Albert Jouvin puis Claude Jordan avaient remarqué que la plupart des Siciliens gardaient leur barbe. C'est que seuls les hommes ayant barbe au menton étaient admis à coucher dans les auberges. Les voyageurs qui avaient pris logement en Sicile ne devaient donc pas s'étonner que, en pleine nuit, on vienne vérifier, en leur touchant le menton, qu'ils n'étaient pas des femmes. |
JOUVIN
L'on dit ordinairement que dans chaque pays chaque guise ; ce qui se peut observer dans la Sicile en plusieurs choses. Car il faut savoir que l'on ne peut entrer dans les hostelleries, qu'ils appellent posadas, si l'on n'a de la barbe au menton ; et par conséquent les femmes, les filles et les jeunes gens ne peuvent coucher dans les hostelleries en Sicile. Cela se fait pour ôter tout soupçon du péché qui se pourrait commettre entre l'un et l'autre sexe. […] Et pour ce sujet dans toutes les villes et les bourgades il y a des gens qui sont payés pour aller voir la nuit dans les hostelleries s'il n'y a personne de couché sans avoir de la barbe, comme il m'est souvent arrivé de les voir entrer en plein minuit dans l'auberge et forcer la porte de la chambre, si au plus tôt on ne la leur ouvre, pour vous regarder dans le lit avec une chandelle, si vous avez de la barbe au menton.
JORDAN
Une des coutumes qu'on garde en Sicile et qui nous paraît ridicule en France est que les femmes – ni même les hommes s'ils n'ont de la barbe au menton – ne peuvent pas loger dans les auberges, à mois qu'ils ne soient connus particulièrement de quelque personne de probité du lieu ou qu'ils soient munis d'attestations et certificats authentiques. Il y a des gardes ordonnées pour aller la nuit dans les auberges visiter les lits afin de voir s'il n'y a point de menton sans barbe. |
• Jouvin De Rochefort (Albert) ,Voyage d'Italie et de Malthe, 1712, p. 615.
• Jordan (Claude), Voyages historiques de l'Europe, tome III qui comprend tout ce qu'il y a de plus curieux en Italie, Paris, 1693, p. 327. |