), ce qui rend relativement aisée la construction de ponts et, paradoxalement en apparence, la grande régularité de son cours.

Par lui-même en effet, et par certains de ses affluents comme la Nera, le Tibre bénéficie d'une alimentation de type karstique [19] qui fait en grande partie disparaître l'étiage important que connaissent naturellement les autres fleuves méditerranéens.

Pour les villes installées sur ses rives, ces deux traits sont évidemment tout à fait favorables. Facile à franchir, le Tibre est également très fiable, tant pour l'alimentation quotidienne en eau que pour la navigation. Dans le cas particulier de Rome, située à 26 km de l'embouchure, il faut encore ajouter que le fleuve est jusqu'à cette distance assez profond (à peu près 3 m. à Rome) pour que les gros bateaux, une fois franchis les hauts-fonds sableux d'Ostie, remontent, les plus petits à la rame ou à la voile, les plus gros par halage, jusqu'au pied du Palatin.

Rome dispose donc bien des avantages d'une ville portuaire sans connaltre les inconvénients des cités totalement maritimes; terrienne, elle n'est pas pour autant privée d'un accès à la mer et Cicéron en fait, on le sait, l'un des avantages principaux du site. Dans les premiers temps de la République, le fleuve put ainsi servir à la fois de frontière terrestre et d'ouverture sur le monde extérieur.

Cette situation aurait pu être idéale si le Tibre n'avait été comme ambivalent: commercialement très favorable, il est potentiellement dangereux. Rendu pérenne par un type particulier d'alimentation, il n'en reste pas moins un fleuve méditerranéen qui peut connaltre des crues violentes et soudaines. Dans toute sa basse vallée, c'est-à-dire dans le Latium et spécialement à partir de Rome, sa pente devient en outre très faible [20] et son cours se ralentit, chargeant d'alluvions et de sable un lit peu encaissé dont les eaux franchissent aisément les rives. A Rome, quand, en février, mars, avril et novembre, décembre, c'est-à-dire dans la saison des hautes eaux, surviennent des orages ou de fortes pluie, le Tibre déborde et reprend naturellement possession des espaces que les drains et le grand égout lui ont enlevés. Les zones basses ont été asséchées, mais elles demeurent inondables et la Ville doit souvent subir les assauts d'un fleuve qui lui devient soudainement hostile. « Dieu favorable aux prospérités de Rome et destructeur capricieux de ses œuvres, le Tibre a le visage ambigu des forces naturelles: sous les roseaux qui le couronnent, ce visage, à la bonhomie rassurante, cache une violence contenue » [21].

À côté du Tibre accueillant et paisible que décrit Virgile quand Enée le découvre [22] existe en fait un autre Tibre capricieux et conquérant qui vient régulièrement, sous la République et sous l'Empire, jeter le trouble et la dévastation dans une ville toujours plus vaste et plus construite. Plus nombreuses que les incendies, et souvent tout autant dévastatrices, les grandes inondations se répètent en effet régulièrement tout au long de l'histoire de Rome et la ville dut grandir à la fois grâce au fleuve et contre lui.

B) Les inondations de Rome.

Selon le recensement établi en 1952 par Joël Le Gall [23], il y aurait eu de 4 à 6 inondations majeures par siècle entre -414 et +398, mais on ne peut être certain ni de leur nombre, ni de leur réelle importance. C'est d'abord que nous connaissons assez mal la topographie exacte de la Rome antique, qui a subi au cours des siècles d'importantes et constantes modifications; nos sources sont en outre ici plus littéraires qu'archéologiques et les renseignements que nous pouvons obtenir sont transmis par des auteurs ou des historiens toujours sensibles au spectaculaire et au choc psychologique ressenti par les populations lors d'événements dont l'ampleur peut être exagérée par des circonstances particulières.

Sans faire une énumération fastidieuse et finalement peu parlante, on peut cependant retenir et citer quelques dates:

– vers 750 : une inondation est à l'origine de la légende du lacus Curtius ;
– 363 ou 364 : le grand Cirque est inondé;
– 214: écroulements de maisons;
– 193, 192 et 189 : l'une de ces inondations emporte deux ponts, provoque des
écroulements et la chute d'une énorme pierre du Capitole sur le Forum;
– 156 : le pont Emilius est emporté;
– fin octobre-début novembre 54 : la via Appia est coupée, la porte Capène atteinte; il y a des effondrements d'immeubles; l'écoulement des eaux s'effectue par la vallée Munia et le grand Cirque;
– 28 ou 29 : le Trastevere (rive droite), généralement épargné, est atteint par la crue
– nuit du 16 au 17 janvier 27 : Rome devient navigable;
– fin juin-début juillet 13: le Tibre atteint le théâtre de Balbus ;
– 5 après J.-C: le pont Sublicius est emporté; l'inondation dure sept jours; il y a
un début de famine;
– 12: l'inondation provoque le déplacement des jeux en l'honneur de Mars;
– 15: l'inondation provoque des effondrements; il y a de nombreuses victimes;
– 36 : Rome devient navigable;
– 69 : une très forte inondation se produit au moment du départ en guerre de
l'empereur Othon.

Ces inondations touchèrent toujours plus le cœur de la ville, situé sur la rive gauche, que le Trastévère, protégé par une rive plus escarpée [24]. En 69, l'inondation fut si importante qu'elle causa de nombreuses victimes, emporta le pont Sublicius, occupa la totalité du Champ-de-Mars, coupa la voie flaminienne et provoqua l'effondrement de grands immeubles minés par les eaux [25]. En outre, la montée des eaux est fréquemment rendue très dangereuse par sa rapidité, qui ajoute les pertes humaines aux destructions. Ce fut le cas notamment en 54 et 28 avant J.-C [26] et en 69 [27].

Ces grandes catastrophes frappèrent suffisamment les esprits pour qu'en plus des historiens, les écrivains et les poètes en évoguent aussi le souvenir et la violence: chez Horace, par exemple, ou chez Pline le Jeune, l'inondation, traitée de manière littéraire, prend l'aspect d'un véritable déluge [28].

III- LES TENTATIVES DE PREVENTION DU RISQUE ENVIRONNEMENTAL.

La mise hors-service des ports, la perturbation des voies de communication, la destruction des réserves alimentaires causaient à chaque fois des troubles considérables, qui mettaient en péril la paix sociale et l'équilibre économigue et politique de la cité. Soucieux de leur gloire et de l'appui des masses populaires, les empereurs, qui distribuaient au peuple « du pain et des jeux », devaient se soucier aussi du mécontentement que provoquait toujours le retour assez régulier des inondations. C'est donc à partir de l'époque impériale que l'on voit apparaître à Rome ce qu'on peut appeler une politique publique de prévention du risque environnemental.

Le problème était cependant très différent de celui qu'avaient dû résoudre les premiers habitants du site. Il ne s'agissait plus en effet d'une situation permanente qu'on pouvait traiter par des moyens techniques déjà bien éprouvés, mais d'événements alors imprévisibles, espacés dans le temps, de puissance variable et d'étendue plus ou moins grande, qui ne rendaient pas en outre la cité vraiment inhabitable et n'entravaient pas son développement. Quand une inondation s'était produite, on pouvait toujours penser qu'elle ne reviendrait pas de sitôt, et, mis à part les temples du Forum et la Curie, les organes essentiels de l'Etat se trouvaient, sur des hauteurs, plus à l'abri de l'eau que de la foudre et du feu. La plupart des riches et des puissants avaient aussi pris soin d'habiter sur les collines et seules pouvaient être menacées les résidences d'agrément qu'ils possédaient parfois sur les rives mêmes du fleuve [29].

A) Endiguer le fleuve.

La méthode la plus simple en apparence était évidemment d'endiguer le fleuve, mais cette solution qui fut certainement appliquée dans le Latium [30] n'était guère envisageable à Rome; les parties basses de la ville se trouvaient en effet si peu élevées au-dessus du niveau moyen du Tibre qu'on n'aurait pu les protéger qu'en érigeant un véritable rempart ou qu'en recreusant sans trêve le lit du fleuve [31].

B) Canaliser le fleuve.

Les ingénieurs romains étaient cependant plus aptes à canaliser qu'à endiguer, et la meilleure solution aurait été de contenir le fleuve dans un canal artificiel, semblable à la fossa Augusta qui régularisait le cours du Pô ou aux fossae Drusianae que Drusus avait creusées entre Rhin et Meuse afin d'en éviter le delta commun. Construire un canal d'une trentaine de kilomètres n'était en soi nullement impossible: entre le Rhin et la Meuse, par exemple, Corbulon avait fait creuser un canal de 23 milles romains [32], mais il ne s'agissait pas ici de trouver une voie de navigation nouvelle et plus courte en reliant directement deux fleuves, il fallait en fait construire une sorte d'énorme aqueduc, capable, non seulement de contenir un fleuve entier, mais d'absorber aussi ses crues. C'est la méthode qui a été, par exemple, utilisée de nos jours, dans le Manitoba, pour protéger la ville de Winnipeg des inondations de la Rivière rouge. A Rome, en revanche, la technique romaine se heurtait à un problème qu'elle ne pouvait résoudre et trouvait ici ses limites.

Une solution de ce type fut quand même un instant envisagée. Intitulée De Urbe augenda, la loi que César proposa, peut-être en 45 avant J.-C., peu de temps avant sa mort, prévoyait en effet de couper la boucle nord du Tibre, ce qui aurait eu pour effet de placer l'ager Uaticanus sur la rive gauche; l'intention première était évidemment d'agrandir le centre de la ville et de lotir le Champ-de-Mars, mais la canalisation, même partielle, du fleuve aurait en outre permis d'en régulariser le cours en réduisant sa longueur et en contenant, au moins en partie, l'eau des crues dans un lit artificiel plus en pente et plus profond. César assassiné, ce projet, considérable et probablement réalisable, fut aussitôt abandonné. Ne pouvant canaliser le fleuve, on envisagea dès lors de le détourner [33].

C) Détourner les affluents.

C'est le sens du projet qui fut soumis au Sénat après la grande inondation de 15. Comme cette catastrophe suivait de près celle de 12, qui avait gagné la vallée Murcia et fait déplacer les ludi Martialis du grand Cirque au forum d'Auguste, Tibère chargea deux sénateurs consulaires, Ateius Capito et Lucius Arruntius, de conduire une enquête et de fournir des solutions. Au terme de leur mission, ils déposèrent quelque temps plus tard un rapport qui proposait de modifier le cours des deux principaux affluents du Tibre en détournant la Chiana vers l'Arno d'une part et en empêchant, d'autre part, le lac Velin de se déverser dans la Nera, dont le flux aurait en outre été comme dispersé par le creusement de canaux dans la plaine de Terni; en cas de pluies torrentielles, le Tibre, réduit à ses seules eaux, serait, croyait-on, devenu moins dangereux pour Rome. Comme de nos jours, cependant, les habitants des diverses régions concernées se liguèrent, à juste titre sans doute, contre le projet. Les municipes et les colonies envoyèrent au Sénat des délégués qui plaidèrent la cause de Florence, de Réate et d'Interamna en invoquant des raisons économiques et religieuses et l'idée, qui supposait d'énormes travaux, fut également abandonnée. On pense d'ailleurs maintenant que la Nera étant, grâce à son alimentation karstique, l'un des principaux affluents régulateurs du Tibre, on aurait, en la détournant, probablement obtenu le contraire de ce qu'on attendait.

La seule entreprise qu'on put finalement conduire à terme fut, dans le cadre de l'aménagement d'Ostie par Claude, le creusement de canaux qui transformèrent l'embouchure du Tibre en delta. On améliorait ainsi les installations portuaires et l'on espérait aussi protéger Rome en facilitant l'évacuation des crues vers la mer. C'est en tout cas ce que souligne l'inscription qui célèbre, en 46, les réalisations de Claude: "ayant creusé pour le port des canaux à partir du Tibre et les ayant fait déboucher en mer, il délivra la ville du danger des inondations". On peut cependant penser que l'effet protecteur fut probablement plus sensible à Ostie même et dans ses environs que dans la capitale, qui se trouvait trop éloignée pour bénéficier réellement d'une évacuation plus rapide à l'embouchure. Après 46, en effet, les inondations ne furent, semble-t-il, ni moins fortes ni moins nombreuses, comme le montre, par exemple, la célèbre crue de 69.

D) Créer une administration du fleuve.

Incapable de contrôler techniquement les excès du fleuve et de protéger efficacement les populations, le pouvoir impérial choisit d'au moins les rassurer en créant une administration spécifique et en prenant quelques mesures de prévention. Aussitôt après l'échec, en 15, du projet de régulation des affluents, Tibère mit donc en place un collège de cinq curatores riparum et aluei Tiberis, qui furent d'abord tirés au sort parmi les sénateurs, puis nommés directement par le Prince à partir du règne de Claude. Dans sa définition générale, leur mission était en fait quasiment impossible: ils devaient en effet, si l'on en croit Dion Cassius, « veiller sur le fleuve afin qu'il n'ait pas trop d'eau en hiver, n'en manque pas en été et que son débit soit toujours aussi égal que possible » !

En pratique et plus raisonnablement, ils étaient d'abord chargés de l'entretien courant du lit et des rives du Tibre et devaient donc particulièrement veiller au désensablement du fleuve et à l'entretien des quais et des berges, utilisées couramment comme chemins de halage. La tâche essentielle de la nouvelle administration restait cependant purement préventive; pour empêcher que des lotissements intempestifs ne rétrécissent le lit du fleuve, elle consistait principalement à délimiter et borner tout au long des rives un espace public à l'intérieur duquel toutes les constructions particulières étaient rigoureusement interdites.

Les premières délimitations des zones dangereuses et non-constructibles avaient été faites par les censeurs après l'inondation de 54 avant J.-C. Des rectifications notables avaient été plus tard apportées en 8 et en 7 quand Auguste avait pris le Tibre en charge ; elles furent encore revues et reprises en 24 après J.-C. et en 48 pendant la censure de Claude [34]. On peut aisément imaginer les tractations, les débats, les jeux d'influence et tous les pots de vin qui accompagnèrent certainement la mise en place ou le déplacement, parfois très lucratifs, de ces bornes!

L'installation des curateurs du Tibre rendait en fait permanent un contrôle souvent coercitif qui n'avait jusqu'alors été qu'épisodique; sous Trajan leurs compétences furent étendues aux égouts de la ville [35] et la curatelle devint ainsi l'administration de toutes les eaux qui n'étaient pas celles des aqueducs. Faute de contenir le fleuve par des digues et des canaux, on le contenait par des lois. Pour le reste on s'en remettait aux dieux.

E) S'en remettre aux dieux.

Depuis toujours en effet le seul recours était de considérer que les inondations récurrentes du Tibre avaient une dimension religieuse; évidentes perturbations de l'ordre naturel, elles constituaient, semblait-il, autant d'avertissements et de prodiges et n'étaient que l'expression d'une volonté divine, plus ou moins vengeresse. Pline déclare ainsi, avec une sorte d'humour sans doute involontaire, que le Tibre, "quoique ne débordant nulle part ailleurs qu'à Rome", est "plutôt un prophète, qui nous avertit; et dans ses crues il nous rappelle toujours nos devoirs religieux plutôt qu'il n'exerce des ravages" [36]. Cette opinion apparaît toujours clairement dans les récits de Tite-Live et Tacite la signale, en gardant évidemment ses distances, au moment du départ, en 69, de l'empereur Othon pour la guerre: le fait que le Champ-de-Mars et la voie Flaminienne, par où devait passer Othon, aient été obstrués, « était interprété comme un prodige et comme le présage de désastres imminents » [37].

Le vrai remède n'était donc pas à chercher dans les prouesses techniques ou la sévérité des lois, mais dans le respect des rites. Il fallait, par exemple, consulter les livres sybillins ou célébrer correctement, plusieurs fois dans l'année, les fêtes qui étaient consacrées au Tibre dans son sanctuaire de l'île Tibérine. Il fallait en fait adopter toujours le comportement que les dieux attendent des hommes et, quand on avait malgré tout failli, pratiquer les rituels d'apaisement et d'expiation que le dieu Tibre réclamait. C'était régler le problème en laissant finalement à la nature et à l'eau la part de liberté que la Ville avait depuis toujours indûment tenté de leur soustraire.

Rome mit ainsi toujours autant d'obstination à assécher son forum et ses bas quartiers qu'à conquérir le monde. Peuplée d'un million d'habitants sous l'Empire, elle ne cessa de s'étendre et de construire dans les vallées qu'elle avait drainées jadis, mais que l'eau du Tibre pouvait à tout instant reconquérir. Maîtresse du monde et longtemps invincible, elle demeura vulnérable en son cœur même, et son développement urbain est une suite continue d'effondrements et de reconstructions. Comme à la fin des déluges, c'est quand l'eau se retire que la vie peut recommencer.

C'est que Rome ne trouva pas au départ les avantages dont disposaient, par exemple, Alexandrie, qui pouvait toujours s'étendre dans le delta du Nil ou Capoue, qui pouvait s'étaler dans une large plaine. Plus favorisées dès le premier jour, ces grandes cités n'eurent ainsi ni le besoin, ni la volonté de prendre davantage; riches et belles, elles devinrent objets de convoitise et furent conquises au lieu de conquérir. Rome, au contraire, naquit et se fortifia du combat qu'elle dut d'abord mener contre les eaux de son sol humide et des égouts qu'elle dut établir pour aménager son territoire.

C'est sans doute pourquoi, ne pouvant jamais venir à bout de son propre fleuve, elle entreprit de maîtriser les autres: dès 312 avant J.-C., les canaux de ses aqueducs firent couler, sous terre et dans le ciel, l'eau des fleuves soumis.


DÉBAT


Gaston Souliez : Est-ce que la plaine tibérine n'aurait pas pu être utilisée pour étaler les inondations comme on le fait sur certains tronçons de la Loire?

Alain Malissard: Dans l'état actuel de nos connaissances, il semble que la mise en place d'un système de dérivation et d'inondation d'une zone choisie en amont (comme c'est le cas pour Orléans) n'ait jamais été envisagée pour protéger Rome. Il y avait certainement trop de zones habitées dans la plaine tibérine.

Jacques Pons: Au sujet du mot "pontifex", j'ai appris lorsque j'étais écolier qu'on l'appelait "pontifex" parce qu'il était chargé de l'entretien des ponts. Que faudrait-il dire précisément du mot "pont" ? Comment ces prêtres avaient-ils la charge des ponts comme ceux qui ont été emportés et qui étaient en pierre? Ils ont aussi dû s'occuper d'autre chose.

Alain Malissard: Les ponts sont pour les Romains un élément important de la maîtrise de l'espace à mettre en rapport, d'abord avec la conquête (les premiers ponts romains sont des ponts de bateaux à usage militaire), ensuite avec le développement du réseau routier. L'étymologie du mot pose problème: pons, pontis pourrait être rattaché au grec pontos qui signifie mer (le Pont-Euxin) ; la mer et le pont auraient alors le sens de lieu de passage et de traversée. L'étymologie du mot pontifex, en revanche, est évidente: le mot est composé de pons et de facere "faire"; Varron (De Lingua latina, 5,83) écrit : pontifices a ponte arbitror, nam ab his Sublicius est factus ("je pense que les pontifes tirent leur nom du mot pont, ce sont eux en effet qui ont fait le [pont] Sublicius)". Cette étymologie est en général acceptée, mais son sens a été discuté même par les Anciens; Plutarque (Vie de Numa, IX, 2), par exemple, s'en moque. Le problème est en effet que les pontifes s'occupent de tout ou presque (fêtes, cultes, cérémonies sacrées, choix des prêtres, calendrier, archives etc.) sauf des ponts, à l'exception du pons Sublicius dont les réparations sont toujours accompagnées d'un ensemble de rites religieux. En se rappelant que la racine indo-européenne *pont. évoque le chemin, le passage, la migration, on peut penser que les meneurs des grands déplacements indo-européens, ceux qui ouvraient la marche et traçaient la route, devenaient, au terme de la migration, les organisateurs suprêmes de la cité, charge que garde encore à Rome le grand Pontife, interprète de la parole des dieux, organisateur du temps, détenteur du droit et de l’histoire et finalement véritable "roi". Le premier pont de Rome, le Sublicius, qui est la raison d'être initiale de la ville, aurait donc pu être symboliquement confié aux héritiers de la responsabilité suprême. La securis (hache) qui fait partie des insignes du pontife rappelle certainement ses fonctions primitives: c'est à la fois l'emblème de la construction et de celui de l'autorité.

Michel Monsigny: Combien y avait-il de ponts à Rome à l'époque de César?

Alain Malissard: À l'époque de César, il y a quatre ponts à Rome. En descendant le fleuve: le pont Fabricius, le pont Cestius, le pont Aemilius et le pont Sublicius. Quatre autres seront construits à l'époque impériale.

 

Le site de Rome


 


NOTES

1. Séance publique de l'Académie d'Orléans d'octobre 2007.

2. Frontin, Les aqueduc de la ville de Rome, 88.1.

3. Immeubles pouvant atteindre six ou sept étages.

4. Ils sont plus destructeurs et plus fréquents en Asie Mineure qu'en Italie.

5. En 52, incendie de la Curie après le meurtre de Clodius. En 44, incendie du Forum après l'assassinat de César.

6. Le plus célèbre en 64 sous Néron, mais il y en eut beaucoup d'autres notamment sous Titus.

7. A Lyon, par exemple, sous Claude.

8. Tite-Live, 5.54.4.

9. Cicéron, De Republica, 2.6.11 : in regione pestilenti.

10. Denys d'Halicarnasse, 2.50 (trad. V. Fromentin et J. Schnäbele).

11. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, 36.104.

12. Petits canaux souterrains. Voir A. Malissard, Les Romains et l'eau, (1994), Paris, Les Belles-Lettres, 2002.

13. Varron, De lingua latina, 5.150: Piso in Annalibus scribit Sabino bello […] Mettium Curtium Sabinum [...] in locum palustrem, qui tum fuit in Fora antequam cloacae sunt factae, secessisse atque ad suos in Capitolium recepisse ; ab eo lacum inuenisse nomen ("Pison, dans ses Annales, écrit que pendant la guerre sabine ... un Sabin, Mettius Curtius, fit diversion vers un endroit marécageux qui se trouvait alors sur le Forum, avant la construction des égouts, puis rejoignit les siens sur le Capitole. Le lac lui doit son nom.")

14. Jusqu'au boom immobilier de l'époque syllanienne, le Champ-de-Mars resta humide et mal drainé. Si l'on en croit Properce (Elégies, 4.8.1), il en était de même, au début de l'Empire, du quartier des Esquilies, pourtant proche des jardins de Mécène.

15. Le marais de la Chèvre. Cet endroit marécageux se trouvait sur le Champ-de-Mars, près de l'autel de Mars; il fut asséché entre 27 et 25 par Agrippa pour la construction du Panthéon. C'est près du palus Caprae que disparut Romulus.

16. Properce, Elégies, 4.9.5-6.

17. Ovide, Fastes, 6.395-416.

18. Ad Atticum, 2.1.8.

19. Dans sa haute vallée, le Tibre traverse la zone calcaire des Apennins; en s'infiltrant dans les masses calcaires, naturellement poreuses et fissurées (diaclases), les eaux de pluie finissent par constituer de vastes réservoirs qui se vident avec lenteur et alimentent, en contrebas, des résurgences; grâce à ces résurgences, l'eau des précipitations de printemps et d'hiver revient avec retard au fleuve, ce qui rend son cours pérenne (Cicéron, De Republica, 2.5 : perennis amnis et aequabilis) et plus régulier, même pendant la période estivale, ce qui n'empêche évidemment pas l'existence de périodes de hautes eaux et de périodes de basses eaux (Tite Live, 2.5.3: ...Tiberim, tenui fluentem aqua, ut mediis caloribus solet 'le Tibre, dont les eaux étaient basses, comme toujours pendant les grandes chaleurs"). "Ce type de régulation joue un rôle essentiel dans l'Apennin calcaire où le Tibre apparaît comme un modèle de régularité." (J. Bethemont, Géographie de la Méditerranée, Paris, Armand Colin, 2001, p.34-35).

20. Elle est de 0,33 m par km jusqu'à Fara Sabina, de 0,24 m ensuite.

21. L. Duret et J.-P. Neraudau, Urbanisme et métamorphoses de la Rome antique, Paris, Les Belles Lettres, 1983, p.35.

22. Virgile, Enéide, 8.86-96.

23. Le Tibre, fleuve de Rome dans l'Antiquité, Paris, PUF, 1953.

24. Le Gall, 1953, p.33 et Horace, Odes, 1.2.13-14.

25. Tacite, Histoires, 1.86 et Plutarque, Othon, 4.10.

26. Dion Cassius, 39.61 et 53.20.1.

27. Tacite, Histoires, 1.86.2 : rapti e publico plerique, plures in tabernis et cubilibus intercepti ("beaucoup de gens furent emportés dans les rues, beaucoup plus encore dans les boutiques ou dans leurs lits.")

28. Odes, 1.2. Epistulae, 8.17.

29. Sous la République, entre l'emporium en aval et les navalia en amont, comme par exemple, la villa d'où Claudia, selon Cicéron (Pro Caelius, 36), prend plaisir à contempler les jeunes gens au bain.

30. Dans sa fameuse description du Tibre, Pline l'Ancien indique (3.55) que les deux rives du fleuve étaient endiguées (inclusis utrimque lateribus).

31. Seule l'élévation progressive du sol de Rome a permis d'endiguer efficacement le Tibre à partir de 1876: le sol de la Rome actuelle se trouve à environ 3 m au-dessus du niveau de la Rome impériale et la via dei Fori imperiali est à plus de 7 m au-dessus du Forum républicain. Selon J. Le Gall, p.32 et note 7, le lit du fleuve s'est relevé de 1 m au moins depuis l'Antiquité, mais le sol de 5 ou 6 m.

32. Tacite, Annales, 11.20.2.

33. Trajan fit cependant creuser une dérivation probablement modeste dont Pline signale à la fois l'existence et l'inutilité: quamquam fossa, quam prouidentissimus imperator fecit, [Tiberis] exhaustus premit ualles... ("Bien que déchargé par le canal qu'a fait creuser notre très prévoyant empereur, il [le Tibre] remplit les vallées..." (Epistulae, 8.17).

34. Autres rectifications connues en 73,101,103,121,160 et 198.

35. Il y a alors des curatores aluei Tiberis et riparum et cloacarum urbis.

36. 3.55.

37. Histoires, 1.86.3.


Cet article a été publié dans les Mémoires de l'Académie d'Orléans, VIe série, tome 17, 2007.


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