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PRÉSENTATION DES CONFÉRENCES DE LA SAISON 2023-2024


 


Jean-François BRADU

L'Arche de l'Alliance sur la mosaïque de Germigny-des-Prés

Jean-François Bradu est professeur agrégé d'histoire-géographie.

Il a consacré à la mosaïque de Germigny-des-Prés un site internet http://jfbradu.free.fr/mosaiques/germigny/index.htm

Il s'agit de comprendre pourquoi Théodulf a, contrairement à toutes les représentations dans les absides principales des églises, pris comme sujet principal un objet : l'Arche de l'Alliance.

Il s'agit aussi de mettre en relation des détails de la mosaïque (qui a subi quelques restaurations maladroites) avec ce que disent de l'Arche de l'Alliance les textes de l'Ancien Testament.

 

Pierre-Alain CALTOT et autres (lecture polyphonique)

Scandales dans la Rome républicaine

Retour sur les discours célèbres de Cicéron, Romain du -Ier siècle, homme d'État, philosophe, avocat, grande figure d'une époque où les scandales se multiplient dans une République vacillante. Cicéron est au centre, comme acteur, témoin, victime ou parfois bénéficiaire, mais toujours orateur brillant. Depuis Verrès et ses nombreuses exactions envers ses administrés ou contre des lieux sacrés lors de sa propréture en Sicile, jusqu'aux trois figures déplorables parmi les hommes politiques du moment, Catilina, Milon ou Clodius, nous découvrirons les luttes intestines, les sacrilèges, les scandales sexuels et les assassinats. À mesure que les abus et dérives politiques se multiplient, la République s'affaisse un peu plus, avant de s'effondrer. On ne peut pas ne pas penser à ce qui s'est passé, à ce qui se passe encore dans certaines démocraties parlementaires. Nous tenterons de restituer par une lecture polyphonique les morceaux les plus célèbres des textes les plus célèbres.

On se réfèrera à la publication posthume, par Paul Marius Martin et Émilia Ndiaye, de travaux d'Alain Malissard qui avait projeté de parcourir la Rome républicaine pour raconter quelques-uns des grands scandales qui ont alors scandé l'histoire de la Ville. Il s'agit de l'ouvrage Scandales, justice et politique à Rome, Garnier, 2018, 37 €.

"Les affaires où apparaît Cicéron, à une période où les scandales se multiplient montrent la face obscure du dernier siècle de la République. Cicéron est au centre, comme acteur, témoin, victime ou bénéficiaire. La première affaire met en cause le tristement célèbre Verrès, dont les nombreuses exactions envers ses administrés ou contre des lieux sacrés, lors de sa propréture en Sicile, sont dénoncées vigoureusement par l'orateur en 71-70. Durant les mêmes années, Cicéron plaide à deux reprises dans des affaires en lien avec de sombres histoires de captation d'héritages où assassinats, empoisonnements et remariages se succèdent. Une première fois en 74, il défend sans succès Scamander, accusé de tentative d'assassinat par Cluentius; la seconde fois, en 66, son intérêt s'est déplacé et le conduit à défendre brillamment le même Cluentius, accusé à son tour. L'implication de Cicéron va croissant durant les années qui vont de 63 à 52, dans des affaires étroitement imbriquées entre elles et qui mettent en scène trois figures scandaleuses parmi les hommes politiques du moment. L'affaire Catilina et ses conséquences : après l'heure de gloire du consul, l'exil , avant le retour triomphal. Puis ce sont les épisodes de la lutte entre Milon, soutenu par les optimates, fraction conservatrice du Sénat, et Clodius, du côté des populares, à l'occasion de chacun des procès les concernant : celui qui suit le sacrilège de la présence de Clodius au culte de la Bona Dea réservé aux femmes, la nuit 4 au 5 décembre 62 ; et le procès de Milon accusé, dix ans plus tard, du meurtre de Clodius. À mesure que les scandales politiques se multiplient, la République s'affaisse un peu plus, avant de s'effondrer. On ne peut pas ne pas penser à ce qui s'est passé, à ce qui se passe dans notre démocratie parlementaire." (Préface, p. 9)

 

Bernard CERQUIGLINI

Le français, une langue, des institutions, des valeurs

Bernard Cerquiglini est professeur émérite de l'Université de Paris VII-Diderot, ancien recteur de l'Agence universitaire de la Francophonie, vice-Président de la Fondation des Alliances françaises et membre de l'Académie royale des sciences, lettres et beaux-arts de Belgique. Il a publié de nombreuses études sur la langue française.

Il a mis en lumière les origines de cette langue, issue d'un latin populaire mêlé de gaulois et de germanique. Àcause de ces origines peu glorieuses, on a voulu lui redonner une noblesse en multipliant les règles orthographique et syntaxiques. Voir
Une langue orpheline, éd. de Minuit, 2007, 25 €
L'invention de Nithard, petit-fils de Charlemagne, éd. de Minuit, 2018, 15 €
La Naissance du français, Que Sais-je, 2020, 10 €

B. Cerquiglini a souligné les bizarreries, les incohérences du français : accord du participe passé, accent circonflexe, etc.Voir :
L'accent du souvenir, 1995
Petites chroniques du français comme on l'aime, Larousse, 2012, 20 €
Un participe qui ne passe pas, Point, 2021, 7,20 €

B. Cerquiglini a étudié les réactions devant les tentatives d'apporter des changements à la langue écrite ou parlée :
L'orthographe rectifiée, J'ai lu, 2016
Le Ministre est enceinte ou la grande querelle de la féminisation des noms, Seuil, 2018, 16 €

En il s'est amusé du dévelopement d'un "français tronqué" comme dans 'le prof de maths regarde la télé' (Parlez-vous tronqué ? Larousse, 2019, 18 €)

       

La langue française possède trois caractères, dont la réunion forme la singularité. C'est tout d'abord une langue. Elle appartient aux idiomes romans, mais son histoire est particulière : elle est septentrionale et atypique. C'est ensuite une institution. Depuis longtemps écrite, protégée du pouvoir, normalisée, elle est un idiome littéraire, politique, grammairien. C'est enfin un ensemble de valeurs, déposées par l'histoire (partage, solidarité, diversité), dans lesquelles les francophones se reconnaissent. La réunion des trois explique la Francophonie, politique de solidarité linguistique mondiale, seule organisation internationale fondée sur une langue.

 

Charles DAVOINE

Saleté et difformité : les ruines dans les villes romaines

Charles Davoine maître de conférence en histoire romaine à l'Université de Toulouse-II-Jean-Jaurès,

Il est l'auteur de La ville défigurée : Gestion et perception des ruines dans le monde romain, éd. Ausonius 2021, 25 €

Les Romains n'aimaient pas les ruines. Les édifices vétustes, ébréchés ou effondrés étaient perçus comme une difformité pour le paysage urbain et une menace pour l'idéal civique, sans considération pour leur ancienneté. Les ruines sont donc toujours combattues : les pouvoirs publics obligent ou encouragent à reconstruire et les bienfaiteurs célèbrent sur des inscriptions leur action restauratrice. Nous étudierons donc les textes latins, littéraires, juridiques ou épigraphiques, qui évoquent la saleté ou la laideur des ruines pour mieux valoriser l'ornementation publique, condition nécessaire à l'épanouissement des cités et à la pérennité de la domination romaine.

 

Christophe GENIN

Le street art comme lien social

Christophe Genin, né en 1958, est professeur de philosophie de l'art et de la culture à Paris I Panthéon-Sorbonne. Ses travaux portent sur les cultures à l'ère de la mondialisation, sur les arts et cultures populaires au regard des processus de reconnaissance et de refus, avec leurs incidences morales et politiques. Il a notamment écrit Kitsch dans l'âme (Vrin, 2010). Il s'intéresse au graffiti et au street art depuis 1985 et a rédigé de nombreux articles et livres sur le sujet, dont Le street art au tournant et Le street art en question(s).

Le street art au tournant, de la révolte aux enchères, Les Impressions nouvelles, 2016, 29,50 € Le street art en question(s),
Uppr, 2017, 20 €

Ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui street art connaît, quant à sa capacité à créer ou entretenir un lien social, une évolution notable. Réputé fragmenter, voire briser l'espace public (des rues ou du métro, par exemple) par une appropriation graphique des murs au service d'individus ou de communautés parcellaires, si ce n'est sécessionnistes, ce street art fut souvent pourchassé par les représentants du bien public afin de dissuader les activistes d'un tel "vandalisme". Aujourd'hui encore, même si le marché de l'art et les politiques publiques tentent de le rendre plus "urbain" (aux sens architectural et moral), le street art reste associé à l'idée d'un communautarisme lié à des micro-sociétés (des pixadores,  du tattooing, du graffiti vandale, etc.) en  rupture de communauté nationale. Contre cette vision réductionniste, souvent oublieuse d'une histoire complexe du street art, on montrera, à partir d'exemples ou d'événements précis (en particulier les attentats parisiens de 2015), qu'une recherche d'un lien local par des milieux singuliers non seulement n'est pas incompatible avec ce qu'on pense aujourd'hui sous le terme ancien de "commun", mais encore peut contribuer à une révision du concept de fraternité depuis le terme grec d'adelphe.

 

Gaël RIDEAU

La procession en France au XVIIIe siècle : faire lien entre espace, temps et société

Gaël Rideau est professeur d'histoire moderne à l'Université d'Orléans.

Il est l'auteur de :
De la religion de tous à la religion de chacun : Croire et pratiquer à Orléans au XVIIIe siècle
Une société en marche : les processions en France au XVIIIe siècle, ChampVallon, 2021, 30 €

 

La procession mobilise une communauté et la rend visible, notamment lorsqu'elle sort dans la rue. Cette dimension communautaire prend alors de multiples aspects. Rituel religieux, la procession est d'abord une prière ou une action de grâce adressée à Dieu, qui peut mobiliser plusieurs intercesseurs. Pour certaines fêtes, comme l'Assomption ou surtout la Fête-Dieu, elle est aussi intégration de la communauté dans le monde catholique. Pratique sociale, la procession met en scène des rangs et préséances, tout en formant un idéal communautaire. Lieu de mémoire, elle tisse un lien entre le présent et le passé, par le parcours, les rappels mémoriels. Forme politique, elle peut aussi intégrer la communauté locale dans le lien monarchique, par la célébration d'une naissance, par le rappel du vœu de Louis XIII. Par toutes ces dimensions, la procession construit un réseau de relations complexes qui témoignent des évolutions sociales et religieuses du XVIIIe siècle et de la place de la rue dans la société du temps. Ce sont ces aspects qui seront abordés, au travers d'exemples précis dont celui d'Orléans.

 

Hélène de SAINT-AUBERT

Quand la femme est l'homologue de l'homme : la révolution anthropologique de la Genèse

Hélène de Saint-Aubert est agrégée et docteure ès lettres, licenciée en sciences religieuses.

Elle est l'auteur de Sexuation, parité et nuptialité dans le second récit de la Création, Genèse 2, éd. du Cerf, 2023, 22 €

H. de Saint-Aubert a montré que, contrairement à bien des idées reçues (Ève serait née d'une des "côtes" d'Adam) , le second récit de la Création dans la Genèse présente la femme comme l'égale et l'homologue de l'homme, vouée à vivre avec lui une relation qui les dépasse tous deux. Chaque sexe est un des deux " côtés " de l'humanité. La femme est la partenaire de Dieu pour écrire l'histoire
 Si l'on porte attention aux procédés narratifs, à la structure du récit, au vocabulaire employé comme aux relations d'intertextualité tissées avec l'ensemble du Livre de la Genèse, on s'aperçoit que, dans ce mythe, la femme n'est nullement dépréciée. Ainsi H. de Saint-Aubert invite à repenser en profondeur l'anthropologie biblique et révèle une conception originale de la sexuation et de la relation entre les sexes.

 

Luc TARTAR

De la rumeur d'Orléans à sa représentation théâtrale

 

Luc Tartar   Éric Cénat

Luc Tartar est auteur et comédien. Sous le titre Dorphé aux Enfers, il a écrit en 2021 un texte sur la "rumeur d'Orléans".

Ce texte a été mis en scène par Éric Cénat, lui-même comédien, directeur du Théâtre de l'Imprévu (Maison Bourgogne)

Il s'agissait, cinquante ans après la "rumeur", d'une invitation à réfléchir sur notre actualité minée par la multiplication exponentielle des "fakes news" et des théories les plus absurdes sur les réseaux sociaux.

En mai 1969, un bruit court dans Orléans : dans certains magasins de vêtements, la cabine d'essayage est truquée; lorsqu'une jeune femme y pénètre, une trappe s'ouvre et elle se retrouve dans un souterrain où elle est droguée par injection hypodermique puis expédiée au Moyen-Orient pour y être prostituée. Cette "rumeur" sans aucun fondement fut prise au sérieux par un grand nombre de personnes. Dans des lycées de la ville, il arriva qu'on incite les filles à se méfier des magasins de vêtements de la rue de Bourgogne (comme par hasard, ceux tenus par des Juifs). Certains, pour désamorcer ce fantasme, s'amusèrent à "en remettre" en expliquant que, par un réseau de souterrains, les victimes étaient amenées jusqu'à un sous-marin qui, descendant la Loire, les amenait jusqu'à l'Océan. Et ils eurent la surprise de s'apercevoir que leur canular était parfois pris au sérieux ! Il fallut plusieurs semaines pour que la "rumeur" s'éteigne.

En juillet, une équipe de sociologues vint sur place pour enquêter et Edgar Morin publia fin 1969 une étude La rumeur d'Orléans.

La Rumeur d'Orléans, réédition 2017, Points, 9,50 €

Au coeur de la pièce de Luc Tatar, il y a un personnage de jeune fille, qui a 17 ans en 1969. Elle ne croit pas à la rumeur. Elle est confrontée à ceux qui y croient, amies et connaissances qui tentent de l'influencer, ainsi qu'aux adultes qui l'entourent, mère, professeurs, journaliste… qui mettent en garde ou qui protègent, mais dont elle va se démarquer pour faire son propre chemin vers la vérité. Cette jeune fille va trouver en elle l'énergie et la force pour tenter de comprendre ce qui se passe, pour analyser la situation et, finalement, pour résister à la rumeur. C'est un personnage positif, une force de vie adolescente qui se dresse contre la bêtise...

Luc Tartar a écrit :
"Depuis plusieurs années j'écris des pièces de théâtre qui s'adressent aux adolescents, à leurs parents et à leur entourage. Aborder le thème de la rumeur, c'est m'intéresser aux fragilités adolescentes, aux fantasmes collectifs, aux menaces et interdits parfois brandis par les adultes, à ce monde abîmé qu'on leur laisse en héritage. À Orléans, ce sont des jeunes filles qui "disparaissent". Cet "effacement" du corps de la jeune fille est révélateur du trouble de l'époque face à l'émancipation des femmes et à leur revendication d'une place dans la société. Beaucoup de choses ont changé dans les rapports filles-garçons depuis cinquante ans, mais la crise économique, environnementale et sociale actuelle facilite le surgissement de nouvelles tensions et le retour des rumeurs les plus folles. Qu'ils soient l'objet de ces rumeurs ou qu'ils en soient à l'origine, les adolescents en sont les premières victimes, en 1969 comme en 2020. Écrire sur la rumeur d'Orléans, c'est bien sûr la mettre en perspective et la relier à toutes ces rumeurs contemporaines et autres thèses complotistes circulant sur les réseaux sociaux, c'est interroger ce qui est au cœur de l'adolescence et qui ne cesse de m'interpeler, la relation entre l'individu et le groupe, le rejet et l'attirance de l'autre, le surgissement du cauchemar en pleine réalité, la peur d'un monde qui vacille et la prise à bras-le-corps d'une violence à tout faire péter. Ma responsabilité d'écrivain de théâtre est de ne pas laisser les adolescents seuls face à la violence du monde, en mettant des mots de théâtre sur cette violence, ce qui est une façon de la questionner et de la combattre."

 

Alexandre de VITRY

Des frères de sang aux frères humains : qu'est-ce que la fraternité ?

Alexandre de Vitry est maître de conférences en littérature française des XXe et XXIe siècles à la Sorbonne-Université.

Il est l'auteur de
Conspirations d'un solitaire : l'individualisme civique de Charles Péguy, Les Belles Lettres, 2015.
Le droit de choisir ses frères ? Une histoire de la fraternité, NRF, 2023., 24 €

La "fraternité" qui clôt la devise de la République française paraît bien connue, transparente, évidente, mais elle est en réalité beaucoup plus obscure que ses voisines, la liberté et l'égalité. Son histoire à travers les siècles, qui est avant tout l'histoire d'une métaphore, est traversée par bien des ambiguïtés, bien des contradictions, depuis la fondation du christianisme jusqu'à nos préoccupations du XXIe siècle, en passant par la Révolution française, la Révolution de 1848, mais aussi l'histoire de la littérature, qui sut faire apparaître la fraternité dans toute sa richesse et toutes ses tensions.

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