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PUCELAGE GARANTI

À Venise, le jour de la foire, des mères viennent proposer leur fille à des hommes qui les prendront pour 150 écus comptant, soit seulement pour les entretenir, soit, au mieux, pour les épouser. Dans les deux cas, le pucelage de la demoiselle est garanti.

Les petites grisettes de Venise sont vêtues de blanc, comme des bergères, et ordinairement de mousseline, mais proprement et d'une manière galante. Elles n'épargnent pas surtout les rubans ni les dentelles et, comme elles sont pour la plupart naturellement jolies et qu'elles observent une grande propreté dans la coiffure et dans la chaussure, on peut dire qu'elles valent bien la peine d'être regardées. On en voit tous les jours en quantité qui viennent se produire à la foire, comme au marché, accompagnées de leurs mères qui leur servent de duègnes et, en même temps, d'entremetteuses, leur but n'étant que de se faire voir et d'inspirer de l'amour à quelqu'un. Lorsque cela arrive, c'est à la mère qu'il faut s'adresser et, pourvu que l'on soit d'humeur à faire quelque dépense, le marché est bientôt fait. Le prix ordinaire d'une fille jeune et jolie est de cent cinquante écus argent comptant et autant par année d'entretien. Pour deux cents, on choisit par toute la Ville.
Au reste, on n'achète point chat en poche : on visite tout et l'on voit si la personne plaît avant que de conclure. Pour le pucelage, il suffit que les mères le garantissent ; on peut se reposer là-dessus, elles sont trop conciencieuses sur cet article pour vouloir tromper personne, et d'ailleurs elles n'oseroient pas le faire, tant elles sont persuadées que c'est une chose sur laquelle on ne peut imposer. C'est une opinion qu'il ne faut pas prétendre ôter de la tête aux Italiens, non plus qu'aux Orientaux. Quoi qu'il en soit, il revient un bien de cela , c'est que les filles en sont plus réservées, du moins celles qui prétendent au mariage. Car quant à celles qui n'aspirent qu'à trouver un homme qui les entretienne, elles gardent bien leur pucelage, mais elles ne sont pas chiches du reste. Je connais une femme qui a trois filles ; les deux aînées sont courtisanes publiques et la troisième est encore ce qu'on appelle ici una Putta una Vergine, quoi qu'elle ait couché peut-être avec cent hommes. Cependant elle est effectivement pucelle et ne souffrirait pas les dernières approches d'un homme pour un sou moins de deux cents écus.

• Dumont (Jean), Voyages en France, en Italie, en Allemagne, à Malthe et en Turquie, t. IV, La Haye, 1699, IV, 261-262.