LABAT
Les barbiers, maîtres ou garçons, sont habillés de noir avec le manteau. Quand on les envoie chercher, ils ne portent jamais l'équipage de leur métier. C'est un jeune garçon ou apprenti, qu'ils appellent un fattore, qui porte dans une toilette de soie deux bassins d'argent (ou du moins argentés), un miroir, des boîtes à savonnettes de diverses espèces, des peignes, des ciseaux, des rasoirs, une pierre, de la poudre, de la pommade, une petite fiole de vinaigre rosat et des linges très propres, avec le pot à l'eau. Après qu'on est assis, celui qui doit travailler vous fait une profonde révérence, vous met autour du cou un tablier de dentelle qui vous environne entièrement et pend jusqu'à terre. Il met par dessus une ample serviette (qu'ils appellent un "esucatorio") et le facteur se présente avec un bassin d'eau tiède ou fraîche, comme on veut. Le Maître vous demande quelle savonnette vous voulez et vous lave à merveille pendant que le facteur tient le bassin. Quand il a achevé et qu'il a pris le rasoir, il vous fait une seconde révérence au premier coup qu'il vous donne, en vous disant "con salute". Pendant qu'il travaille, le facteur tient un miroir devant vous et jamais le barbier ne passe devant vous; quand il change de côté, il passe par derrière et vous demande de temps en temps si vous êtes content du rasoir. On vous lave avec de nouvelle eau pour faire le contrepoil. Après quoi le barbier vous coupe les poils du nez, accommode les sourcils, vous nettoie les oreilles et vous change de serviettes. Le facteur se présente avec le bassin et de l'eau; et le barbier, après vous avoir prié de fermer les yeux, vous savonne tout le visage avec d'excellent savon et, dès qu'il a achevé, le facteur prend un autre bassin avec de l'eau fraîche dans laquelle on répand quelques gouttes de vinaigre rosat, et on vous lave le visage. On vous présente encore une fois de l'eau froide pour vous laver et on vous essuie avec soin et d'une manière très polie. Le barbier vous met un peu de pommade à la moustache, vous peigne, vous poudre si vous voulez et, après avoir ôté ses linges, il vous fait une profonde révérence. Qui ne croirait qu'il faut payer bien cher toutes ces cérémonies ? Il n'en coûte pourtant qu'un jules et quelque bajoque que l'on donne au facteur quand on veut faire les choses noblement.
DE LA PLATIÈRE
Chaque jour mon perruquier amène deux ou trois fraters ; l'un tient la poudre, l'autre la pommade ; celui-ci les épingles, le peigne. Il est en habit de soie, en veste galonnée, avec deux bagues, deux montres, et l'épée au côté ; vè che brio ! che maestà ! |
• Labat (Jean-Baptiste), Voyages du P. Labat, de l'ordre des FF. Prêcheurs, en Espagne et en Italie, tome II, Paris, 1730 , p. 282.
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Roland de La Platière (Jean-Marie), Lettres écrites de Suisse, d'Italie, de Sicile et de Malthe en 1776, 1777 et 1778, t. II, Amtesterdam, 1780, lettre XIV, p. 347. |