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ALEXANDRE MALADE PROUVE À SON MÉDECIN PHILIPPE D'ACARNANIE QU'IL A TOUTE CONFIANCE EN LUI

• Jean BARDIN, "Alexandre malade donnant à Philippe d'Acarnanie, son médecin, la lettre qui l'accuse", 1774, lavis, Montbard, musée Buffon.

Dans le catalogue de l'exposition "Jean Bardin le feu sacré", au MBAO en 2023, n° 20 p. 130.

Philippe d'Acarnanie est le médecin et ami d'Alexandre le Grand. En 334 av. J.-C., Alexandre est victime d'une hydrocution après s'être baigné dans le Cydnos à Tarse. Il reçoit alors une lettre de Parménion qui lui annonce que Philippe, corrompu par l'or des Perses, veut l'empoisonner. Alexandre, qui a toute confiance dans son médecin, donne cette lettre à Philippe, au moment où celui-ci lui présente un breuvage, et boit sans la moindre hésitation. L'accusation était fausse et Alexandre guérit.

PLUTARQUE, Alexandre, 25

[19] Ἔτι δὲ μᾶλλον ἐθάρρησε καταγνοὺς δειλίαν Ἀλεξάνδρου, πολὺν χρόνον ἐν Κιλικίᾳ διατρίψαντος. Ἦν δ´ ἡ διατριβὴ διὰ νόσον, ἣν οἱ μὲν ἐκ κόπων, οἱ δ´ ἐν τῷ τοῦ Κύδνου ῥεύματι λουσαμένῳ καὶ καταπαγέντι προσπεσεῖν λέγουσι. Τῶν μὲν οὖν ἄλλων ἰατρῶν οὐδεὶς ἐθάρρει βοηθεῖν, ἀλλὰ τὸν κίνδυνον οἰόμενοι πάσης ἰσχυρότερον εἶναι βοηθείας, ἐφοβοῦντο τὴν ἐκ τοῦ σφαλῆναι διαβολὴν πρὸς τοὺς Μακεδόνας· Φίλιππος δ´ ὁ Ἀκαρνὰν μοχθηρὰ μὲν ἑώρα τὰ περὶ αὐτὸν ὄντα, τῇ δὲ φιλίᾳ πιστεύων, καὶ δεινὸν ἡγούμενος εἰ κινδυνεύοντι μὴ συγκινδυνεύσει, μέχρι τῆς ἐσχάτης πείρας βοηθῶν καὶ παραβαλλόμενος, ἐπεχείρησε φαρμακείᾳ καὶ συνέπεισεν αὐτὸν ὑπομεῖναι καὶ πιεῖν, σπεύδοντα ῥωσθῆναι πρὸς τὸν πόλεμον. Ἐν τούτῳ δὲ Παρμενίων ἔπεμψεν ἐπιστολὴν ἀπὸ στρατοπέδου, διακελευόμενος αὐτῷ φυλάξασθαι τὸν Φίλιππον, ὡς ὑπὸ Δαρείου πεπεισμένον ἐπὶ δωρεαῖς μεγάλαις καὶ γάμῳ θυγατρὸς ἀνελεῖν Ἀλέξανδρον. Ὁ δὲ τὴν ἐπιστολὴν ἀναγνοὺς καὶ μηδενὶ δείξας τῶν φίλων ὑπὸ τὸ προσκεφάλαιον ὑπέθηκεν. Ὡς δὲ τοῦ καιροῦ παρόντος εἰσῆλθε μετὰ τῶν ἑταίρων ὁ Φίλιππος, τὸ φάρμακον ἐν κύλικι κομίζων, ἐκείνῳ μὲν ἐπέδωκε τὴν ἐπιστολήν, αὐτὸς δὲ τὸ φάρμακον ἐδέξατο προθύμως καὶ ἀνυπόπτως, ὥστε θαυμαστὴν καὶ θεατρικὴν τὴν ὄψιν εἶναι, τοῦ μὲν ἀναγινώσκοντος, τοῦ δὲ πίνοντος, εἶθ´ ἅμα πρὸς ἀλλήλους ἀποβλεπόντων οὐχ ὁμοίως, ἀλλὰ τοῦ μὲν Ἀλεξάνδρου φαιδρῷ τῷ προσώπῳ καὶ διακεχυμένῳ τὴν πρὸς τὸν Φίλιππον εὐμένειαν καὶ πίστιν ἀποφαίνοντος, ἐκείνου δὲ πρὸς τὴν διαβολὴν ἐξισταμένου, καὶ ποτὲ μὲν θεοκλυτοῦντος καὶ πρὸς τὸν οὐρανὸν ἀνατείνοντος τὰς χεῖρας, ποτὲ δὲ τῇ κλίνῃ περιπίπτοντος καὶ παρακαλοῦντος τὸν Ἀλέξανδρον εὐθυμεῖν καὶ προσέχειν αὐτῷ. Τὸ γὰρ φάρμακον ἐν ἀρχῇ κρατῆσαν τοῦ σώματος οἷον ἀπέωσε καὶ κατέδυσεν εἰς βάθος τὴν δύναμιν, ὥστε καὶ φωνὴν ἐπιλιπεῖν καὶ τὰ περὶ τὴν αἴσθησιν ἀσαφῆ καὶ μικρὰ κομιδῇ γενέσθαι, λιποθυμίας ἐπιπεσούσης. Οὐ μὴν ἀλλὰ ταχέως ἀναληφθεὶς ὑπὸ τοῦ Φιλίππου καὶ ῥαΐσας, αὑτὸν ἐπέδειξε τοῖς Μακεδόσιν· οὐ γὰρ ἐπαύοντο πρὶν ἰδεῖν τὸν Ἀλέξανδρον ἀθυμοῦντες.

 La confiance de Darius s'accrut bien plus encore, lorsqu'il se fut persuadé que c'était la crainte qu'Alexandre avait de lui qui le retenait si longtemps dans la Cilicie ; mais ce long séjour était causé par une maladie que les uns attribuaient à ses fatigues, et d'autres à un bain qu'il avait pris dans le Cydnus, dont l'eau est aussi froide que la glace. Ses médecins, persuadés que le mal était au-dessus de tous les remèdes, n'osaient lui administrer les secours nécessaires, de peur que, s'ils ne réussissaient pas, les Macédoniens ne les en rendissent responsables ; mais Philippe d'Acarnanie, son premier médecin, le voyant dans un danger extrême et se confiant en l'amitié qu'Alexandre avait pour lui, se serait cru coupable de lâcheté s'il ne s'était pas exposé à quelque péril, en essayant pour sa guérison les derniers remèdes, au risque de tout pour lui-même : il lui proposa donc une médecine qu'il lui persuada de prendre avec confiance, en l'assurant qu'elle le guérirait bientôt et le mettrait en état de continuer la guerre.
Dans ce moment, Alexandre reçut une lettre que Parménion lui écrivait du camp, pour l'avertir de se tenir en garde contre Philippe, qui, séduit par les riches présents de Darius et par la  promesse d'épouser sa fille, s'était engagé à faire périr Alexandre. Ce prince, après avoir lu cette lettre, ne la montra à aucun de ses amis et la mit sous son chevet. Quand il en fut temps, Philippe, suivi de tous les autres médecins, entra dans la chambre du roi avec la médecine qu'il portait dans une coupe. Alexandre lui donna d'une main la lettre de Parménion, et, prenant de l'autre la coupe, il avala la médecine tout d'un trait, sans laisser paraître le moindre soupçon. C'était un spectacle vraiment admirable et pour ainsi dire un coup de théâtre, que de voir en même temps Philippe lire la lettre et Alexandre boire la médecine ; tous deux ensuite se regarder, mais d'un air bien différent. Alexandre, avec un visage riant et satisfait, témoignait à son médecin la confiance qu'il avait en lui ; et Philippe, s'indignant contre cette calomnie, tantôt prenait les dieux à témoin de son innocence et tendait les mains au ciel ; tantôt il se jetait sur le lit d'Alexandre, le conjurant d'avoir bonne espérance et de s'abandonner à lui sans rien craindre. Le remède, en se rendant maître de la maladie, abattit tellement les forces du prince, qu'il perdit la parole et tomba dans une si grande faiblesse, qu'il n'avait plus de sentiment ; mais, promptement secouru par Philippe, il eut bientôt repris  ses forces et se montra aux Macédoniens, dont l'inquiétude et la frayeur ne cessèrent qu'après qu'ils l'eurent vu.

Pour comparaison :

• Jean BARDIN, "Alexandre malade montrant à Philippe d'Acarnanie, son médecin, la lettre accusant celui-ci de le trahir", lavis, 19 x 32 cm, Beaux-Arts de Paris.

Dans le catalogue de l'exposition "Jean Bardin le feu sacré", au MBAO en 2023, n° 23 p. 132


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