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VERTUMNE RÉUSSIT À SÉDUIRE POMONE


A Rome, sous le règne de Procas, parmi les Hamadryades, les nymphes des arbres, vivait Pomone, dont l'occupation essentielle était l'entretien des vergers. Elle ne se souciait en rien des plaisirs de Vénus ("Veneris nulla cupido est"). Mais elle était sans cesse en butte aux assauts des divinités champêtres, satyres et pans, Silvain, Priape, Vertumne. Ce dernier, en particulier, avait réussi à l'approcher plusieurs fois en prenant la forme d'un moissonneur, d'un faucheur, d'un vigneron, d'un pêcheur… Un jour qu'elle était assise près d'un vieil orme sur le tronc duquel est accrochée une vigne, Vertumne prit l'apparence d'une vieille femme et lui fit prendre conscience de l'intérêt de cette union de l'arbre et de la vigne. Puis il reprit son apparence de jeune homme… et Pomone se laissa séduire.


Atelier de Simon Vouet (1590-1649), Vertume et Pomone

Vertumne vient de reprendre son apparence de jeune homme
et il attend laréaction de Pomone qui médite sur les bienfaits
de l'union de la vigne et de l'orme sous lequel elle est assise.

OVIDE, Métamorphoses, XIV, 654-669 et 765-770

Ille etiam picta redimitus tempora mitra,
innitens baculo, positis per tempora canis,
adsimulauit anum cultosque intrauit in hortos
pomaque mirata est : "Tanto" que "potentior !" inquit,
paucaque laudatae dedit oscula, qualia numquam
uera dedisset anus ; glaebaque incurua resedit,
suspiciens pandos autumni pondere ramos.
Vlmus erat contra speciosa nitentibus uuis ;
quam socia postquam pariter cum uite probauit :
"At si staret, ait "caelebs sine palmite truncus,
nil praeter frondes, quare peteretur, haberet.
Haec quoque, quae iuncta est, uitis requiescit in ulmo,
si non nupta foret, terrae acclinata iaceret.
Tu tamen exemplo non tangeris arboris huius
concubitusque fugis nec te coniungere curas.
Atque utinam uelles !"

[…]

 

 

Haec ubi nequiquam forma deus aptus anili
edidit, in iuuenem rediit et anilia demit
instrumenta sibi talisque apparuit illi,
qualis ubi oppositas nitidissima solis imago
euicit nubes nullaque obstante reluxit.
Vimque parat ; sed ui non est opus, inque figura
capta dei nymphe est et mutua uulnera sensit.

Un autre jour, la tête entourée d'un turban aux vives couleurs, s'appuyant sur un bâton, des cheveux blancs aux tempes, il prend la figure d'une vieille femme. Il entre dans ces jardins si bien cultivés et il en admire les fruits : "Que de richesses!" s'écrit-il. Et, tout en complimentant la nymphe, il lui donne quelques baisers comme jamais n'en eût donné une vieille femme véritable. Puis il s'assied sur la terre, tout courbé, regardant au-dessus de lui les branches qui plient sous le poids des présents de l'automne. Il y avait là un orme que décoraient les grappes brillantes suspendues à ses flancs. Il admire cet arbre et la vigne qu'on lui a donnée pour compagne. "Oui, mais si ce tronc, dit-il, était resté célibataire, privé de pampres, il n'aurait rien que son feuillage à nous offrir. Cette vigne, elle aussi, qui repose sur l'orme qu'elle embrasse, retomberait sur elle-même, si on ne l'avait point mariée, et traînerait à terre. Toi, pourtant, tu ne te laisses point toucher par l'exemple de cet arbre ; tu fuis les plaisirs de l'amour, tu ne veux point d'époux. Ah! si tu voulais…"

[Et la vieille femme lui conseille de choisir pour mari Vertumne, dont elle lui vante très éloquemment les mérites.]

Voyant que son discours ne lui a servi à rien, le dieu caché sous la forme d'une veille femme reprend celle d'un jeune homme. Il rejette l'attirail du grand âge et il apparaît à la nymphe tel que se montre le soleil resplendissant lorsqu'il sort vainqueur des nuages accumulés devant lui et qu'il nous rend sa lumière dégagée de tous les obstacles. Il se préparait à la violence; mais la violence est inutile; la nymphe est séduite par la beauté du dieu et, à son tour, elle est atteinte de la même blessure. »

 


Pour comparaison:

Cornelis de VOS Francesco Melzi Abraham Bloemaert, 1620

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