MISSON
[À Ancône] les petites bourgeoises portent une manière de toilette sur la tête, avec une longue frange qui leur accompagne le visage et qui leur en chasse les mouches en guise de caparasson. Le corps de robe est rouge ou jaune, lacé de quatre côtés et chamarré d'un galon de livrée. La taille courte, la jupe de même, et tout cela de cinquante couleurs. Les "grosses madames" sont ajustées et "enfontangées" tant qu'elles peuvent à la française, mais, pour dire la vérité, leur singerie a quelque chose de plus grotesque que la manière naturelle des autres.
VILLAMONT
Que dire du spectacle que donnent les dames vénitiennes qui avancent dans les rues montées sur de hauts cothurnes de bois et tenues en équilibre grâce à deux femmes de chambre ? [Les dames vénitiennes mariées] paraissent plus grandes que les hommes d'un pied, à cause qu'elles sont montées sur les patins de bois couverts de cuir, qui ont pour le moins un pied de hauteur, de sorte qu'elles sont contraintes d'avoir une femme pour les aider à cheminer et une autre pour leur porter la queue et, cheminant avec gravité, s'en vont montrant leurs tétins.
LIMOJON
Ce qu'on dit de la prodigieuse hauteur des patins que les gentildonnes vénitiennes portaient il n'y a pas encore fort longtemps est très véritable, puisque les filles du dernier doge Dominique Contarini furent les premières qui s'affranchirent de cette incommode sujétion. Il y en avait de deux pieds de haut, avec lesquels ces dames paraissaient de véritables colosses, ne pouvant mettre un pied devant l'autre sans être appuyées sur les épaules de deux femmes de chambre.
JORDAN
A Gênes, on se croirait au théâtre lorsqu'on croise une dame portant une de ces jupes montées sur vertugadins qui empêchent les dames de passer dans les rues trop étroites mais sous lesquelles un homme peut se cacher. Les Génoises portent des vertugadins à l'espagnole et s'embarrassent souvent les unes les autres à cause que les rues sont fort étroites. Un jour une dame se servit de son vertugadin pour tirer son fils de prison. Il avait dix-huit ans et avait été condamné à mort. Sa mère ayant eu permission de la voir pour lui dire les derniers adieux, elle le mit sous sa jupe, qui était montée sur un cercle d'acier au lieu de baleine et, deux femmes de chambre l'aidant à marcher, comme c'est la coutume en Italie, elle vint chez elle, où elle accoucha sans sage-femme, et envoya dès le jour même son enfant en nourrice à Marseille.
BROSSES
[A Bologne], les femmes du peuple, quand elles sortent, s'enveloppent de la ceinture en bas d'une espèce de taffetas noir et – de la ceinture en haut, y compris la tête – d'un vilain voile ou écharpe de pareille étoffe qui leur cache le visage:c'est une vraie populace de fantômes. |
• Misson (Maximilien), Nouveau voyage d'Italie fait en l'année 1688, t. I, 5e éd., Utrecht, 1722, p. 305.
• Villamont (Jacques de), Les Voyages du seigneur de Villamont divisés en trois livres, t.I (Italie, Rouen), 1607, p. 207.
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Limojon (Alexandre-Toussaint de), La ville et la république de Venise, Paris, 1680, 3e partie, p. 362.
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Jordan (Claude), Voyages historiques de l'Europe, t. III ("qui comprend tout ce qu'il y a de plus curieux en Italie", t. III, Paris, 1693, p. 60.
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Brosses (Charles président de), Lettres familières écrites d'Italie en 1739 et 1740, t. I, XXI, 1858, p. 256. |