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CLYTIE, ABANDONNÉE PAR SON AMANT APOLLON, RESTE À REGARDER LE SOLEIL SANS PRENDRE DE NOURRITURE


 

Henri Joseph François, baron de TRIQUETI (1803-1874), terre cuite, 1851,
Clytie expirant aux derniers rayons du soleil
Sur le socle on lit "Sedit humo nuda nudis incompta capillis […] vertitur ad solem"

Apollon avait pour amante une nymphe de l'Océan, Clytie. Mais un jour il prit de force une mortelle, Leucothoé, fille d'un roi Achéménide, Orchamos. Jalouse, Clytie dénonça cette union à Orchamos, qui, pour punir sa fille, la fit enterrer vivante; incapable d'empêcher le châtiment, Apollon changea Leucothoé en tige d'encens.

Clytie, elle, dédaignée par le dieu, aspirait encore à faire l'amour avec lui (quamuis despecta petebat concubitus) et ressentait une grave blessure (graue uulnus). Apollon ne revint pas à elle, mais, par pitié, il la changea en héliotrope, plante qui, selon l'opinion commune, regarde toujours vers le soleil.

At Clytien – quamuis amor excusare dolorem
indiciumque dolor poterat – non amplius auctor
lucis adit Venerisque modum sibi fecit in illa.
Tabuit ex illo dementer amoribus usa
Nympharum impatiens et sub loue nocte dieque
sedit humo nuda nudis incompta capillis
perque nouem luces expers undaeque cibique
rore mero lacrimisque suis ieiunia pauit
nec se mouit humo ; tantum spectabat euntis
ora dei uultusque suos flectebat ad illum.

Membra ferunt haesisse solo partemque coloris
luridus exsangues pallor conuertit in herbas ;
est in parte rubor uiolaeque simillimus ora
flos tegit; illa suum, quamuis radice tenetur,
vertitur ad Solem mutataque seruat amorem.

Quant à Clytie – quoique l'amour put excuser son ressentiment et le ressentiment sa dénonciation – elle ne vit plus jamais revenir à elle l'auteur de la lumière et il cessa de goûter avec elle les plaisirs de Vénus. Depuis lors elle se consuma, égarée par sa passion, sans pouvoir supporter la compagnie des nymphes; elle resta nuit et jour sous la voûte de Jupiter, assise sur la terre nue, ses cheveux flottant en désordre sur sa tête nue; pendant neuf jours, sans eau, sans aliments, elle ne se reput que de la rosée toute pure et de ses larmes et ne bougea point de terre ; elle ne regardait que la face du dieu accomplissant sa course; vers lui seul elle tournait son visage.
Ses membres, dit-on, s'attachèrent au sol; une partie, décolorée et transformée en tiges exsangues, se couvrit d'une pâleur livide; une autre partie est teinte de rouge : c'est sa tête, qui se cache sous une fleur toute pareille à la violette ; quoique retenue par sa racine, elle se tourne vers son cher Soleil; même après sa métamorphose, elle lui garde son amour.

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