JUNON VIENT DE MONTER SUR SON CHAR
POUR ALLER DEMANDER À ÉOLE DE DÉCHAÎNER UNE TEMPÊTE CONTRE LA FLOTTE D'ÉNÉE
C'est le début de l'Enéide.
Junon est furieuse. Elle voit que la flotte d'Énée et de ses compagnons troyens, quittant la Sicile, va pouvoir naviguer sur la mer Tyrrhénienne vers le nord, et aborder dans le Latium.
Vix e conspectu Siculae telluris in altum
uela dabant laeti et spumas salis aere ruebant.
[A peine hors de vue de la terre sicilienne, ils donnaient des voiles vers le grand large,
joyeux, et du bronze fendaient l'écume salée.]
Or Junon, reine des dieux, sœur et femme de Jupiter (divum regina Iovisque et soror et coniux) en veut toujours aux Troyens parce que c'est un fils de Priam et d'Hécube, Pâris, qui avait désigné comme "la plus belle déesse de l'Olympe" non pas elle-même, mais Vénus. Cet affront l'a profondément blessée (Iuno aeternum seruans sub pectore uolnus : Junon gardant en son coeur cette éternelle blessure]
Rancunière, elle décide donc de détourner d'Italie le roi des Troyens (Italia Teucrorum auertere regem), allant ainsi, elle le sait, contre les Destinées (fata), puisque des descendants d'Enée sont destinés à fonder une ville, qui s'appellera Rome, par laquelle Carthage, la ville qui lui est chère, sera détruite.
Talia flammato secum dea corde uolutans
nimborum in patriam, loca feta furentibus Austris
Aeoliam venit. (I, 50-52)
[Roulant ces pensées dans son coeur enflammé, elle s'en va dans la patrie des nuages,
lieux remplis de vents furieux, en Éolie.]
GIRODET – MBAO Inv. 71.10.01
Jetant un regard mauvais sur la flotte troyenne, Junon est montée sur son char tiré par deux paons, son animal favori*. Elle a pris avec elle, choisie parmi ses quatorze Naïades, Déiopée, celle dont les formes sont les plus belles (forma pulcherrima); elle veut en faire don à Éole pour le convaindre de lancer ses vents sur la mer, avec le risque de déplaire à Neptune.
Éole est le maître et régisseur des vents qu'il tient enfermés dans une vaste grotte (uasto antro). Obéissant à Junon, il va déchaîner contre la flotte d'Énée une tempête par laquelle les Troyens vont être rejetés sur la côte de Libye, non loin de Carthage.
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* Junon soupçonnait son époux d'avoir une liaison adultère avec la belle Io. Elle transforma donc la jeune femme en génisse et, pour la surveiller, elle eut recours au géant Argos. Celui-ci avait cent yeux, ce qui lui permettait de toujours être vigilant, car cinquante yeux veillaient pendant que les cinquante autres dormaient. Jupiter, pour libérer son amante de cette surveillance permanente, demanda à Mercure de tuer Argos. Alors, pour rendre hommage à la fidélité d'Argos, Junon récupera ses cent yeux et les mit sur la queue de son oiseau préféré, le paon.