Atelier « ROME DANS TOUS SES ÉTATS » - octobre-novembre 2024
UNE HISTOIRE DE FAMILLE :
LES TROIS ROIS ÉTRUSQUES
par Nicole Laval-Turpin
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dans Guillaume Rouillé, Prima pars Promptuarii Iconum insigniorum A' seculo hominum…,
Lyon, 1553, pages 96, 101 et 107
I- Une page d'Histoire ?
II- En amont des Étrusques : la royauté depuis Romulus
III- L'avènement du premier Tarquin
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IV- L'ascension de Servius Tullius
V- La tyrannie du dernier roi
VI- Le livre des origines : dernier regard, relectures
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I- Une page d'Histoire ?
1/ Un temps sans archives
La période étrusque qui nous intéresse aujourd'hui se déroule entre 616 et 509 A.C. De potentiels documents écrits sont donc à exclure même si l'annalistique (étude des Annales qui consignaient année par année les événements de la cité) fut une base du travail de Tite-Live. C'est en effet du livre I de son Histoire romaine que provient la matière de cette présentation. Mon choix s'est porté sur ces 100 ans de royauté parce que l'historien y traite des origines, d'abord, et d'autre part mêle avec un art accompli la rigueur de l'investigation aux pages dignes d'une épopée.
2/ Travail et méthodes
Son utilisation des matériaux disponibles s'accompagne d'emblée d'un scepticisme de principe sur les faits les plus éloignés, révélant ainsi son rationalisme foncier. Du moment qu'on ne pouvait recourir aux documents originaux, il donne entre plusieurs sources la préférence à la pluralité sur le petit nombre, aux témoignages les + anciens sur les + récents. Son désir de répondre à l'idéal historique de Cicéron – donner à l'œuvre un cours ample et régulier – ne se peut toutefois qu'en proposant un récit d'une parfaite linéarité, alors que les lacunes de la documentation empêcheraient cette fluidité. Jean Bayet [membre de l'Institut. Préface à l'édition des Belles-Lettres, 1965] conclut la préface du livre I en saluant un « représentant du nationalisme historique romain » [auquel il donna] « une forme humaine et universelle : avec Virgile, il est l'un des premiers auteurs de la romanité gréco-latine ».
Nous verrons, en 100 ans d'Histoire, quelques aspects émergeants de cette « romanité ».
3/ Un canevas récurrent
Chaque grand épisode répond souvent à trois axes narratifs :
– Comment on accède au pouvoir (analyse de chaque mécanisme stratégique)
– Les indices et les prodiges (dimension plus littéraire, recours au merveilleux)
– Les marques de l'esprit romain (souci de cohérence générale : comment naissent les fondements d'une communauté, au plan religieux, politique, sociétal)
II- En amont des Étrusques : la royauté depuis Romulus
1/ Avant la création « officielle »
Toute l'histoire primitive a été falsifiée par les grandes familles romaines qui voulaient se donner des ancêtres glorieux.
En amont de Romulus fondateur présumé de Rome en - 754, l'emplacement était déjà habité (cf. L'Énéide, Évandre le mythique roi pastoral…). Il n'y eut pas de louve, bien sûr, pour les jumeaux échoués près du Tibre mais une lupa nourricière, surnom des femmes courtisanes, de médiocre origine.
2/ Domination des Sabins (715-616 A.C.)
Habitant la province voisine, ils dominèrent sept villages latins réunis, sujétion que la légende se garde bien de préciser, faisant d'eux des successeurs choisis !
– Numa Pompilius le pieux (le roi qui feignait de consulter la nymphe Égérie pour inspirer sa politique).
– Tullius Hostilius le belliqueux, règne marqué par la lutte de Rome contre l'hégémonie d'Albe la métropole, finalement vaincue et rasée (cf. la légende des Horace et des Curiace).
– Ancus Martius le bâtisseur créa le port d'Ostie. Mais il ne peut juguler l'anarchie née de l'ancestrale opposition Albe/Rome, ce dont les Étrusques vont profiter au VIe siècle, envahissant le Latium et fédérant les villages en véritable cité, au cœur de laquelle ils fonderont le forum.
3/ Baptême de Rome
C'est alors seulement que le nom de la cité apparaît : « la-ville-du-fleuve », Rumon, mot étrusque latinisé ensuite en Roma. C'est sous ce troisième règne sabin que s'y installe alors un fils de Corinthien, qui va ouvrir l'ère des rois étrusques.
III- Avènement du premier Tarquin
1/ Une arrivée prometteuse
Lecture 1: Tite-Live, I, p.57-59. Texte-clé pour saisir la façon dont l'historien procède. Quatre éléments structurent l'épisode :
–
L'intégration : comment un étranger peut se romaniser
–
La richesse : nourrit et favorise l'ascension. C'est toujours le nerf de la guerre !
–
Le pouvoir : l'ambition est au coeur du récit, et l'épouse n'est pas en reste. Elle tire sa force du don de divination, que les Anciens prêtaient aux femmes étrusques depuis toujours.
–
Le prodige : son explication conforte le projet des deux ambitieux, et trouve sa place dans la mentalité superstitieuse régnante. Cette intervention des dieux (l'aigle est l'emblème jupitérien) couronne et sublime un parcours qui n'est au départ que le fruit d'un exil, d'un besoin de reconnaissance, de « place au soleil ».
2/ L'envers du récit
L'archéologie témoigne bien d'une indiscutable et importante influence étrusque exercée à Rome à partir de - 630 /- 620. Mais le couple isolé mis en lumière par Tite-Live faisait en réalité partie d'une arrivée massive d'étrangers. Leur intégration se fit sans révolution dans la société existante et ne fut pas l'apanage du seul couple Tarquin. Tite- Live suit là une tradition nationaliste qui édulcore les choses : comment accepter qu'une affluence non autochtone ait modifié le visage de Rome, a fortiori par la force, comme on le verra peu à peu ?
3/ L'intronisation de « Tarchu »
La nouvelle appellation latinisée participe de l'avancée vers le pouvoir, preuve que l'émigré se plie aux usages de la nouvelle patrie. On se souvient que le roi Ancus l'avait désigné tuteur de ses enfants. Sa soif de pouvoir et une stratégie longtemps mûrie pour gagner les sommets se révèlent alors. Il va usurper le trône.
Lecture 2 : I, p.59-60.
Il assied son pouvoir par une politique de grands travaux à Rome : Forum, Grand Cirque, Cloaca Maxima, écoles, boutiques. Il gagne la guerre contre les Sabins et les Latins et a droit au triomphe. Il reste au pouvoir 38 ans, de – 616 à – 578.
4/ Le retour de bâton
Mais les deux fils d'Ancus Martius, devenus adultes, se savaient évincés du trône, par un étranger de surcroît, origine qu'on soulignait toujours pour appuyer la position illégitime de Tarquin. Ils le font assassiner par deux bergers à leur solde, qui approchent le roi sous prétexte de lui soumettre un différend et lui portent au crâne un mortel coup de hache.
La réalité semble avoir été bien plus sordide : il aurait été massacré par un chef de bande, Mastarna, un Étrusque de Vulci. Ce dernier s'empara du trône à son tour, mais la version retenue réécrit les faits. Il n'est pas officiellement acceptable de voir un roi intronisé tomber par la violence sous la coupe d'un ennemi étranger. Tite-Live choisit donc la version des Annales romaines, selon laquelle il se serait agi d'une affaire intérieure, une rivalité dynastique d'origine familiale.
IV- L'ascension de Servius Tullius
1/ Entrée en scène d'une reine
Selon la légende, Tanaquil, l'épouse qui avait prédit un royal destin à son mari, aurait à nouveau joué un rôle puissant au palais par 2 fois, en ces jours tragiques, mais bien avant déjà si l'on en croit le prodige suivant.
Lecture 3 : Tite-Live I, p.64-65.
Vous savez à présent décoder ce type de récit : le feu divin a remplacé l'aigle initial sur la tête de Tarquin, et surtout il importe qu'un « bon latin » remplace son beau-père. Ainsi, malgré son nom Servius (proche de servus, « esclave ») il serait issu d'une ascendance noble plausible. Mais on comprend que l'annalistique romaine ne puisse satisfaire un historien moderne qui se fiera plutôt aux indices de l'archéologie.
Par ailleurs, Tite-Live se plaît à conter la prise de pouvoir réitérée (après celle de Tarquin l'Ancien 38 ans plus tôt) que la reine mène méthodiquement. Les événements se précipitent selon une vraie technique de suspense.
Lecture 4 : Tite-Live I, p.67-68.
Même si l'invention littéraire commande, des symboles émergent, caractéristiques de l'esprit romain : l'exhortation au héros investi d'une mission de chef, la harangue au peuple qu'il faut juguler, et enfin la présence des licteurs plus tard porteurs de faisceaux lors des dictatures, doublés de la garde solide, deux instances chargées d'assurer le pouvoir même sans le choix populaire. C'est la deuxième usurpation royale.
2/ L'oeuvre d'un constituant
Durant ses 44 ans de règne, Servius Tullius établit la première constitution politique de Rome : division de la ville en quartiers, du territoire en régions, et déclaration des biens et des revenus. Se fondant sur la fortune, il répartit la population en classes pour faciliter le recrutement de l'armée. Il agrandit la ville, incluant dans une enceinte trois nouvelles collines, le Quirinal, le Viminal et l'Esquilin. Toutefois, les modernes contestent à Servius la paternité de ces réformes, que l'on ne peut précisément dater, et qui semblent postérieures en tous cas.
3/ Le retour en force des ambitions
On dit que l'Histoire bégaie. Elle devient ici de plus en plus atroce au fil des règnes.
Servius Tullius avait marié ses deux filles à deux frères, les fils (ou petits-fils ?) de Tarquin l'Ancien. En rachat peut-être de sa propre prise de pouvoir à leurs dépens ? Tite-Live présente ainsi les deux couples ainsi formés :
C'était une souffrance pour la fière Tullia de ne pas trouver trace d'ambition ni d'audace chez son mari. Elle, lors, de se tourner tout entière du côté de l'autre Tarquin et de l'admirer : « Celui-là était un homme, il avait du sang royal », et de mépriser sa sœur, pourvue d'un mari énergique, dont cette faible femme paralysait l'audace. (…) Si les dieux lui avaient donné le mari qu'elle méritait, elle n'aurait pas tardé à voir chez elle la royauté qu'elle voyait chez son père.
On devine l'issue : un double meurtre libéra les ambitieux de leur conjoint respectif, et ils s'épousèrent avec l'accord arraché au roi en exercice, qui signait ainsi son arrêt de mort. Ces manoeuvres machiavéliques nous entraînent vers une couleur romanesque à laquelle Tite-Live sait sacrifier. On retrouve encore dans cette troisième génération le rôle puissant des femmes étrusques, aux antipodes de ce que sera plus tard le statut féminin au cours des siècles sous la République et l'Empire.
4/ Le complot criminel
D'emblée, le jeune Tarquin agit odieusement : par des largesses et des calomnies contre le roi, il achète la jeunesse et les Pères élus. Il en vient au pire : s'asseoir sur le trône dans la curie au milieu de la terreur générale (il a fait irruption avec une escorte armée). Puis il appelle les sénateurs à siéger près du nouveau chef Tarquin. Sur ces entrefaites, accourt le roi en titre qui demande compte de cet outrage. L'usurpateur lui rétorque insolemment qu'il n'occupe que le trône paternel qu'un vulgaire esclave lui avait confisqué. Ayant saisi le vieil homme à bras le corps, il le jette en bas des marches hors de la curie. On raconte que Tullia, fière du coup de force de son mari, accourue au forum avec son attelage roula sur le corps exsangue de son père, et revint au foyer conjugal souillée d'éclaboussures. Un modèle de lady Macbeth ?
Avec ce couple maudit commençait une ère terrible. Le nouveau maître fut surnommé Le Superbe, l'adjectif latin désignant un orgueil dominateur et sans bornes (cf. l'hybris des Grecs).
V- La tyrannie du dernier roi
1/ Les actes immédiats
Tarquin le Superbe prétendit se maintenir en place par la violence qui avait inauguré son règne. Il abolit la Constitution de son prédécesseur et décima les Pères suspectés de fidélité à Servius Tullius. Il n'en nomma point d'autres afin de discréditer ce corps très affaibli. Il exila et priva de leurs biens tout ennemi potentiel. Il régna seul, depuis sa maison, arbitrairement donc, réglant les affaires publiques (guerre, paix, traités, alliances) avec quelques conseillers de son choix, sans le peuple, sans le sénat. Pareille tyrannie dura 25 ans, de 534 en 509, année décisive.
2/ Le destin en marche
Un de ses fils, Sextus, avait hérité du même tempérament porté aux violences extrêmes. Ce dernier avait déjà permis à son père, par une trahison, de gagner une nième guerre contre les Latins. Mais un prodige effrayant ébranla un jour le tyran (un serpent surgi d'une colonne de bois) qui dépêcha ses deux autres fils consulter l'oracle de Delphes. Par jeu, ils avaient amené leur cousin Brutus qui contrefaisait l'idiotie afin de se protéger, son propre frère ayant déjà été mis à mort par son oncle.
La Pythie trancha : «Le souverain de Rome sera celui d'entre vous, jeunes gens, qui le premier donnera un baiser à sa mère.» Les deux frères jurèrent de n'en rien dévoiler au troisième, Sextus, resté à Rome. Ils ne s'avisèrent même pas que Brutus feignait de tomber par bêtise et baisait le sol, car lui avait compris le sens caché de l'oracle : la terre est notre mère à tous, nous humains. Encore un épisode mythique bien sûr, mais qui restaure symboliquement la notion de sacré et le choix de l'élu légitime, deux valeurs devenues lettres mortes au nom des pires sacrilèges.
Une autre valeur restait à rétablir, mais le prix en fut exorbitant : après les exactions criminelles de Tullia, l'image de la Femme romaine méritait de recouvrer son honneur, sa respectueuse plénitude.
3/ Le viol de Lucrère
Un épisode célèbre, dont les peintres du grand siècle s'emparèrent aussi, dont Benjamin Britten a fait un opéra, mais que l'on situe mal dans le monde antique. Le traitre Sextus revient sur la scène. Ayant surpris l'épouse modèle de Tarquin Collatin (un petit neveu de l'Ancien) loin des fastes royaux, travaillant la laine avec ses servantes, dans la paix du foyer (image iconique de la Romaine parfaite), il est pris d'un coupable désir et revient seul un soir dans l'intention de l'outrager. Il parvient à violer Lucrèce, la soumettant à un chantage abject : si elle refuse, il la tue avec à son côté un cadavre d'esclave nu suggérant un ignoble adultère. Puis il s'enfuit.
Désespérée, elle envoie chercher son père, son mari qui accourent avec Brutus. Leur ayant fait jurer de laver son déshonneur, elle se poignarde sous les yeux des siens.
4/ La fin de l'oppession
Laissant la famille à sa douleur, Brutus tire le couteau de la plaie et s'écrie :
Par ce sang si pur avant le crime du prince, je jure devant vous, ô dieux, de chasser Lucius Tarquin le Superbe, lui, sa criminelle épouse et toute leur descendance, par le fer, par le feu, par tous les moyens qui seront en mon pouvoir, et de ne plus tolérer de rois à Rome, ni eux, ni aucun autre. (…) Stupéfaits de ce miracle et du génie qui se révélait dans l'âme de Brutus, ils répètent son serment.
Vibrante promesse, réalisation de la prophétie delphique, c'est un raccourci narratif bien sûr d'une page d'Histoire à écrire encore. Elle sonne la fin d'un long régime monarchique. Brutus exhorte à prendre les armes la foule informée du dernier crime et à bout de souffrances. L'insurrection s'organise et la famille des Tarquin est chassée de Rome. Le livre I s'achève sur ce qui inaugure le fonctionnement de la République :
On nomma alors deux consuls dans les comices par centuries convoqués par le préfet de la ville d'après le manuel politique de Servius Tullius : ce furent Lucius Junius Brutus et Lucius Tarquin Collatin.
Tite-Live a sacrifié au devoir de raconter un épisode connu de tous, mais porteur de tous les symboles qui nourriront l'âge d'or républicain : le respect des dieux, le foyer sacré, le code d'honneur, les liens du mariage.
VI- Le livre des origines : dernier regard et relecture
1/ Une structure narrative éprouvée
Goût pour une ligne équilibrée :
– Trois rois sabins / trois rois étrusques
– Construction épisodique : récit / discours / analyse
– Procédé ternaire : dramatisation sans excès / harangues selon la rhétorique classique / réflexion sur le problème des sources
– Une dominante réaliste : la violence (âpreté des enjeux, impitoyables luttes de pouvoir)
Prise en compte de schémas mentaux :
– Des jalons d'indices : les prodiges, ou les signes (cf. goût des Anciens allant jusqu'à la superstition)
– Le merveilleux comme symbole : l'Aigle ou la flamme sur la tête d'un élu ; le serpent hors de la colonne ; le baiser à la terre-mère
– Le discours à chaque prise de pouvoir, orientant la politique à venir.
2/ Influences et confluences
– L'héritage grec :
La figure de Tarquin le Superbe est manifestement modelée sur le type grec du tyran. Quant à la fin dramatique de Servius Tullius victime de ses enfants, comment ne pas penser aux grandes maisons de Mycènes et de Thèbes (Agamemnon, Clytemnestre ; Œdipe et Laïos, etc.), immortalisées par les tragiques grecs?
– L'héritage de traditions folkloriques :
Selon l'universitaire bruxellois Claude Stercks, on peut retrouver la théorie de Dumézil sur les 3 fonctions I.E. partageant le monde en trois classes sociales (l'autorité / le guerrier / le peuple) et en 3 classes asociales (le métèque / l'esclave / l'étranger hostile). Ainsi les trois derniers rois étrusques pourraient représenter ces hors-classes que l'anthropologie juridique romaine nomme les pérégrins : Tarquin l'Ancien le métèque venu de Tarquinies; Tullius Servius l'esclave selon certaines traditions; Tarquin le Superbe le tyran ennemi.
3/ Le jeu des anachronismes
Selon Jacques Poucet, (professeur émérite à Louvain et membre de l'Académie royale de Bruxelles), Tite-Live est parfaitement conscient de leur présence. On décèle une interaction constante entre les événements des derniers siècles de la République et le récit traditionnel qui en reflète les tensions. L'objectif poursuivi relève de l'idéologie politique, bien sûr : glorifier Rome, sa force, ses hauts faits, ses grandes familles, etc.
– Ex. la mise en scène autour de la meilleure forme de gouvernement :
Les relations du roi avec le sénat (les Pères), et avec le peuple, notamment sur leur importance respective dans la désignation du roi ne traduisent pas les préoccupations des Tarquins, mais celles des annalistes républicains pris dans les luttes politiques violentes de leur temps et qu'ils projettent dans leur lointain passé.
– Le verdict de l'archéologie :
La tradition a sans vergogne attribué aux derniers rois des réalisations de date très postérieure : construction des gradins du Grand Cirque, réseau souterrain de la Maxima Cloaca, enceinte de pierre autour de Rome. Il s'agissait de montrer que très tôt la cité avait été une grande ville.
Dernier exemple : l'organisation en centuries prêtée à Servius Tullius ne peut remonter aussi loin, et date certainement du IIIe siècle A.C. seulement.
Conclure…
Allons, soyons honnêtes, que retiendrons-nous de cette épopée tarquinienne ? la création des murs d'enceinte ou l'arrivée de Tarquin couronné par l'Aigle royal ? L'organisation centuriate ou la tragédie du vieux roi trahi et trainé par sa fille ? Merci à Tite- Live conteur hors pair, qui sut équilibrer ainsi son travail d'historien et son art du tableau.
BIBLIOGRAPHIE
– Tite-Live, Histoire romaine, livre I, Belles Lettres, 1963.
– G. Hacquard, Guide romain antique, Classiques Hachette.
– Jacques Poucet, Les Rois dits étrusques ou la lente émergence de l'Histoire, « Les Conférences de Clio », 27/3/2006.
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Quae ante conditam condendamue Vrbem poeticis magis decora fabulis quam incorruptis rerum gestarum monumentis traduntur, ea nec adfirmare nec refellere in animo est.
Quant aux événements qui ont précédé immédiatement la fondation de Rome ou ont devancé la pensée même de sa fondation, à ces traditions embellies par des légendes poétiques plutôt que fondées sur des documents authentiques, je n'ai l'intention ni de les garantir, ni de les démentir.
TITE-LIVE, Préface à l'Histoire romaine