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MALGRÉ LA DÉFENSE D'ATHÉNA, LES FILLES DE CÉCROPS OUVRENT LE COFFRE OÙ EST CACHÉ ERICHTHONIOS


 

MBAO inv. 1436

Ce tableau anonyme (dans le style de Martin de Vos) représente en fait "Moïse sauvé des eaux" (c'est ainsi qu'il est interprété dans le catalogue "Mémoire du Nord" publié en 1996, n° 179, p. 154). C'est ce qu'indique la mention, au bas au centre, "Exodus, chap. II".

Ἦν δέ τις ἐκ τῆς φυλῆς Λευι, ὃς ἔλαβεν τῶν θυγατέρων Λευι καὶ ἔσχεν αὐτήν.
καὶ ἐν γαστρὶ ἔλαβεν καὶ ἔτεκεν ἄρσεν· ἰδόντες δὲ αὐτὸ ἀστεῖον ἐσκέπασαν αὐτὸ μῆνας τρεῖς.
ἐπεὶ δὲ οὐκ ἠδύναντο αὐτὸ ἔτι κρύπτειν, ἔλαβεν αὐτῷ ἡ μήτηρ αὐτοῦ θῖβιν καὶ κατέχρισεν αὐτὴν ἀσφαλτοπίσσῃ καὶ ἐνέβαλεν τὸ παιδίον εἰς αὐτὴν καὶ ἔθηκεν αὐτὴν εἰς τὸ ἕλος παρὰ τὸν ποταμόν.
καὶ κατεσκόπευεν ἡ ἀδελφὴ αὐτοῦ μακρόθεν μαθεῖν, τί τὸ ἀποβησόμενον αὐτῷ.
κατέβη δὲ ἡ θυγάτηρ Φαραω λούσασθαι ἐπὶ τὸν ποταμόν, καὶ αἱ ἅβραι αὐτῆς παρεπορεύοντο παρὰ τὸν ποταμόν· καὶ ἰδοῦσα τὴν θῖβιν ἐν τῷ ἕλει ἀποστείλασα τὴν ἅβραν ἀνείλατο αὐτήν.
ἀνοίξασα δὲ ὁρᾷ παιδίον κλαῖον ἐν τῇ θίβει, καὶ ἐφείσατο αὐτοῦ ἡ θυγάτηρ Φαραω καὶ ἔφη Ἀπὸ τῶν παιδίων τῶν Εβραίων τοῦτο.
καὶ εἶπεν ἡ ἀδελφὴ αὐτοῦ τῇ θυγατρὶ Φαραω Θέλεις καλέσω σοι γυναῖκα τροφεύουσαν ἐκ τῶν Εβραίων καὶ θηλάσει σοι τὸ παιδίον ;
ἡ δὲ εἶπεν αὐτῇ ἡ θυγάτηρ Φαραω Πορεύου. ἐλθοῦσα δὲ ἡ νεᾶνις ἐκάλεσεν τὴν μητέρα τοῦ παιδίου.
εἶπεν δὲ πρὸς αὐτὴν ἡ θυγάτηρ Φαραω Διατήρησόν μοι τὸ παιδίον τοῦτο καὶ θήλασόν μοι αὐτό, ἐγὼ δὲ δώσω σοι τὸν μισθόν. ἔλαβεν δὲ ἡ γυνὴ τὸ παιδίον καὶ ἐθήλαζεν αὐτό.

Il y avait un homme de la tribu de Lévi qui épousa une des filles de Lévi. Elle conçut, et elle enfanta un garçon, et, l'ayant vu plein de grâces, ils le cachèrent pendant trois lunes. Lorsqu'ils ne purent le cacher plus longtemps, sa mère prépara pour lui une corbeille qu'elle couvrit d'un enduit de poix et de bitume ; elle y plaça l'enfant, et elle posa la corbeille dans le marais sur la rive du fleuve. Comme la sœur de l'enfant observait de loin pour savoir ce qu'il deviendrait, la fille du Pharaon descendit au fleuve pour se baigner, tandis que ses servantes se promenaient sur la rive ; elle aperçut dans le marais la corbeille, et elle envoya une servante qui la retira. L'ayant ouverte, elle vit un enfant pleurant dans la corbeille ; aussitôt la fille du Pharaon résolut de le sauver, et elle dit : C'est un enfant des Hébreux. Et la sœur dit à la fille du Pharaon : – Veux-tu que je t'appelle une nourrice, parmi les femmes des hébreux, pour allaiter l'enfant ? – Va, dit la fille du Pharaon. Et la jeune fille, étant partie, appela la mère de l'enfant. La fille du Pharaon dit à celle-ci : Soigne-moi cet enfant, et allaite-le, je te donnerai une récompense ; la femme prit donc l'enfant et l'allaita.

On retrouve dans le tableau les trois personnages cités dans le texte:
– la mère de l'enfant (qui s'apprête à l'allaiter)
– la soeur de l'enfant (qui est allée chercher la mère nourrice)
– la fille du Pharaon (sans doute la femme plus richement parée).
S'y ajoutent trois servantes, dont l'une qui récupère l'enfant.

L'enfant a été placé non pas exactement dans une corbeille, mais dans une sorte de tronc évidé capable de flotter. À l'arrière plan, un fleuve, le Nil.


Ce tableau est présenté dans le Musée comme représentant "Erichthonios découvert par les trois filles de Cécrops".

Certes, dans cette légende, trois femmes découvrent un enfant qu'on a placé dans une corbeille, mais cet enfant est accompagné d'un serpent, ou a lui-même des jambes en forme de serpents (ce qui n'apparaît pas dans le tableau).

Nous rappelons néanmoins quelle est cette légende.

Cécrops, premier roi légendaire d'Athènes, était né de la Terre même; c'est pourquoi le bas de son corps était celui d'un serpent. Il épousa Aglauros, fille d'Actaeos, dont il eut quatre enfants, un fils Erysichton (qui mourut jeune) et trois filles Aglauros, Hersé et Pandrosos.
Héphaistos avait essayé de violer Athéna venue dans son atelier lui commander des armes; mais le sperme se répandit sur la cuisse de la déesse qui l'essuya avec de la laine qu'elle jeta à terre. La Terre (Gaïa) ainsi fécondée donna naissance à Érichthonios. Athéna le recueillit et l'éleva en cachette, avec l'intention de le rendre immortel (Apollodore, Bibliothèque, III, 14, 6). L'enfant avait pour particularité d'être mi-homme mi-serpent, tout comme Cécrops. Athéna remit ensuite l'enfant, enfermé dans un coffre, aux filles de Cécrops, tout en leur défendant formellement de l'ouvrir. Mais Aglaure ouvrit le coffre et les jeunes filles, terrifiées, se suicidèrent en se jetant du haut de l'Acropole.

OVIDE, Métamorphoses, II, 552-564 (il raconte que la corneille, voulant mettre le corbeau en garde contre un excès d'empressement à intervenir dans les affaires d'autrui, lui a raconté l'histoire des filles de Cécrops).

Invenies nocuisse fidem. Nam tempore quodam
Pallas Erichthonium, prolem sine matre creatam,
clauserat Actaeo texta de vimine cista
virginibusque tribus gemino de Cecrope natis
et legem dederat, sua ne secreta viderent.
Abdita fronde leui densa speculabar ab ulmo,
quid facerent : commissa duae sine fraude tuentur,
Pandrosos atque Herse ; timidas uocat una sorores
Aglauros nodosque manu diducit, et intus
infantemque uident adporrectumque draconem.
Acta deae refero. Pro quo mihi gratia talis
redditur, ut dicar tutela pulsa Mineruae
et ponar post noctis auem ! Mea poena uolucres
admonuisse potest, ne uoce pericula quaerant.

Tu verras que c'est ma fidélité qui m'a perdue. Un jour Pallas avait enfermé Érichthonius, enfant né sans mère, dans une corbeille tressée avec l'osier de l'Acté et elle l'avait confié à trois vierges, filles de Cécrops au corps hybride, en leur défendant de regarder ce qu'elle tenait secret. Cachée sous le feuillage léger, j'épiais du haut d'un ormeau touffu ce qu'elles faisaient: deux d'entre elles gardent sans frauder le dépôt confié à leurs soins: c'étaient Pandrosos et Hersé; seule Aglauros traite ses soeurs de peureuses; elle défait les noeuds de sa main; et à l'intérieur de la corbeille elles aperçoivent le petit enfant et un serpent étendu à ses côtés. Je rapporte tout à la déesse et, en récompense de ce service, je m'entends dire que Minerve me chasse du nombre de ses protégés et je suis mise après l'oiseau des nuits. Mon châtiment peut apprendre aux oiseaux à ne point se compromettre par leur babil.
APOLLODORE, Bibliothèque, III, 14, 6
Ἀθηνᾶ παρεγένετο πρὸς Ἥφαιστον, ὅπλα κατασκευάσαι θέλουσα. Ὁ δὲ ἐγκαταλελειμμένος ὑπὸ Ἀφροδίτης εἰς ἐπιθυμίαν ὤλισθε τῆς Ἀθηνᾶς, καὶ διώκειν αὐτὴν ἤρξατο· ἡ δὲ ἔφευγεν. Ὡς δὲ ἐγγὺς αὐτῆς ἐγένετο πολλῇ ἀνάγκῃ (ἦν γὰρ χωλός), ἐπειρᾶτο συνελθεῖν. Ἡ δὲ ὡς σώφρων καὶ παρθένος οὖσα οὐκ ἠνέσχετο· ὁ δὲ ἀπεσπέρμηνεν εἰς τὸ σκέλος τῆς θεᾶς. Ἐκείνη δὲ μυσαχθεῖσα ἐρίῳ ἀπομάξασα τὸν γόνον εἰς γῆν ἔρριψε. Φευγούσης δὲ αὐτῆς καὶ τῆς γονῆς εἰς γῆν πεσούσης Ἐριχθόνιος γίνεται. Τοῦτον Ἀθηνᾶ κρύφα τῶν ἄλλων θεῶν ἔτρεφεν, ἀθάνατον θέλουσα ποιῆσαι· καὶ καταθεῖσα αὐτὸν εἰς κίστην Πανδρόσῳ τῇ Κέκροπος παρακατέθετο, ἀπειποῦσα τὴν κίστην ἀνοίγειν. Αἱ δὲ ἀδελφαὶ τῆς Πανδρόσου ἀνοίγουσιν ὑπὸ περιεργίας, καὶ θεῶνται τῷ βρέφει παρεσπειραμένον δράκοντα· καὶ ὡς μὲν ἔνιοι λέγουσιν, ὑπ᾽ αὐτοῦ διεφθάρησαν τοῦ δράκοντος, ὡς δὲ ἔνιοι, δι᾽ ὀργὴν Ἀθηνᾶς ἐμμανεῖς γενόμεναι κατὰ τῆς ἀκροπόλεως αὑτὰς ἔρριψαν. Minerve étant venue prier Vulcain de lui faire une armure, ce dieu, que Vénus avait abandonné, devint amoureux de Minerve, et se mit à la poursuivre; elle prit, la fuite : il parvint cependant à la joindre, quoiqu'avec beaucoup de peine (car il était boiteux), et chercha à la violer ; mais Minerve, qui était vierge et très sage, se défendit, si bien qu'il ne put parvenir à son but, et il laissa des marques de sa passion sur la jambe de la déesse, qui en ayant horreur, les essuya avec un morceau de laine qu'elle jeta à terre. Elle s'enfuit, et Erichthonius naquit de ce qu'elle avait jeté à terre. Minerve l'éleva à l'insu des autres dieux, et voulait le rendre immortel: elle le mit dans une ciste, qu'elle confia à Pandrose, fille de Cécrops, en lui défendant de l'ouvrir. Les sœurs de Pandrose poussées par la curiosité, l'ouvrirent, et trouvèrent un serpent entortillé autour de l'enfant. Les uns disent qu'elles furent tuées sur-le-champ par le serpent ; suivant d'autres, Minerve les rendit furieuses, et elles se précipitèrent du haut de la citadelle

Érichthonios prit possession du trône d'Athènes, y établit le culte d'Athéna et lui bâtit un temple, l'Érechthéion. Il épouse Praxithée, une naïade. Elle lui donne un fils, Pandion, qui lui succéda sur le trône. On lui attribue la création des Panathénées et l'invention du char à quatre roues, sur lequel Zeus l'enlève ensuite au ciel pour en faire la constellation du Cocher.


Pour comparer :
– Willem van Herp, Découverte d'Erichthonios par les filles de Cécrops
– Jacob JORDAENS, Les filles de Cécrops découvrant l'enfant Erichthonios (musée d'Anvers)
– RUBENS, Erichthonios découvert par les filles de Cécrops


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