IPHIGÉNIE EST SAUVÉE PAR ARTÉMIS AU MOMENT OÙ ELLE ALLAIT ÊTRE SACRIFIÉE
Agamemnon a été désigné par la coalition des rois grecs pour diriger les troupes grecques contre la ville de Troie. En effet, Ménélas, frère d'Agamemnon, a contraint tous les rois grecs à honorer un serment et donc à l'aider à reprendre son épouse, Hélène, enlevée par Pâris, fils du roi de Troie. Mais, alors que Agamemnon tente de faire partir vers Troie la flotte grecque réunie à Aulis, les vents restent défavorables. Calchas le devin révèle alors qu'une offense commise par Agamemnon contre Artémis en est la cause et que seule la mort de sa fille Iphigénie apaisera la colère de la déesse. Agamemnon refuse d'abord le sacrifice, mais, poussé par Ménélas et Ulysse, il s'y résigne.
Agamemnon invente alors un stratagème afin d'attirer Iphigénie à Aulis : on fait dire à Clytemnestre qu'Achille refuserait de partir si on ne lui accordait pas la main d'Iphigénie. Mais, une fois arrivées au camp achéen, Clytemnestre et Iphigénie finissent par apprendre le funeste destin qui lui est réservé à la jeune fille. Consciente, toutefois, de la nécessité du sacrifice vis-à-vis de la Grèce, Iphigénie accepte de mourir selon Euripide (Iphigénie en Aulide), mais au contraire maudit les siens selon Eschyle (Agamemnon).
Au moment du sacrifice, Artémis remplace Iphigénie par une biche, dont le sacrifice permettra aux Grecs d'avoir des vents favorables.
Ensuite Artémis fera d'Iphigénie
la prêtresse de son temple en Tauride, avec pour fonction de sacrifier tous les étrangers abordant la région.
MBAO-69.11.1
Sébastien BOURDON, Le Sacrifice d'Iphigénie, 1645
En bas à droite, une femme est repliée sur sa douleur: il s'agit peut-être de Clytemnestre qui ne voit pas le "miracle".
Près du bûcher, les témoins de l'enlèvement d'Iphigénie manifestent leur étonnement devant l'apparition d'Artémis
qui s'est emparée d'Iphigénie, laissant une biche à sa place.
EURIPIDE, Iphigénie à Aulis, 1540-1612
Le Messager qui a assisté à la scène raconte à Clytemnestre :
ἐπεὶ γὰρ ἱκόμεσθα τῆς Διὸς κόρης |
Nous étions arrivés au bois sacré d'Artémis, fille de Zeus, au pré fleuri où l'armée achéenne était rassemblée. Aussitôt les Grecs accourent en foule. Au moment où Agamemnon voit sa fille s'avancer dans le bois pour y être immolée, il gémit, détourne la tête, et, pour cacher ses larmes, se voile le visage. Mais elle, s'approchant de son père, lui dit :
"Mon père, me voici; je viens de mon plein gré, pour ma patrie et pour toute l'Hellade, m'offrir comme victime : conduisez-moi à l'autel de la déesse, puisqu'elle le veut ainsi. Puisse, grâce à moi, la fortune vous sourire, assurer la victoire à vos armes, et vous ramener au pays natal! Que nul Argien ne porte donc la main sur moi : je présenterai ma gorge en silence, et mon coeur ne faiblira pas."
Elle dit, et tous, en l'écoutant, admirent sa grande âme et sa vaillance. Debout au milieu de l'assemblée, Talthybios, qui est chargé de cet office, commande à l'armée le recueillement et le silence. Le devin Calchas tire le glaive tranchant et le place dans la corbeille d'or au milieu des grains sacrés; puis il couronne le front de la jeune fille. Le fils de Pélée prend la corbeille en même temps que l'eau lustrale; il en arrose l'autel, dont il fait le tour, et s'écrie :
« Fille de Zeus, divine chasseresse, toi qui roules dans la nuit ton astre brillant, reçois ce sacrifice que t'offrent les Grecs alliés et le roi Agamemnon; reçois le sang pur qui jaillira de la gorge de cette belle vierge, et accorde à nos vaisseaux une heureuse traversée, à nos armes la ruine de Troie! » Les Atrides et toute l'armée restent immobiles, les yeux baissés vers la terre. Le prêtre saisit le glaive, dit une prière, et examine l'endroit de la gorge où il doit frapper à coup sûr. Et moi, j'avais le coeur serré d'une poignante angoisse j'étais là, baissant la tête. Soudain, ô miracle! chacun entend distinctement le bruit du coup, et personne ne voit où a disparu la jeune fille. Le prêtre pousse un cri, que répète l'armée entière, au spectacle inattendu d'un prodige accompli par quelque dieu : on le voit, et l'on ne peut y croire. Sur le sol est étendue, palpitante, une biche de grande taille, d'une remarquable beauté, dont le sang arrosait à flots l'autel de la déesse. Alors Calchas s'écrie, je te laisse à penser avec quelle joie! "Chefs de cette grande armée achéenne, et vous, peuples, vous voyez la victime que la déesse a fait apparaître sur son autel, cette biche des montagnes. Elle l'agrée de préférence à la jeune vierge, pour ne pas souiller l'autel d'un sang généreux. C'en est la rançon, qu'elle accepte avec faveur; et maintenant elle nous accorde un vent propice et l'assaut d'Ilion. Que tous les matelots reprennent donc courage et courent à leurs navires. Il nous faut aujourd'hui quitter le golfe profond d'Aulis, et fendre les vagues de la mer Égée."
Dès que la victime entière est consumée par la flamme d'Héphæstos, Calchas prie, comme il convient, pour l'heureux retour de l'armée. C'est le roi qui m'envoie pour te faire ce récit, et te dire quel sort ta fille a reçu des dieux en partage, quelle gloire impérissable parmi les Grecs. Pour moi, j'étais là, et je te le dis, parce que je l'ai vu : ta fille sûrement s'est envolée au séjour des dieux. Calme donc ta douleur et tes ressentiments contre ton époux. C'est quand les mortels s'y attendent le moins que les dieux leur manifestent leur volonté, et sauvent ceux qu'ils aiment. Ce jour a vu ta fille morte et vivante. |
Pour comparaison :
• Jean BARDIN, "Le Sacrifice d'Iphigénie", 1773, huile sur toile, 45 x 90 cm, collection particulière à Lyon (présenté à l'exposition "Jean Bardin le feu sacré", MBAO en 2023; catalogue n° 16, p. 120).
Alors que la flotte attend de pouvoir quitter Aulis, Calchas et un prêtre vont trancher la gorge d'Iphigénie. Mais une jeune fille (Artémis?) venue du haut du ciel apporte une biche qui sera sacrifiée à la place d'Iphigénie. Clytemnestre est évanouie à gauche; à droite, Agamemnon se cache le visage pour ne pas voir le meurtre de sa fille.
• Giovanni Battista Tiepolo, "Le Sacrifice d'Iphigénie", 1747-1750 (à Hambourg, Kunsthalle)
• Jacopo Amigoni, "Le Sacrifice d'Iphigénie", 1740 (à Brest, Musée des Beaux-Arts)