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CINCINNATUS

 

CINCINNATUS REÇOIT LES DÉPUTÉS DE ROME QUI VIENNENT LUI OFFRIR LA DICTATURE

Cincinnatus fut consul puis dictateur. La tradition légendaire raconte que, retiré du pouvoir, on vint l'arracher à sa retraite campagnarde en 458 pour lui confier la dictature. Il aurait alors délivré l'armée romaine encerclée par les Eques et les Volsques avant d'abdiquer, la victoire acquise, de refuser les honneurs et de reprendre sa vie rustique.

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Jacob Grimmer (vers 1525-1590) et Gillis Mostaert (vers 1534-1598), Cincinnatus recevant les députés de Rome

Jacob Grimmer peint une vue panoramique de la campagne flamande que son collègue Gillis Mostaert anime de personnages, une collaboration fréquente dans les pays du Nord. Cincinnatus, vêtu en hobereau flamand, est assis sous un chêne, entouré de sa maisonnée. Plus loin, des bergers tondent les moutons ou lavent leur laine dans la cour du manoir de briques roses. Des soldats romains viennent troubler la quiétude du lieu de leur course bruyante et de leurs couleurs chamarrées. Au loin, un campement romain apparaît sur la colline.

En -458, une nouvelle guerre est déclarée par les Èques qui rompent les traités de paix en envahissant le territoire latin. Le Sénat romain tente de restaurer la paix et envoie des délégués pour négocier avec les Èques mais en vain. Les tribuns de la plèbe s'opposent une nouvelle fois à la mobilisation, avec quelques succès jusqu'à ce que les Sabins menacent à leur tour Rome. Devant ce nouveau danger, le peuple finit par prendre les armes. Le consul Caius Nautius Rutilus est envoyé combattre les Sabins. Il mène une campagne éclair et ravage leur territoire. Son collègue Lucius Minucius Esquilinus Augurinus est quant à lui pris de court face aux Èques et se retrouve assiégé près du mont Algide. Rutilus est rappelé à Rome et, en accord avec le Sénat, il nomme comme dictateur Cincinnatus, qui fut consul en -460, pour faire face à la situation.
Selon la tradition, Cincinnatus se consacre à la culture de ses terres quand les sénateurs viennent le supplier d'accepter la dictature. Il sait que son départ risque de ruiner sa famille, déjà appauvrie à la suite du procès de son fils, si, en son absence, les récoltes ne sont pas assurées. Néanmoins, il accepte et prend Lucius Tarquitius Flaccus pour maître de cavalerie. En seize jours, il libère le consul assiégé, défait les Èques à la bataille du mont Algidea, célèbre un triomphe, fait condamner Marcus Volscius Fictor et abdique.

LHOMOND, De viris illustribus urbis Romae, XVII, L. Quinctius Cincinnatus
Aequi consulem Minucium atque exercitum ejus circumsessos tenebant. Id ubi Romae nuntiatum est, tantus pavor, tanta trepidatio fuit quanta si urbem ipsam, non castra, hostes obsiderent: quum autem in altero consule parum esse praesidii videretur, dictatorem dici placuit, qui rem afflictam restitueret. Quinctius Cincinnatus omnium consensu dictator est dictus. Ille, spes unica imperii Romani, trans Tiberim quatuor jugerum colebat agrum. Ad quem missi legati nudum eum arantem offenderunt. Salute data invicem redditaque, Quinctius togam propere e tugurio proferre uxorem Raciliam jussit, ut senatus mandata togatus audiret. Postquam, absterso pulvere ac sudore, toga indutus processit Quinctius, dictatorem eum legati gratulantes consalutant, quantus terror in exercitu sit exponunt. Quinctius igitur Romam venit, et antecedentibus lictoribus domum deductus est. Postero die profectus, caesis hostibus, exercitum Romanum liberavit. Urbem triumphans ingressus est. Ducti ante currum hostium duces, militaria signa praelata; secutus est exercitus praeda onustus; epulae instructae ante omnium domos. Quinctius sexto decimo die dictatura, quam in sex menses acceperat, se abdicavit et ad boves rediit triumphalis agricola. Les Èques tenaient cernés le consul Minucius et son armée. Cette nouvelle répandit à Rome une alarme et une agitation aussi grandes que si l'ennemi eût assiégé la ville même, et non le camp. Comme on voyait peu de ressource dans l'autre consul, on fut d'avis de nommer un dictateur pour relever la fortune de la république. Quinctius Cincinnatus fut proclamé d'un consentement universel. Cet homme, l'unique espoir de l'empire romain, cultivait un champ de quatre arpents au delà du Tibre. Les députés qu'on lui envoya le trouvèrent sans robe, occupé à labourer. Lorsqu'on se fut salué de part et d'autre, Quinctius se fit apporter sa robe de la chaumière par son épouse Racilia, afin d'écouter dans un costume convenable les ordres du sénat. Après avoir essuyé la sueur et la poussière qui le couvraient, Quinctius s'avança revêtu de sa toge. Les députés le complimentent en le saluant dictateur, et lui exposent de quelle terreur l'armée a été saisie. Quinctius se rendit donc à Rome, et fut conduit chez lui, précédé de licteurs. Le lendemain, il part, défait l'ennemi, délivre l'armée romaine. Il rentra triomphant dans Rome. On conduisit les généraux des ennemis devant son char; la marche s'ouvrait par les étendards qui leur avaient été pris. L'armée romaine suivait, chargée de butin, et il y avait des tables dressées devant toutes les maisons. Au bout de seize jours, Quinctius se démit de la dictature qu'il avait reçue pour six mois, et ce cultivateur, honoré du triomphe, retourna à sa charrue.

Pour comparaison:

Alexandre Cabanel (1823-1889)
Cincinnatus recevant les ambassadeurs de Rome, 1843, musée Fabre, Montpellier


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