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Diane MARCHAND

ANDROMÈDE, UNE VICTIME DE RÊVE

Atelier du samedi 2 mars - Exemplier


Apollodore, Bibliothèque, II, 4, 3, IIème s. (?)

Persée arriva en Éthiopie, où régnait Céphée, et il découvrit qu'Andromède, la fille du roi, avait été exposée pour devenir la proie d'un monstre marin. Car Cassiopée, l'épouse de Céphée, avait osé défier les Néréides dans un concours de beauté, en se vantant d'être plus belle qu'elles toutes.

Les Néréides s'étaient offensées, et Poséidon se mit en colère : il envoya une inondation pour dévaster tout le territoire, et aussi un monstre marin. Ammon avait alors donné sa réponse : la seule façon de faire cesser ce fléau était de livrer Andromède, la fille de Cassiopée, en pâture au monstre. Céphée, sous la pression de ses sujets Éthiopiens, obéit : il enchaîna la jeune fille à un rocher.

Quand Persée l'aperçut, il tomba immédiatement amoureux d'elle, et il promit à Céphée de tuer le monstre et de sauver Andromède, à condition de l'avoir pour épouse. L'accord fut scellé par un serment. Persée attaqua le monstre marin d'en haut, le tua et libéra Andromède. Mais Phinée, le frère de Céphée, à qui Andromède avait été promise, fomenta un complot contre Persée. Ayant découvert le piège, le héros brandit la tête de la Gorgone devant Phinée et ses complices, et, aussitôt, tous furent pétrifiés. [...]

Il eut des enfants d'Andromède ; avant son départ pour la Grèce, était né Persès, qui resta vivre avec Céphée (de lui vient, dit- on, la dynastie perse) ; mais à Mycènes naquirent Alcéos, Sthénélos, Héléos, Mestor, Électryon, et une fille, Gorgophoné, qui épousa Périérès.


Hygin, Fables, LXIV, Andromeda, Ier s.

Cassiope filiae suae Andromedae formam Nereidibus anteposuit. Ob id Neptunus expostulauit ut Andromeda Cephei filia ceto obiceretur. Quae cum esset obiecta, Perseus Mercurii talaribus uolans eo dicitur uenisse et eam liberasse a periculo ; quam cum adducere uellet, Cepheus pater cum Agenore, cuius sponsa fuit, Perseum clam interficere uoluerunt. Ille cognita re caput Gorgonis eis ostendit omnesque ab humana specie sunt informati in saxum. Perseus cum Andromeda in patriam redit. Polydectes [siue Proetus] ut uidit Perseum tantam uirtutem habere, pertimuit eumque per dolum interficere uoluit; qua re cognita Perseus caput Gorgonis ei ostendit et is ab humana specie est immutatus in lapidem. Cassiopée plaça la beauté de sa fille Andromède plus haut que celle des Néréides. C'est pourquoi Neptune exigea qu'Andromède, fille de Céphée, soit exposée à un monstre marin. C'est dans cette situation que la trouva Persée, dont on dit que, volant par là chaussé des sandales ailées de Mercure, il la libéra du danger ; il voulut ensuite l'emmener, mais son père Céphée et son fiancé Agénor tentèrent ouvertement de le tuer. Lui réagit en leur montrant la tête de Gorgone, et tous, à partir de leur forme humaine, furent pétrifiés. Persée rentra chez lui avec Andromède. Polydectes, ou Proetus, voyant que Persée avait tant de courage, et saisi de crainte, voulut le tuer par ruse ; Persée réagit en lui montrant la tête de Gorgone, et, à partir de sa forme humaine, il fut pétrifié.

Ovide, Métamorphoses, IV, 665-770, Ier s.

672
quam simul ad duras religatam bracchia cautes uidit Abantiades, nisi quod leuis aura capillos mouerat et tepido manabant lumina fletu, marmoreum ratus esset opus ; trahit inscius ignes et stupet et uisae correptus imagine formae paene suas quatere est oblitus in aere pennas. ut stetit, 'o' dixit 'non istis digna catenis, sed quibus inter se cupidi iunguntur amantes, pande requirenti nomen terraeque tuumque, et cur uincla geras.'

Persée la voit attachée sur un rocher, et, sans ses cheveux qu'agite le Zéphyr, sans les pleurs mouillant son visage, il l'eût prise pour un marbre travaillé par le ciseau. Atteint d'un feu nouveau, il admire; et, séduit par les charmes qu'il aperçoit, il oublie presque l'usage de ses ailes. Il s'arrête : "Ô vous, dit-il, qui ne méritez pas de porter ces chaînes ; vous que l'amour a formée pour de plus doux liens, apprenez-moi, de grâce, votre nom, celui de ces contrées, et vous portez des fers! "

Photios, Bibliothèque 186 : Conon, Récits 40

[Résumé par Photius, IXème s., d'un récit de Conon, mythographe contemporain d'Ovide, qui avait écrit des variations sur un récit d'inspiration evhémériste.]

<On dit que> Cèpheus avait une fille très belle, Andromède, et qu'elle était courtisée par Phoenix et par le frère de Cèpheus, Phinée. Cèpheus, après beaucoup de réflexions sur chacun des deux partis, décida de la donner à Phoenix, mais de déguiser son consentement en un enlèvement accompli par le prétendant. Et Andromède dut partir d'une petite île déserte où elle avait l'habitude de se retirer pour offrir des sacrifices à Aphrodite. Phoenix l'ayant enlevée sur un navire (celui-ci était appelé baleine soit parce qu'il avait l'aspect de cet animal, soit par hasard), Andromède, comme si on l'enlevait à l'insu de son père, se mit à se lamenter bien haut et, avec des gémissements, elle appelait pour qu'on vienne à son secours. Persée, le fils de Danaé, naviguait providentiellement dans les parages. Et, dès le premier regard sur la jeune fille, saisi à la fois de pitié et d'amour, il détruisit le navire, la baleine, et il massacra l'équipage presque pétrifié par la terreur. Et c'est ceci, pour les Grecs, la baleine du mythe et les hommes figés en pierres par la tête de la Gorgone. Persée donc épousa Andromède. Et elle, elle partit en Grèce avec Persée sur son bateau, et il régna sur Argos.


J.-M. de Heredia, Les Trophées, 1893
[après Andromède au monstre et Persée et Andromède]
Le ravissement d'Andromède

D'un vol silencieux, le grand Cheval ailé
Soufflant de ses naseaux élargis l'air qui fume,
Les emporte avec un frémissement de plume
À travers la nuit bleue et l'éther étoilé.

Ils vont. L'Afrique plonge au gouffre flagellé,
Puis l'Asie... un désert... le Liban ceint de brume...
Et voici qu'apparaît, toute blanche d'écume,
La mer mystérieuse où vint sombrer Hellé.

Et le vent gonfle ainsi que deux immenses voiles
Les ailes qui, volant d'étoiles en étoiles,
Aux amants enlacés font un tiède berceau;

Tandis que, l'oeil au ciel où palpite leur ombre,
Ils voient, irradiant du Bélier au Verseau,
Leurs Constellations poindre dans l'azur sombre


T. de Banville, Les princesses, 1874
Andromède

Gentibus innumeris circumque infraque relictis,
Aethiopum populos, Cepheia conspicit arva.
Illic immeritam maternae pendere linguae
Andromeden poenas immitis jusserat Ammon.

(Ovide, Métam., IV)

Andromède gémit dans le désert sans voile,
Nue et pâle, tordant ses bras sur le rocher.
Rien sur le sable ardent que la mer vient lécher,
Rien ! pas même un chasseur dans un abri de toile.

Rien sur le sable, et sur la mer pas une voile !
Le soleil la déchire, impitoyable archer,
Et le monstre bondit comme pour s'approcher
De la vierge qui meurt, plus blanche qu'une étoile.

Ame enfantine et douce, elle agonise, hélas !
Mais Persée aux beaux yeux, le meurtrier d'Atlas,
Vient et fend l'air, monté sur le divin Pégase.

Il vient, échevelé, tenant son glaive d'or,
Et la jeune princesse, immobile d'extase,
Suit des yeux dans l'azur son formidable essor.


 

Persée délivrant Andromède
Vase corinthien,
-500
Altes Museum, Berlin

 

Persée libère Andromède
Fresque de la Maison des Dioscures, Pompéi
50-100
Naples, Musée archéologique


 

Carl von Linné, Flora Lapponica, 1737
Andromeda ficta et uera, mystica et genuina, figurata et depicta


Véronèse, Persée délivre Andromède
1576-1578
MBA de Rennes
Gustave Moreau, Andromède
1891

© Association orléanaise Guillaume-Budé


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