DUMONT
A Venise, certaines astrologues entre autres ont fort la presse ; on les aperçoit des premières, montées sur un petit échaffaut et couvertes de rubans et de dentelles comme des poupées, du blanc et du rouge sur le visage en quantité ; et avec cela nombre de livres auprès d'elles remplis de figures et de caractères. Il y a aussi quelques hommes qui se mêlent du même métier, mais on n'y court pas tant qu'aux femmes, dont les fontanges à triple étage attirent davantage. Elles sont assises sur une chaise d'où, comme d'un tribunal, elles soufflent la bonne aventure à ceux qui la veulent savoir, par une sarbacane de fer blanc, longue de huit ou dix pieds, et de laquelle on se met le bout à l'oreille. Le prix ordinaire est de cinq sols, et, pour cette légère somme, on peut se faire promettre beni et honori* plus qu'on n'en désire soi-même. Ces demoiselles, qui ne sont pas toujours laides, observent une gravité admirable, en débitant leurs pronostics, mais on assure que, dans le particulier, elles ne sont pas si sévères qu'on ne pût bien les égayer si l'on voulait.
* bien et honneurs
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• Dumont (Jean), Voyages de Mr Dumont en France, en Italie, en Allemagne, à Malthe et en Turquie, t. IV, La Haye, 1699, p. 260. |