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CÉSAR DANS « KOMM L’ATRÉBATE » D’ANATOLE FRANCE



Si le goût de l'histoire marque indéniablement toute l'œuvre d'Anatole France, l'antiquité n'y tient finalement qu'une place assez restreinte. Certes, l'Histoire Ancienne de Rollin fait rêver Jean Servien [1] ; certes, notre auteur s'engage dans la vie littéraire avec la publication des Noces Corinthiennes [2], qui évoquent en vers fluides et lumineux la Grèce d'époque chrétienne, certes, Thaïs [3] lui assure une notoriété définitive, mais les biographies [4] et les grandes œuvres de la maturité s'intéressent à d'autres périodes, le Moyen Age dans la Vie de Jeanne d'Arc [5], la Révolution française dans Les Dieux ont soif, le XIXe siècle dans L'Ile des Pingouins [7].

Après Thaïs en fait, l'antiquité n'apparaît que dans des nouvelles ou des récits brefs, telles l'évocation de Ponce Pilate dans L'Etui de Nacre [8], celle du procurateur Gallion dans Sur la Pierre Blanche [9], celle d'Homère dans Clio, celle de Komm l'Atrébate enfin dans le même recueil [10]

C'est ici bien sûr que nous découvrirons un instant, fugitive et multipliée, l'image de César.

Dans le récit d'Anatole France, les Celtes et les Gaulois sont dotés d'une parole fleurie, peut-être inspirée d'Homère, mais qui fait souvent penser à celle qu'on prête ordinairement aux Indiens d'Amérique [11] ; ils sont libres et forts et leurs visages sont couverts de « pein tures terribles » (p. 33) ; ils vivent dans des forêts profondes, gardent toujours au cœur le souvenir de leurs montagnes (p. 31) et la lune est leur alliée (p. 38); leurs chefs ressemblent tous à Komm, qui marche "suivi de ses armes, de ses chevaux, de ses chiens, de ses dogues bretons, de la foule de ses hommes de guerre et de ses femmes" (p. 28). Par ailleurs, Anatole France pastiche en plus d'un endroit le style de la Guerre des Gaules [12], préfère toujours l'évocation littéraire à la précision géographique [13] et ne propose, pour dater son récit, que des repères internes, qui en soulignent la durée sans le situer dans un cadre exactement historique [14]. Le lecteur se trouve ainsi placé dans un univers différent, au caractère étrange, « exotique » et presque in temporel. L'histoire de Komm l'Atrébate a des allures de conte [15].

Pourtant, la trame d'ensemble de la nouvelle est d'une grande exactitude historique et l'on peut y retrouver, à quelques détails près [16], les grandes étapes du compte rendu que César et Hirtius nous ont fourni.

Tout commence avec les deux défaites des Atrébates (p. 28) [17] et l'accession de Komm au titre de roi (p. 29) [18]. A la fin de la quatrième année de guerre [19], César passe en Bretagne et Komm lui servira d'ambassadeur; en récompense, il obtient des avantages considérables pour son peuple et devient aussi roi des Morins (p. 29-30) [20]; retenu quelque temps prisonnier par les Bretons [21], puis délivré lors de leur défaite, il s'acquitte heureusement de sa tâche et les aide à négocier leur grâce (p. 34-37) [22]; il est alors un allié puissant de César. Mais, ébranlé déjà par l'échec relatif du chef romain en Bretagne et soumis aux pressions des Gaulois qui s'organisent et se révoltent (p. 41-42), Komm, devenu suspect lors d'une visite secrète aux Trévires, est victime, trois ans plus tard (p. 42) [23], d'une agression maladroite ourdie par Labienus et le préfet Volusenus : il jure alors qu'il ne se trouvera "face à face avec un Romain que pour le tuer" (p. 43-47) [24]. Il devient bientôt (p. 47-48) l'un des chefs de l'armée de secours de Vercingétorix enfermé dans Alésia [25] ; vaincu avec les autres, il se cachera pendant un an (p. 49), avant de lever des partisans dans le nord de la Gaule et de livrer contre Marcus Antonius des combats sporadiques et désespérés (p. 58-68); il se vengera de Volusenus, mais perdra ses guerriers les plus fidèles et obtiendra finalement de Marcus Antonius une sorte de pardon, qui lui permettra de survivre et de disparaître avec sa liberté (p. 69) [26]. César est vainqueur des Gaules, mais Komm ne s'est pas soumis.

Il s'agit donc d'une histoire que l'auteur n'a pas inventée, mais qu'il adapte et rend vivante en l'illustrant d'épisodes purement ima ginaires et parfaitement plausibles [27]; ainsi la vie de Komm dans les forêts gauloises (p. 28, 49, 58), le détail de sa captivité chez les Bretons (p. 31-32), son retour en Gaule avec César (p. 40), sa visite à la nouvelle Némétocenne (p. 50-55) ou son discours aux peuples de la Somme (p. 59-60).

Il ne serait pas vain de dire qu'Anatole France utilise le texte de César comme un synopsis, dont il tire un scénario qui donne corps à la nouvelle et la fonde historiquement; c'est ainsi d'ailleurs que procède dans Sur la pierre blanche le narrateur Nicole Langelier, qui ne fait aucune difficulté pour admettre qu'il s'est inspiré d'un passage des Ecritures pour composer le récit qu'il vient de lire à ses amis [28] ; il y a donc là une méthode fréquemment utilisée par Anatole France et à laquelle, puisqu'il s'agit d'une œuvre littéraire, on ne saurait faire aucun reproche. La grande culture de l'auteur et sa parfaite connaissance des réalités antiques le mettent en effet à l'abri des erreurs grossières et des anachronismes [29].

Entre le récit de la Guerre des Gaules et la nouvelle d'Anatole France, il existe cependant une différence considérable : c'est que, dans l'histoire de Komm, César n'a pas le rôle principal et n'apparaît même qu'assez peu. Le chef romain n'est en effet véritablement mis en scène qu'au moment où il accueille les Bretons (p. 36); il ne parle pratiquement jamais, sauf sur le bateau qui le ramène en Gaule avec le roi des Atrébates (p. 40), et son portrait physique (p. 36) tient en deux lignes, alors que celui de Komm, dont la parole est abondante et les coutumes souvent décrites, occupe une page entière (p. 28); partout ailleurs, César n'est qu'un nom; dans deux chapitres sur six, il est même totalement absent [30].

C'est que le dessein d'Anatole France n'est pas d'écrire une vie de César, mais de tirer Komm de l'ombre relative où il était dissimulé; ce qu'il met en scène, ce n'est pas la guerre des Gaules, mais la rencontre de Komm et de César et les conséquences de cette ren contre pour l'Atrébate [31]. En ce sens, le César qu'il nous propose, c'est le César de Komm, celui dont Komm a d'abord entendu parler sans le voir, celui qu'il a servi plus tard, mais qu'il a finalement combattu sans plus jamais le rencontrer. La présence de Jules César dans le récit subit donc une évolution qui est celle même de ses rapports avec l'Atrébate; à cet égard, la composition de la nouvelle est remarquable et, s'agissant d'Anatole France, en général peu soucieux de rythme et de structure du récit, le fait vaut qu'on le souligne.

César est donc présent dès le premier chapitre, au moment où Komm va le trouver spontanément; il fait de l'Atrébate un roi qu'il envoie presque aussitôt chez les Bretons (ch. 1). Puis César débarque et les Bretons vaincus le placent au rang des dieux; libéré par ceux- là même qui l'avaient jeté dans les fers, Komm leur parle de la co lère et de l'amitié de César (p. 35) et les conduit sans crainte auprès du chef romain, Nous découvrirons alors le camp de César, qui fait le même effet que Rome (p. 36) et César en personne (p. 36); nous entendrons sa parole impérative et brève, nous verrons son « visage immobile » (p. 39), nous assisterons pour finir au débat qu'il engage avec Komm (p. 40), dans la nuit sans doute, sur le bateau qui les ramène en Gaule (ch. 2).

Mais les deux hommes vont s'éloigner l'un de l'autre et César redevient progressivement ce qu'il était tout au début : le nom, tou jours plus détestable, du chef des Romains. Komm exerce un temps encore le pouvoir au nom de César (p. 42), mais on se rappelle ceux qui furent tués par César (p. 41), les chefs se rassemblent contre César (p. 42) et Komm correspond avec les ennemis de César (p. 42); passé du côté de Vercingétorix, il ne verra plus de César qu'un « manteau rouge » (p. 48) au loin dans la mêlée d'Alésia (ch. 3) [32].

César alors ne figure plus dans le récit que par ses œuvres; à sa place se dressent maintenant ceux qu'il a fait venir, les architectes et les tribuns (ch. 4), les procurateurs ou les préfets de cavalerie (ch. 5 et 6). César en personne a disparu, comme Komm disparaîtra lui-même à la fin de l'histoire [33].

A peine entrevue, l'image de César reste pourtant très saisissante: "Introduits dans le camp, ils se rendirent au pied du tribunal où siégeait le proconsul entouré de faisceaux. Il était pâle dans la pourpre, avec des yeux d'aigle" (p. 36).

Pour voir César, il faut donc franchir l'enceinte gardée d'un camp solide, marcher jusqu'à son tribunal et lever les yeux vers l'homme qui s'y trouve; on aperçoit alors, au milieu des marques du pouvoir et des signes de la puissance, des yeux d'aigle et des traits que seule colore la pourpre qui les entoure. Cet homme, à chaque fois qu'il le peut, se dispense des mots [34], parce qu'un signe suffit à son autorité; mais, quand, cinglant dans la nuit vers la Gaule, il s'adresse à l'Atrébate, il ne parle ni de stratégie, ni de politique; c'est la religion qui l'intéresse ou la philosophie, marque extrême de la force et de la supériorité de son esprit (p. 40).

César nous apparaît ainsi comme un être mythique et presque transcendant; il est absent, mais toujours présent; il anime de loin le destin des hommes et, d'une manière ou d'une autre, tous obéissent à sa volonté; la pourpre de la victoire est sa couleur, elle l'enveloppe en Bretagne et vole au milieu des régiments d'Alésia.

Pourtant Komm lui résiste et parfois le manipule; il va le trouver par calcul (p. 28) et s'en fait nommer roi (p. 29 et 30); il rend ses paroles vaines en les annonçant à l'avance et bafoue son autorité froide en prévenant les Bretons de la conduite à suivre (p. 35-37); il voit avant lui la lune et la tempête acharnées sur la flotte (p. 37-38); il conduit contre lui des armées (p. 47-48), puis échappe à ceux qui le poursuivent (p. 62-68); il traite finalement en égal et, seul de toutes les Gaules, il saura préserver sa lumière et sa liberté (p. 69). César n'a pu que tuer les hommes et couper les mains, il n'a pris que des villes et des pans de forêts; son apparence pâle aux yeux d'oiseau rapace n'est qu'une effigie qu'on adore et Komm ne s'y est jamais laissé prendre; il a su garder l'essentiel. Le César de Komm est en quelque sorte un vaincu.

La présence de César dans le récit dépend donc étroitement de l'évolution propre au héros principal et l'image que l'auteur nous en donne est bien celle que Komm, et lui seul peut-être, pouvait s'en faire.

Cette méthode, à la fois historique et littéraire, est caractéristi que de la manière d'Anatole France qui met rarement des hommes illustres en scène [35] et préfère toujours prendre l'histoire par le biais plutôt que l'aborder de front [36]. Il choisit donc Komm au lieu de Vercingétorix, ne décrit ni Gergovie, ni Alésia, mais propose à la place des engagements dans les forêts (p.66, p. 68) ou des poursuites à cheval au bord de falaises maritimes (p. 66-67). L'histoire ainsi n'est plus celle des savants qui l'écrivent et la vérité se découvre à travers des détails et des personnages qui semblaient d'abord secondaires; si la stratégie de César et ses grands desseins politiques sont absents du récit, la pelle et la pioche du légionnaire (p. 48), les contradictions de Labienus (p. 43-44) et de Marcus Antonius (p. 62-63), la reconstruc tion de Némétocenne (p. 50-53) ou le choc produit sur Komm par la destruction des bateaux de César (p. 42) en disent aussi long que les réflexions les plus érudites. En fait, Anatole France ne croit pas aux héros; il considère que l'histoire n'appartient pas aux grands hommes, parce qu'ils ne sont pas seuls à la faire; César, comme Napo léon sans doute, n'a réussi "que parce qu'il était à lui seul une figuration de tous" [37]. De même, l'évolution du chef des Atrébates est caractéristique de toute celle de la Gaule entre 57 et 52 av. J.-C. ; moins marquée de grandeur que celle de Vercingétorix, elle est aussi moins suspecte d'idées partisanes [38], plus nette en quelque sorte et du coup plus démonstrative.

Car l'histoire que conçoit France est sans aucun doute à la fois symbolique et didactique; elle enseigne en intéressant; elle épure et illustre en même temps; elle fait comprendre en simplifiant sans appauvrir; le conte a des allures de parabole.

En soumettant l'un au regard de l'autre, France a manifestement conçu ses deux héros d'une manière antithétique. Komm est l'homme de la nature et de la vie; il est intelligent, mais ignorant, d'où sa ruse et son habileté naturelle; il connaît les hommes et il sait leur parler; il aime la vie, les courses à cheval et l'odeur des forêts; devant César, soumis, intraitable ou rebelle, il est toujours ce qu'il a décidé d'être et ressent cruellement la déloyauté romaine; fidèle à lui-même et à ses instincts, il croit ce qu'il sent plutôt que ce qu'on lui enseigne et, quand le proconsul lui dit que la lune, divinité des Gaulois, mais aussi des Grecs et des Romains, brille également sur Rome et le reste du monde, il lui répond : "Prends garde, Julius, et pèse tes paroles. La lune que tu vois courir dans les nuées n'est pas la lune qui luit à Rome sur vos temples de marbre. D'Italie on ne pourrait voir celle-ci, bien qu'elle soit grande et claire. La distance ne le permet pas" (p. 40).

Face à lui, César paraît sans vie; au milieu des emblèmes de son pouvoir, il représente autre chose que lui-même et n'est que le symbole ambigu de Rome; il ignore les plaisirs profonds du monde et sa parole est si mécanique, sa conduite si répétitive, qu'il est possible aisément de la prévoir à l'avance et de le tromper. Komm est un être de chair, de sang, de vent et de forêt, César un être de fer, de marbre et de pierre; César commande, mais Komm choisit des guerriers fidèles et les conduit sur les chemins de la guerre et du viol (p. 58); Komm est présent, mais César inaccessible et toujours lointain n'existe que par procuration; ses légats, comme Labienus, ses préfets, comme Volusenus, ses procurateurs, comme Marcus Antonius, ses constructions même sont aussi importants que lui, tiennent autant de place que lui et sont autant d'images, infiniment interchangeables, de Rome et de lui-même. César n'est pas seul, et c'est ce qui le rend invincible; Komm est unique et c'est ce qui le rend vulnérable; du coup, César a moins de prix que Komm.

En fait, César n'est pas un dieu, mais Komm est un homme; c'est bien là, semble-t-il, ce qu'Anatole France exprime au plus profond de son récit. Certes, il ne condamne pas César, ni la ville qui s'érige, ni le tribun, qui, près du futur amphithéâtre, écrit des vers; au moment où Komm l'assassine (p. 53), on voit même où se trouve la civilisation véritable; mais il montre aussi ce que la Gaule a perdu de vitalité, de naturel et de force en devenant romaine. Devant César, qui n'est que l'histoire, Komm est l'image même de la vie.

L'apologie de César par lui-même que constituent les Commentaires de la Guerre des Gaules se trouve ainsi remarquablement détournée par un texte qui reste fidèle aux dates et aux faits, mais trahit systématiquement le sens. Certes, dans sa description, finalement assez négative, de César, France ne va pas aussi loin que Brecht, qui, soixante ans plus tard, fera du Romain un pantin manipulé par des forces qui le dépassent [39]; il le réduit simplement à n'être qu'une incarnation de Rome et souligne seulement son impuissance à maîtriser l'essentiel : "l'homme, la liberté, la lumière", qui naisssent les premiers, dit Komm (p. 43), et se placent au-delà de l'histoire.

Eternelle contradiction, qui est celle aussi des plus grands historiens, César incarne ainsi tout le scepticisme historique d'Anatole France et Komm toute sa confiance en l'homme, imparfait, mais authentique.


NOTES

1. Les désirs de Jean Servien, dans Œuvres complètes d'Anatole France, Paris, Calmann-Lévy, 1948, tome 3, p. 117-118 (première édition, même éditeur, 1885).

2. Les noces corinthiennes, Paris, Lemerre, 1876.

3. Thaïs, Paris, Calmann-Lévy, 1891.

4. Par ex., Alfred de Vigny, Paris, Bachelin-Deflorenne, 1868; Jean Racine, l'Amateur d'Autographes, Paris, oct.-déc. 1873, etc. Voir aussi Le génie latin, Paris, Calmann-Lévy, 1913.

5. Vie de Jeanne d'Arc, Paris, Calmann-Lévy, 1908.

6. Les dieux ont soif, Paris, Calmann-Lévy, 1912.

7. L'île des Pingouins, Paris, Calmann-Lévy, 1908. Il s'agit, en fait, d'une sorte d'histoire de France travestie, dans laquelle les temps modernes et contemporains occupent la plus grande place.

8. L'étui de nacre, Paris, Calmann-Lévy, 1892. Ponce Pilate apparaît dans la nouvelle intitulée "Le procurateur de Judée" (Œuvres complètes, Paris, Calmann-Lévy, 1948, tome 5, p. 219-238).

9. Sur la pierre blanche, Paris, Calmann-Lévy, 1905.

10. Ce recueil de nouvelles propose cinq contes historiques : Le chanteur de Kymè (époque homérique), Komm l'Atrébate, Farinata degli Urbati ou la guerre civile (époque médiévale), Le roi boit (époque médiévale), La Muiron (Bonaparte). Il a été édité seul chez Calmann-Lévy en 1900, puis, toujours chez le même éditeur, dans Les contes de Jacques Tournebroche, en 1923. Les nouvelles qui le composent avaient été précédemment publiées en feuilleton dans divers journaux; c'est ainsi que Komm l'Atrébate avait paru dans l'Echo de Paris entre septembre et novembre 1897; la parution du 19 octobre était suivie d'un commentaire de M. Bergeret. Les références renvoient à Œuvres complètes d'Anatole France, op. cit., tome 13, p. 25-69.

11. Par ex. : César, qui aime le chef Komm et l'a établi roi sur les Atrébates et sur les Morins aux colliers de coquilles, aimera les chef bretons, peints de couleurs ardentes, et les confirmera dans leur richesse et leur puissance, parce qu'ils sont les amis du chef Komm qui boit l'eau de la Somme (Discours de Komm aux Bretons, p. 35).

12. Par ex. : César, retenu jusqu'à la fin de l'été sur le rivage des Morins, ayant mis à la voile, une nuit, vers la troisième veille, arriva en vue de l'Ile à la quatrième heure du jour (p. 33).

13. Voir, par ex., p. 25-26.

14. Par ex. : la quatrième année, à la fin de l'été (p. 29), jusqu'à la fin de l'été (p. 33), trois ans plus tard (p. 42), or un jour (p. 50), etc. Là encore, A. France imite César et les historiens anciens.

15. Le ton du conte est aussi très net dans le style : or il y avait parmi eux un chef très riche, nommé Komm (p. 28), or, tandis qu'il chevauchait avec ses fidèles le long des saules de la Moselle (p. 43), on ignore ce que devint ensuite Komm l'Atrébate; le reste de sa vie n'a point laissé de trace (p. 69), etc.

16. A. France ne signale pas l'appui donné à César par la cavalerie de Komm en Bretagne (B.G., 4, 35, 1); il ne cite, ni le rôle joué par Komm dans la reddition de Cassivellaunos (B.G., 5, 22), ni la mission de surveillance que César lui confie chez les Ménapes (B.G., 6,6,4); il n'évoque pas davantage l'alliance de Komm et de Correos et le combat dans lequel est tué ce dernier (B.G., 8,6-23). Toutes ces omissions tendent évidemment à donner de Komm une image plus favorable. Par ailleurs, A. France déplace et modifie un épisode particulier qu'il a trouvé non pas dans César mais dans Frontin (2,13,11): Commius Atrabas, cum victus a Divo Julio ex Gallia in Britanniam fugeret et forte ad Oceanum vento quidem secundo, sed aestu recedente venisset, quamvis naves in siccis litoribus haererent, pandi nihilominus vela jussit; quae cum persequens eum Caesar ex longinquo tumentia et flatu plena vidisset, ratus prospero sibi eripi curdu recessit. Comme le dit Jullian (Histoire de la Gaule, Paris, 1909, tome 3, p. 564-565), cet épisode se place sans doute après la négociation entre Komm et Marcus Antonius; France (p. 67-68) le situe plus haut dans le récit et attribue à Volusenus le rôle joué par César.

17. Fin de l'été 57. César, B.G., 2, 23, 1.

18. César, B.G., 4, 21, 7.

19. Le départ de Komm et celui de C. Volusenus sont racontés par César au début de la première expédition de Bretagne (B.G., 4, 21), mais la tempête qui détruit les bateaux romains fait partie de la deuxième campagne (B.G., 5, 10). A. France réunit donc en un seul rédt les deux expéditions de 55 et 54 et date l'ensemble de 55 ; en réalité, Komm fit fonction d'éclaireur en 55 et de diplomate en 54 (B.G., 4, 27 et 5, 22).

20. César, B.G., 7, 76, 1. La royauté de Komm sur les Atrébates et les Morins pose quelques problèmes. Voir C. Jullian, op. cit., p. 315, n. 4, et, a contrario, L.-A. Constans, César, Guerre des Gaules, Les Belles Lettres, Paris, 1964, tome 1, p. 111, n.3.

21. César, B.G., 4, 27, 2-4.

22. Le texte de A. France est inspiré de B.G., 4, 27, mais le rôle de Komm est singulièrement accru.

23. Entre Gergovie et Alésia, donc avant juin 52. César raconte cet épisode plus tard (B.G., 8, 23, 3-6), sans doute pour « noyer » la déloyauté de Labienus dans la « trahison » de Komm; le texte de France est, en quelque sorte, un commentaire ironique de la phrase de César: (Labienus) infidelitatem ejus (= Commii) sine ulla perfidia judicavit comprimi posse.

24. César écrit : Quo facto statuisse Commius dicebatur numquam in conspectum cujusquam Romani venire (B.G., 8, 23, 6) ; A. France en rajoute, mais, de son côté, César n'attribuera plus à Komm que de la peur; par ex. : (Commius) unum illud orat, ut timori suo concedatur ne in conspectum veniat cujusquam Romani (B.G., 8, 48, 9); voir aussi, 8, 23, 2.

25. César, B.G., 7, 75, 5 et 79, 1.

26. César, B.G., 8, 47-48.

27. Sur l'adaptation, voir supra, notes 16, 23 et 24. L'habileté de l'adaptateur vaut souvent celle de l'auteur. Cf. M.-C. Bancquart, Les écrivains et l'histoire, Paris, Nizet, 1966, p. 133 : peu doué pour créer à partir de rien, France excelle à donner l'accent de la vie aux événements qu'il transpose dans son œuvre, même si ces événements sont vieux de plusieurs siècles.

28. Œuvres complètes, op. cit., tome 13, p. 441-442.

29. Voir, par ex., dans le premier chapitre de Sur la pierre blanche (op. cit., p. 359-376), une splendide description du Forum Romanum, doublée d'une remarquable leçon d'archéologie. Bref engagement dans un combat qui n'est pas encore perdu, on pourra lire aussi l'article Pour le latin (Œuvres complètes, op. cit., tome 6, p. 251-259).

30. Chapitres 4 et 6. Dans le chapitre 5, il n'apparaît pas en personne et n'est mentionné que six fois.

31. La valeur symbolique est bien sûr évidente : il s'agit aussi de la rencontre des Gaulois et des Romains; mais Komm est un personnage exception nel, c'est l'insoumis.

32. César, B.G., 7, 88, 1.

33. On ignore ce que devint ensuite Komm l'Atrébate; le reste de sa vie n'a point laissé de trace (p. 69). Contrairement à ce qu'écrit A. France, Komm fit encore parler de lui, puisqu'il établit en Bretagne un royaume atrébate (voir Jullian, op. cit., p. 565). En fait, et comme le signale M.-C. Bancquart (op. cit., p. 92), Komm fait partie de ces personnages d'A. France, qui "s'incorporent en quelque sorte au cycle du temps sans que leur fin vienne le couper net"; il en est de même pour César et c'est probablement la raison pour laquelle A. France, d'une part évite de dire (p. 57-58) que César réside à Némétocenne (voir B.G., 8, 46, 6), d'autre part remplace César par Volusenus dans l'épisode, par ailleurs déplacé, des bateaux de Komm (cf. note 16).

34. César inclina la tête en signe de consentement (p. 37), César les reçut d’un visage immobile (p. 39),

35. Cf. M.-C. Bancquart, op. cit., p. 133-134.

36. Il ne l'a pratiquement fait, et sans succès, que dans sa Vie de Jeanne d'Arc. Il écrivait, dès 1867 : Il est bon que parfois la petite histoire nous mène à travers les sentiers et les chemins étroits du passé : un pays est mal connu de qui n'en connaît que les grandes routes. Il est bon de visiter les palais, très bon de visiter les maisons, et, avec les lunettes bleues de l'archéologue, je ne vois point de mal à ce qu'on regarde un peu dans les alcôves... (Bibliographie, L'Amateur d'Autographes, 1er mai 1867, p. 142-143, cité par A. Vandegans, Anatole France, Les années de formation, Paris, Nizet, 1954, p. 64).

37. M.-C. Bancquart, op. cit., p. 98.

38. A. France cherche cependant à donner de Komm une idée favorable (cf. note 16).

39. Bertold Brecht, Les Affaires de Monsieur Jules César, Paris, L'Arche, 1959, traduction G. Badia. Cf. A. Malissard, Les Affaires de Monsieur Jules César ou Bertold Brecht, l'histoire de Rome et nous, Caesarodunum XV bis, Colloque Histoire et historiographie, Paris, Les Belles Lettres, 1980, p. 371-390.


Cet article a été publié dans Caesarodunum, 15 bis, 1980, pp. 371-380.


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