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LE SUICIDE DE CLÉOPÂTRE


Cléopâtre régna sur l'Égypte entre 51 et 30 avec ses frères-époux Ptolémée XIII et Ptolémée XIV, puis aux côtés du général romain Marc-Antoine. Partie prenante dans la guerre civile opposant Marc-Antoine à Octave, elle a été vaincue à la bataille d'Actium en -31. Sa défaite va permettre aux Romains de mener à bien la conquête de l'Égypte,
Antoine, en Égypte, ne prit pratiquement aucune mesure pour lutter contre l'avancée de plus en plus triomphale d'Octave. Il consuma ses forces en banquets et fêtes somptueuses, sans se soucier de la situation. Vers août -30, Octave arriva à Alexandrie.
À la fausse annonce du suicide de Cléopâtre, Marc Antoine met fin à ses jours en se jetant sur son épée. Mourant, il est transporté par Cléopâtre dans son propre tombeau. Octave la laisse s'y retirer. C'est là qu'elle trouva la mort avec ses deux servantes.

C'est Plutarque qui donne la version la plus connue du suicide de la reine (selon Olympos, le médecin personnel de Cléopâtre, qui aurait publié un récit des événements).
Pour certains historiens, cette forme de suicide serait une preuve de l'attachement de la reine aux traditions égyptiennes, car la morsure de l'uræus, le cobra d'Amon-Rê, passait pour conférer l'immortalité et la divinité à sa victime.
D'autres historiens, affirmant qu'un même serpent ne peut tuer trois personnes à la suite, pensent qu'Octave aurait fait exécuter Cléopâtre.
D'autres pensent qu'elle aurait eu recours à un poison, mélange d'opium, de ciguë et d'aconitum, placé dans une des épingles à cheveux qui maintenaient son diadème orné d'un double uræus.

MBAO-S.1885

Henry de Triqueti, La mort de Cléopâtre, 1851.
Esquisse pour une sculpture en ivoire vendue en 1859 par Triqueti à sir Ivor Guerst, avec un siège en bronze, la plinthe en marbre griotte poli et le socle en ébène.


STRABON, Géographie, XVII, 1, 10 :

Τοῦτον δὲ ἐτίμησεν ὁ Σεβαστὸς Καῖσαρ τὸν τόπον, ὅτι ἐνταῦθα ἐνίκα τῇ μάχῃ τοὺς ἐπεξιόντας ἐπ´ αὐτὸν μετὰ Ἀντωνίου, καὶ λαβὼν ἐξ ἐφόδου τὴν πόλιν ἠνάγκασε τὸν μὲν Ἀντώνιον ἑαυτὸν διαχειρίσασθαι, τὴν δὲ Κλεοπάτραν ζῶσιν ἐλθεῖν εἰς τὴν ἐξουσίαν· μικρὸν δ´ ὕστερον κἀκείνη ἑαυτὴν ἐν τῇ φρουρᾷ διεχειρίσατο λάθρᾳ δήγματι ἀσπίδος ἢ φαρμάκῳ ἐπιχρίστῳ (λέγεται γὰρ ἀμφοτέρως), César Auguste a beaucoup fait pour l'embellissement de cette localité [Nicopolis], en mémoire de la victoire remportée par lui naguère sur les troupes qu'Antoine en personne avait menées à sa rencontre, victoire qui, en lui livrant d'emblée la ville, réduisit Antoine à se donner la mort et Cléopâtre à se remettre vivante entre ses mains. Lais on sait comment, peu de temps après, Cléopâtre, dans la tour où on la gardait, attenta elle aussi secrètement à ses jours, soit en se faisant piquer par un aspic, soit en usant d'un de ces poisons subtils qui tuent par le seul contact (car l'une et l'autre tradition ont cours).

PLUTARQUE, Vie d'Antoine, 85-86

Τοιαῦτ' ὀλοφυραμένη καὶ στέψασα καὶ κατασπασαμένη τὴν σορόν, ἐκέλευσεν αὑτῇ λουτρὸν γενέσθαι. Λουσαμένη δὲ καὶ κατακλιθεῖσα, λαμπρὸν ἄριστον ἠρίστα. καί τις ἧκεν ἀπ' ἀγροῦ κίστην τινὰ κομίζων· τῶν δὲ φυλάκων ὅ τι φέροι πυνθανομένων, ἀνοίξας καὶ ἀφελὼν τὰ θρῖα σύκων ἐπίπλεων τὸ ἀγγεῖον ἔδειξε. Θαυμασάντων δὲ τὸ κάλλος καὶ τὸ μέγεθος, μειδιάσας παρεκάλει λαβεῖν· οἱ δὲ πιστεύσαντες ἐκέλευον εἰσενεγκεῖν. Μετὰ δὲ τὸ ἄριστον ἡ Κλεοπάτρα δέλτον ἔχουσα γεγραμμένην καὶ κατασεσημασμένην ἀπέστειλε πρὸς Καίσαρα, καὶ τοὺς ἄλλους ἐκποδὼν ποιησαμένη πλὴν τῶν δυεῖν ἐκείνων γυναικῶν, τὰς θύρας ἔκλεισε. Καῖσαρ δὲ λύσας τὴν δέλτον, ὡς ἐνέτυχε λιταῖς καὶ ὀλοφυρμοῖς δεομένης αὐτὴν σὺν Ἀντωνίῳ θάψαι, ταχὺ συνῆκε τὸ πεπραγμένον. Καὶ πρῶτον μὲν αὐτὸς ὥρμησε βοηθεῖν, ἔπειτα τοὺς σκεψομένους κατὰ τάχος ἔπεμψεν. Ἐγεγόνει δ' ὀξὺ τὸ πάθος. δρόμῳ γὰρ ἐλθόντες, καὶ τοὺς μὲν φυλάττοντας οὐδὲν ᾐσθημένους καταλαβόντες, τὰς δὲ θύρας ἀνοίξαντες, εὗρον αὐτὴν τεθνηκυῖαν ἐν χρυσῇ κατακειμένην κλίνῃ κεκοσμημένην βασιλικῶς. Τῶν δὲ γυναικῶν ἡ μὲν Εἰρὰς λεγομένη πρὸς τοῖς ποσὶν ἀπέθνῃσκεν, ἡ δὲ Χάρμιον ἤδη σφαλλομένη καὶ καρηβαροῦσα κατεκόσμει τὸ διάδημα τὸ περὶ τὴν κεφαλὴν αὐτῆς. Εἰπόντος δέ τινος ὀργῇ· "καλὰ ταῦτα Χάρμιον;" "κάλλιστα μὲν οὖν" ἔφη "καὶ πρέποντα τῇ τοσούτων ἀπογόνῳ βασιλέων." πλέον δ' οὐδὲν εἶπεν, ἀλλ' αὐτοῦ παρὰ τὴν κλίνην ἔπεσε.

Λέγεται δὲ τὴν ἀσπίδα κομισθῆναι σὺν τοῖς σύκοις ἐκείνοις καὶ τοῖς θρίοις ἄνωθεν ἐπικαλυφθεῖσαν· οὕτω γὰρ τὴν Κλεοπάτραν κελεῦσαι, μηδ' αὐτῆς ἐπισταμένης τῷ σώματι προσπεσεῖν τὸ θηρίον· ὡς δ' ἀφαιροῦσα τῶν σύκων εἶδεν, εἰπεῖν· "ἐνταῦθ' ἦν ἄρα τοῦτο". Καὶ τὸν βραχίονα παρασχεῖν τῷ δήγματι γυμνώσασαν. Οἱ δὲ τηρεῖσθαι μὲν ἐν ὑδρίᾳ τὴν ἀσπίδα καθειργμένην φάσκουσιν, ἠλακάτῃ δέ τινι χρυσῇ τῆς Κλεοπάτρας ἐκκαλουμένης αὐτὴν καὶ διαγριαινούσης, ὁρμήσασαν ἐμφῦναι τῷ βραχίονι. Τὸ δ' ἀληθὲς οὐδεὶς οἶδεν· ἐπεὶ καὶ φάρμακον αὐτὴν ἐλέχθη φορεῖν ἐν κνηστίδι κοίλῃ, τὴν δὲ κνηστίδα κρύπτειν τῇ κόμῃ· πλὴν οὔτε κηλὶς ἐξήνθησε τοῦ σώματος οὔτ' ἄλλο φαρμάκου σημεῖον. Οὐ μὴν οὐδὲ τὸ θηρίον ἐντὸς ὤφθη, συρμοὺς δέ τινας αὐτοῦ παρὰ θάλασσαν, ᾗ τὸ δωμάτιον ἀφεώρα καὶ θυρίδες ἦσαν, ἰδεῖν ἔφασκον· ἔνιοι δὲ καὶ τὸν βραχίονα τῆς Κλεοπάτρας ὀφθῆναι δύο νυγμὰς ἔχοντα λεπτὰς καὶ ἀμυδράς. Οἷς ἔοικε πιστεῦσαι καὶ ὁ Καῖσαρ. Ἐν γὰρ τῷ θριάμβῳ τῆς Κλεοπάτρας αὐτῆς εἴδωλον ἐκομίζετο καὶ τῆς ἀσπίδος ἐμπεφυκυίας. Ταῦτα μὲν οὖν οὕτω λέγεται γενέσθαι.

Après avoir ainsi exhalé ses plaintes, elle couronna le tombeau [d'Antoine] de fleurs, le baisa, et commanda ensuite qu'on lui préparât à elle-même un bain. Le bain pris, elle se mit à table, où on lui servit un repas magnifique. Pendant qu'elle était à dîner, il arriva un homme de la campagne portant un panier : les gardes lui demandèrent ce qu'il portait ; le paysan découvrit le panier, écarta les feuilles, et leur fit voir qu'il était plein de figues. Comme ceux-ci admiraient la grosseur et la beauté des fruits, le paysan, souriant, les invita à en prendre : cet air de franchise écarta tout soupçon, et on le laissa entrer.
Après que Cléopâtre eut dîné, elle prit ses tablettes, où elle avait écrit une lettre, puis elle les cacheta, et les envoya à César ; ensuite elle fit sortir tous ceux qui étaient dans son appartement, excepté ses deux femmes, et ferma la porte sur elle.
Dès que César eut ouvert la lettre, les prières vives et touchantes que Cléopâtre lui adressait pour lui demander d'être enterrée auprès d'Antoine lui firent connaître ce qu'elle avait fait : il voulut d'abord voler lui-même à son secours ; mais il se contenta d'y envoyer en toute hâte, pour voir ce qui s'était passé.
La mort de Cléopâtre fut prompte ; car les gens de César, malgré leur diligence, trouvèrent les gardes à leur poste, ignorant complètement ce qui s'était passé. Ils ouvrirent les portes ; et ils aperçurent la reine sans vie, couchée sur un lit d'or, et revêtue de ses habits royaux. Iras, l'une de ses femmes, était morte à ses pieds ; et l'autre, Charmium, déjà appesantie par les approches de la mort, et pouvant à peine se soutenir, lui arrangeait encore le diadème autour de la tête. Un des gens de César lui dit avec colère : "Voilà qui est beau ! Charmium. — Très-beau en effet, répondit-elle, et digne d'une femme issue de tant de rois." Elle n'en dit pas davantage, et tomba morte au pied du lit.

On apporta, dit-on, à Cléopâtre, un aspic [ou plutôt un cobra] caché sous ces figues couvertes de feuilles : elle l'avait ainsi ordonné, afin qu'en prenant les fruits le serpent la mordît sans qu'elle l'aperçut. Mais, quand elle découvrit les figues, elle vit le reptile : "Le voilà donc !" s'écria-t-elle alors ; et elle présenta son bras nu à la piqûre. D'autres prétendent qu'elle gardait cet aspic caché dans un vase, et que, l'ayant provoqué avec un fuseau d'or, l'animal irrité s'élança sur elle, et la mordit au bras.
Mais on ne sait rien de certain sur le genre de sa mort. Le bruit courut même qu'elle avait toujours du poison caché dans une aiguille creuse qu'elle portait à ses cheveux. Toutefois il ne parut sur son corps ni marque de piqûre ni trace de poison ; on ne trouva pas même de serpent dans sa chambre : on disait seulement en avoir aperçu quelque frai le long de la mer, à l'endroit que regardaient les fenêtres du tombeau. Selon d'autres, on aperçut au bras de Cléopâtre la marque, à peine sensible, de deux piqûres ; et c'est à ce signe, semble-t-il, que César ajouta le plus de foi ; car, lors de son triomphe, il fit porter une statue de Cléopâtre dont le bras était entouré d'un aspic. Telles sont les diverses traditions sur ce point.


FLORUS, Abrégé d'histoire romaine, livre II, 21 :

Nec ulla re magis hostilium copiarum apparuit magnitudo quam post victoriam. Quippe inmensae classis naufragium bello factum toto mari ferebatur, Arabumque et Sabaeorum et mille aliarum Asiae gentium spolia purpura auroque inlita adsidue mote ventis maria revomebant. Prima dux fugae regina cum aurea puppe veloque purpureo in altum dedit. Mox secutus Antonius, sed instare vestigiis Caesar. Itaque nec praeparata in Oceanum fuga nec munita praesidiis utraque Aegypti cornua, Paraetonium atque Pelusium, profuere: prope manu tenebantur. Prior ferrum occupavit Antonius, regina ad pedes Caesaris provoluta temptavit oculos ducis. Frustra quidem ; nam pulchritudo infra pudicitiam principis fuit. Nec illa de vita, quae offerebatur, sed de parte regi laborabat. Quod ubi desperavit a principe servarique se triumpho vidit, incautiorem nancta custodiam in mausoleum se (sepulchra regum sic vocant) recipit. Ibi maximos, ut solebat, induta cultus in referto odoribus solio iuxta suum se conlocavit Antonium, admotisque ad venas serpentibus sic morte quasi somno soluta est. Ce fut surtout après la victoire qu'apparut la grandeur des forces ennemies. Cette flotte immense, détruite par la guerre comme par un naufrage,était dispersée sur toute la mer; et les vagues, agitées par les vents, vomissaient incessamment sur les côtes la pourpre et l'or, dépouilles des Arabes, des Sabéens et de mille autres nations de l'Asie.. La reine donne l'exemple de la fuite ; la première, elle gagne la haute mer sur son vaisseau à poupe d'or et à voile de pourpre. Antoine la suit de près ; mais César s'élance sur leurs traces En vain ils ont préparé leur fuite sur l'Océan ; en vain ils ont pourvu par des garnisons à la défense de Parétonium et de Peluse, les deux boulevards de l'Egypte; ils vont tomber aux mains de leur ennemi. Antoine se perce le premier de son épée. La reine, prosternée aux pieds de César, essaie sur les yeux du vainqueur le pouvoir des siens; inutiles efforts! Sa beauté n'égalait pas la continence du prince. Ce n'est pas au reste le désir de conserver une vie qu'on lui offre, qui agite Cléopâtre, mais celui de garder une partie de son royaume. Dès qu'elle n'espère plus l'obtenir de César, et qu'elle se voit réservée pour le triomphe, profitant de la négligence de ses gardes, elle va s'enfermer dans un mausolée, nom que les Egyptiens donnent aux tombeaux de leurs rois. Là, revêtue, selon son usage, de magnifiques ornements, elle se place sur des coussins parfumés, auprès de son cher Antoine; et, se faisant piquer les veines par des serpents, elle expire d'une mort douce et semblable au sommeil.

Pour comparaison :

François BAROIS (1656-1726), Cléopâtre mourant, musée du Louvre


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