<== Retour


Charles Barbara

LA FAUTE D'IRMA GILQUIN


RÉSUMÉ :

John Maxwell avait quitté l'Écosse afin de s'établir en Sologne dans le château des Ormes,  près de La Ferté, pour y vivre dans le plaisir et dépenser sa fortune sans compter. Dans la ville voisine, il remarqua une jeune fille très belle, Irma Gilquin. Ayant échoué à la séduire, il lui fit le serment de l'épouser si elle se laissait enlever. Irma y consentit et John se retrouva marié, amoureux fou de son épouse et faisant tout pour lui complaire.

Puis il retomba dans ses anciennes habitudes, s'enivrant régulièrement avec des amis de rencontre. Irma, se tenant à l'écart, ne tarda pas à s'ennuyer, soucieuse seulement d'assurer, grâce à l'argent de son mari, le bien-être de ses parents, de ses frères et de ses soeurs.

John Maxwell fit alors la connaissance d'un peintre, Claude Saint-Martin, qui l'impressionnait par sa faconde et ses airs de matamore. Ce Claude s'inscruta dans le château pendant plus de six mois. Irma avait du mal à le supporter, mais son mari, qui avait peur de le voir partir, se servait de la beauté de sa femme pour le retenir, ce qui, bien sûr, excita les convoitises du peintre. Celui-ci s'appliqua vite à se concilier les bonnes grâces d'Irma par d'incessantes flatteries et en jouant l'homme désespéré de ne pas trouver une âme jumelle capable de la comprendre. Cette tactique réussit et le mari, naïf, ne s'inquiéta pas des relations chaque jour plus intimes que sa femme entretenait avec Saint-Martin.

Quant il eut obtenu ce qu'il voulait, Claude redevint lui-même, dépouillant son masque de réserve et risquant même des facéties obscènes. Irma ne le supporta plus et, pleine de dégoût, refusa de le revoir. John lui-même cessa d'admirer le peintre et lui donna même des signes d'impatience. Finalement Claude, plein de ressentiment, dut se résigner à quitter le château.

La veille de son départ, les deux hommes se laissèrent aller à leurs beuveries habituelles. Comme Claude avait tenté en vain de séduire la jeune servante Justine en lui promettant boucles d'oreilles et chaîne d'or, John le traita de vantard et de fanfaron, se moquant de son peu de succès auprès des femmes. Claude, qui avait de quoi répondre, lui cita les vers dans lesquels Jean de Meung prétend que toutes les femmes ont été, sont ou seront des putes. Puis il ne put s'empêcher de lui dire clairement : « Tu es par trop naïf de croire que, dans mes trois mois de tête-à-tête avec ta femme, je ne me suis préoccupé que de son portrait ! » Cette allusion, ou plutôt cet aveu, rendit John furieux et les deux hommes, sous l'influence de l'alcool, tentèrent de se battre, puis s'endormirent.

Le lendemain, John reprocha à sa femme de lui avoir fait jouer le rôle du mari ridicule et lui révéla qu'il venait de l'apprendre de Claude lui-même. Irma ne nia pas, mais affirma qu'elle s'était aussitôt repentie de sa faute et qu'elle n'éprouvait plus pour Claude que de la haine. Mais, puisque son mari était au courant, incapable de le regarder désormais en face, elle lui dit qu'il la voyait pour la dernière fois.

C'est qu'en réalité, elle venant de décider de tuer Saint-Martin et de mourir elle-même.

Elle prit alors ses dispositions.D'abord, refusant le pardon que son mari se disait prêt à lui accorder et lui faisant croire qu'elle allait se réfugier chez une vieille tante, elle lui fit jurer qu'il continuerait à venir en aide à sa famille. Puis elle lui demanda qu'il fasse en sorte qu'avant son départ elle puisse passer un moment seule avec Claude.

Alors elle chargea deux pistolets, fit cadeau d'un anneau d'or à sa servante Justine, répartit ses autres bijoux et ses vêtements entre ses soeurs, enfin écrivit une lettre dans lequel elle révélait à son mari son intention de mourir après avoir tué son séducteur.

Pendant ce temps John était parti chercher Claude. Mais celui-ci, craignant la colère d'Irma, avait quitté le château clandestinement à pied. John s'élança à cheval pour le rejoindre et le contraindre de revenir.

Pendant que John attendait en bas, Claude entra dans la chambre d'Irma. Elle lui demanda de pousser les verroux de la porte et l'accueillit avec un visage affable et des manières engageantes. Puis, changeant brusquement de ton, elle l'insulta et, prenant un pistolet dans la corbeille où elle l'avait dissimulé, elle lui tira une balle en plein visage, avant de prendre le second et de se tuer elle-même d'une balle dans la poitrine. Au bruit, Maxwell, affolé, fit enfoncer la porte : il trouva sa femme morte et Claude grièvement blessé.

Irma eut des obsèques et un tombeau magnifiques. Saint-Martin survécut, mais défiguré. Et John Maxwell resta fidèle au serment qu'il avait fait de subvenir à tous les besoins de la famille Gilquin.

 


<== Retour