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DANS SON "HISTOIRE VRAIE", LUCIEN DE SAMOSATE INVITAIT SES CONTEMPORAINS NOURRIS DE POÉSIE HOMÉRIQUE À PRENDRE UNE ATTITUDE CRITIQUE DEVANT CE TISSU DE MENSONGES QU'EST L'ODYSSÉE.


Au +Ier siècle, avec son Histoire vraie, Lucien de Samosate se livre à un pastiche satirique de l'Odyssée. Lui aussi raconte un voyage entrepris sur l'Océan occidental au cours duquel il a visité des îles et des contrées fantastiques. Comme Ulysse, c'est une tempête qui le précipite dans un monde peuple d'êtres fabuleux, qu'il explore par curiosité. Et Homère a composé pour lui ce centon de vers homériques : "Lucien, le bien-aimé des dieux bienheureux, a vu tout ce pays et puis il est parti vers sa chère patrie".

Pourquoi Lucien a-t-il écrit cette parodie  ? Dès le début de son oeuvre, il annonce que son intention est d'apporter aux intellectuels une "matière à réflexion, en entassant de façon vraisemblable et avec une grande apparence de vérité mille mensonges divers". Chaque détail de cette histoire, dit-il, "fait allusion, non sans parodie, à l'un ou à l'autre des anciens poètes, historiens, philosophes qui ont composé des livres remplis de choses qui tiennent du prodige ou de la légende". Il invite donc le lecteur à apprendre à faire une lecture critique des œuvres en partant, avec le narrateur, à la recherche des impostures littéraires et des témoignages de la malhonnêteté des auteurs célèbres.
Parodiant Hérodote qui osait parler de fourmis de l'Inde grosses comme des renards et qui avait le front de faire précéder les faits les plus invraisemblables d'un "j'ai vu moi-même", Lucien interrompt son récit par des formules telles que "J'hésite à en parler pour que l'on ne croie pas que je mens tant ce que l'on peut en dire est incroyable", ou alors "Je sais bien que ce que je vais raconter semblera incroyable; je le dirai pourtant", allant jusqu'à affirmer, dans l'enfer où sont punis les menteurs : "Je n'ai, moi, jamais menti sciemment".

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Résumé de l'Histoire véritable

Partant des Colonnes d'Hercule avec cinquante compagnons, Lucien met le cap à l'ouest, vers l'Océan. Après 80 jours de navigation, ils arrivent dans une île couverte de femmes-vignes desquelles s'écoule du vin formant un grand fleuve. Puis leur navire est soulevé par un tourbillon et porté jusqu'à la Lune, où ils rencontrent des êtres bizarres et où ils sont engagés dans une immense bataille contre les habitants du Soleil. Ils voyagent ensuite dans tout le zodiaque. Puis ils commencent à redescendre, passant en vue de Coucou-les-Nuées, la cité dont il est question dans les Nuées (preuve que ceux que ne croient pas Aristophane ont bien tort, puisque Lucien a vu, lui, cette cité fantastique).

Retombés sur la mer, ils sont avalés par une baleine à l'intérieur de laquelle, après y avoir rencontré un chypriote qui leur raconte ses aventures, ils devront séjourner au milieu de peuplades étranges, participer à un combat épique et assister à une bataille navale entre des îles flottantes. Finalement ils réussirent à s'échapper en déclenchant un incendie dans le corps de la baleine.
Un fort vent du nord les poussa vers une mer gelée, où il durent rester trente jours dans une caverne de glace, puis vers une mer de lait où il vécurent sur une île-fromage.
Après avoir visité plusieurs autres îles, dont l'une était un immense bouchon de liège, ils arrivèrent dans l'île des Bienheureux, un pays merveilleux dont les habitants n'ont pas de chair  : on ne peut pas les toucher, car ce sont "des âmes revêtues de la ressemblance de leur corps". Ils y virent Pythagore, Alexandre, Cyrus, Aristide, Lycurgue, Socrate, Thésée et Ménélas (qui continuaient à se disputer Hélène), ainsi que les héros de la guerre de Troie. Dans un banquet, ils rencontrèrent Ulysse et Homère. Homère répondit très volontiers à quelques questions sur lui et son œuvre et confia même un poème épique, qu'il venait de composer, à Lucien, qui a malheureusement perdu ce livre. Ulysse, lui, se cachant de Pénélope, lui confia une lettre pour Calypso.
Après un passage dans une île où subissaient les pires supplices "ceux qui avaient menti au cours de leur vie et les écrivains qui n'avaient pas dit la vérité", après un passage dans l'île des Songes (dont la ville possède quatre portes et non pas deux, comme le lit Homère par erreur), Lucien aborde dans l'île le d'Ogygie où, dans la grotte dont parle Homère, il trouve Calypso, à laquelle il remet la lettre dans laquelle Uysse résume ses aventures.
Après une navigation à travers des îles fantastiques, des rencontres avec des pirates, après la traversée d'un autre Charybde, le passage dans une autre île aux Boeufs, la rencontre de femmes-sirènes anthropophages, une tempête les jette enfin sur "une terre située à l'opposé de la nôtre".
Et Lucien termine par un nouveau mensonge en disant à son lecteur : "Ce qui nous est arrivé sur terre vous sera conté dans les livres qui viennent maintenant"… livres qu'il n'a jamais écrits.

* *

Dans cette étrange Histoire véritable, il s'agissait tout particulièrement, pour Lucien, de dénoncer les mensonges d'Homère, ceux particulièrement de ce maître en charlatanerie qu'est Ulysse, "qui raconte à Alcinoos et ses amis des histoires de vents enchaînés, de cyclopes, de cannibales et de sauvages ainsi que d'animaux à plusieurs têtes et de métamorphoses provoquées par des philtres et subies par ses compagnons, et tous les prodiges de cette sorte qu'il fait avaler aux pauvres Phéaciens."

Pour cela, Lucien va refaire l'Odyssée et faire fonctionner son récit en prenant scrupuleusement comme modèle celui d'Ulysse. À cette époque (le +Ier siècle) où les textes d'Homère faisaient partie du bagage de tout individu cultivé, les lecteurs reconnaissaient facilement les parodies, les citations détournées et même les tics narratifs d'Homère. Par exemple, "Nous abordâmes et nous débarquâmes; épuisés après une si longue épreuve, nous demeurâmes longtemps étendus à terre; enfin nous nous levâmes et nous désignâmes trente d'entre nous pour rester à la garde du bateau et vingt autres pour venir avec moi à la découverte de l'île" : c'est de l'Homère tout pur.

Toutefois, à la différence d'Homère qui nous pousse à croire tout ce qu'il raconte et tout ce que raconte Ulysse, Lucien, lui, veut être honnête. Dès la première page, il prévient son lecteur qu'il ne dira pas la vérité: "J'écris sur des choses que je n'ai jamais vues, des aventures que je n'ai pas eues et que personne ne m'a racontées, des choses qui n'existent pas du tout et qui ne sauraient commencer d'exister. Aussi mes lecteurs doivent-ils ne leur ajouter aucune créance." Le titre Histoire véritable n'est évidemment qu'une antiphrase.

Il s'agit donc, par une réécriture ironique, de désacraliser un texte devenu pour les Grecs un "classique". Pour cela, on reprend les mêmes thèmes, mais
– ou bien on les grossit jusqu'à l'invraisemblable; par exemple, lors de la bataille céleste opposant les habitants de la Lune et ceux du Soleil, l'effusion de sang qui dégouline jusque sur la terre amplifie la pluie de sang qui, dans l'Iliade, est envoyée par Zeus lors de la mort de Sarpédon.
– ou bien on les dégrade en les reprenant sur le mode burlesque. Par exemple l'interdit proclamé sur les bœufs du Soleil devient "interdiction de faire l'amour avec un garçon de plus de 18 ans"; lors des "Jeux Funériques" dans l'île des Bienheureux (qui renvoyaient les lecteurs aux jeux funéraires en l'honneur de Patrocle), Ulysse ne termine pas ex aequo avec Ajax, comme dans l'Iliade, mais il est battu par un obscur concurrent; Hélène est une incorrigible reine de beauté qui batifole avec un compagnon de Lucien, Cinyras, et s'enfuit avec lui non pas vers Ilion mais vers l'île Fromagère, etc.

* *

En fait, Lucien s'en prend aux philologues alexandrins qui ont fabriqué un auteur, appelé Homère, qui n'est qu'une imposture littéraire créée de toutes pièces par la littérature critique.
Ces philologues ont décidé qu'il était aveugle (sans doute parce que l'écriture n'était pas connue). Ils se disputent sur le lieu de sa naissance (Chio, Smyrne, Colophon); et cela autorise Lucien à affirmer avec le plus grand sérieux sa propre théorie : Il est né sous le nom de Tigrane en Commagène (le pays de Lucien), puis est venu en Grèce (comme Lucien) en tant qu'"homêros", c'est-à-dire otage.
Et ces mêmes philologues n'ont cessé de modifier les textes homériques, condamnant comme suspects de nombreux vers et des passages entiers, sans que ce pauvre "Homère" ait son mot à dire. Or Vitruve, au siècle précédent, avait approuvé que l'on mette à mort un critique, Zoïle, qui avait osé attaquer Homère alors que celui-ci n'était plus là pour se défendre :

"Le Macédonien Zoïle, qui se faisait appeler Homeromastix (le Fléau d'Homère), vint à Alexandrie, et lut au roi les écrits qu'il avait composés contre l'Iliade et l'Odyssée. Ptolémée, indigné qu'on maltraitât de la sorte le prince des poètes, le père des lettres, et qu'on fit si peu de cas de celui dont toutes les nations admiraient les écrits, et qui n'était point là pour se défendre, dédaigna de lui répondre. Zoïle, après être resté longtemps dans le royaume de Ptolémée, se sentant pressé par le besoin, fit supplier le roi de lui accorder quelque secours. Le roi lui fit répondre, dit-on, qu'Homère, mort depuis mille ans, avait bien pu, pendant tout ce temps, faire vivre des milliers d'hommes; que Zoïle devait bien pouvoir, lui qui affichait un génie supérieur, entretenir et lui-même et plusieurs autres encore. Bref, sa mort fut celle du parricide, bien que les circonstances en soient rapportées diversement […]. Mais quel qu'ait été le genre de son châtiment, il est certain qu'il le mérita : c'est ainsi que doit être traité celui qui s'avise d'attaquer un écrivain qui ne peut être appelé à se présenter pour défendre les pensées qu'il a répandues clans ses écrits." [Vitruve, De l'Architecture, VII, 8-9]

C'est pourquoi Lucien, dans son Histoire véritable, effectue la seule démarche raisonnable  : aller interroger Homère lui même dans l'île des Bienheureux où il passe du bon temps avec son ami Ulysse. Et, bien sûr, Homère, consulté par Lucien, a donné tort à tous ces critiques prétentieux qui, par exemple, ont écrit des centaines de pages sur la raison pour laquelle le premier vers de l'Iliade met en valeur le mot "mênin" (la colère), alors que, vraisemblablement, l'auteur n'en savait rien lui-même ("cela lui était venu ainsi, sans qu'il y réfléchît.")

* *

Strabon, au début de sa Géographie (I,2), disait considérer Homère comme le père de la géographie et même de toutes les sciences: "A l'imitation de nos prédécesseurs, d'Hipparque notamment, nous avons présenté Homère comme le fondateur même de la science géographique. Homère, en effet, n'a pas surpassé seulement en mérite poétique les auteurs anciens et modernes, il leur est supérieur encore, on peut dire, par son expérience des conditions pratiques de la vie des peuples, et c'est à cause de cette expérience même que, non content de s'intéresser à l'histoire des faits et de chercher à en recueillir le plus grand nombre possible pour en transmettre ensuite le récit à la postérité, il y a joint l'étude de la géographie, tant l'étude partielle des localités que l'étude générale des mers et de la terre habitée." Et les Grecs du +Ier siècle étaient invités considérer les poèmes homériques comme source de nombreuses connaissances dans les domaines de la géograpgie et des sciences.
Lucien a donc estimé qu'il était urgent de les démystifier et c'est pourquoi il a choisi de refaire une Odyssée, mais en caricaturant l'œuvre, soit en la dégradant par le burlesque et le grotesque, soit, surtout, en la rendant tout à fait invraisemblable par le grossissement et l'exagération.

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A consulter :

• Danielle Van Mal-Maeder, "Les détournements homériques dans l'Histoire vraie de Lucien : le rapatriement d'une tradition littéraire", in Études de Lettres, revue de la Faculté des lettres de l'Université de Lausanne, 1992, n° 2, 123-146.
https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=edl-002%3A1992%3A0%3A%3A666

• Michelle Courrent, "L'auteur et les philologues. Le fantôme d'Homère dans l'Histoire véritable de Lucien de Samosate", in Fantômes d'écrivains, Presses universitaires de Perpignan, 2011.
https://books.openedition.org/pupvd/758?lang=fr


Planche frontispice de la traduction des œuvres de Lucien par Perrot d'Ablancourt, 1654

Sur la banderole, on lit un extrait d'une Satire d'Horace :
Tantalus a labris sitiens fugientia captat / flumina. Quid rides? mutato nomine de te / fabula narratur.
(Satires, I, 1, 68-70) [Tantale mourant de soif veut saisir l'eau qui coule à flots et qui se dérobe à ses lèvres. Pourquoi ris-tu ? Change le nom : c'est de toi que parle cette fable.]


Extraits du texte de Lucien,
traduits par P. Grimal, dans Romans grecs et latins, Bibliothèque de La Pléiade, 1958, p. 1341 sq.

Lucien dans l'île des Bienheureux

[…] Deux ou trois jours ne s'étaient pas encore écoulés dans l'île des Bienheureux que j'allai trouver le poète Homère, alors que nous étions tous deux de loisir; je lui posai diverses questions et, en particulier, lui demandai de quel pays il était. Car c'est un point sur lequel, chez nous, l'on s'interroge encore très souvent. Il me répondit qu'il n'ignorait pas que les uns le considéraient comme originaire de Chio, les autres de Smyrne et beaucoup de Colophon. Mais, en fait, dit-il, il était Babylonien et, chez ses compatriotes, il ne s'appelait pas Homère mais Tigrane. C'est seulement plus tard, devenu otage chez les Grecs, qu'il avait changé de nom. Ensuite, je l'interrogeai sur les vers condamnés, lui demandant s'ils avaient été écrits par lui. Il affirma qu'ils étaient tous de lui. Je jugeai donc que les grammairiens Zénodote et Aristarque étaient de grands radoteurs. Lorsqu'il m'eut satisfait par ses réponses sur ces points, je lui demandai encore pourquoi donc il avait commencé avec la colère d'Achille, et il me répondit que cela lui était venu ainsi, sans qu'il y réfléchît. Et je désirai aussi savoir s'il avait écrit l'Odyssée avant l'Iliade, comme on le dit généralement. Il me dit que non. Qu'il n'était pas aveugle, ainsi qu'on le prétend, je m'en aperçus immédiatement; je le vis bien sans avoir besoin de le lui demander. J'agis de la sorte à plusieurs reprises, toutes les fois que je le voyais de loisir; je m'approchais de lui et lui posais une question, et il me répondait toujours très volontiers, surtout lorsqu'il s'agissait du procès qu'il avait gagné : c'était une action en diffamation intentée contre lui par Thersite pour s'être moqué de lui dans son poème [l'Iliade]. Homère avait gagné, avec Ulysse comme avocat.
Le temps passant, arriva le moment des Jeux qu'ils célèbrent là-bas, les Jeux Funériques. […] À la lutte, le vainqueur fut Caranos le descendant d'Héraclès, qui avait en face de lui Ulysse pour le titre. […] Quant aux poètes, réellement, Homère était de beaucoup supérieur; pourtant ce fut Hésiode qui remporta le prix.[…]
Les jeux venaient à peine de se terminer, lorsque les suppliciés du Séjour des Impies marchèrent sur l'île. Rhadamanthe rangea les héros en bataille sur la plage; les commandants furent Thésée, Achille et Ajax, fils de Télamon, qui avait recouvré ses esprits. La mêlée s'engagea, et les héros furent vainqueurs, surtout grâce aux exploits d'Achile. […] Homère chanta cette bataille et, lorsque je m'en allai, il me donna le livre pour que je le rapporte aux hommes; mais, par la suite, je le perdis aussi avec mes autres affaires. Voici quel était le début du poème : "Maintenant, ma Muse, chante la guerre des héros morts". […]
Le lendemain, j'allai trouver le poète Homère et lui demandai de composer pour moi une inscription de deux vers; lorsqu'il l'eut fait, je dressai sur le port une stèle en béryl où je les fis graver. L'inscription était celle-ci : "Lucien, le bien-aimé des dieux bienheureux, a vu tout ce pays et puis il est parti vers sa chère patrie".
Je restai encore encore ce jour-là et, le lendemain, je levai l'ancre, accompagné jusqu'au bateau par les héros. Là, Ulysse vint à moi, à l'insu de Pénélope, et me donna une lettre à porter à Calypso, dans l'île d'Ogyggie. […]

Lucien dans l'île d'Ogygie

A trois jours de là, nous atteignîmes l'île d'Ogygie, où nous descendîmes. Mais, d'abord, je décachetai la lettre et lus ce qu'elle contenait : "Ulysse à Calypso, salut ! Sache que, peu de temps après être parti de chez toi, sur le radeau que j'avais construit, j'ai fait naufrage et j'ai été sauvé, de peu, par Leucothéa, qui m'a permis d'atteindre le pays des Phéaciens. Ceux-ci me raccompagnèrent chez moi, où je trouvai un grand nombre de soupirants autour de ma femme, qui s'engraissaient sur notre bien. Je les tuai tous; plus tard, je fus moi-même assassiné par Télégonos, le fils que j'avais eu de Circé, et maintenant je suis dans l'île des Bienheureux, regrettant fort d'avoir quitté la vie que je menais chez toi et l'immortalité que tu m'offrais. Si j'en trouve l'occasion, je m'échapperai et reviendrai auprès de toi." Voilà ce que disait la lettre, et elle ajoutait, à notre sujet, que l'on devait bien nous recevoir.
Je m'éloignai un peu de la mer et je trouvai la grotte telle que la décrit Homère; Calypso elle-même était en train de filer de laine. Lorsqu'elle eut pris et lu la lettre, elle commença par pleurer longuement, puis elle nous offrit l'hospitalité, nous fit faire un excellent repas et nous posa des questions sur Ulysse et Pénélope, nous demandant à quoi elle ressemblait et si elle était aussi sage que s'en vantait autrefois Ulysse. Et nous lui fîmes les réponses que nous crûmes devoir lui être agréables. Après quoi nous retournâmes au bateau.

[Lucien, Histoire véritable, II]


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