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RELIGIEUSES

Étroitement contrôlées, les Vénitiennes se réfugient dans les couvents pour y trouver "la joie et les plaisirs". Aussi, pour les ecclésiastiques, les couvents sont-ils des réserves de belles filles, dans lesquelles ils vont choisir leur maîtresse.

TAINE
Point de jeune religieuse bien faite qui n'ait son cavalier servant. La plupart ont été cloîtrées de force, et disent qu'elles veulent vivre en femmes du monde. Elles sont charmante avec leurs cheveux frisés et annelés, avec leur petite pointe de gaze blanche qui avance sur le front, avec leur habit de camelot blanc, avec les fleurs qu'elles mettent sur leur poitrine découverte. Elles peuvent voir qui leur plaît, envoient à leurs amis des bonbons, des bouquets ; au carnaval, elles se déguisent en dames et même en hommes, viennent ainsi au parloir, et y font venir des courtisanes masquées. Elles sortent elles-mêmes, et l'on peut voir dans ce drôle de Casanova pour quelles affaires.

DE BROSSES
Les religieuses étaient jadis en possession de la galanterie. Cependant il y en a encore bon nombre qui s'en tirent aujourd'hui avec distinction, je pourrais dire avec émulation, puisque, actuellement que je vous parle, il y a une furieuse brigue entre trois couvents de la ville pour savoir lequel aura l'avantage de donner une maîtresse au nouveau nonce qui vient d'arriver. En vérité, ce serait du côté des religieuses que je me tournerais le plus volontiers, si j'avais un long séjour à faire ici. Toutes celles que j'ai vues à la messe, au travers de la grille, causer tant qu'elle durait et rire ensemble m'ont parues jolies au possible et mises de manière à faire bien valoir leur beauté. Elles ont une petite coiffure charmante, un habit simple, presque toujours blanc, qui leur découvre les épaules et la gorge ni plus ni moins que les habits à la romaine de nos comédiennes. 

• Taine (Hippolyte), Voyage en Italie, À Venise, t. III, éd. Complexe, 1990, p. 79.
• De Brosses (Charles), Le président De Brosses en Italie. Lettres familières écrites d'Italie en 1739 et 1740, 2e édition, t. I, 1858, p. 177.